Citations de Denis Monette (334)
N’aie pas peur des mots, Rhéaume. Le cancer! Quand je les entends avec leur «maladie incurable» ou «le grand mal». Est-ce si honteux que d’avoir le cancer? On a peur du nom parce qu’on sait que ça ne pardonne pas, mais il faut être assez fort pour voir les choses en face. Moi, tant qu’à souffrir comme ça...
Les auteurs populaires sont les plus lus en France comme ici, tandis que les autres, plus littéraires, dorment bien souvent sur les tablettes. J’ai lu aussi Guy des Cars et d’autres du même genre, et ça m’a bien intéressé. Là, je lis La mer à boire de Michel de Saint-Pierre, parce que ça fait partie d’un cours aux études, mais je ne peux pas dire que j’en raffole… J’aime bien Rimbaud chez les poètes, mais il est évident qu’on nous force à lire les poètes enfargés dans leurs rimes ! Maudites études !
Avec la fin de l’union charnelle, l’engrenage du dénouement du mariage prenait forme d’une maille à l’autre. Elle avait encore fait mention d’un voyage à Tahiti, le plus grand rêve de sa vie; ils étaient restés... ici! Ils n’avaient pas bougé d’un pouce, pas même à Miami.
Face à son miroir, enlevant le rouge de ses lèvres, effaçant le bleu de ses paupières, elle ressentit un étrange malaise. Se pouvait-il qu’un homme, un assez bel homme s’intéresse à elle? Infâme question pour une fille qui, hélas, depuis longtemps, avait oublié à quel point elle pouvait être belle.
Une femme ne doit payer que lorsqu’elle est seule ou avec une amie, pas accompagnée d’un homme.
Il n’avait pas les moyens de m’acheter des diamants marquise comme tu le fais, mais il m’offrait souvent des fleurs, ce qui me comblait de bonheur. Les fleurs, je les humais chaque soir, tandis que ton diamant, je ne l’ai jamais porté. Ce n’est pas la valeur des choses qui m’impressionne, mais le geste posé avec tendresse, aussi peu coûteux soit-il
Tout était superbe chez elle ! De la tête aux pieds ! Et sa façon de croiser les jambes la rendait encore plus féminine. Épris, plus accroché qu’il ne l’avait été à première vue la semaine précédente, il sentait que son cœur lui commandait de la revoir.
Il est très difficile d’aider quelqu’un qui ne veut plus s’aider.
Sa vie était certes banale, mais à son âge, c’était ce qu’on appelait le repos du guerrier. Il lui arrivait encore d’exécuter quelques menus travaux pour les voisins, des bagatelles, car ses yeux faiblissaient de plus en plus et sa main n’était plus aussi alerte. Il n’avait pas toujours bonne mine, sans parler de sa mauvaise circulation sanguine. Il s’était même trouvé une passion... les mots croisés de tous les journaux! Tout en s’amusant, il s’instruisait.
Un amour se doit d’être partagé.
C’est l’alcool qui fait qu’on oublie .
Plus rien n’est pareil quand on est retraité. On vit bien, on se gâte, on ne se demande plus si c’est lundi ou mardi, rien d’important ne nous attend. Et je constate que plus j’avance en âge, plus je me dégage. Tu sais, dans la trentaine, on s’approprie de tout et, trente ans plus tard, on s’en départit. Parce qu’on se sent courber sous le poids de tout ce qu’on a acquis et qu’on se rend compte qu’on a besoin de presque rien pour être heureux.
J’ai changé, j’ai laissé le temps faire son œuvre. Je suis encore coquette, j’aime les tailleurs griffés, mais j’ai laissé la vie poursuivre son cours sans l’entraver.
