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Critiques de Ed Piskor (31)
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The beats : Anthologie graphique

« Le livre que vous avez entre les mains est une bande dessinée qui n’est ni une étude en profondeur, ni l’interprétation littéraire, d’ailleurs déjà proposées par des centaines de livres universitaires dans différentes langues. Il possède par contre une qualité en accord avec la popularisation vernaculaire des Beats. » (p. 5) Ainsi parle l’avant-propos avant de laisser place avant de nombreux portraits.



Ce sont des biographies sincères, pas forcément flatteuses, mais pleines de respect que livrent les auteurs. Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs, les trois pères du mouvement beat sont présentés au travers de leurs influences littéraires et musicales. « “Beat », … ça veut dire crevé, mais c’est aussi la base des mots “béatifique”, “béatitude”. » (p. 19) Drogues, alcool, (homo)-sexualité, excès, spiritualité, pacifisme : les Beats touchaient à tous et contestaient en créant autre chose et autrement.



L’anthologie, sous la plume de plusieurs dessinateurs, présente la scène artistique et intellectuelle de San Francisco. Un des points névralgiques de ce renouveau, c’est la librairie City Lights : « City Lights n’est pas seulement une librairie et une maison d’édition, c’est un lieu public historique et un centre culturel international. » (p. 124) La baie est un creuset qui a abrité de nombreuses personnalités poétiques et musicales, comme Kenneth Patchen, Diane di Prima, Leroy Jones ou Gary Snyder. Les écrivains de la beat génération n’ont pas été les premiers à chercher un renouveau créatif, mais ils l’ont fait de telle manière qu’ils ont durablement marqué l’histoire. « Les Beats révolutionnent la culture et la conscience américaines. Ils démocratisent la poésie, ressuscitent la tradition orale et la sortent de l’université pour l’amener dans la rue. » (p. 131)



Les deux premiers tiers de l’ouvrage sont de la plume d’Harvey Pekar, Ed Piskor et Paul Buhle. Les auteurs sont convaincus et enthousiastes : ils ont lu les Beats et ils apprécient sans détour leurs œuvres. L’image, en noir et blanc, ressemble beaucoup aux comics américains. Les visages sont puissamment expressifs et évoquent des héros borderline. Le dernier tiers est l’œuvre d’autres dessinateurs qui s’expriment avec folie et liberté, sans complexe, ni contrainte, à la façon des Beats.



Cette anthologie graphique pourrait devenir ma bible sur la question Beat. Elle ne se prétend pas exhaustive, mais elle respecte l’esprit beat et c’est finalement ce qui compte.

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Red Room, tome 4

Cet épisode fait suite à Red Room n°3 (2021). Il vaut mieux avoir lu le premier épisode pour comprendre le principe des productions Pentagram. Sa première parution format papier date d'août 2021. Il a été entièrement réalisé par Ed Piskor : scénario, dessins, encrage, nuances de gris, et texte d'une page pour la postface datant de juillet 2021. Il contient 22 pages en noir & blanc avec une teinte sablée pour imiter un papier de mauvaise qualité et légèrement jauni par l'âge. Il se termine avec 8 pages de dessins réalisés par des lecteurs. Ce créateur est également l'auteur de Hip Hop Family Tree et X-Men: Grand Design. Les 4 premiers épisodes de la série ont été regroupés dans Red Room: The Antisocial Network .



Ce récit est narré par le gardien de la cryptomonnaie, depuis son donjon où de pauvres âmes croupissent dans ses geôles. Il raconte l'histoire la jeune Raina Dukes dont la mère vient de décéder d'un cancer dans son lit. Le médecin à ses côtés réconforte la jeune femme en lui indiquant qu'elle a réconforté sa mère jusqu'au bout qui a ainsi pu avoir une mort digne. Raina repense à son père et aux circonstances de son décès, et elle est convaincue que le cancer a été causé par le stress et la tourmente qu'elle a dû affronter toute sa vie. Quelques années plus tard, elle est installée dans sa propre boutique de tatouages, et son talent est fort apprécié des connaisseurs. Elle est en train de terminer un motif intriqué sur l'avant-bras d'un biker, tout en répondant au téléphone à une journaliste. Elle refuse d'être interviewée sur la mort de son père. À l'époque des cassettes vidéo, il avait été l'une des victimes de la tueuse en série nommé Donna Butcher. C'était avant les Red Rooms. Le film avait été diffusé sous forme de cassettes VHS, et il avait par la suite bénéficié d'une numérisation.



Sous le format numérique, le film de mise à mort de son père avec torture avait connu un regain d'intérêt et un franc succès auprès des connaisseurs. C'est ainsi que le père de Raina était devenu une sorte d'artefact culturel pour initiés. Ces circonstances ont marqué à jamais la jeune femme qui parvient parfois à faire semblant d'avoir une vie sociale et de temps à autre amoureuse pour une brève durée. À la suite de la passation d'une loi sur les failles des victimes de Red Room, elle touche un peu d'argent à chaque fois qu'une personne est arrêtée en possession de la vidéo de la mise à mort de son père. En fait, elle vit très bien de cet argent ce qui lui permet de faire les tatouages gratuitement, mais ce qui plombe également son existence puisqu'elle vit de l'argent de la mort de son père. La volonté de vengeance reste intense en elle, et elle s'entraîne en conséquence. Une fois qu'elle s'estime prête, elle passe à l'action Elle commence par brûler tous les chèques arrivés au courrier du jour. Puis elle se rase le crâne. Enfin, elle commet l'irréparable : elle télécharge un film de torture sur internet, une séance réalisée par Donna Butcher, en prenant bien soin de laisser des traces sur internet. Ça ne suffit pas. Elle décide de réaliser un voyage d'agrément au Japon, en payant en petites coupures.



