Les auteures nous alertent sur les situations de discrimination dont les grosses personnes sont quotidiennement victimes.
Elles dénoncent d'abord les représentations erronées de l'obésité et de ses causes, et détaillent ensuite les domaines de la vie quotidienne dans lesquels l'obésité pose problème, pas seulement comme caractéristique physique mais aussi en raison de l'hostilité des autres ou de la société : difficultés pour s'habiller (trouver des vêtements à la bonne taille), pour se déplacer dans les transports en commun (dont l'avion), se nourrir (regard des autres, régimes "arnaques"…), travailler, etc.
Elles étayent leurs propos par de multiples exemples et de courts témoignages. Elles demandent au législateur de modifier la loi sur les discriminations spécifiques faites aux personnes en surpoids.
Certains témoignages sont édifiants et l'ouvrage nous fait prendre conscience de difficultés auxquelles nous n'aurions a priori pas songé. Sa lecture est donc très salutaire pour tous. S'agissant des représentations sur les grosses personnes, l'ouvrage met bien en évidence de multiples facteurs de surpoids (éducatifs, sociaux, psychiques…).
La dénonciation des régimes minceurs et autres méthodes présentées comme miraculeuses est particulièrement intéressante et étayée :
« Si [avec le régime Dukan] l'amaigrissement est significatif dans la première phase du régime, les ennuis arrivent par la suite : les patients ont de grandes difficultés à ne pas reprendre le poids perdu. Cela s'explique par le fonctionnement même de cette diète […]. Ah, l'haleine Dukan, on s'en souvient tous ! La perte de poids est rapide, souvent euphorisante mais vous puez de la gueule. […]. Une fois la joie des premiers kilos perdus envolée, le parcours du combattant Dukan est long et souvent semé d'embûches, et se solde trop fréquemment par un échec. ».
Une généralisation du propos selon lequel l'obésité ne résulte pas d'un manque de volonté occulte le fait que certaines personnes vivent en surpoids par choix de vie, en tout cas j'en connais. Leur devise à ceux-là est : « J'aime consommer, j'aime bouffer, je n'ai qu'une vie, une fin brutale vaut mieux qu'une longue déchéance, et oui je suis gros mais je vous emmerde… »
Je regrette aussi que la notion de « gros » ne soit pas mieux définie dans cet ouvrage, de manière plus technique ou médicale, avec plus de données chiffrées sur l'ampleur du phénomène dans notre société.
De fait, les auteures semblent fâchées avec les statistiques, comme le montre leur confusion entre une médiane (qui partage un effectif en deux) et une moyenne (telle que des collégiens savent la calculer) en page 43 :
« Selon une étude la femme moyenne en France mesure 1,62 m, pèse 62,4 kilos et s'habille en 42. Il faut donc comprendre que la moitié des femmes s'habillent au-delà de la taille 42 ».
Enfin, si les grosses personnes ne doivent pas faire l'objet de discrimination ni de jugements hâtifs de la part des autres, il n'en demeure pas moins que l'obésité en tant que telle mérite d'être regardée généralement comme la conséquence de modes de vie à corriger : vie trop sédentaire, aberrations alimentaires.
Une législation existe déjà pour interdire la discrimination sur des critères physiques (Code du travail). Contrairement à ce que laissent entendre les auteures, la difficulté en la matière ne réside pas dans une absence de prise en considération de possibles discriminations liées au poids mais dans la possibilité d'en établir la preuve en cas d'infraction, comme pour les autres formes de discrimination (raciales par exemple).
Enfin, plutôt que de chercher à culpabiliser les gens de manière généralisée au sujet de leurs attitudes vis-à-vis des grosses personnes, il convient de soutenir toutes les initiatives (notamment fiscales) visant à lutter contre tous ceux qui entretiennent l'obésité et/ou en vivent (industriels dont ceux du sucre, charlatans en tout genre dont les émissions de télé-achat et vendeurs de régimes 'miracles'…).
