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Critiques de Dima Abdallah (73)
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Bleu nuit

Merveilleux livre, très original, que celui de cette romancière qui a quitté le Liban en guerre à 12 ans, et qui choisit un narrateur masculin bien étrange. Phobique de la rue («plusieurs années sans avoir mis les pieds dehors», p. 14), il se fait livrer à domicile, ne va pas à l’enterrement d’Alma, la femme qu’il aime et qui – pensait-t-il, allait le sauver (p. 189). «Elle a tenu dix ans à mes côtés. Dix ! Elle a été héroïque» (p.191). On n’en saura pas plus. Il ne répond plus au téléphone, et finit par quitter son appartement et par jeter ses clés dans un égout, hantant désormais les rues de Paris comme SDF: rue du repos, rue du retrait, et même rue de l’avenir, une impasse qui ne mène nulle part. Phobique, il se dit aussi hypochondriaque, psychopathe (p. 191) et obsessionnel compulsif («J’accomplissais toutes sortes de rituels pour contrer l’angoisse. Je faisais cinq fois le tour de l’appartement en récitant mes incantations, je vérifiais des dizaines de fois que les bouches d’arrivée de gaz étaient bien fermées, je me lavais les maisons trois fois de suite»... p. 12; «formules magiques pour m’endormir», p. 16). Anorexique aussi, il pèse ses aliments au gramme près, successivement sur trois balances (p. 193). Il dort dans les parcs, cite Proust et ses madeleines, Baudelaire, Sartre, Aragon et d’autres. Il suit des inconnues dans la rue sans jamais leur parler. Tous les mardis à la même heure, il va à la rue des Partants et rencontre Emma qui lui offre un croissant. Le mercredi, c’est le jour d’Ella. Les jeudis, il passe la journée au cimetière du Père Lachaise où il rencontre un chien qu’il appelle Minuit et qui ne quitte pas la tombe d’un enfant. Peu à peu, une amitié tendre se noue avec l’animal qui ira se blottir la nuit contre le corps du narrateur, dans un parc, avant de retourner à la tombe le matin. Ce sera le seul lien affectif du narrateur, admirablement décrit. Les nuits seront désormais pour le chien. Le vendredi, c’est le jour de Martha qui lui offre invariablement un paquet des mêmes biscuits périmés, de son supermarché. Puis vient le jour d’Aimée qui dort sur une bouche d’aération du métro, et dont la carcasse puante s’étale sur le trottoir. Le samedi soir, c’est le jour du bain de foule («je m’impose ce rituel pour ne pas perdre l’habitude des rues bondées er des décibels...». Ce jour-là, c’est Carla qui lui donne ce qu’il y a de «plus facile à manger pour un mec qui vit dehors» et qui, pour elle-même, transporte des bacs de bière en titubant. Les lundis, c’est Leila qui doit avoir à son actif plusieurs dizaines d’hivers dehors. Les jours se suivent mais aussi les saisons. Le narrateur ne parle à aucune de ces femmes, mais chacune est une rencontre de loin qu’il évoque avec tact, finesse et poésie. Comme pour la femme aimée, tous les prénoms finissent par la lettre A. Il écrit «je regrette Minuit, Leyla et les autres. Je regrette le croissant d’Ella, le manteau d’Emma, les invendus de Carla et les sablés bretons de Martha... Je revois les cicatrices d’Ella, les jambes squelettiques d’Emma, les mains qui tremblent de Carla et le dos voûté de Martha. Je plonge dans les yeux tendres de Minuit». Peu avant la fin du livre, revient un souvenir douloureux et personnel du Liban, un épisode tragique qui l’a marqué quand, gosse, il a été entrainé dans la guerre et dans une violence qu’il dénonce avec pudeur. C’est avec la même pudeur qu’il évoque sa mère disparue. Le dénouement, qu’il partage avec le chien, est une surprise pour le lecteur, bien que dans l’esprit de ce qui précède. Le livre a une forme particulière de sensualité, parlant beaucoup des odeurs et des couleurs. Le gris alterne avec le bleu nuit, couleur d’une robe de la femme qu’il a aimée, et couleur qui revient notamment comme couleur du ciel («Toutes les déclinaisons de gris de février triompheront pour toujours du bleu nuit» (p. 179). Le mot «corps» revient sans cesse, jusqu’à 5 fois par page (p. 92). Beaucoup de choses s’expliquent dans une paraphrase de Marguerite Duras (L’Amant): «J’avais seize ans et il était déjà trop tard» (p. 156) ou dans une citation de Camus, «Même dans la destruction, il y a un ordre, il y a des limites».