Arrivé au quatrième épisode, le lecteur sait exactement à quoi s'attendre : des séances de torture, graphiques et explicites à en vomir, une histoire complète d'une personne bien atteinte par la brutalité psychologique de ces crimes immondes. En découvrant la couverture et la première page, il comprend que l'auteur rend hommage aux EC Comics. À l'instar des séries d'horreur de cet éditeur, il met en scène un personnage introduisant l'histoire et ajoutant des commentaires de temps à autres. À la place d'une sorcière, d'un spectre, ou d'un monstre, le lecteur découvre le gardien de la cryptomonnaie. D'un côté, c'est un hommage très littéral : un individu dans une longue robe en haillons, avec une chevelure laissée à l'abandon, un maquillage le rendant horrible et une dentition impossible, incluse dans son maquillage pour la rangée de dents supérieure, et dans le col de sa robe pour la rangée inférieure. Comme il s'agit d'un simple dispositif narratif gratuit, le lecteur peut ne pas y prêter grande attention. Il remarque le soin apporté au maquillage, ainsi que le changement de vêtement pour le chapitre 2 où le gardien se retrouve dans une camisole de force, serrée par des lanières et des rats se déplaçant sur sa personne, évoquant Alice Cooper dans un accoutrement similaire.



Sans être devenu dépendant de sa dose de gore et de torture, le lecteur sait bien que ce sont ces ingrédients qui différencient ce comics de la production industrielle mensuelle, et que l'auteur va à nouveau imaginer, créer et réaliser des séquences mémorables. La même question se pose que pour les trois épisodes précédents. Qu'est-ce qui pousse Piskor à s'investir pour réaliser des horreurs aussi abjectes, dessinées de manière aussi convaincantes ? Et bien sûr, qu'est-ce qui pousse le lecteur à se soumettre à ces images, voire à la rechercher ? Il reste toujours le principe de l'inventivité dans des conventions de genre, une intensité qui les transforme en une vérité évidente et insoutenable, le lecteur pouvant alors se projeter dans la situation et ressentir pleinement les émotions générées. Il peut se confronter à la dépravation de Donna Butcher, à la forme de pensée nécessaire pour pouvoir perpétrer de telles atrocités. Il peut s'interroger sur le ressenti de sa victime qui reste consciente tout du long de ces deux pages très éprouvantes. Lors de la deuxième séance de torture, également de deux pages, il peut voir que le tortionnaire a prémédité ses actions, les blessures infligées, le siège des lésions. À nouveau, il s'interroge sur le basculement qui a pu s'opérer dans son esprit pour se livrer à de tels actes de barbarie.



Cette fois encore, l'auteur tient ses promesses : du gore, du massacre, de l'immonde. Le lecteur se souvient peut-être de ce qu'il déclarait dans la postface de l'épisode 3, sur l'amélioration de son état d'esprit au fil des mois de 2020, et il peut aussi se demander à quelle page elle transparaît. En effet, il raconte bien une histoire, peut-être plus classique que celle des épisodes 1 à 3, mais ni plus saine, ni plus équilibrée. Faut-il voir dans ce scénario plus linéaire, l'expression d'une forme de bien être retrouvé ? Toujours est-il que le dispositif est simple : la fille d'une des victimes d'une tueuse en série est bien déterminée à se venger, c'est même devenu une obsession. Et elle passe à l'action. L'auteur dispose de 22 pages pour raconter son histoire : il doit donc aller droit au but. Il utilise pour cela les cellules de texte placées en haut de chaque case, reprenant le dispositif présent dans les EC Comics. Effectivement, les premières pages sont denses en information, tout en restant faciles à lire. Cette façon de faire lui permet de caser assez d'informations pour pouvoir se lâcher graphiquement sur plusieurs pages en diminuant les cellules de texte d'autant.



En tant qu'artiste, Ed Piskor continue de trouver le juste équilibre entre une narration visuelle de type réaliste et descriptive, et quelques exagérations légères qui viennent rehausser le goût, ou le mauvais goût. Étant un auteur complet, il fait en sorte de varier les visuels pour leur conserver un intérêt : le gardien devant les barreaux d'une geôle, avec les mains qui dépassent et les paires d'yeux dans le noir, le salon de tatouage de Raina Dukes toujours très concentrée sur sa tâche, ses clients peu communs allant du biker au néonazi avec 666 tatoué sur le front, le passage devant le juge, le peep-show, Donna au sommet de sa gloire avec ses deux petits chiots et son manteau de fourrure, Donna en pleine déchéance physique en prison, et cette scène dans les douches de la prison féminine, garantie 0% émoustillement. Le lecteur en a pour son argent, en termes de diversité et de séquences mémorables. L'auteur a conçu son histoire en trois chapitres, chacun respectant le déroulé chronologique. Il fait en sorte d'inclure les informations nécessaires dans les réflexions des personnages pour que l'intrigue prennent de la consistance, sans oublier de faire en sorte que chaque moment présent ait son propre intérêt. Il n'y a aucune case de perdue : c'est une leçon en efficacité narrative. En surface, le lecteur peut y voir une histoire de vengeance très basique et assez linéaire, de celles qui font du bien, une catharsis de pouvoir massacrer l'individu qui vous a fait souffrir. Ce n'est pas permis dans la vie réelle, ni constructif, mais ça soulage par procuration. Au second degré, il voit des individus étoffés, prisonniers de la spirale de violence et de la torture, répétant le même schéma sans aucun espoir de pouvoir s'en libérer. Et comme il s'agit d'une parodie d'un EC Comics, il y a une forme de morale à la fin, forcément noire, bien noire.



