J'avais adoré le film, je suis plus mitigé pour le livre, Flandre profonde des années 70, souvenirs triviaux du jeune Dimmetrie, famille Verhulst de buveurs de bières, glandeurs écumant les cafés, partageant la chambre avec son père et ses trois oncles, odeurs de pisse et de vomi.
C'est puissant, on ressent cette ivresse de saoulard, hommes battant des records, hommes heureux de revendiquer leurs cancer du foie, pendant que l'épouse partie est traitée de pute, pendant que la grand-mère se tape les repas et d'immondes lessives.
Familles d'accueil, l'auteur ne s'en est pas trop mal sorti.
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« Vanavond is het feest. » Ce soir, c'est décidé, tu t'enjailles. Tu embrasses ta femme avant de sortir et tu lui promets que tu ne rentreras pas tard, juste deux ou trois verres avec tes amis, pas plus. Elle te connaît suffisamment pour ne pas te croire. Tes cheveux sont en vrac, tu n'as pas soigné ta mise. Ah si, tu as chaussé tes beaux souliers vernis. Il te faut au moins ça pour fouler les pavés luisants de Gent, Antwerpen ou Utrecht. Peu importe que tu sois français, flamand ou néerlandais, tu pars rejoindre l'église de Bacchus, cette communauté où tous les Hommes sont frères, l'ivresse brisant toutes les frontières. Tu retires de l'argent liquide et tu t'approvisionnes en cigarettes. Tu accélères ton allure, frôles les passants, il fait nuit, l'ambiance a changé, les rues sont chargées de relents de friture et d'urine. Tu fredonnes des mélodies de jazz. Tu arrives à destination, traverses la terrasse couverte, tu t'accoudes au zinc, salues les habitués et commandes une trappiste. D'autres suivront rapidement.
La fête bat son plein mais les « breaking news » arrivent jusqu'à toi, colportées par les smartphones, les chaînes d'information continue, les rumeurs. Une attaque terroriste a été menée dans un aéroport. Que faire ? Continuer la fête. le temps du recueillement arrivera plus tard. Il faut continuer à affirmer sa liberté face à l'intolérance. La fête peut également se vivre comme une revendication. Il faut défendre le droit de vivre, de jouir et de rester irrévérencieux.
Dimitri Verhulst, tu un génie ! J'avais apprécié sans plus ta première « merditude » sans réussir à voir son adaptation cinématographique. Ici, tu réussis un coup d'éclat. Ce roman peut être téléchargé gratuitement pendant trois semaines, dans quatre langues, avant le lancement de sa publication papier. Gratuit, oui, mais génial. Ton récit est corrosif et impertinent. Sa frénésie festive m'a rappelé l'excellent « Belgica » de Felix van Groeningen (à voir absolument). Cent cinquante pages ardentes et brillantes, une gigantesque claque dans la gueule de l'intolérance. Nous n'avons pas peur, non, mais par contre, attention à la gueule de bois. Bravo ! Dimitri, jij bent geweldig !
Vous pouvez télécharger le roman jusqu'au 26 octobre sur le lien plus bas => {le lien n'apparaît plus. Vous pouvez taper le nom de l'auteur + wetransfer pour le retrouver. Je le précise une nouvelle fois, c'est tout à fait légal !}
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L'annonce de l'arrivée du Christ à Bruxelles donne prétexte à Verhulst pour nous abreuver de tristes constats sur Bruxelles et la Belgique, aberrant pays aux 6 gouvernements, désastres sociaux, scandales religieux.
C'est joliment écrit mais lu après 'La soutane', j'ai trouvé le texte lourd et un peu creux.
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Belgique, années 80. Dimitri vit chez sa grand-mère qui héberge bon gré mal gré quatre de ses fils adultes sans le sou. Ceux-ci se remplissent l’estomac essentiellement de bière, dans leur taudis ou au bistrot, et sont coutumiers des cuites carabinées. Atrocement crados et fiers de l’être, ils ont grillé pas mal de leurs neurones avec ce régime. A treize ans, Dimitri baigne dans cette ambiance, pas le choix.
L’auteur s’est inspiré de sa jeunesse pour écrire ce roman. On ose espérer que la situation n’était pas si sordide. Il semble difficile de s’extirper d’un environnement aussi délétère, mais Dimitri Verhulst a visiblement réussi à prendre un autre chemin à l’âge adulte.