On est jeune, on veut être cool ouin, pis on laisse des imbéciles mutiler ce qu’on a de plus précieux, son corps! Pas juste des p’tites jeunes, j’ai vu des
femmes de quarante-cinq ans avec un affreux tatouage sur l’épaule ou le bras! Elles ne les cachent même pas, elles pensent que ça va nous séduire alors que moi, ça me fait reculer de trois pas. C’est comme les piercings ! ça aussi ça me donne des frissons. Je ne peux pas croire qu’on puisse laisser transpercer son corps avec les risques d’infection et les hématomes qui peuvent surgir et rester à vie.
Elle avait beau marcher de long en large, jeter un regard sur un tableau qu’elle n’avait pas encore vu, le visage de Sam lui revenait sans cesse. Penaude, triste, elle se culpabilisait depuis qu’elle avait su... Et, sans qu’elle l’ait cherché, de nouveau sur son lit, la tête entre les mains, l’horrible drame refit surface dans sa mémoire. Malgré elle, Pauline allait revivre la plus grande épreuve de sa vie. Aurait-elle souhaité s’en soustraire ce matin-là, que le rideau s’ouvrait de force pour qu’elle regarde bien en face, une fois de plus, la sinistre scène qui l’avait étranglée de remords.
De retour au shack, Sam était entré sans afficher ie moindre sourire. Pour prolonger de quelque peu l’anxiété de Pauline qui, d’une main nerveuse, roulait sa viande hachée pour en faire des boulettes. Puis, coupant court à l’angoisse qu’il provoquait en elle, il la prit par les épaules, la regarda dans les yeux et lui dit: «Tu restes, Minoune! C’est arrangé!» Folle de joie, elle se serra contre lui, leva la tête et l’embrassa avec ardeur. «Tortillé» par ce baiser inattendu, il posa fermement ses deux mains sur ses fesses et lui murmura: «Toi pis moi, c’est à la vie, à la mort!» Elle suait à grosses gouttes, elle aurait voulu qu’il la renverse, qu’il la soudoie, mais il s’en dégagea pour lui dire: «Une discussion comme celle-là, ça ouvre l’appétit. Après, on aura toute la soirée, toute la nuit...» Mais il l’avait appelée «Minoune», un terme qu’il employait pour la première fois.
Pour une fille de la ville, Pauline avait tout ce que ça prenait pour être une rude fille de la ferme. Du genre à porter dix enfants et à être, de plus, la nourrice de plusieurs autres. «Une fille forte. Une brave fille, songea-t-il. Et bien tournée à part ça.» Et Piquet qui lui disait qu’il n’aurait qu’une bouche de plus à nourrir… À voir ses rondeurs, c’était plutôt un ventre qu’il aurait à remplir. «Ça doit manger comme un bœuf, une fille comme ça!» craignait-il.
À trente et un ans ou presque, Maryvonne Ménard n’avait jamais été approchée de la sorte par un homme, encore moins embrassée. Fixant le trottoir et les marches de sa maison, elle se demandait si elle allait pouvoir les monter sans trébucher après ce qui venait de se passer.
Il aurait pu lui téléphoner, lui parler de ses émois de vive voix, il aurait même pu lui faire parvenir un courriel, mais le frère aîné préférait utiliser encore le stylo noir et le papier beige sur lequel l’effigie de la main tenant une plume de paon se répétait sur chaque feuille. Peut-être avait-il honte de lui avouer ces choses en personne? Elle en doutait… Il lui avait tant de fois fait état de ses soirées turbulentes quand il avait pris un verre de trop! Aucune retenue dans ces moments-là, il racontait ses nuits de débauche comme on le fait de ses journées de travail. Mais sobre, il préférait écrire, trouver des mots plus recherchés, tentant d’amadouer Émilie avec des: Les paroles s’envolent, les écrits restent, espérant chaque fois qu’elle se rende au bout de sa lettre, même après s’être arrêtée devant quelque insanité décrite sans gêne.
Pour elle, il était préférable de couper les ponts, de s’oublier les unes les autres, car se parler et ne pas se voir, c’était plus lamentable que de se perdre complètement de vue.