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Critiques de Dima Abdallah (73)
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Mauvaises herbes

Le récit commence en 1983 à Beyrouth, dans un pays en guerre civile depuis onze ans. La narratrice, qui est née au Liban six ans plus tôt, attend avec les autres élèves rassemblés dans la cour de l'école que leurs parents viennent les chercher. Encore une fois les bombardements se sont intensifiés et il faut évacuer l'école. Au milieu des autres enfants, elle est la seule à ne pas pleurer trop heureuse de quitter l'école où elle se sent très seule et de retrouver son père, "son géant", son héros. La main cramponnée au petit doigt de son père, elle s'enfuit certaine qu'il ne peut rien lui arriver. Son père est un intellectuel, un poète qui s'emploie à être un roc, à cacher son angoisse en faisant semblant que tout va bien et en sortant des blagues pour la faire rire.



L'enfant est elle aussi habituée à faire semblant de ne pas avoir peur, à tout verrouiller en elle, en premier lieu la boule qui ne quitte pas sa gorge. Elle veut aussi protéger son petit frère en ne montrant rien de ses peurs. La famille est sans cesse contrainte de fuir précipitamment en emportant seulement les valises et le gros sac de soldats en plastique de son frère, laissant toutes leurs affaires derrière eux, les jouets des enfants et les plantes que la petite fille aime tant... Ils vivent ainsi de maison en maison qui ne sont pas leurs véritables maisons. Parfois la petite fille ne peut pas cacher ses crises d'angoisse quand elle se retrouve dans l'impossibilité de respirer...



L'année des douze ans de la petite fille, la famille s'exile à Paris en laissant le père derrière eux. Ils échangeront des lettres, se reverront occasionnellement...



C'est son histoire que raconte ici Dima Abdallah. La voix de la petite fille et celle qu'elle prête à son père alternent de chapitre en chapitre. Elle explore sa relation avec son père, la communication impossible entre eux deux, enfermés dans le silence, incapables de se parler de leurs émotions, de se dire ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent "Je suis un spécialiste des banalités, des généralités et des lieux communs. Je suis un expert dans l'art de la fuite. Je ne suis bon qu'à lui dire que je pense à elle". La guerre est bien entendu présente dans ce texte, mais seulement en toile de fond car ce roman est essentiellement une histoire d'amour entre une fille et son père. La mère et le frère sont peu évoqués, ils sont juste à la périphérie de cette histoire. C'est une petite fille qui cache sa tristesse et ses angoisses à son père pour l'épargner, ne le sentant peut-être pas assez fort pour les entendre. C'est un père qui livre bataille en écrivant, seule façon de résister à l'absurde "C'est mon combat, c'est ma guerre à moi.... Écrire l'absurde pour tuer l'absurde". Il y a des moments forts tout au long du livre mais je retiens tout particulièrement l'image magnifique de la main de la narratrice cramponnée au doigt de son père, les images de son départ du Liban. Père et fille se retrouvent sur le sujet de la botanique, un sujet de discussion pour éviter de parler du reste... prendre soin des fleurs et des plantes devient leur passion commune et le fil conducteur de ce texte. "Il ne sait pas lui. Je ne peux pas lui dire. Il ne sait pas ce que c’est pour moi, des les entendre crier et des les abandonner, lui, la marjolaine, le jasmin et le rosier". Tous deux trouvent l'écriture comme porte de sortie, ce sera la poésie pour eux deux.

Tous deux se sentent inadaptés au monde qui les entoure, ce sont des "mauvaises herbes" qui s'acharnent à pousser dans l'improbable. Ce roman parle aussi d'inadaptation au monde, d'exil qui est avant tout intérieur, d'enracinement impossible à force d'avoir passé sa vie à fuir, " Peut-être qu'à force, de nomade, on devient déraciné... Peut-être que le sentiment d'être de nulle part reste à tout jamais."

J'ai adoré l'écriture éminemment poétique, la douce musicalité des mots, des phrases pour marteler des propos très percutants. C'est une histoire très forte souvent dure mais éclairée par l'amour que se portent le père et la fille. Un magnifique premier roman.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Mauvaises herbes

Elle a six ans, son géant de papa vient la chercher à l’école avant l’heure en raison d’une alerte. Des alertes, il y en a souvent à Beyrouth en 1983. Pour que son géant ne s’inquiète pas pour elle, elle s’accroche bien à son doigt et elle lui sourit. Elle garde ses larmes et son angoisse à l’intérieur, dans la boule qui obstrue sa gorge. Tout s’est bien passé à l’école. Tout va bien, sauf l’ascenseur du nouvel immeuble en panne. Alors elle reste sur les marches à se remplir de pop corn en essayant de ne pas penser à l’appartement qu’il a fallu quitter en pleine nuit, aux barrages, aux soldats qui vous regardent de travers, à la joie qui s’effrite, à son géant qui vacille.