Autres citations : «J’ai décidé que lire seul, à voix haute, était moins pathétique que de parler à mon steak pendant qu’il cuisait» (p. 17). «Ma sève ne montera plus jamais au printemps et n’ordonnera plus à mes branches de faire naitre de nouveaux bourgeons. Je ne connaitrai plus d’autre saison, ce sera un éternel automne désormais. Ce sera l’ultime et la plus grande tempête de ma vie et je l’attends ici, debout, les branches levées au ciel... Autrefois vivait en moi une hirondelle. Une hirondelle qui avait renoncé à son printemps» (pp. 168-169). «Elle a dû reconstruire tant de fois tant de nids. Il y a si longtemps que mon hirondelle est partie» (p. 170). «Des habitants du quartier, il ne reste que le tintement des pièces qui tombent dans le gobelet. Quand j’ai assez pour la bouteille, j’enlève le gobelet pour ne plus rien entendre d’eux. Pour ne plus rien savoir des corps qui passent» (p. 178).

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Mauvaises herbes

Le roman commence à Beyrouth, en 1983, la narratrice est une petite fille revient de l’école avec son papa. Elle l’appelle son géant. Elle s’accroche à son doigt protecteur. La guerre civile fait rage.

Chaque chapitre couvre un moment différent, et un lieu différent. Deux voix parlent à tour de rôle : la petite fille et son père.

Au fil des années, chacun grandit ou vieillit. Viendra le temps de l’exil, des déchirures, des séparations.

De Beyrouth à Paris, Dima Abdallah nous entraine dans un chassé-croisé à la fois intime de deux êtres qui ne savent pas communiquer autrement que parle geste, et les silences.

Ce roman raconte les déchirements des Hommes dans un pays lui aussi déchiré par les guerres qui se succèdent et les chassent sur le chemin de l’exil.

J’ai beaucoup aimé ce premier roman, écrit dans une langue infiniment poétique. Le mal de pays, la difficulté de se retrouver des repères, la pudeur des sentiments, le combat contre soi même, tels sont les sujets que Dima Abdallah aborde avec réalisme, douceur, et sensibilité.

Une très belle découverte, chez une maison d’édition qui me déçoit très rarement.


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Mauvaises herbes

Un roman à deux voix, celle d'une fille et celle d'un père, qui se répondent de chapitre en chapitre de Beyrouth puis de Beyrouth à Paris.

J'ai trouvé l'écriture très belle, poétique, chantante avec des reprises de début de phrases qui sonnent comme une chanson.

On côtoie avec cette enfant de 6 ans son quotidien entre les bombardements, les déménagements où l'on ne reste jamais, la vie de nomade...

C'est un très beau roman qui m'a procuré énormément de plaisir à lire
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Mauvaises herbes

J’ai découvert ce livre en assistant à une rencontre littéraire organisée par la librairie Champs magnétiques dans le 12ème à Paris. Elle réunissait Sabine Wespieser et 3 autrices : Diane Meur, Christine de Mazières et Dima Abdallah. J’ai acheté celui-ci dans l’intention d’en savoir un peu plus sur le Liban tristement mis à l’honneur après l’explosion de l’usine à Beyrouth.

Dans son premier roman, Dima Abdallah s’intéresse plus à la force des sentiments qui lient la narratrice à son père qu’à l’histoire de son pays. Elle y est seulement évoquée en filigrane. Si tous deux s’aiment d’un amour profond, ils sont plutôt mutiques et préfèrent le silence à partager ce qui les habite au plus profond de leur cœur : la peur, la différence, le malaise notamment. Ils se réunissent à travers leur goût commun pour les plantes.

J’ai lu ce livre par petits morceaux et j’avais parfois du mal à me replonger dedans quand je l’avais laissé pendant quelques jours. En relisant les citations qui ont fait échos chez moi, je réalise la puissance de ce texte, comme souvent dans le catalogue des publications Sabine Wespieser éditeur.
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Bleu nuit

Quasiment sans déroulé événementiel, Bleu Nuit est avant tout une déambulation dans les méandres de l'esprit perturbé d'un homme qui livre ses angoisses au lecteur.



Dès le début du roman, Dima Abdallah nous plonge dans le cerveau du personnage central, un être se débattant avec ses fantômes, au point qu'il épuise sa force vitale au service d'un but unique : effacer complètement de sa mémoire tout souvenir pouvant lui rappeler quelque secret apparemment insupportable. Le problème est que l'oubli ne se décrète pas et qu'à force de mettre toute son énergie à tenter d'enfouir les expériences traumatisantes, la personnalité finit par disjoncter.