Malgré le tragique de la situation, le ton n’est ni misérabiliste ni revanchard. Le récit est plein d’humour au contraire, le narrateur se posant en observateur placide et plutôt bienveillant. On peut déplorer quelques longueurs, notamment lors du grand concours de beuverie, dont la description peut flanquer la nausée aux plus aguerris.
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Comment sa femme l'a rendu fou... Ou plutôt, comment, pour échapper à sa sorcière de bonne femme, Désiré a décidé de simuler la maladie d'Alzheimer à septante-quatre ans, quitte à vivre dans une sordide maison "de vieux", entouré de vrais séniles, se faire gaver de cachetons, macérer la nuit dans ses excréments, occuper ses journées en jouant au bingo, au jeu de l'Oie, en décorant des boules de Noël ou des oeufs de Pâques.
J'avoue qu'un tel choix me laisse perplexe : vivre à l'hôpital, se sentir enfermé, diminué et infantilisé est tellement désagréable quand on y est contraint.
Ça partait donc plutôt mal entre cette histoire et moi, mais comme j'ai beaucoup apprécié 'La merditude des choses' de cet auteur, j'ai persisté... J'ai longtemps été mal à l'aise : guerre dans le couple, méchancetés proférées, un humour noir qui ne me faisait pas sourire. Et quelle cruauté de la part de cet homme de laisser les gens qui l'aiment - sa fille - assister à une décrépitude feinte ! On trouve certes des propos grinçants et justes sur la famille, le couple, la vieillesse, les maisons pour personnes âgées, le système de santé. Et puis quelques passages émouvants... et si Désiré était vraiment dépressif, suicidaire et n'avait pas trouvé de meilleur moyen pour mettre fin à ses jours ? Mais bof, je ne suis qu'à moitié convaincue...
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Bienvenue à Reetveerdegem, village fictif de Flandres, dans la famille Verhulst où plutôt chez la grand-mère du narrateur qui héberge 4 de ses fils pour la plupart n'ayant jamais quitté le giron maternel, sans travail sauf le père du héros, vivant ou plutôt buvant les aides sociales diverses et variées et Dimitri le petits fils d'une dizaine d'années abandonné par sa mère qui a également plaqué le mari (le seul des fils à travailler) revenu dans le foyer familial.
A condition d'accepter le postulat de départ et de ne pas s'en offusquer (saouleries et beuveries impressionnantes, un peu de scatologie, de la violence, une misère économique mais toujours beaucoup d'amour et de solidarité) ce roman d'apprentissage, à l'aide de courts chapitre nous fait découvrir la famille rabelaisienne de Dimitri Verhulst et quelques uns des épisodes marquants de son enfance, des liens avec ses oncles, son père expérimentant à la fois la complicité, l'amour dans la famille et également le sordide et la misère économique.. La Merditude des Choses quoi.
Au fil du roman la narration se fait plus châtiée mais plus distante avec les membres de la famille symbolisant l'éloignement de Dimitri; amour et solidarité s'estompent au fur et à mesure de l'avancement de la lecture de son récit et le fossé se creuse entre Dimitri et le reste de la famille.
J'ai apprécié ce roman sans concession mais sûrement pas sans amour.
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Un vieillard simule la maladie d’Alzheimer pour se faire placer dans une maison de retraite où sa femme ne l’ennuiera plus. Lourdement scatologique dans les premières pages, naïvement cocasse dans les pages suivantes, le livre se termine dans l’émotion d’un homme lassé de la vie, qui tient par-dessus tout à vivre quelques moments paisibles, même si le prix à payer est de se couper de ceux qui l’aiment vraiment. L’idée du livre était prometteuse, j’ai passé un agréable moment de lecture, mais le texte m’a paru manquer de finesse et de profondeur, tant dans l’humour que dans l’émotion.
J’avais envie de me détendre, ce titre provocateur m’a attiré (je crois que j’aurais été moins attiré par son titre original: « De laatkomer »). De plus, il me donnait l’occasion de faire la connaissance d’un auteur belge néerlandophone que je ne connaissais pas. En route, donc !