C’est le premier roman de Dima Abdallah, qui alterne les voix de la petite fille, puis de la jeune femme, avec celle de son père. Une histoire sensible de lien père fille au-delà du silence, de l’exil et de la violence de la guerre civile libanaise.



Deux voix qui essaient de se sauver par la poésie, l’écriture. Deux voix parallèles qui malgré un amour profond, peinent à se retrouver.



J’ai été happée par cette écriture et cette émotion. Une superbe autobiographie à lire ou relire absolument par les temps qui courent !
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Bleu nuit

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Bleu nuit

Le narrateur vit cloîtré dans son appartement parisien, refusant ainsi tout contact. « J'habitais le 20ème arrondissement depuis des années, mais je n'y avais jamais vécu. J'habitais une cellule, un donjon coupé du monde et entouré de douves infranchissables. » Et puis un jour, celle qu’il a aimé, meurt. Du jour au lendemain, il décide de jeter les clés de son logement dans le caniveau. L’homme part, pour oublier. Ainsi, par choix, il vit dans la rue. S’imposant la faim, le froid, la peur. Cherche-t-il à se punir de quelque chose ? À vivre une liberté pour être enfin oublié ? « Je marche sur un fil. Je suis le funambule sur le fil tendu au-dessus des abysses de la mémoire. Il ne faut pas que je tombe. Je suis sur le fil qui menace de rompre au moindre faux pas. »



Dans un monologue d’une intense poésie, Dima Abdallah raconte un homme tourmenté, brisé par son passé. Elle nous promène dans les rues de Paris à coup de références littéraires rendant l’errance du narrateur plus lumineuse. Les lieux et les rencontres que l’homme fait sont des rayons de soleil qui donnent le sourire.



Bleu nuit est un texte sombre, qui donne mal au bide mais sans jamais mettre mal à l’aise. La beauté qui s’en dégage, vous enveloppe du beau et du puissant. Le travail d’écriture est remarquable.

Coup de cœur



http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/12/15/39744874.html
Lien : http://www.mesecritsdunjour...
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Mauvaises herbes

Cette autrice, originaire du Liban, a écrit deux livres et il s'agit ici de son premier.

Nous plongeons dans le Liban de la guerre, des milices, des destructions ; nous plongeons aussi dans une relation fusionnelle entre un père et sa fille des 3 ans de celle-ci à ses 40 ans, de Beyrouth à Paris, d'appartement en appartement, de balcons fleuris en balcons fleuris.

Cette relation est à la fois douce et belle mais également destructrice puisqu'elle empêche, au sens propre du terme, les deux protagonistes de respirer.

L'écriture est magnifique, fluide ; mais j'ai, personnellement, trouvé ce livre trop triste. Il pourrait avoir tendance, si ce n'était la fin (et encore !) à démolir notre moral. Il faut être en forme pour le lire, je le déconseille à tous ceux dont le moral est en berne...
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Bleu nuit

Livre tombé réellement par hasard dans mes mains puisque je l'ai vu en tête de gondole à la médiathèque.



En voyant la 4ème de couverture j'étais très emballée. Eh bien... c'était juste sur la 4ème de couverture l'emballement. Je me suis ennuyée du début à la fin, j'ai failli abandonner au moins une dizaine de fois...

On y parle de deuil, d'errance et d'habitudes de vie avec des inconnus mais la mayonnaise n'a pas pris. J'ai eu l'impression que c'était un alignement de textes sans pour autant y faire de réels liens et y voir une issue.

L'écriture n'est pas difficile à lire mais le fond n'a pas trouvé de point d'accroche avec moi.



Un flop pour moi...
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Mauvaises herbes

De très belles pages sur le fil invisible qui relie une enfant, une ado, puis une femme à ses racines filiales et géographiques.

Un livre sur l'exil, la guerre, l'enfance et le métissage.

J'ai beaucoup aimé le style de Dima Abdallah, même si parfois j'ai eu un tout petit sentiment de répétition.