Subterfuges désespérés pour se vider la tête de toute pensée dérangeante, TOC, rituels, prise de came ou d'alcool rythment le quotidien du héros que l'on voit s'enfoncer dans son mal-être au fil des pages.





Au début du roman, cet homme , dont on ignore à peu près tout, vient d'apprendre la mort de la seule femme qu'il ait jamais aimé. Cette nouvelle agit sur lui comme un détonateur et lui impulse la force de franchir la porte de son appartement dans lequel il vit cloîtré depuis des années, en proie aux démons qui le hantent. C'est décidé, il vivra désormais dans la rue où il espère trouver la délivrance... Sauf que les obstacles que l'on porte en soi sont encore bien plus difficiles à franchir que les murs d'un appartement.



De rue en rue, le roman va nous faire partager les pensées du héros que l'on verra "s'enfermer dehors", reproduisant ses rituels, arpentant toujours les mêmes trottoirs et programmant même ses rencontres avec d'autres invisibles, SDF ou petites gens du quartier, selon les jours de la semaine. On le verra aussi rétrécir progressivement le champ de ses pérégrinations autour du Père Lachaise. Notons au passage le symbole que revêt le choix d'un cimetière comme point central de ses errances, une manière de mettre en évidence combien la mort plane dans ce roman.





Il faudra être très patient avant que l'intrigue ne soit dévoilée à la toute fin du roman (des révélations d'ailleurs bien plus complexes que le seul deuil de la femme aimée évoqué au 1er chapitre pouvait le laisser supposer). Le lecteur aura donc, avant cela, eut l'impression de beaucoup tourner en rond dans la tête d'un personnage somme toute assez statique.

De ce fait, j'avoue que le roman m'a semblé long. Cela a certainement impacté négativement mon implication dans l'histoire et l'empathie que j'ai pu éprouver pour ce héros perdu.

Parallèlement, il serait injuste de ma part de ne pas souligner la finesse du travail de l'autrice sur la psychologie de son personnage et l'élégance de son écriture, recherchée, percutante et poétique.





En conclusion, si l'on considère Bleu Nuit sur un plan purement littéraire et esthétique, c'est incontestablement une oeuvre digne d'admiration.

Le reste - l'appréciation émotionnelle- est sans doute affaire de sensibilité personnelle.

A vous d'en juger. Peut-être serez-vous plus touché que je ne l'ai été moi-même par ce roman non dénué de qualités.

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Bleu nuit

S'il y a un fait que vous ne pouvez pas renier c'est celui d'avoir vécu.



On aimerait en savoir un peu plus sur le parcours de l'auteure née au Liban en 1977, vivant à Paris depuis 1989 et qui signe cet étrange et poétique roman.



Le narrateur est un homme dans la cinquantaine. Alma, la femme de sa vie, vient de mourir. Il ne peut supporter l'idée même d'aller à son enterrement. Revirement total de celui qui avait "vécu plusieurs années sans mettre les pieds dehors". La rupture est radicale : il nettoie comme un maniaque obsédé de propreté son appartement, affronte la robe bleu nuit de la disparue, sort et jette ses clés dans une bouche d'égout. Il vivra désormais dans la rue, en évitant soigneusement de repasser par celle où il a vécu. On pense au parcours d'un de ces évaporés japonais (johatsu).



On peut tout quitter, sauf son passé : inexorablement il revient hanter les jours et les nuits du vagabond. le SDF organise sa vie dans la rue à partir de l'observation de différentes femmes, ayant chacune ses habitudes, chacune recluse dans sa solitude. Il leur invente une vie qu'elles ont peut-être et ne manquerait pour rien le rendez-vous qu'il a le lundi avec Leila, le mardi avec Emma, le mercredi avec Ella et le jeudi avec... le cimetière du Père Lachaise. Il y a d'autres femmes que le narrateur observe ; toutes sont apparemment seules, leurs prénoms riment tous avec celui d'Alma.



Notre homme est attachant, cultivé, non-violent. Très sensible aux bruits et aux odeurs, il poursuit tout au long du roman un monologue intérieur poétique dont on se demande comment l'auteur a pu imaginer les arcanes. Une vague évocation de la jeunesse qu'il a vécue au Liban laisse transparaître, comme en filigrane, des souvenirs propres de l'auteure. L'impression que laisse ce portrait devrait marquer durablement les lecteurs qui regarderont peut-être après cette lecture les gens de la rue sous un angle différent ("On ne connaît pas l'hiver avant d'en avoir passé un dehors").