Je ne connaissais pas Dimitri Verhulst, mais j’avais hésité à aller voir le film tiré d’un de ces livres, « La merditude des choses », qui m’avait intrigué et dont on avait dit grand bien. Je n’ai toujours pas vu le film, mais je suis maintenant tenté de lire le livre, dont certains lecteurs ont écrit ici qu’il était meilleur que « Comment ma femme m’a rendu fou ».
Car même si je ne classerais pas « Comment ma femme m’a rendu fou » parmi mes 10 livres préférés, j’ai tout de même le sentiment que l’auteur est capable de produire de la meilleure littérature. Jusqu’à preuve du contraire, je continuerai donc à le suivre.
Je m’autorise à abandonner un livre après la première ligne de la quatrième de couverture, et parfois même plus tôt. Par contre, une fois que je décide d’entamer la lecture, je vais toujours jusqu’au bout. Parce qu’on ne sait jamais... Plusieurs fois, ce principe s’est révélé payant, donc je m’y tiens ! Et en particulier, j’ai été content de m’y être tenu pour ce livre-ci, dont les premières pages, lourdes d’un humour scatologique, en ont fait fuir plus d’un alors que la suite s’avère plus légère.
L’idée est amusante. C’est un régal de voir ce vieil homme intelligent (il était bibliothécaire) ruser pour servir son besoin d’isolement en simulant la maladie d’Alzheimer. J’ai par exemple bien ri en le voyant simuler une phobie de Tarzan pour qu’on enlève le crucifix que sa femme avait cru bon d’accrocher au-dessus de sa porte !
Plus on avance, plus l’émotion monte. Le summum est atteint lorsque Désiré comprend que le prix à payer pour la tranquillité qu’il recherche désespérément est de se couper de certains proches. Je ne dirais pas que l’auteur tourne en dérision les personnes âgées, ni ceux qui souffrent de la maladie d’Alzheimer; il n’y a pas de méchanceté dans son texte. J’y verrais plutôt une manière d’exorciser ces souffrances, ou d’appeler à la bienveillance.
Le livre ne se limite donc pas à une comédie burlesque: il fait également surgir des questions profondes. Mais il faut reconnaître que ces questions sont traitées de manière assez superficielle. Dimitri Verhulst n’est pas Ian McEwan, par exemple.
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Lorsque Dimitri Verhulst parle aujourd'hui de cette époque de sa vie, il n'y a pas d'amertume. Une leçon de vie peut-être. Cette année de sa jeunesse passée avec son père dans la crasse et l'alcool paraît tellement irréelle. On en rirait en pensant que les Belges sont capables de tout. On en pleurerait de désespoir si Dimitri n'était finalement sorti de ce cloaque. Le titre français épaissit la fange, alors que le titre néerlandais "de helaasheid der dingen" tournait le livre du côté d'une certaine tendresse. Incompréhensible à la lecture du livre, où toutes les raisons de haïr son père et ses oncles sont plus que réunies. Mais pourtant elle est bien là cette tendresse de quelqu'un qui devine ce que dissimulent les vapeurs d'alcool. Les personnages du livre sont soûls du matin au soir, se lancent dans d'invraisemblables concours d'ivrognerie - mémorableTour de France de la picole, sombrent dans une déchéance que rien ni personne ne semble pouvoir sauver. Et comme par miracle, sorti de ce chaos auquel il était promis, Dimitri Verhulst est là, digne et intact, avec une écriture directe et pourtant sensible. Un étrange livre...
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Dimitri vit dans une famille pas comme les autres en Flandre.
Une famille marginale où le père et les trois oncles sont des soiffards invétérés.
Leur seule occupation et plaisir sont de boire de l'alcool, de séduire les femmes et d'écumer les bistrots à longueur de temps.
Dimitri aura droit dès son plus jeune âge au "mazout" mélange de bière et de coca ; aux chansons paillardes ; aux odeurs malodorantes de ses oncles puisqu'il dormira dans la même chambre et aux vomis, crachats, rots, pets etc .....
Un jour les services sociaux s'en mêleront et il se retrouvera en famille d'accueil.
Mais la famille c'est la famille et ce sentiment qui le ramène immanquablement vers eux , s'appelle t-il de l'amour.
Il mènera sa vie du mieux qu'il pourra avec dans le coeur la mélancolie de ce qui aurait pu être et ne fût pas.
Une enfance racontée de façon truculente avec une tendresse infinie.