Un premier roman très prometteur, à lire assurément !
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Bleu nuit

Bleu nuit est le deuxième roman de Dima Abdallah publié chez Sabine Wespieser Éditeur. Ceux qui la connaissaient déjà par son admirable premier roman, Mauvaises herbes, publié en 2020 chez le même éditeur, serons conquis par ce nouveau récit placé cette fois sous le signe d’un équilibre précaire au-dessus « des abysses de la mémoire ». Le monologue intérieur dont fait usage son personnage fait naître un dramatisme comme un jaillissement thématique multicolore lié au déracinement et à la permanence, à l’oubli et à l’obsession mémorielle, à la révolte et au renoncement, aux rituels de passage vers l’âge adulte et à la nostalgie de l’enfance, mais surtout à ce bleu nuit, couleur de passage et de frontière. Le style de Dima Abdallah est d’une envoutante poésie qui transfigure les souffrances et les blessures du monde en un hymne « tragique et beau à la fois ».
Lien : https://lettrescapitales.com..
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Bleu nuit

Dima Abdallah joue formidablement avec le froid et le chaud, l’enfance et l’âge mûr, le jour et la nuit, les couleurs et les odeurs, le passé et le présent, mais surtout avec les mots, pour nous conter ici la bouleversante histoire d’une âme esseulée dans Paris, hantée par les fantômes d’un passé. Un texte minutieux, d’une incroyable mais rude poésie, solaire malgré toute la noirceur qui s’en dégage, qui vous étreint encore bien après la dernière page et vous en dit plus sur le mot « Humanité ». Sublime!
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Mauvaises herbes

Entrer dans le rythme de ce roman peut paraître difficile mais il mérite véritablement de poursuivre la lecture jusqu'au bout.

Une formidable histoire d'amour entre un père et sa fille au sein d'un monde en pleine guerre.

Une guerre adoucit par cette tendresse et par l'amour des plantes.

Un roman qui mérite d'être découvert malgré un thème difficile. J'ai eu du mal à rentrer dedans dans la première partie du livre, mais il mérite vraiment que l'on insiste sur la lecture, vous ne serez pas déçus.
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Mauvaises herbes

Une fillette et son père dans un Liban dévasté par la guerre civile.

Cette fille cache sa peur, ses sentiments. Et le père, infaillible en apparence, cache une faiblesse (si c'en est une ) : ne pas aller au conflit, ne pas prendre parti, pour pouvoir continuer de vivre, d'écrire, de protéger les siens. Ce qui le détruira.



Chaque chapitre est une tranche de vie. L'ordre chronologique est respecté mais parfois plusieurs années se passent avant de retrouver nos narrateurs (le narrateur varie d'un chapitre à l'autre : une fois la fille, une fois le père).

L'enfance au Liban, l'exil de la fillette vers la France, la découverte de Paris, la fugue, l'entrée dans l'âge adulte...



Le style est celui de l'introspection (chez le père comme chez la fille) . L'écriture devient indigeste au bout d'un moment : beaucoup de petites phrases choc, plutôt bien tournées, qui se veulent définitives, et qui sont malheureusement redondantes puisqu'on a l'impression que l'évocation d'un sentiment est très souvent étirée sur 2 pages. Bref, une certaine lassitude à la fin de l'ouvrage...
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Mauvaises herbes

Une petite fille de 6 ans va à l'école au Liban pendant la guerre civile qui a ravagé le pays pendant de nombreuses années. Le père son "géant" est omniprésent mais il ne parle pas , n'exprime pas de sentiments et se réfugie dans l'écriture la poésie et les plantations diverses.

L'héroïne se mure également dans le silence et s'interdit d'exprimer ses sentiments pour ne pas rajouter au malheur

ambiant.

De chapitre en chapitre qui se succèdent l'on entend les voies tant du père que celles de la narratrice qui grandit et qui un jour va laisser son "géant " seul dans son pays meurtri pour gagner la France avec sa mère et son frère pour se mettre à l'abri.

Le père , qui n'appartient à aucun parti ou faction politique, subit la destruction de son pays sans participer au conflit et l'enfant ne se sent bien dans aucune situation et se réfugie dans la culture des plantes comme le faisait jadis son géniteur.

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Mauvaises herbes

Ce premier roman nous plonge dans le quotidien d’une famille à Beyrouth en 1983, donc au Liban en pleine guerre civile.