Il ne s'agit pas du tout de misérabilisme, mais de respect pour celui qui, désarçonné par un coup du destin, soigne sa détresse en y consentant et aurait pu s'en repaître jusqu'à la folie s'il n'avait observé, puis rencontré, d'autres solitudes que la sienne. le narrateur prend des risques en survolant le paysage de son passé : "Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. Il ne faut pas que je tombe." Merci à Dina Abdallah pour le vertige qu'elle nous procure dans cet étrange roman.



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Bleu nuit



Quel beau et puissant livre que "Bleu nuit", deuxième roman de l'auteure française d'origine libanaise Dima Abdallah. Au coeur de ce récit, un homme au bord du gouffre qui livre au lecteur un monologue poignant. A travers ses mots, il est question de mémoire (traumatique), d'oubli, de pardon.







Qui est cet homme ? Il a une cinquante d'années, vit reclus dans son appartement parisien, souffre de tocs et de manies. Un jour, au lendemain d'un enterrement important auquel il n'a pas pu assister, il décide de braver ses peurs les plus profondes et de sacrifier son confort matériel pour vivre volontairement dans la rue. Il devient SDF par choix. Cette nouvelle vie est éprouvante car il connaît le froid, la faim, le manque de tout. Pourtant, il s'en accommode assez facilement car il semble vouloir se punir de quelque chose. La radicalité de son choix interroge. Pourquoi s'infliger un tel sort ? Pourquoi rajouter de la souffrance à la souffrance ?







Etonnamment, vivre dans la rue est aussi la source de petits bonheurs inattendus. Un chien, nommé Minuit, apporte la chaleur et l'affection dont le narrateur a tant besoin. Les autres moments de joie et de réconfort sont liés à des rencontres. Dans le 20ème arrondissement qu'il connaît si bien (au cimetière du Père Lachaise, autour de la place Gambetta, dans de nombreuses petites rues qu'il arpente jour après jour), son regard est à l'affût et croise celui de plusieurs femmes : Emma, Martha, Carla, Layla... Ces femmes vivent, elles aussi, existence une cabossée par les épreuves. La proximité est immédiate bien que très peu de mots ne soient, la plupart du temps, prononcés. Un sourire, un geste de remerciement valent plus qu'un grand discours. Layla, elle-même SDF, occupe une place singulière dans cette passionnante galerie de personnages. Avec elle, ce sont les odeurs (de jasmin, de crème hydratante qu'elle applique sur ses mains) qui sont essentielles. Pour le personnage principal, elles convoquent un passé très douloureux, des souffrances enfouies...







Le bleu, qui donne son titre au roman, est présent de bout en bout : le bleu éclatant d'une étoffe, le bleu profond de la mer, le bleu nuit du mystère. Le mystère plane en effet sur ce récit et l'émotion est au rendez-vous car Dima Abdallah construit son roman de façon formidablement subtile. Le livre est, par ailleurs, parsemé de références littéraires passionnantes : Kundera, Proust, Baudelaire, Céline, Duras et bien d'autres sont cités. Tous ces auteurs ont exploré à leur manière le sujet qui est au coeur de "Bleu nuit" : les souvenirs du passé qui encombrent le présent.


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Mauvaises herbes

Le destin de deux êtres, un père et sa fille, deux êtres à la sensibilité exacerbée, que la guerre, celle du Liban, va meurtrir, définitivement pour l’un, avec une embellie pour l’autre au bout de longues années d’errance. Dima Abdallah, dans une langue polie à l’extrême, empreinte d’une profonde délicatesse, décrit les tourments de ces deux âmes angoissées, que les aléas de la vie vont séparer mais qu’un lien reliera à jamais tant ils sont le reflet l’un de l’autre. Un beau roman, dérangeant à la limite, parfois, de l’insupportable, non dénué toutefois d’une certaine préciosité qui peut agacer lorsqu’elle empêche de faire corps avec les personnages et les sentiments qu’ils expriment. Mais un très bel objet littéraire, malgré tout…

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Bleu nuit

Un monologue poignant, noir, rude, qui évoque le passé et le présent. Mais pas d’avenir pour cet homme blessé qui se penche sur le visage de femmes perdues et fantasmées. Il y a la mère, l’amante, la fugitive, la cousine, et ces belles inconnues qui peuplent son monde de solitude. Il a été le snipper qui a tué et qui renonce aujourd’hui à vivre. S’il interroge la rue après avoir tout quitté, c’est pour mieux tenter de recoller les morceaux d’une existence qui fut cependant heureuse mais qui n’a pas tenu ses promesses.