Un épisode de plus pour de nouvelles tortures ignobles. Le lecteur sait à quoi s'attendre, et il est quand même pris par surprise. Ed Piskor ne lâche rien en termes de maltraitances visuelles, mettant le lecteur toujours aussi mal à l'aise. Il réussit une histoire compacte et classique, en rendant hommage aux EC Comics, tout en restant dans un registre moderne. En filigrane, sa mise en scène d'une violence écœurante renvoie le lecteur à sa condition de voyeur, d'individu qui a payé pour un certain genre de spectacle et qui exige d'en avoir pour son argent, un individu pas si éloigné que ça des consommateurs des séances Red Room, mais par procuration, pour de faux… mais quand même.
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Red Room, n°1

Immonde et abject

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Ce numéro 1 est le premier d'une série indépendante de toute autre. Son première parution format papier date de mai 2021. Il a été entièrement réalisé par Ed Piskor : scénario, dessins, encrage, nuances de gris, et texte d'une page pour la postface. Il contient 56 pages en noir & blanc avec une teinte sablée pour imiter un papier de mauvaise qualité et légèrement jauni par l'âge. Ce créateur est également l'auteur de Hip Hop Family Tree et X-Men: Grand Design.



Dans un commissariat d'une petite ville aux États-Unis, Davis Fairfield travaille comme secrétaire administratif dans un tribunal, et subit l'humour vraiment pas fin des policiers en uniforme, aujourd’hui sur trois individus peu gâtés par la nature qui viennent d'être arrêtés et pris en photographie, avant d'être entendus. La première à se présenter une femme âgée de couleur, avec une permanente afro pas très propre, et l'œil droit laiteux. Tout d'un coup, un autre policier débarque en trombe et lui apprend que sa femme et son enfant viennent d'être percutés par un chauffard sous l'emprise de l'alcool. Il l'emmène toute sirène hurlante, à l'hôpital. Le médecin vient lui annoncer le décès de son épouse Delores et de sa fille Hayley. Alors qu'il est effondré dans un fauteuil dans le couloir, Beverly Chastain, une assistante sociale vient le trouver pour connaître sa position sur le don d'organe. Quelques moments plus tard, il peut aller voir sa fille Brianna dans sa chambre d'hôpital. Elle explique que les médecins lui ont dit pour sa mère, et que cette dernière et elle étaient en train de lui ramener ses médicaments de chez la pharmacie. Dans une autre partie des États-Unis, deux jeunes activistes écologiques ont découvert le déversoir d'effluents chimiques toxiques d'une grosse usine. La journaliste filme avec son téléphone, puis envoie un drone dans la canalisation qui déverse. Alors qu'elle guide le drone, son assistant est assailli par derrière et estourbi.



Un peu plus tard, les studios de production Poker Face commencent à émettre une nouvelle diffusion en direct sur le Dark Web. L'individu surnommé Goblin est en train de se livrer à des actes de torture sur une victime, en direct, d'abord avec des hameçons de pêche et des fils, puis avec un couteau cranté qu'il abat brutalement sur la bouche de victime. Les habitués sont en train de regarder ce spectacle horrible, tout en commentant dans le chat, en versant des pourboires en bitcoins. Les organisateurs commentent sur une faille de sécurité, puis indiquent à l'artiste que sa performance est bientôt terminée, et enfin coupe la diffusion. Puis ils répondent à un coup de sonnette à l'entrée : le garde du domaine ramène les deux intrus journalistes inconscients, un en sac de pommes de terre sur chacune de ses épaules. Maîtresse Sissy Pentagram le remercie et lui demande d'aller les déposer dans la pièce prévue à cet effet, puis de la rejoindre au salon, ce qu'il fait. Il s'assoit alors dans un canapé recouvert d'un drap et accepte le whisky qu'elle lui a servi : il vide son verre d'un trait. La peinture dans le cadre derrière lui se soulève, et un nain en combinaison de protection contre les risques biologiques lui plante un couteau en travers du cou. Il meurt sur le coup. Quelques jours plus tard, Davis Fairfield enterre sa femme et son enfant, sa grande fille Brianna étant à ses côtés.