Le chapitres alternent entre la voix de l’enfant puis la voix de l’adulte. Chacun apporte son point de vue, ses sentiments, la façon dont il vit tout cela.

C’est un récit poignant, vu avec les yeux d’une enfant de 8 ans. Elle va avec la peur au ventre à l’école. Elle espère qu’on ne lui pose pas la question incontournable à laquelle elle ne sait répondre : de quelle confession est-elle ? chrétienne ou musulmane ? Elle n’est ni l’une, ni l’autre. Ses parents ne croient pas en Dieu. La famille de sa mère est un peu chrétienne et celle de son père un peu musulmane.

Selon la situation, sa mère montre ses papiers chrétiens ou musulmans. Elle est journaliste et professeure de français. Elle rentre souvent tard. C’est donc son père, écrivain, qui s’occupe d’elle et de son petit frère.

Elle essaie d’écrire des poèmes comme son père. Elle aime arroser les plantes sur le balcon avec lui. C’est son modèle, « son géant ».

« La poésie c’est peut-être ce qu’on écrit quand on n’arrive pas à pleurer comme les autres. »

Elle est différente des autres enfants. Elle est sensible. Elle a du mal à s’adapter à l’école dont elle ne comprend pas les règles. « Je suis un cube qu’on essaye de faire entrer dans le monde rond du matin au soir. »

Et un soir, elle n’arrive plus à effacer, oublier les moments difficiles de sa vie, la peur des bombes, des contrôles, les valises prêtes pour fuir à tout moment. C’est sa première crise d’angoisse. Son père impuissant, ne sait comment la rassurer. « J’aurais voulu être fort, et être fort, ici, c’est tuer, c’est torturer. »

Trois ans plus tard, elle part pour Paris avec sa mère et son frère, laissant son père au Liban.

Elle raconte alors sa vie à Paris, les choses qu’elle aime bien comme la bibliothèque de la rue Mouffetard où elle passe la majeure partie de son temps à lire des BD et des romans.

Peu à peu elle oublie les mots arabes et ne parle plus qu’en français, elle perd son identité. On la voit ainsi grandir, abandonner l’école, partir pour se perdre alors que les crises d’angoisses sont toujours présentes.

Père et fille n’arrivent pas à se parler, ils s’écrivent. Il boit beaucoup. On assiste à sa lente chute.

Un texte délicat, plein de grâce et de poésie, bouleversant.

Elle a reçu le prix « envoyé par la Poste » 2020.
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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Mauvaises herbes



C𠆞st un livre à deux voix, celles d’une jeune fille et son père, entre un journal intime et un roman épistolaire. Les mots valsent entre ce père, journaliste et écrivain, qui exprime ses tourments à tenter de protéger sa fille, et cette dernière qui résiste, ne pleure pas malgré les explosions, les corps déchiquetés ... et qui lui écrit des poèmes « La poésie, c𠆞st peut être ce qu’on écrit quand on n𠆚rrive pas à pleurer comme les autres ».

Elle est née à Beyrouth pendant la guerre civile et a appris à ne rien montrer de ses peurs, plongeant dans le regard de ce père, ce géant, lui tendant la main comme on s�roche à un fil pour ne pas sombrer. Elle qui craint les fantômes plus que bombes, grandit au milieu de la désolation et trouve refuge dans les plantes, y compris (et surtout) les mauvaises herbes « celles qui poussent au mauvais endroit au mauvais moment, mais qui prolifèrent ailleurs […], qui s�harnent à vivre dans les milieux les plus hostiles ». Car il faut vivre malgré tout et ne pas montrer sa peur.

Quand le départ s’impose, le déracinement va lentement déverser son poison dans les veines et surtout le cœur de cette jeune femme, ce cœur qui garde tout, trop, qui gonfle et finit par devenir incontrôlable. Enfant, habituée pendant des années à déménager, à n𠆞mporter que l𠆞ssentiel dans un sac à dos bleu, devenue adolescente puis adulte, elle est perdue devant ces objets, ces souvenirs qui s�umulent et dont elle ne sait quoi faire.

Très beau premier roman sur la relation forte mais silencieuse entre un père et sa fille, séparés à cause d’une guerre civile qui dévisagea leur pays, sur l𠆚rrachement à une terre (même sous les bombes) et sur le comment on se (re)construit malgré tout.

L’écriture est à la fois forte, poétique et d’une sincérité qui m𠆚 profondément touchée.