Des connaissances de base en diététique devraient faire partie des programmes scolaires (en SVT et/ou en lien avec les activités sportives).
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Il y a quelques semaines j’ai vu en entrevue les 2 auteures, et l’une d’elle a énoncé une chose, une chose anodine mais qui m’a marqué, que nous étions tous plus ou moins grossophobe car nous avons tous peur d’être gros.
On s’imagine dans notre inconscient que non je ne suis pas grossophobe, mais la réalité c’est que nous le sommes tous (un peu).
Sans s’apercevoir par des petits détails, des petits gestes, des petits regards, des petites réflexions, dans notre vie d’enfant, d’ado, d’adulte nous l’avons tous été et nous le sommes encore.
A la lecture de cet essai je me suis reconnue dans les 2 camps. La honte de manger en public, les commentaires des médecins, regarder une personne en surpoids et la juger sans m'en rendre compte.
Chaque chapitre évoque un thème différent : l’enfance, les régimes, les transports, le travail …..Illustrés par des statistiques, des situations de la vie de tous les jours et surtout des témoignages. Des témoignages courts mais percutants voire dans certains cas cruels.
Ce livre n’a pas été écrit pour juger, mais plutôt pour alerter et mettre en évidence une situation qui perdure : La fausse image du corps dans notre société. Arriverons-nous à nous remettre en question, à changer nos mauvais réflexes .... j'en doute....
A lire et à relire sans modération.
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Gros n'est pas un gros mot, c'est vrai... Alors pourquoi utilisons-nous des adjectifs tels que plantureuse, curvy ou pulpeuse à la place ?
Vaste question à laquelle tentent de répondre les deux autrices de ce livre, Daria Marx et Eva Perez-Bello, membres du groupe «Gras politique».
Elles abordent d'abord la série de clichés qui collent aux grosses personnes tels que : ils sont paresseux, rigolo, ils sentent mauvais, ils sont lubriques. Même de l'écrire, ça pique et ça fait honte. Bien sûr, elles reviennent sur l'inefficacité des régimes et la pénibilité des chirurgies de l'obésité, ainsi que sur la boulimie et l'hyperphagie qui sont encore mal considérés.
Pourtant, les statistiques parlent d'elles-mêmes... La part de la population en surpoids ou obèse est en constante évolution et plus d'un tiers des femmes françaises s'habillent en 40-42.
Alors pourquoi les gens gros sont-ils invisibilisés ? Pourquoi ne sont-ils pas mieux représentés dans la fiction et les media ?
C'est que nous vivons dans une société grossophobe qui discrimine les gros. Que ce soit pour s'habiller, trouver un emploi, se soigner, ou boire un verre à une terrasse, tout est difficile et non adaptés et les témoignages parsemant cet essai l'attestent.
Une lecture très instructive qui fait le tour de cette discrimination ordinaire qu'est la grossophobie, à l'aide de chapitres courts et concis.
Un livre qui révolte car cette discrimination est encore très ancrée. À nous d'agir à notre niveau, en changeant notre regard, en évitant certaines réflexions blessantes, en en parlant autour de nous et en ne riant pas aux blagues anti-gros...
Je le recommande vraiment et je dirais même qu'il est indispensable de le lire. Vous pourrez compléter cette lecture avec le témoignage super pertinent de Gabrielle Deydier «On ne naît pas grosse», dont j'ai déjà parlé ici.
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Un livre à mettre entre toutes les mains, à la maman qui s'inquiète des quelques kilos "en trop" de son ado, au médecin qui ne voit que le poids à 3 chiffres lors d'une consultation pour une angine, à cette personne au supermarché qui regarde d'un air déçu cette personne grosse qui prend une tablette de chocolat dans le rayon.
Non, "gros" n'est pas un gros mot mais la grossophobie en est un.