Un roman qui se lit le coeur serré et troublé. Quelques longueurs qui traduisent les errances dans les rues de Paris, mais cela n'ôte rien à la qualité de l'écriture.
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Mauvaises herbes

J'ai tellement aimé la première partie du livre, que j'ai failli, pure folie, en écrire une critique avant de l'avoir terminé.

Dès les premières lignes, l'écriture enveloppante de l'auteure m'a saisie. Elle se tisse de nombreuses anaphores, avançant ainsi, petit à petit, tout en nuances, au plus près de la vérité des êtres, de la subtile complexité de leur relation et de leur amour. Les liens qui unissent le père et la fille sont d'une beauté déchirante, leur dialogue empêché se passe finalement bien des mots puisque leur identité-même signe leur filiation : même sensibilité, même pudeur, même mal-être en société, même amour des plantes et de la poésie qui habite toute chose, si l'on regarde bien.

Cependant, et malgré mon extase des premiers instants, j'ai fini par me lasser dans le dernier tiers du livre. Trop de répétitions, le père et la fille ressassent leurs souvenirs, leurs douleurs, leurs empêchements sans que le récit progresse ou que le ton change. Cela finit par en devenir monotone et j'ai tourné les dernières pages avec moins de fièvre.

Quoi qu'il en soit, je n'oublierai pas de sitôt la beauté des premières pages qui ne laisse aucun doute sur le talent de l'auteure et je découvrirai avec plaisir ses prochaines œuvres.
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Mauvaises herbes

Le sujet central de ce livre est la relation père/fille.

C’est une sorte d’huis-clos, les chapitres alternent la voix du père et celle de la fille. Nous sommes en pleine guerre civile au Liban où le père se sent étranger dans son pays car n’appartenant à aucun parti.

Le lien père/fille est très fort mais il y a un grand mutisme de la part de la fille face à son mal-être et à sa souffrance car elle sent qu’elle ne doit pas en parler afin de protéger son père dont elle devine la grande vulnérabilité.

Leur terrain commun est les plantes, et les mauvaises herbes qui sont des étrangères parmi elles, tout comme l’est son père dans son pays.

Ce livre, d’une écriture délicate, nous fait alternativement partager les pensées du père et de la fille avec leur souffrance, leur mal-être, les regrets et leur impossibilité à communiquer. Tout est dans le non-dit de chacun, mais ce non-dit est malgré tout entendu par l’autre.

Je recommande ce livre, bouleversant de souffrance et d’espérance, dont le thème de la relation père/fille est universel et peut se transporter dans n’importe quel foyer.

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Mauvaises herbes

L'histoire commence au Liban en 1983 pendant la guerre civile, la narratrice a 6 ans. Elle attends que son père vienne la chercher pendant une alerte...

La fillette est très fière de ne pas pleurer, contrairement aux autres enfants, en effet les alertes et les tirs font partis de leur quotidien. son enfance est marqué par les déménagements répétés où la seule chose qui compte est de se sauver. Au fil des années, la fillette grandit, admirative de son père et cherchant des moments de complicité avec lui, complicité avec le même amour pour les plantes. A l'âge de 12 ans, elle se réfugie à Paris avec sa mère, son père restant au Liban. Commence pour elle l'exil, une nouvelle culture à découvrir, le rejet de ses camarades et l'absence de son père.

C'est un très beau livre sur le déracinement , à l'aide de souvenirs, l'auteur nous permet de comprendre la difficulté de se construire, de grandir loin de son pays et de sa culture. La quête du père est également très présente.

Le style est très original, avec beaucoup de vocabulaire sur les sensations et les cinq sens, particulièrement l'odorat qui est un vecteur très important de la mémoire.
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Mauvaises herbes

J'ai trouvé très belles les premières pages de ce roman qui débordent de l'amour d'une petite fille pour son père. L'alternance des narrateurs était intéressante, mais mon intérêt s'est vite émoussé. Le contexte, la guerre au Liban dans les années 80, puis l'exil et le déracinement ne sont abordés que du point de vue du ressenti, les souvenirs doux-amers de la fille, le poids qu'elle charrie sans qu'il soit bien défini et l'amertume, voire la dépression du père. Je ne sais plus qui a dit que les livres qu'on aime sont ceux qui nous parle de nous. Ce roman ne m'a pas parlé. J'ai même eu par instants le sentiment d'être une intruse, de lire le journal intime ou les lettres de quelqu'un d'autre. J'imagine qu'il y a un beaucoup de l'autrice dans ce roman ; j'espère que son écriture l'aura allégée. Je ne conseille pas cette lecture à quelqu'un qui veut en savoir plus sur Liban, ce n'est pas le propos du livre.
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Mauvaises herbes

Quelque soit une guerre - civile, religieuse ou autre - elle laisse des traumatismes.