La couverture promet bien des sévices : des meurtres diffusés sur en direct sur le Dark Web, des rivières de gore, et des actes de barbarie, sans oublier que ce comics a été interdit de diffusion dans 5 pays. L'auteur tient toutes ces promesses, et bien pire encore. Il ne fait pas semblant : quand les bouchers des productions Pentagram se mettent à l'ouvrage, les actes de tortures barbares sont représentés sous l'angle le plus explicite possible, avec une sauvagerie qui fait frémir, dans des dessins avec un niveau de détail, entre le voyeurisme le plus malsain, et une fascination morbide obscène. Les dessins dégagent une impression de saleté, d'implication totale écœurante, de réelle fascination pour ces actes immondes, ces amputations à l'arrache. L'artiste ajoute parfois une touche d'exagération pour marquer l'enthousiasme de l'individu qui en massacre un autre sans défense, en se démenant pour faire preuve de créativité. Il faut remonter aux années 1990 avec Faust de David Quinn et Tim Vigil pour retrouver des auteurs capables de se montrer aussi monstrueux et indécents dans le gore explicite.



S'il ne supporte pas cette forme de complaisance dans le gore, il vaut mieux que le lecteur repose immédiatement ce comics, et passe à autre chose. S'il est prêt à l'accepter, il faut qu'il se demande s'il a vraiment envie de regarder ça. L'auteur s'est vraiment fortement investi pour imaginer ces différentes séquences de torture. Il se livre à une mise en scène qui fait que le lecteur n'assiste à ces séances que par écran interposé : en fait chaque case est présentée comme un écran d'ordinateur, avec une diffusion en direct, un chat défilant sur la partie droite, et les informations sur le site, le tortionnaire en train d'œuvrer, le montant des dons en bitcoins. Le lecteur devient alors un spectateur comme ceux qui se sont abonnés à cette chaîne illégale. Cela n'atténue en rien l'inventivité des atrocités représentées avec force et détails, mais cela crée un effet discret de mise en abîme. Dans la postface, Ed Piskor explique qu'il a conçu cette série comme une provocation ne pouvant pas laisser indifférent, en s'interrogeant sur les modalités pratiques qui permettraient l'existence d'une telle chaîne, de tels spectacles, et sur le genre de personne qui pourraient s'y abonner. Pour autant, la lecture n'a rien d'intellectuel de prime abord. L'auteur raconte avant tout une histoire, un chapitre qui peut se lire pour lui-même, sans appeler de suite. Il existe donc une organisation de quelques individus qui est parvenue à réaliser ces mises à mort d'une cruauté sans égale, à en faire un spectacle, et à le monnayer. Davis Fairfield se retrouve mêlé à cette histoire parce qu'il est enlevé par les sbires de maîtresse Sissy.



Dé séquence de torture en scène insoutenable, l'auteur présente les caractéristiques de cette chaîne, les modalités d'abonnement, les réactions en direct des spectateurs qui recherchent un tel genre d'atrocités. Les dessins peuvent parfois déconcerter car l'artiste amalgame des décors très réalistes, avec des silhouettes humaines un peu exagérées, en particulier pour les visages, montrant le côté un peu obscène de la chair, sans l'embellissement habituel des corps et des visages dans les bandes dessinées. Le lecteur peut y voir l'influence des comics underground des années soixante, et une volonté de niveler tous les individus par le bas, de les avilir de manière plus ou moins prononcée. Il fait donc la connaissance, un peu à contre cœur d'individus immédiatement antipathiques, que ce soit du fait de leur hygiène douteuse, ou de leur propension à mettre immédiatement mal à l'aise d'un simple regard, avec une attitude trop franche. Dans le même temps, il fait le constat case après case du degré d'investissement du dessinateur qui a passé du temps sur les détails de chaque case, sans jamais recourir à la facilité, à un raccourci visuel pour aller plus vite. Du coup, s'il parvient à passer outre les haut-le-cœur, le lecteur plonge dans une œuvre intense, très dérangeante.



Après tout, le lecteur peut comprendre que l'auteur envisage le gore comme un genre en soi, et qu'il développe une histoire dans ce genre à partir d'une situation pas impossible, à défaut d'être complètement plausible. Il reprend le principe des Snuff Films, légende urbaine ou non, qu'il met en œuvre dans une époque disposant d'internet et de bitcoin, avec le principe de d'existence d'un Dark Web accessible aux initiés. Le lecteur sait bien qu'il y a des personnes qui disparaissent tous les ans, sans jamais être retrouvées. Finalement il doit mettre en œuvre moins de suspension d'incrédulité consentie en lisant cette bande dessinée, que quand il lit un récit de science-fiction ou de superhéros. Il reste fortement gêné par l'intensité du gore et des souffrances, de la torture physique sans restreinte. Il sait qu'il s'agit d'une fiction, mais il est placé dans la position du voyeur qui s'est abonné à une telle chaîne, qui a fait les démarches pour la trouver, pour pouvoir la regarder sans risque d'être identifié ou repéré par la police. Il se retrouve dans la position d'un individu dépendant de ce genre de spectacle pour l'intensité de l'émotion que cela provoque. Il est encore plus écœuré par les observations blasées des habitués, traduisant une accoutumance à ces horreurs. Il ne peut pas imaginer que les individus qui se livrent à ces tortures, et ceux qui les organisent puissent à ce point être dépourvus de toute empathie pour un être humain. L'obscénité d'un tel comportement dépasse l'entendement. Et puis, il se souvient de faits divers tout aussi inhumains et atroces, peut-être encore plus car eux sont bel et bien réels. Malgré toute la puissance de son imagination, Ed Piskor reste en deçà de la réalité, et ça, c'est encore plus terrifiant.