Mais en refermant ce livre on se sent un peu triste pour lui et toute la merditude des choses qu'il a du subir, et pourtant il s'en est sorti !
Un film belge a été réalisé en 2009 par Félix Van Groeningen.
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"La merditude des choses" a perdu je pense de sa saveur dans la traduction française. Non pas qu'elle soit mal faite mais arriver à retranscrire fidèlement un patois flamand de bistrot relève de la gageure, un peu comme traduire du Audiard en Finlandais. C'est donc le portrait d'une famille fracassée mais solidaire qui entre deux bières... en boit une troisième. Les parents boivent, les enfants trinquent et c'est l'un deux, placé par le juge (on rigole deja moins) qui fait office de narrateur et permet au récit de ne pas tomber dans le jugement. Car la tendresse et une certaine nostalgie sont encore bel et bien présentes dans cette famille qui en retour fera de ce fils prodigue (?) un Judas. le film est une réussite qui vaut la peine d'être vu en version originale. Gezondheid !
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Un miracle va se produire à Bruxelles : la venue de Jésus Christ est annoncée pour le 21 juillet (jour de fête nationale en plus). Les mondes politique et religieux sont en effervescence, la capitale se met au diapason de cette nouvelle incroyable, les touristes affluent, les organisateurs de la cérémonie d'accueil cogitent et les Belges sentent en eux un regain si pas de foi, en tous cas, de bouillonnement intérieur. Un narrateur nous conte ce bouleversement à travers son quotidien de Bruxellois pur jus, des jours de dingue nous dit-il.
Et quelle jubilation que cette histoire ! L'auteur épingle les travers de la Belgique avec un humour teinté d’absurde. Les querelles communautaires, la politique d'asile, la justice... et même l'état des routes sont passés en revue. Si le ton est parfois critique, il n’est jamais incisif. On y ressent une tendresse pour ce pays dont les fondements vacillent ces derniers temps.
L’auteur nous parle de Bruxelles en connaisseur (quel plaisir de la (re)découvrir) et profite de son histoire pour déplorer la froideur qui entoure les gens des grandes villes. « Si je m’étais mis à croire à quelque chose durant ces jours-là, c’est qu’il était finalement possible d’habiter un endroit où les gens se regardent au moins dans les yeux lorsque leurs chemins se croisent ».
J’ai adoré ce roman drôle et intelligent, un peu fou sur les bords et « très belge » dans ses pages. A savourer comme une bonne praline achetée près de la Grand-Place…
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Désiré Cordier n’en pouvait plus de sa femme et de la vie bourgeoise. Alors à soixante quatorze ans, il s'en est allé, volontairement, vers la fin de vie que tout le monde redoute : simulant la démence sénile, il s’est fait «enterrer» avant l’heure dans une maison de retraite, afin de fuir Monique (qu’elle orthographie Monik, parce que c’est tellement plus chic), épouse mesquine et pleine de venin, et pour échapper aux rôles qu’on se doit de tenir en famille et en société.
«Heureusement, j’ai déjà il y a longtemps, et à l’insu de Monik, fixé par testament que, vraiment, je m’en tamponne de l’endroit où ma dépouille mortelle atterrira. Du moment que ce n’est pas en terre aux côtés de ma femme. Monik et moi avons dormi suffisamment de nuits côte à côte comme des cadavres, qu’il nous soit épargné de devoir continuer à le faire dans un caveau de famille.»
Avec un peu de ruse et une bonne dose d’abnégation, ce grand distrait a réussi à se faire passer pour un dément crédible, quasiment aux yeux de tous, pour se ménager une liberté même tardive et la fin de vie de son choix.
«Sur papier ça avait l’air simple : j’allais me désagréger plus ou moins comme un de ces rochers isolés dans un western : lentement, avec une certaine beauté, et irrémédiablement.»
Comme dans «La merditude des choses», Dimitri Verhulst évoque ici avec drôlerie et férocité les environnements familiaux cabossés et problématiques qu’il faut fuir pour se préserver, et, au travers des portraits touchants ou au vitriol de ses camarades de maison de retraite, le naufrage physique de l’âge et les occasions d’une vie manquées en un instant, «ces minuscules points de basculement de l’existence».