Ce livre nous restitue remarquablement avec une très belle écriture, ce traumatisme d'une enfant, qui deviendra grande et pour qui il faudra de nombreuses années pour se reconstruire.

Une atmosphère lourde et pesante qui assombrie cette lecture. Mais le dernier chapitre redonne espoir.



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Mauvaises herbes

Un premier roman très touchant.

Lu dans le cadre du Prix des lecteurs pour les Escales du Livre 2021 de Bordeaux.

L'oubli ou la persistance des souvenirs pour rester debout et affronter l'avenir : que faire, effacer, se souvenir, oublier, avoir des habitudes de "petit vieux" ou avoir l'esprit nomade et ne s'attacher à rien, à seulement aux quatre membres de la famille. Voici le dilemme des deux personnages principaux de ce récit.

Une enfance dans un pays en guerre, la narratrice, petite fille, jeune adolescente, jeune femme, mère nous raconte son enfance, ses silences, la gestion personnelle de sa "boule au ventre", de ses crises d'angoisse, ses façons personnelles d'affronter la peur, les fantômes, les autres, enfants ou adultes. Avec beaucoup de délicatesse, de poésie, elle raconte l'enfance et le rôle de ce père, ce géant qui vient la chercher à l'école et à qui sa petite main s'accroche pour aller se réfugier à la maison avec sa mère et son jeune frère, ses bouderies quand l'ascenseur ne fonctionne pas à cause des coupures incessantes d'électricité et qu'elle préfère rester sur la marche de l'entrée, les "leçons" de son père qui lui parle des plantes en pot sur les balcons des différentes maisons qu'ils occupent. Sa vie d'adolescente, dans un Paris apaisé, sa vie de jeune femme et de mère.

Puis en écho la voix du père, ce père qui ne se sent pas du tout un chevalier avec sa jeune enfant, qui doute de ses capacités de père, de son rapport à la guerre et de son incapacité de prendre partie pour l'un ou l'autre camps de cette guerre civile, il préfère s'installer le matin sur la terrasse, une tasse à café, une cigarette et des feuilles blanches pour écrire.. Il est assez taiseux et restera seul quand la famille décidera de s'installer à Paris.

De belles pages avec une écriture très imagée, on se retrouve sur les terrasses des cafés du Jardin du Luxembourg ou du Jardin des Pantes, sous le banc fantôme du cerisier japonais ou dans un simple café en bord de mer à Beyrouth.

Un beau portrait de fille et de père, de l'exil, de la vie sous les bombes. Un récit aussi sur Beyrouth et ses guerres civiles et son actualité.

Comment survivre avec ses peurs, ses doutes, ses questionnements, cette boule au ventre. Avoir l'impression que ses souvenirs, ses images sont un tonneau à la Sisyphe, qu'il faut perpétuellement remonter cette montagne.

Un premier roman très touchant, et le souvenir de belles pages sur de simples plantes, et pas que des mauvaises herbes.



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Mauvaises herbes

A douze ans, la narratrice de Mauvaises herbes quitte le Liban en proie à la guerre civile. Elle laisse derrière elle son pays et son père, ce tendre géant qui lui a appris l'amour des mots et des plantes, qu'il soignait inlassablement sur le balcon de l'appartement de Beyrouth. Arrivée à Paris, où elle se résigne à une vie solitaire, la jeune fille tente de maintenir un lien avec son enfance en cultivant des plantes dont la présence discrète devient pour elle une sorte de refuge, un réconfort face à son anxiété suffocante.