Mieux vaut ouvrir ce comics en connaissance de cause : du gore malsain, premier degré, et très graphique. L'auteur pousse le bouchon aussi loin que son imagination lui permet, avec une légère touche de grand guignol qui rend les choses encore plus malsaines car cela reste très logique dans la cadre de ce récit. La violence est souvent un facteur de divertissement dans les histoires, un ingrédient souvent déconnecté de la réalité, esthétisé pour la rendre amusante, déconnectée de ses conséquences réelles, de la souffrance et de la douleur. Ici, Ed Piskor se vautre dans des actes barbares les plus graphiques possibles, rendant à cette violence son caractère insupportable, allant tellement loin qu'elle n'est plus divertissante. Il parvient à se montrer provocateur avec un matériau devenu inoffensif tellement il est présent dans partout jusque dans les dessins animés pour enfants. Le lecteur se sent mal à l'aise, à la fois pour cette cruauté insoutenable, à la fois pour le phénomène d'addiction sous-jacent. Une réussite à ne pas mettre entre toutes les mains.
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Wizzywig : Portrait d'un hacker en série

Se connecter via un modem 56 K sur le serveur de la bibli. Mince, il demande un password.

La première étape consiste à trouver un fichier avec une liste de mots de passe « hashés », passés à la moulinette d'algorithmes qui les rendent illisibles. Ah voilà un fichier MD5.txt de 15 000 mots hashés, cela fera l'affaire.

Je lance mon logiciel « Hashcat » afin de retrouver la forme « en clair » de ce MdP. Les choses étant bien conçues, mon logiciel embarque son propre lot de règles complexes de recherche, dont une recoupe les pratiques les plus communes des utilisateurs.

Je parie sur Bibli comme base ensuite mot inversé (« ilbiB ») , ajout d'un chiffre (« Bibli1 »), ajout des 14 combinaisons de chiffres les plus usités, ajout d'un « s » à la fin du mot, ajout de suffixe populaire (man, cat, 123), puis la même chose mais en pré-fixe (« 1Bibli »), puis essai en Leet (« |)3\/3£0|*|*3% »), puis des rotations de lettres sont tentées.

Avec cette règle je lance à nouveau le processus. Résultat : mon mot de passe est hacké : Bibli76 : j'arrive sur le site de la bibli ! ! !

Yes, toutes les BD numériques sont à moi !!! En ces temps de confinement, je hurle de joie !

« Qu'est-ce que tu as ? » me demande mon chat ?

Je lui raconte, très fier de mon exploit. Il se détourne en ronromarmonant : « Pffuiiittt, pour les abonnés comme toi, c'est en accès libre »

Saloperie de bête.

C'est un peu cela qui est raconté dans cette BD, en plus simple, en mieux. C'est historique pour ceux qui, comme moi, ont débuté sur des Atari (1040 STE dans mon cas), des Commodore Amiga (par opposition à la pomme), avec des versions ripées de jeux ...

Kevin « Boingflop » dont, la seule famille se résume à sa grand-mère et n'ayant qu'un seul ami (Winston Smith, le narrateur) cherche d'abord le moyen de passer des coups de téléphone longue distance sans payer. Par la suite, ce garçon à l'imagination débordante s'adapte à toutes les nouveautés technologiques, trouvant à chaque fois le moyen de contourner le système. Sans faire fortune, juste pour le fun et le défi.

Y est ajouté l'imbécilité des médias qui s'acharnent sur le héros et considèrent par ignorance tous les hackers comme des personnes aussi dangereuses et nuisibles que des ou des serial killers. L'histoire de Kévin est ponctuée de pages dans lesquelles des gens qui ont fréquenté de près ou de loin notre hacker témoignent à la manière des journaux télévisés d'aujourd'hui, drôles donc, et presque toujours pitoyables.

Seul bémol à ma lecture, l'ombre de Julian Assange qui planait et me rappelait à quel point nous vivons dans une société façonnée par l'hypocrisie. Cela a sans doute un peu gâché mon plaisir.

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X-Men - Grand Design, tome 1

Comme il l'avait déjà fait dans le cadre de Hip Hop Family Tree, Ed Piskor allie une narration moderne à un dessin plus classique pour raconter l'histoire des X-Men.



Tout en s'emparant fidélement des créatures co-inventées par Stan Lee et Jack Kirby, Piskor réalise ici une belle réinvention de ces mutants-là.



Par ailleurs, l'ouvrage est de très belle facture et conviendra non seulement aux lecteurs des comics d'antan mais également aux amoureux du bel ouvrage.
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Red Room n°3

Sac à vomi non fourni

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Cet épisode fait suite à Red Room, tome 2 (2021). Il vaut mieux avoir lu le premier épisode pour comprendre le principe des productions Pentagram. Sa première parution format papier date d'août 2021. Il a été entièrement réalisé par Ed Piskor : scénario, dessins, encrage, nuances de gris, et texte d'une page pour la postface datant de juin 2021. Il contient 22 pages en noir & blanc avec une teinte sablée pour imiter un papier de mauvaise qualité et légèrement jauni par l'âge. Il se termine avec 8 pages de dessins réalisés par des lecteurs. Ce créateur est également l'auteur de Hip Hop Family Tree et X-Men: Grand Design.