Ce roman de 2013 traduit par Danielle Losman pour les éditions Denoël (parution janvier 2015) est aussi en filigrane un tableau désenchanté de notre époque, de sa frénésie vulgaire et creuse de consommation, et d’un effondrement de l’intelligence tel qu’il est préférable de se retirer avant l’heure.
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L'auteur livre ses souvenirs poignants sur sa famille et son milieu d'origine en quelques chapitres. Le roman aurait pu être une variante de "Shameless" ou "Affreux, sales et méchants" mais la tendresse (la nostalgie d'une enfance) et l'intelligence (le regard lucide posé sur ce monde perdu), de Dimitri Verhulst donnent constamment du sens au récit.
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Dimitri Verhulst raconte quelques souvenirs d’enfance.
Son père est alcoolique, comme la plupart des hommes de la famille. La bière est omniprésente, du café (où l’homme l'avale), jusqu’au cimetière (où c’est l’inverse). Chez les Verhulst, l’alcoolisme côtoie la pauvreté, la vulgarité, la saleté, la maladie… L’auteur met aussi en évidence quelques valeurs que l’alcool n’a pas supprimées chez des gens qu'il parvient à aimer et qui l’aiment aussi : la solidarité familiale, l’amitié, l’indifférence à l’égard de ceux qui les méprisent (à qui ils le rendent bien) …
Le ton et le style sont sans fioritures. L’autodérision et l’humour noir sont souvent au rendez vous, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Par ces aspects, ce livre m’a beaucoup fait penser à certains ouvrages de Jean Teulé (notamment à 'Darling'), même si le style de ce dernier me semble plus percutant (plus outré aussi).
Je vous recommande donc vivement cet ouvrage et renouvellerai l’expérience avec cet auteur, bien que le caractère autobiographique de ce récit ne me laisse pas attendre de surprise.
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Ce premier roman autobiographique de Dimitri Verhulst, paru en 2008 (traduit du néerlandais par Danielle Losman aux éditions Denoël), et ensuite adapté au cinéma par Félix Van Groeningen, réussit à raconter crûment, avec truculence et un humour chevillé au corps, son enfance dans un milieu très pauvre où, pour assumer le manque d’argent, le confort et l’aisance sont présentés par les hommes comme les preuves patentes d’un manque de virilité.
La virilité est l’attribut essentiel ici, pour des hommes en général sans emploi, une virilité réaffirmée par l’absorption quotidienne de la plus grande quantité possible de tabac et d’alcool, par les ardoises laissées dans la multitude de bars de ce village de Flandres, par les coups et les bagarres et finalement par le cancer inéluctable qui vient couronner l’alcoolisation méthodique et emporter tôt les hommes - ne pas vieillir devenant un autre motif affiché d’appartenance à la communauté et de refus de la petite bourgeoisie.
«Mon père était un socialiste et mettait tout en œuvre pour être reconnu comme tel. Posséder, pour lui, signifiait plus à épousseter. Posséder vous possédait, jamais l'inverse. Si, grâce à une épargne imprévue, nous menacions de terminer le mois avec un petit surplus d'argent, il vidait le compte bancaire et buvait tout ce qui restait pour nous protéger des tentations du capitalisme.»
Les vies vides et sordides, les maisons insalubres, le chômage, l’alcoolisme, la violence, les corps défaits par la pauvreté, la maladie et le manque de soins, Dimitri Verhulst met tout à nu avec un humour décapant. Au final lui s’en sortira, avec l’intervention d’une assistante sociale, tout en gardant l’attachement à son milieu d’origine et à sa famille constituée en clan. Ce roman qui a rencontré un grand succès est l'un des prédécesseurs, sans la rage et l’engagement politique évident, du roman d’Édouard Louis, "En finir avec Eddy Bellegueule", dépeignant la violence du milieu et surtout les codes et défenses mises en œuvre pour rester debout et revendiquer son appartenance à un milieu d’une grande pauvreté dont il est quasiment impossible de s’extraire.
«Et lors de ses visites encore plus rares, nous implorions son mari de ne pas garer devant notre porte sa voiture qui avait coûté la peau des fesses. S’il vous plaît. Nous étions pauvres, nous l’avions toujours été, et nous portions avec fierté notre misère. Que quelqu’un gare sa luxueuse auto devant notre porte était ressenti chez nous comme une humiliation et nous avions honte à l’idée qu’un habitant du village pût penser qu’un Verhulst vivait dans l’aisance.»
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