Récit à deux voix, Mauvaises herbes donne à entendre les non-dits et les incompréhensions de plus en plus irrémédiables qui s'installent entre un père et sa fille séparés par un continent. D'une grande sensibilité, ce premier roman de Dima Abdallah oppose aux démons qui dévorent ses personnages la calme résolution des plantes et des mauvaises herbes qui se frayent un chemin au coeur de tous les désastres. Attentive à leurs bruissements, à leurs parfums, à leurs couleurs, Dima Abdallah propose ainsi une variation aussi subtile qu'expressive sur les thèmes de l'exil et du déracinement.
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Mauvaises herbes

Dima Abdallah nous emmène dans ce Liban meurtri de cette guerre civile des années 1980, et nous l'accompagnons ensuite en France, dans sa capitale, là où elle se résout à prendre racines, après quelques allers-retours à Beyrouth. Mauvaises herbes n'est pas un roman qu'il faut lire comme tel, il réclame patience, délicatesse et circonspection, le temps qu'il faut après tout pour voir ses plants s'épanouir. Il faut les lire comme des lettres, que l'auteure s'adresse à elle-même, qu'elle adresse à son père, que lui-même, sur la base de son imaginaire, lui adresse. Sur cette famille hybride de quatre membres, aux enfants, qui ont lentement mûri sous le soleil libanais, entre église maronite et islam, s'identifiant à la fois à tout le monde et personne, seules les voix du père et de la fille ont droit au chapitre, c'est assez déconcertant. Les silhouettes maternelles et fraternelles, muettes et fuyantes, hantent le texte, ici et là, sans que jamais la narratrice leur laisse la moindre place pour s'exprimer. Ce n'est pas un échange, pas plus qu'un dialogue, c'est l'émotion, le regret d'une âpreté incommodante et fugace, la nostalgie douceâtre d'une rencontre manquée entre une fille désormais adulte et son père, resté à Beyrouth, alors même que le reste de la famille trouvait refuge en France sous l'impulsion maternelle.



La clef de ce roman réside donc dans cette relation filiale ou personne d'autre qu'eux n'a sa place: la relation avec la mère est surement apaisée comme je me l'imagine, à défaut d'avoir la moindre réponse à cette interrogation, mon imagination a paré à cette absence. Quant au lien avec le frère, il reste encore plus énigmatique. Empruntant les mots qu'ils n'ont jamais eus l'un pour l'autre, l'adulte qu'elle est devenue revisite son histoire avec un père qui a le mot rare et peu généreux et qui choisit de s'effacer de la vie de ce noyau familial. Comment comprendre ce père absent, ce père muet, autrement qu'en retraçant avec un brin de mélancolie leur histoire à tous les deux, son enfance dans ce pays en guerre, dans lequel il est fait prisonnier: reconstituer son départ en France, reconstruire leur relation, de silences, de mensonges, de bienveillance, de gestes d'amour, anodins, mais bien présents. Elle se rattache à ces herbes, la marjolaine qui constitue le mince fil qui la relie encore à cette figure paternelle absente. J'ai apprécié la sensibilité de l'auteure, cette délicatesse dont elle fait preuve face au père, cette façon qu'elle a de ne pas s'acharner à essayer de briser ce silence, empruntant plutôt le langage herboriste et celui de la littérature pour tenter de nouer un dialogue, quand bien même fictif, avec lui.



Dima Abdallah revit cette guerre, au centre de tout, de leur vie, de leur départ, de l'éclatement familial, cette guerre qui n'est pas la sienne mais celle de son père, de ses parents, les dissensions ethniques, religieuses qui déchirent le pays et qui déchire sa propre famille, les musulmans d'un côté, les maronites de l'autre. Elle revit, explore, comprend et s'agace, elle recrée la voix de ce père tant aimé, elle recherche les mots d'amour, même les gestes, qu'il est incapable de lui prodiguer, consumé qu'il l'est par ce conflit fratricide au sein de la ville tant aimée, mais détruite, dont les ruines et les cendres rappellent celles de ce père anéanti, dévasté, qui utilise ses dernières forces à poser ses ultimes mots sur un papier.