Dans un pénitencier haute sécurité, Leevee Turks a déjà effectué 6 ans, 4 mois et 28 jours de sa peine de prison. Il est au parloir pour un entretien avec l'agent McNamara. Ce dernier le pressurise : il explique qu'à cause de lui, des milliers de personnes ont trouvé la mort dans des Salles Rouges (Red Room). Turks a été condamné pour avoir organisé un marché noir de drogues sur internet, grâce à une appli permettant d'assurer l'anonymat grâce à un chat pour clients, un paiement en bitcoins, et une mise en ligne en direct de vidéo intraçables. Dans le même temps, dans un vidéo en direct, un individu masqué, le scarabée, se livre à une séance de torture immonde : il commence par saisir avec une pince, la paupière inférieure de sa victime ligotée à une chaise, pour la couper avec une paire de ciseaux aiguisés. L'agent McNamara continue : il se demande si la commerce des camgirls existait déjà quand Turks était encore libre. Les salles rouges sont la version Meurtre & Torture de ce concept. Les lignes de code de McNamara ont anéanti toute tentative de pouvoir demander des comptes aux coupables. Le tortionnaire continue : il déchausse la mâchoire inférieure de sa victime et déchire la peau autour de la bouche, la laissant pendante.



L'agent du FBI poursuit son réquisitoire : les lignes de code de Turks restent impossibles à briser. Ce dernier s'est fait avoir à cause de son inaptitude dans la vie civile. Le tortionnaire revient derrière sa victime, en tenant une batte de baseball hérissée de pointes métalliques. L'agent ajoute que les organisateurs de ces salles rouges sont beaucoup plus disciplinés que le prisonnier. Il est certain qu'ils ont étudié le cas de McNamara pour s'assurer de ne pas répéter les mêmes bêtises. Qu'est-ce que le prisonnier a répondre à ça ? Le tortionnaire masqué abat sa batte sur l'arrière du crâne de la victime, avec une rare sauvagerie. McNamara répond qu'il ne sent responsable de rien de tout ça, et qu'il regrette l'incompétence du FBI qui gaspille l'argent du contribuable, tout en s'avérant incapable de neutraliser des lignes de code vieilles de plusieurs années. L'agent du FBI répond qu'il a un arrangement à proposer. Quelques semaines plus tard, McNamara est assis dans une cour d'appel devant le juge, un avocat à ses côtés. Le jugement est annulé pour vice de procédure et Leevee est libre. Sa femme Rita le prend dans ses bras. McNamara lui tape sur l'épaule et lui explique la situation : le FBI a encore dans sa manche plusieurs autres chefs d'accusation et Turks est attendu dès lundi dans les locaux du FBI pour des journées de dix heures de travail.



Dans la postface, le créateur explique qu'il a produit cet épisode pendant le premier confinement aux États-Unis. Il avait été fortement décontenancé par le fait que sa vie n'avait pas beaucoup changé pendant ce temps : toujours à sa table de travail la majeure partie de la journée. Puis l'anxiété généralisée avait fini par lui peser sur le système et il avait fait une pause de deux mois entre les pages 15 & 16, et avait repris le sport avec le vélo. Il ajoute que cela a amélioré sa qualité de vie, sans pour autant impacter la noirceur de cette série. Il fait bien de préciser qu'il mène une vie plus saine, parce que dès la page 2, le lecteur en a pour son argent, même s'il ne lit que cette page. La promesse de la série est de montrer des tortures immondes et inventives. C'est un genre en soi qui ne s'adresse pas à tout le monde. Le principe réside dans le fait de jouer le jeu quant à une violence imaginative, sadique et méchante. D'un côté, c'est un sous-genre bien présent dans les différentes formes de l'industrie du divertissement : film, livres, bandes dessinées, jeux vidéo. De l'autre côté, cela n'est pas donné à tout le monde. Le lecteur peut être assez désensibilisé par les conventions de ce sous-genre après la consommation cumulée de plusieurs années. L'auteur peut être motivé uniquement par l'esthétisme de la violence, ou plutôt des coups portés, ou par le dynamisme visuel des combats, ou encore par la nature parodique de d'une intrigue où tous les problèmes se résolvent en frappant le plus fort. Il est beaucoup plus rare que l'auteur s'implique pour se montrer inventif dans l'immonde, l'inhumain, le vicieux. C'est encore plus ardu et épuisant dans une bande dessinée, où le rythme de la narration est choisi par le lecteur, et non imposé par l'auteur comme dans un film.



Or dans cette page deux, Ed Piskor montre des horreurs dignes d'un film gore ne faisant pas dans le parodique. Les caractéristiques de sa manière de dessiner amplifie la sensation horrifique : descriptif avec un bon niveau de détails, une légère exagération de certains éléments sans aller jusqu'à la parodie, des cadrages qui évoquent le sensationnalisme des comics d'horreur des années 1950. Le lecteur peut estimer que les représentations de la première séquence de torture sont exagérées et glissent vers le registre du grotesque. Mais s'il ne s'attarde ne serait-ce qu'un seul instant sur la réalité du massacre qui se déroule sous yeux, il sent le malaise le gagner. La manière dont l'artiste montre comment la pince étire la paupière est un peu exagérée par le regard de dément de la victime et dans le même temps les ciseaux vont trancher cette peau mince, d'un seul coup. Ce qui rend l'image encore pire, c'est qu'il manque la paupière inférieure de l'autre œil : elle a déjà été coupée. Il a suffi d'une seconde de changement d'état d'esprit du lecteur pour que le jeu des conventions devienne une éventualité bien réelle. Ça ne s'arrange pas avec l'image suivante, la seconde de la page 2, dans laquelle il peut ressentir la force musculaire des bras du tortionnaire masqué, et facilement imaginer la mâchoire en train de lâcher. Les deux autres images de torture sur la page suivante sont tout aussi terrifiantes, avec un savant dosage pour un équilibre parfait entre dramatisation du moment, et atrocité plausible. Le lecteur affrontera encore deux autres pages de torture en fin de cet épisode, avec 5 cases également de la largeur de la page, tout aussi immondes.



