— Chéri, j'ai besoin de sa cervelle pour le plat principal.
— Oh, d'accord, tu en veux maintenant ?
— Non, non, ça ne presse pas, amusons-nous encore, avant !
Les amants terribles se regardèrent, et, de concert, allèrent ensemble chercher un couteau pour découvrir l'intérieur de cet homme.
Neven quant à lui, avait abandonné l’oreille de sa victime sur le plan de travail, il réfléchissait à son utilisation future. Il reposa son désosseur pour prendre le couperet.
Je me plonge dans le programme de la formation. Des leçons pour améliorer le suspens, le style, la présentation de ses écrits. Il y a des leçons d’autohypnose pour chercher en soi l’imagination et d’autres d’hypnose régressive, pour découvrir dans nos vies antérieures ce qui nous touche personnellement. Moi qui suis cartésien, je ne suis pas certain d’apprécier ceux-là.
Je place les écouteurs sur mes oreilles et démarre la vidéo de présentation, la plus facile. Premier exercice, se présenter à la communauté… plus dur qu’il n’y parait ! Je me concentre, puis commence à pianoter. Autant faire simple et direct.
« Bonjour tout le monde. Je m’appelle Loïc Chateado, prononcé Chatiado, mes ancêtres portugais vous en remercieront. Je suis Papa de trois magnifiques enfants, divorcé et barman. Je passe mon temps libre entre mes lectures (Agatha Christie en tête) et des promenades au calme.
— Tu te rappelles notre premier baiser, ça n’était pas si mal ?
Je souris à ce souvenir et bien d’autres : mon premier rencart, ma première langue en bouche le jour de mes douze ans et mon premier sein caressé, enfin sein… c’est un bien grand mot.
Les femmes sont pour moi des œuvres d’art à respecter et à chérir. Elles sont ma drogue et ma maladie. Il n’y a pas plus belle créature que celle se jugeant sans intérêt. Chacun de leurs gestes démontre une envie de se livrer, un besoin de l’autre qu’elles tentent lamentablement de camoufler. Des regards timides lancés par-dessus leur tasse, cachés derrière la fumée de leur café, et je fonds. L’envie de venir les rassurer sur leur beauté me tenaille et je lance la conversation… depuis le comptoir. Nulle gêne pour moi, et cela plait… presque à tous les coups. Elles répondent, rougissant et n’osant pas refuser ma compagnie lorsque je m’approche d’elles.
Moi qui pensais être dans un lieu idéal pour restaurer ma mémoire. Résultat, un monstre à mes trousses, le réveil d’un volcan et les bois qui se la jouent « Evil Dead »… génial ! Normal que je me pose cette simple question… qu’est-ce que je fous ici ?
Le problème, lorsque l’on court sans précautions, c’est le risque de dégringoler. J’ai beau m’y être préparé depuis tout à l’heure, sentir mon pied coincé derrière moi et mon poids qui entraine le reste de mon corps vers le vide, me terrifie. Mon esprit cartésien me souffle que je ne crains rien, mais mon cerveau hurle à la mort que ma fin est proche.
Elle me sourit et son visage figé de cinquantenaire se transforme en muse sans âge. Elle est magnifique, mais la vie et les contraintes de ce monde l’ont convaincue du contraire. Son chignon laisse échapper une mèche rebelle, décidée à fissurer un peu plus le moule rigide qu’elle s’est construit à l’aide d’un chemisier à l’apparence cartonnée et d’une jupe droite digne des pires secrétaires de cabinet d’avocat. Elle se retourne et je suis avec joie le mouvement de ses courbes, ondulant avec grâce au rythme du métronome capillaire de la mèche rebelle.
Je ne suis pas un homme marié en mal de sensations fortes et d’interdits. Non ! D’ailleurs, si vous le désirez, je vous invite ce soir, à ma table de célibataire, où je vous cuisinerai un plat dont vous me direz des nouvelles. Qu’en dites-vous ? Que voulez-vous qu’elle en dise ? Oui, bien sûr. Il y a un âge où ces dames, toutes à leur peur de vieillir seules, seraient prêtes à croire au prince charmant, comme à la folle époque de leur adolescence.
Un gémissement me fait ouvrir les yeux. Je ne sais pas où je me trouve. Comme dans tous rêves, les contours du lieu où je me trouve me sont encore invisibles. Je me redresse et caresse le mur à ma portée. Pourquoi étais-je à terre ? Peu importe, mais je dois trouver la femme qui m’appelle de ce doux son aigu que seules les cordes vocales féminines savent produire. Mon cerveau va donc m’offrir un film érotique personnalisé.
Le gamin, souffle coupé, tente de crier, mais aucun son ne sort. Seul un sinistre gargouillis étouffé reste bloqué dans sa gorge.
La mâchoire de son agresseur se referme avec force sur son bras. D’abord, la pression sur sa peau avant que les dents ne traversent le manteau. Puis le “ploc” de perforation quand les crocs pointus le transpercent, comme l’enveloppe d’un raisin qui cède sous la dent.
Une pleurnicheuse se plaint des hommes en général, me prend à partie et j’accours pour lui prêter une oreille compatissante. Un regard de Don Juan sur mon visage poupon en fait chavirer plus d’une. Je ne m’en rends même pas compte. C’est devenu un sixième sens. Mon regard est ma toile. Dès que je fixe une femme, c’en est fini d’elle. Elles ne m’en veulent même pas lorsque je les abandonne.