Il n'est pas facile d'être gros dans cette société alors aidons la à faire changer les regards.
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Livre nécessaire sur la grossophobie. Différents aspects sont abordés: santé, violences médicales, humiliations, enfance, contraception, représentations sociales, sexualité, accès à l'emploi etc.
C'est un petit livre, pas très cher (5€), qu'il est très intéressant d'avoir lu pour mieux se représenter la grossophobie au quotidien si l'on n'est pas concerné·e, ou l'expliquer et se sentir soutenu·e et compris·e si on l'est.
Tous les soignants devraient connaître ces notions.
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Nous sommes tous grossophobes parce que nous vivons dans une société qui l'est, qui les rejette. Je suis grosse, moi que j'ai pu l'être, je fait partie des 5% de chanceux qui ont réussi à perdre du poids et à se maintenir (pas sur l'intégralité mais j'ai quand même réussi à ne reprendre que 10 kilos et à stabiliser à -16 kilos)
Je suis (presque) bien dans ma peau, j'ai conscience des discriminations, j'en ai souffert et pourtant.
Je lorgne sur les corps obèse, je l'espère très discrètement mais c'est plus fort que moi, j'ai toujours cette double pensée : "ça aurait pu être toi" et "c'est ce que tu pourrais devenir si tu ne fais pas attention"
Avoir peur de devenir gros, c'est déjà de la grossophobie, être écœurée par son propre reflet (ça m'arrive encore) aussi. Tellement de choses à déconstruire. Tellement d'erreurs à ne pas reproduire, sur soi mais aussi pour les autres.
C'est un excellent travail que ce petit livre, une base sur le sujet, il devrait être à remettre entre toutes les mains. Il souligne toutes les violences et les clichés avec pertinence , il permet d'ouvrir les yeux, tout simplement.
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Un sublime recueil de six contributrices autour des thèmes de la colère et du traitement qu'on lui réserve en tant que femme ou minorité.
Tout commence par une fiction de Lucile Bellan autour d'une jeune femme et mère qui travaille : un récit à l'abord si commun, dont la simplicité tord progressivement le ventre et donne envie de hurler tout comme le voudrait son héroïne. Mais là est tout l'enjeu de Fruits de la colère : crier face à l'injustice, à l'exploitation et aux violences nous est interdit, sous peine d'être disqualifié.e, traité.e d'hystérique, de hyène, de menace. Ne resterait alors qu'à se taire, lisser, arrondir les angles, et laisser la rage nous consumer de l'intérieur jusqu'au désespoir comme la protagoniste du récit.
C'est là qu'interviennent l'édito lumineux de Pauline Harmange et les essais explosifs de Fatima Ouassak, Douce Dibondo et Daria Marx, qui nous invitent chacune leur tour à reconnaître la colère face aux oppression sexistes et racistes comme légitime, nécessaire et digne.
le sublime texte de Fatima Ouassak, militante que j'admire énormément et qui m'a remis elle-même cet exemplaire, aborde son expérience en tant que mère soucieuse du bien-être de ses enfants racisés dans une banlieue populaire et son parcours de militante. Quand ses enfants sont maltraités par les institutions, quand les démarches écologistes pour rendre la vie meilleure sont attaquées par les médias, quand l'entourage encaisse les injures racistes jusqu'à l'explosion, que faire de toute cette colère ? Pour Fatima Ouassak, seule une colère collective peut permettre de renverser la table et mettre fin aux injustices individuelles sans nous dévorer. le texte de Douce Dibondo poursuit ce raisonnement même si je l'ai personnellement trouvé bien moins fort : l'essai, écrit sous un angle décolonial est plus générique, plus théorique, moins incarné et il faut bien dire que je ne me suis pas sentie concernée. Enfin, Daria Marx aborde dans sa contribution le rapport à son corps, qu'elle a d'abord honni après un inceste et des violences sexuelles, puis les troubles alimentaires et la rage qui y a couvé pendant de nombreuses années. La violence infligée à soi-même dans une colère dont on ne connaissait pas le nom. La marge d'un corps gros et hors normes. Et puis la découverte du féminisme, de la révolte en étendard, de la sororité, de l'amour de soi et des autres femmes.