Après tout, le gore et la torture sont des genres comme les autres : une façon de fétichiser des situations au point qu'elles en deviennent des conventions de genre, des moments attendus du récit. Le lecteur de passage, sans être connaisseur, se retrouve un peu gêné de sa position de voyeur et se demande pourquoi il a voulu lire un truc pareil. Le lecteur amateur du genre se rappelle ses premières émotions fortes avec la découverte de ces conventions, identifie l'intensité de sa réaction comme étant une preuve patente de l'implication de l'auteur de son goût et de sa maîtrise pour le genre. Ce n'est pas du préfabriqué, ni du prêt à l'emploi factice : c'est du vrai. Non, heureusement que ce n'est pas du vrai, mais c'est une œuvre d'auteur dans le sens où Ed Piskor ne banalise pas les conventions du genre : il insuffle toute l'horreur et l'effroi que peuvent causer ces actes barbares. Il force le lecteur à regarder en face sa fascination pour cette perversité écœurante : qu'est-ce que ça dit sur un lecteur pour qui il s'agit d'un divertissement savoureux ? Ça ne dit pas forcément que c'est une personne abjecte prête à passer à l'acte, ou un voyeur détraqué. C'est aussi une manière de regarder en face ce que l'être humain est capable d'infliger à son semblable, voire de frissonner car la réalité dépasse la fiction, que ce soit en temps de guerre, ou pour des tueurs en série. Oui, l'être humain peut être capable de telles atrocités.



Même si un personnage de l'épisode précédent revient le temps d'un interrogatoire en prison, l'intrigue peut se lire indépendamment des précédents. À nouveau une convention de roman : un individu a réussi à créer des lignes de code assurant une zone anonyme dans la toile. L'auteur explique qu'il s'est pour ça inspiré du marché virtuel bien réel créé par Ross Ulbricht, créateur de Silk Road, un site de marché libre ou n'importe qui pouvait acheter n'importe quoi en Bitcoins. Avec des dessins fortement imprégnés de l'esprit des comics underground d'artiste comme Robert Crumb pour les textures et les prises de vue, Piskor raconte une histoire mêlant le plausible (un accord passé entre le petit génie ayant créé des programmes du Dark Web) et le romanesque (son luxueux manoir, les termes très avantageux de son arrangement avec le FBI) pour un épisode divertissant, alors que le lecteur sait très bien que les Salles Rouges ne risquent pas d'être démantelées de sitôt dans cette série encore très prometteuse.



Troisième épisode pour cette série gore d'horreur malsaine. Dès la première scène, le lecteur comprend que l'auteur est à fond dans son œuvre, et que la série ne va pas tourner en rond de sitôt. La narration visuelle fait preuve d'une inventivité obscène pour les tortures et les actes de barbarie avec un équilibre malsain entre description clinique et exagération dramatique. L'intrigue met en scène des individus différenciés avec une réelle personnalité, sauf pour la victime. Le lecteur est agrippé à son siège du début à la fin, dans état entre l'amusement et l'écœurement, une preuve manifeste et l'implication et du talent de l'auteur. Il ne manque qu'une toute petite prise de recul ou une touche de réflexion pour que la série s'élève au-dessus de sa condition de genre.
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Red Room, n°2

Insoutenable

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Ce numéro 2 fait suite à Red Room #1 (2021) qu'il faut avoir lu avant pour comprendre le principe de Pentagram Pictures. Sa première parution format papier date de juillet 2021. Il a été entièrement réalisé par Ed Piskor : scénario, dessins, encrage, nuances de gris, et texte d'une page pour la postface datant de mai 2021. Il contient 22 pages en noir & blanc avec une teinte sablée pour imiter un papier de mauvaise qualité et légèrement jauni par l'âge. Il se termine avec 8 pages de dessins réalisés par des lecteurs. Ce créateur est également l'auteur de Hip Hop Family Tree et X-Men: Grand Design.



Le web clandestin (Dark Web) permet de surfer anonymement sur le net, à l'abri de toute conséquence. La cryptomonnaie permet des transactions sans traçabilité papier, augmentant encore le degré d'obfuscation. Il est fait un usage abusif de ces outils pour développer une sous-culture toxique de divertissement à base de meurtres en temps réel, filmés par webcam. Qui prendrait part à une entreprise aussi malsaine ? Qui sont les victimes ? Qui sont les clients ? Qui sont les meurtriers ? Les émissions ont pu reprendre sur le site de Pentagram Pictures. Derrière leur écran, les clients peuvent assister à une prestation de Decimator, avec son masque à long bec, tenant l'extrémité d'une chaîne dans sa main droite, et élevant la victime au-dessus du sol en la tenant par le cou, avec sa main gauche. Un message encourage les internautes à verser des pourboires s'ils veulent pouvoir rester dans le chat. Dans ce dernier, une dizaine de clients commentent le carnage : Decimator vient de faire un grand moulinet des mains avec la chaîne, sous l'effet de l'entraînement, le crâne de la victime vient de se fracasser contre le mur.