Une dernière citation de cette auteure pour illustrer cette difficulté à vivre l𠆞xil «  De ce quartier peut-être, où on n𠆞st pas seuls à être de nulle part. De ce quartier où, vu qu’on est nombreux à être un peu d’ici, un peu de là-bas, un peu de bientôt ailleurs, on en fait un petit pays, un endroit où l’on se ressemble et qui finit par nous ressembler ».

Premier roman de cette auteure libanaise qui, comme son géant de papa, écrit pour mieux se relever. Puissant et bouleversant !
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Mauvaises herbes

Ce récit nous emmène au Liban, à Beyrouth, en pleine guerre civile au début des années 1980. Nous découvrons le lien inaltérable qui unit une petite fille à son père dans un monde qui tremble et qui s'effondre sous les bombes. Accrochée à la main de son père, à son doigt, l'enfant avance dans un monde qui n'est pas fait pour elle. L'enfant et son père n'ont pas leur place dans ce monde en guerre. Mais on sent qu'ils ne trouveraient pas non plus leur place ailleurs, dans un autre contexte. Tous deux sont de la "mauvaise herbe", de celles qui poussent tout simplement au mauvais endroit. La violence de la guerre fait germer une angoisse intense, qui se saisit du corps de l'enfant et qui transformera à jamais son existence. Le père, lui, veut rester ce géant indispensable à sa fille, celui qui protège et fait grandir. Sauf que lui non plus n'est pas adapté à ce monde, ni sans doute à aucun autre. Il se détruit petit à petit, n'étant plus d'aucun secours pour sa fille. Ni l'un ni l'autre ne savent parler, se parler. Ils gardent tout enfoui au plus profond d'eux, souriant pour donner le change. Pour faire comme si tout allait bien. Malgré cette descente aux enfers, tous deux resteront liés à jamais, même quand la fillette quittera le Liban avec sa mère, pour rejoindre la France, l'année de ses douze ans. Par delà la Méditerranée, le lien qui unit l'enfant à son père restera solide, indestructible et destructeur.

J'ai aimé ce récit d'un attachement à la fois merveilleux et destructeur, d'un déracinement quel que soit le lieu où on habite. On connaît cette fidélité aux parents, à la famille dans laquelle on grandit, même si cet attachement est toxique. La plume de Dima Abdallah est douce et poétique. Elle traduit aussi la violence de la guerre et des drames qui se jouent dans les cœurs et les corps de la fillette et de son père. J'ai été touchée par la perception de cette angoisse et de cette inadaptation au monde et de la manière dont cela se traduit dans les corps et les comportements. Comment ils tentent de faire bonne figure et de continuer à vivre. Le lecteur suit leurs évolutions au cours d'une quarantaine d'années, de 1983 à 2019, les descentes aux enfers et les sursauts. L'incapacité du père à "se faire violence", selon la formule populaire, pour dépasser ses angoisses et être présent pour sa famille. Comment, d'ailleurs, "se faire violence" quand toute sa vie n'a été que violence et terreurs ? Le père, puis sa fille plus tard, écrit, noircit les pages les unes après les autres. Je me suis souvent demandée d'ailleurs pourquoi ces deux-là ne s'écrivaient pas. Pourquoi ils n'avaient pas alimenté une correspondance par delà la Méditerranée, pour s'écrire ce qu'ils étaient incapables de se dire. Cela m'a semblé tellement dommage.

…/…

Un premier roman riche, sensible et violent à la fois, touchant et poétique. Une nouvelle auteure à suivre très certainement.
Lien : https://itzamna-librairie.bl..
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Mauvaises herbes

Mauvaises herbes est un chant d’exil et d’amour. Dima Abdallah écrit dans ce premier roman la difficulté d’être au monde, de vivre en étant déracinée et marginale.



Beyrouth. La guerre déchire le Liban mais aussi le cœur de la narratrice de douze ans et de son père. Proches et en même temps dans l’incapacité de communiquer l’un avec l’autre, le roman alterne les points de vue de ces deux narrateurs. Après Beyrouth vient la séparation et l’exil à Paris, pour la fillette, laissant derrière elle un père meurtri et un pays dévasté.



Dans un roman fascinant et bouleversant, Dima Abdallah explore les relations père-fille et le sentiment d’être comme inadapté au monde, être une « mauvaise herbe » dans la société.
Lien : http://untitledmag.fr/rentre..
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Mauvaises herbes

Dans les années 80, dans un Beyrouth dévasté, la narratrice vit une relation aimante avec son père qu'elle nomme le géant. Alors que ses années d'enfance ne devraient être qu'insouciance, elle subit les conséquences de la guerre civile qui sévit au Liban, laissant le pays exsangue.

