David K. Nouvel

Comme il fallait bien commencer par interroger quelqu'un, j'ai demandé à voir les servantes du temple. Parler à de jolies jeunes femmes, quoi de mieux pour égayer sa journée ?

Contemplez la malédiction d'un dieu lorsqu'elle prend chair en une femme. Contemplez ma honte et mon déshonneur ! Mais contemplez aussi ce qui sera le symbole de ma maison, celui par lequel on me craindra jusqu'à Athènes et par-delà la mer. Voyez la force et le courroux de mon trône ! Contemplez le Minotaure !

L'étude de questionnaires à choix multiples, remis après la clôture de l'expérience aux membres de la population étudiée, révèle que les facteurs principaux entrant en jeu sont principalement l'usage du chant et de la beauté (96 % des réponses) au détriment du tissage de grandes toiles. La population étant, par ailleurs, composée intégralement d'hommes du rang de la marine de guerre grecque et revenant de campagne, il n'est guère étonnant que l'aspect pictural ait eu une influence nulle dans l'aide à la décision, au profit de l'archétype séducteur de la belle inconnue solitaire au fond des bois. Bien que l'on sache depuis l'aube des temps que toutes les belles inconnues solitaires au fond des bois sont louches (Grimm, 1816), il est intéressant de noter que la ruse est indémodable et que ce n'est pas la peine de complexifier des protocoles expérimentaux pour faire de jolies toiles que personne ne regarde, de toute manière.

Nous nous taisions, Doris et moi. Nos regards se parlaient pourtant. Les siens disaient : "Tu me plais." Les miens affirmaient en retour : "Tu me plais aussi." Sans un mot, nous bavardâmes.

Si, en effet, pour citer une fois de plus un prestigieux précédent de la littérature scientifique, Homo sapiens sapiens fut formé à partir d'un peu de glaise (Dieu et al., -5000), il n'est pas pour autant considéré comme un matériau de construction ; bien qu'on regrette de n'avoir pas légalement le droit d'en métamorphoser certains en béton armé de sorte qu'ils se rendent un peu utiles, à la fin.

Eté. Chaleur. Sueur. Brise caresse. Frisson. Frisson de peau dorée sous boucles assorties. Regard étréci afin d’épargner les prunelles – d’un noir de pépin dans des iris ambrés.
Les yeux d’Apollon sont ainsi. Couleur de cidre et de soleil, ardents, intenses. Ce qu’ils contemplent, ils le dévorent et le consument. - Nathalie Dau, "A couteau"

Il était autrefois coutume de dire qu'une moitié de la planète nourrissait l'autre ; enfin, nous pourrons faire de cette affirmation une réalité.

Satyricon - Liber I
Toi qui parcours ces papyrus que je noircis au soir de ma vie, sache que tu t’embarques pour une traversée au long cours, remplie de tempêtes, de naufrages et plus rarement de calmes plats. Que le temps n’efface pas ces lignes comme il efface les rides à la surface de l’eau. - Fabien Clavel - "Sur un fragment perdu du Satyricon"

Contrairement à l’opinion répandue dans son entourage, mademoiselle Violette Nodier n’était pas une psychopathe. Elle en avait pourtant tous les dehors, certaines options de luxe comprises. Ainsi, lors de toutes ses sorties à l’extérieur de chez elle, elle arborait un masque et des gants chirurgicaux qu’elle ne quittait que dans l’intimité féroce de sa chambre. Ce n’était pas non plus – malgré les supputations de son psychiatre, le bon docteur Deluc – une pauvre névrosée affligée de troubles obsessionnels du comportement compliqués d’agoraphobie et de nosophobie. - Jeanne-A Debats, "Le Miroir d'Electre"

Partout la mort. Partout le bras implacable, la justice divine. Les hommes n’avaient qu’un but, qu’une espérance : servir de divertissement aux Dieux immortels et iniques.
Les bêtes marines fuyaient la puanteur du vaisseau. Seules les mouettes, attirées par les relents de putréfaction, l’escortaient. Le sang noir, à demi-séché, collait aux semelles des marins. Tous portaient un foulard sur le visage, pour atténuer les odeurs et se protéger des insectes nuisibles. Mais les mouches, grouillant par milliers, s’engluaient dans les yeux et pondaient dans les réserves de nourriture. - Nicolas Delong "Les Dieux veulent, les Dieux prennent"

Comme l’action est parfois tout aussi éclatante que la parole, j’ai demandé à certains de ces invités d’écrire une nouvelle. Les consignes étaient, à dessein, assez vagues : le texte devait entretenir une relation avec l’antiquité gréco­ latine. La récolte a été bonne et j’ai l’honneur, ainsi que le vif plaisir, de vous présenter aujourd’hui huit nouvelles inédites, qui constituent la partie « pratique » et créative d’un diptyque – l’autre partie sera évidemment la publication des réflexions présentées lors du colloque.