Les poèmes de l'autrice militante Kiyémis ouvrent et clôturent le recueil dont on doit la magnifique mise en page aux lettres gothiques et pages rose bombe à la collection des Insolentes chez Hachette.
La lecture de ce recueil n'a pas été sans me rappeler celle de King Kong Théorie de Virginie Despentes, dont je recommande évidemment la lecture ; ainsi que La terreur féministe : Petit éloge du féminisme extrémiste d'Irene qui m'a été offert en même temps que Fruits de la colère. Ils m'ont fait le plus grand bien et ont posé des mots sur ces milles petites ou grandes colères qu'on ressent chacun.e au cours de sa vie. Je souhaite le prêter partout dans mon entourage et garder précieusement ses mots en tête !
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Un livre qui nous parle de la grossophobie
Un livre nécessaire, très bien construit et très bien écrit, j'ai appris des choses, d'autres m'ont meurtri, et d'autres n'ont fait que conforté mes ressentis et vécus
J'espère que les choses changeront un jour, merci aux auteures pour cette belle chronique
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Enfin, j'ai pu lire ce recueil qui me faisait de l’œil depuis si longtemps ! Sous la direction de Pauline Harmange, 5 femmes dévoilent leur vision de la colère à travers différents supports : la fiction (si parlante !) avec Lucille Belan, la poésie avec Kiyémis (je n'en lis jamais, mais j'ai apprécié), l'autobiographie avec Daria Marx, l'essai documenté avec Fatima Ouassak et Douce Dibondo.
La diversité des points de vue et des personnes représentées est clairement un gros atout pour cet ouvrage, merci à Pauline Harmange qui a visiblement mis un point d'honneur à mettre en avant des femmes que l'on n'entend pas assez.
Personnellement, j'aurais préféré que les différents chapitres soient mieux équilibrés entre eux, certains sont très courts, d'autres très longs. La partie plus théorique, notamment celle de Douce Dibondo, a été un peu plus ardue pour moi - mais je ne suis pas au top de la concentration en ce moment.
Cerise sur le gâteau, le livre en lui-même est très beau : couleurs et polices choisies, papier épais et de qualité, illustration de couverture... Bravo !
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Ce livre ne fut pas évident à lire. Car il me rappel ce que je dois subir étant une grosse. Je me suis beaucoup reconnu dans ce livre. Un livre qui devrai etre mis dans toute les mains surtout du milieu médical qui nous martyrise le plus au lieu de nous aider.
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Un livre très instructif et poignant, qui permet de se remettre en questions, sur notre rapport au corps et aux préjugés. J'ai beaucoup à préciser la façon dont les témoignages sont inséré au texte. Le livre m'a permise d'entrevoir la société d'une autre manière (par le prise d'une personne grosse) et de comprendre, de façon plus pousser, les problèmes aux quel ils et elles se heurtent au quotidien.
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Chaque récit permet de comprendre le rapport de chaque auteure à sa propre colère. Les enjeux, les causes, les conséquences sur leurs vies. Et cela raisonne en nous : quelle est la place de notre propre colère ? Comment la vit-on ? Quel impact a-t-elle dans notre vie ?
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Un ouvrage qui décrit les différentes formes de grossophobie et qui sensibilise au vécu des gros en y intégrant de nombreux témoignages.
Un ouvrage utile pour tenter de renverser les mentalités.
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Court mais instructif et nécessaire, "Gros" n'est pas un gros mot devrait être lu par tout un chacun. Les concerné-e-s retrouveront des pans de leur vie et les alié-e-s pourront comprendre certaines choses et peut être (on peut rêver) se déconstruire.
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