Père et fille sont unis par leur amour des plantes, et surtout des mauvaises herbes, qui leur ressemblent tant, eux qui n'appartiennent à aucun groupe, qu'il soit politique ou religieux, libres comme ces herbes folles.

Exilée en France à l'âge de 12 ans, sans son père, elle garde au fond du coeur ces heures de complicité ainsi la vie, l'absence et les silences, les éloignent progressivement l'un de l'autre...

Mais ce que son père lui a légué de plus précieux demeurera : la liberté de penser.



Un roman à deux voix qui distille au fil des pages les peurs inavouées, les ressentis de chacun, leurs doutes et leurs bruyants silences.

Un texte sensible et délicat aux odeurs de jasmin et de marjolaine, plutôt doux parfois amer car restent indélébiles le manque et la violence de la séparation.

Le rythme saccadé impose une lecture soutenue avec certains passages où le lecteur se perd, s'ennuie et s'interroge mais cela ne dure que quelques instants tant le verbiage est beau.

Un premier roman riche à découvrir sans hésiter.

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Bleu nuit

L'idée était bonne : un journaliste affligé de TOC après le choc post traumatique de son passé qui vit d'abord enfermé chez lui, puis dans la rue et fait de portraits des autres exclus qu'il rencontre, écrivant de temps en temps de fragiles carnets. A la fin les carnets prendront toute la place et raconteront son histoire.

L'idée était bonne, mais je n'arrive pas à rentrer dans cette poésie du désastre et des regrets.

La guerre du Liban est un drame qui se poursuit de façon atrocement actuelle et impunie, jusqu'où le drame que vivent ceux qui y vivent encore pourra-t-il se poursuivre ?


Lien : https://www.lesmotsjustes.org
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Bleu nuit

Un homme vit reclus dans son appartement, hanté par son passé. Il a grandi de l’autre côté de la Méditerranée, avant de fuir sa vie et de se réfugier en France pour devenir journaliste à Paris. Il a toutes sortes de stratagèmes et de tics pour oublier ses fantômes. Mais quand le téléphone sonne pour lui annoncer la mort de la femme qu’il a aimé et avec laquelle il a vécu, ses tics remontent. Tout commence à dérailler. Il ne se sent plus à l’abri entre ses murs. Il décide alors de vivre dans la rue, comme un sans-abri mais en ayant de l’argent pour s’acheter de la nourriture, des vêtements et sac de couchage chaud.

Dans la rue, il marche inlassablement dans le même quartier de Paris pour éviter de penser. Mais les odeurs font remonter les souvenirs à la surface. Il a des habitudes, chaque jour il se place à un endroit précis pour rencontrer une personne précise. Le mardi, par exemple, il a rendez-vous avec Ella qui lui tend un croissant. Il est obsédé par l’odeur de la crème dont s’enduit Layla, une femme également SDF.

Son monologue alterne avec des extraits de ses carnets. Ce sont des passages très poétiques. L’écriture est singulière et unique. J’avais beaucoup aimé le premier roman de Dima Abdallah, « Mauvaises herbes ». Je suis ravie de retrouver sa plume. Les sujets abordés sont à nouveaux graves et l’ambiance est étouffante. L’autrice tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin, où l’on découvre les secrets qui rongent cet homme seul. Car il est question de solitude dans ce roman. Il nouera des liens avec une chienne, Minuit, rencontrée au cimetière du Père Lachaise. Ces deux êtres meurtris ne se quittent alors plus.

C’est un livre puissant dont on ne ressort pas indemne car on ne peut qu’être bouleversé par ce personnage qui lutte contre la folie. A la fois sombre et lumineux, impossible d’abandonner cet homme, cette chienne et tous les autres sans-abris de ce roman très humain et sensible.
Lien : https://joellebooks.fr/2022/..
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Bleu nuit

C’est ainsi qu’une histoire insoupçonnée, à la fois cruelle et déchirante, se dévoile de manière singulière, d’une métaphore à l’autre, et révèle une écriture d’une grande beauté qui redonne vie à tous ces oubliés traînant leurs blessures dans l’anonymat des grandes villes.
Lien : https://www.lapresse.ca/arts..
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