Ai-je aimé ce roman? Je n'ai honnêtement aucun avis tranché à vous donner. Je n'ai pas franchement détesté, j'ai été sensible à cette fille à la recherche d'un père insaisissable, qui fait l'impossible pour le comprendre, renouer avec lui à leur façon. En revanche, j'ai eu du mal à m'adapter à ce mode de narration, très sélectif, à travers lequel l'auteure met un point d'honneur à en dévoiler le moins possible. Je suis très clairement restée sur ma faim, j'aurais aimé en savoir plus sur cette jeune femme qui essaie de se construire malgré l'absence coupable du père, j'aurais aimé en connaitre plus sur cette famille, sur leur rapport avec la narratrice. Sur les circonstances de cette séparation, sur les relations avec la mère, le frère, sur la vie dans le Beyrouth des années 80. Beaucoup de silence, d'omissions, de questions laissées sans réponses, trop justement. Des années entières sont tues, cette barrière de protection qu'elle a obstinément dressée entre son lecteur et le reste de sa vie devient trop opaque à mesure que son histoire prenne forme pour que l'on ne finisse pas déboussolé. Tout juste sait-on que ses parents se sont rencontrés à l'université, que c'est là-bas qu'ils sont tombés amoureux, nous n'en saurons guère plus. Pourquoi le père prend-il le parti de rester dans ce Liban en guerre alors que la mère décide de sortir ses enfants de là? On le ressent, cet attachement profond et vital du père à son pays, plus viscéral que le lien qui le rattache à sa propre famille, on l'éprouve ce déracinement qui secoue la jeune femme, cette nostalgie douce-amère d'un pays qui lui manque même si elle ne s'y est jamais sentie à sa place. Mais elle est de ces Mauvaises herbes qui arrivent à pousser n'importe ou, malgré tout.



L'essentiel, après tout, est de savoir si la jeune fille déracinée finira par trouver un terreau où planter ses racines, repiquer ses plants, durablement. On savoure ce double langage, botanique et littéraire, qu'elle empreinte pour parler des seuls liens qui rattachent son père à la vie, et plus que tout, cette jeune femme à son père. Apprendre à comprendre, apprendre à ne pas pouvoir comprendre, apprendre à accepter, apprendre à lâcher prise, à oublier les démons qui ne sont pas, ou plus, les siens, et comprendre qu'après tout, la vie n'est pas plus compliquée qu'un morceau de vieux comté et d'un brin de causette chez la fromagère du coin. La résilience. Un compromis entre l'ici et là-bas, une greffe soignée et aboutie. Enfin. On expire, profondément, on reprend haleine avec notre narratrice, cette auteure en devenir, qui a enfin trouvé le moyen de se délester de son bagage, de créer et cultiver son propre jardin littéraire, à travers ses propres feuilles, blanches.



C'est un roman qui se lit un peu comme on respire, on hume, on exhale le parfum d'une fleur, en inspirant à plein poumons pour mieux s’imprégner de son parfum. Puis en expirant, pour revenir la respirer de temps en temps. C'est un livre débordant de poésie, que la légèreté de la trame narrative peut aisément dérouter. Le récit, en revanche, n'est jamais asphyxié par la gravité du sujet. Installez-vous confortablement et dégustez!
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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Mauvaises herbes

Ce roman est un véritable uppercut qui touche en plein coeur.

Récit qui commence en pleine guerre civile du Liban et qui alterne les chapitres entre le ressenti d'une petite fille et celui de son père au fil des années.

Cette enfant est une victime de la guerre et son corps comme sa tête sont eux aussi en pleine guerre civile.

A ne pas vouloir choisir de camp, on fini par s'isoler et à vivre en marge de la société.

Comment se construire sur un champ de ruine et trouver sa propre identité ?

Roman à l'écriture ciselée avec beaucoup de poésie et d'émotion.

Très belle pépite à lire et relire !!!
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Mauvaises herbes

Vivre petite fille à Beyrouth en 1983, c'est ne pas avoir de maison, déménager dans différents quartier, sentir les adultes dompter leur peur, se rassurer des tirs qui se rapprochent en annonçant l'arrivée des parents à l'école, c'est surtout vivre le doigt dans la main de son père, son père ce géant.



Ce texte est un bijou de justesse, d'amour, de sensibilité. Une enfant qui parle de sa solitude, sa différence, de son regard sur un monde extérieur, en guerre, qui ne se comprend pas. A chaque chapitre lui répond son père, homme débordant d'amour pour sa fille qu'il se doit de protéger, physiquement et moralement en effaçant tout signe extérieur d'inquiétude.

Ce premier roman nous dit beaucoup d'une trajectoire de deux êtres entre qui les mots sont blessés, de leurs vies de 1983 à 2019, entre Beyrouth et Paris où la jeune femme est partie étudier.


Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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Mauvaises herbes

Beau roman sur les thèmes de l'exil (fuite de Beyrouth vers Paris), de la difficulté de s'intégrer, sur la relation père-fille. Personnellement j'ai préféré les premiers chapitres sur l'enfance et les ravages causés par la guerre. Ensuite, les chapitres m'ont semblé redondants entre les récits du père et de la fille, avec des redites n'éclairant pas les propos et un manque d'explications. Le rôle de la mère est peu présent, comme un fantôme alors que le père semble l'avoir adoré. Heureusement, le style est beau et poétique.
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