Dans le bureau de l'entreprise, deux responsables d'un autre site discutent évoquant le hiatus de leurs propres émissions à la suite d'un incident au pénitencier de Braddock, constatant que ce qui faisait leur force, c'était la régularité avec laquelle ils proposaient des produits. Ils se disent qu'il va leur falloir trouver des idées innovantes pour rebondir, travailler beaucoup d'heures pour parvenir à redevenir compétitifs, avant de pouvoir recommencer à se reposer un peu. Puis ils prêtent attention à ce qui se passe à l'écran, très impressionnés par le professionnalisme et l'inventivité de Decimator. Enfin l'un d'eux décide qu'il est temps d'éteindre, et de se remettre au travail : il demande comment va le docteur, car tout dépend de lui pour pouvoir disposer d'une victime fraîche. Il y a quelques temps de cela, un homme d'une trentaine d'années se trouve sur le toit de l'église avec son chien, voyant l'inondation qui a recouvert toute la ville. Il ressert le nœud qui tient en place l'atèle de fortune sur la patte de son chien. Celui-ci se met à aboyer : un hélicoptère de secours arrive. Un individu avec une tenue d'intervention et un casque descend en harnais vers lui. Il lui tend une bouteille d'eau et enlève son casque. Le sinistré le reconnaît : c'est Mike Wilkins, une star du bowling.



En réalité, le lecteur n'attend pas le lecteur au tournant car il sait très bien qu'il ne va pas le décevoir. Ed Piskor produit ses comics tout seul du début jusqu'à la fin, et bénéficie de la publication par un éditeur indépendant respectueux des auteurs. Ce troisième chapitre (il y en avait deux dans le premier épisode qui était un numéro double) commence par une séance de meurtre bien sale. Le récit reste fermement ancré dans le genre gore, les deux pieds dans la tripaille sanguinolente encore chaude, baignant dans le sang. Le gore est un genre assez exigeant du fait de ses paramètres très limités : de la bidoche et des meurtres immondes. Il n'y a pas de possibilité de tricher avec ça, et il est très difficile de se renouveler. En outre, l'artiste doit se montrer assez réaliste pour être convaincant, s'il ne veut pas sombrer dans le grand guignol et un second degré qui rend ridicule, voire pitoyable, chaque prestation de meurtre. De ce point de vue, le premier spectacle gore penche plutôt du côté de la parodie que de l'effroi. Il est présenté sous la forme de 6 cases, à raison de deux par page, chacune se présentant comme un écran d'ordinateur, avec le titre, la vidéo en train de défiler, les messages du site, et la colonne de chat à droite. L'artiste a choisi de montrer un bourreau d'une grande force, capable de tenir en l'air la victime d'une seule main. Il accentue le mouvement circulaire qui envoie la victime heurter le mur avec la tête. Les deux cases de la page suivante montrent la victime au premier plan, le bourreau en arrière-plan, et une masse sanguinolente de chairs tuméfiées à la place du visage, puis le bourreau qui tire à nouveau sur la chaîne avec une grande violence. Enfin dans la troisième page, le lecteur voit la victime avec le dos tellement arqué qu'il en déduit que la colonne vertébrale est sur le poids de céder, et enfin un énorme couteau planté dans le torse du supplicié.



Le lecteur se dit qu'Ed Piskor a choisi de privilégier le second degré au détriment d'une certaine forme de réalisme. Il attaque donc la deuxième séquence avec cette façon de lire en tête. Du coup, le rescapé de l'inondation donne l'impression d'être un peu neuneu. La descente du sauveteur dans une contreplongée très accentuée donne l'impression d'une exagération de télévision sensationnaliste, et le lecteur a du mal prendre au premier degré la manière dont elle se conclut. Le lecteur se dit que l'intention de l'auteur est plus dans la parodie, et du coup il regarde les images avec cette idée en tête : une crosse frappant un visage au point que le nez semble s'enfoncer dans le crâne, une petite fille souriant de toutes ses dents, trop mignonne pour être vraie, un tout jeune garçon afro-américain avec sa casquette en arrière et ses baskets aux lacets défaits presque caricatural, un patient sur un vélo d'appartement concentré comme s'il pilotait une formule 1. Difficile de prendre ces visuels au sérieux, et donc passage en mode grand guignol. En soit, ce n'est pas un défaut, mais ça va à l'encontre de l'intention explicite de l'auteur qui est de s'interroger sur la plausibilité d'une telle sous-culture, de la possibilité de réaliser ces séances de torture qui seraient l'évolution des snuffmovies.



L'auteur doit également faire preuve d'inventivité pour être intéressant avec le niveau de contrainte qu'il s'est imposé. Il ne montre pas les propriétaires du site Pentagram Pictures, et très peu leurs hommes de main. Le point focal de cet épisode n'est donc pas vraiment le fonctionnement interne de l'entreprise, au jour le jour. Ici, Piskor reprend le questionnement sur l'approvisionnement en victime, et la manière de les rendre présentables pour la performance du bourreau. Après le premier show, le lecteur peut donc voir un individu se faire récupérer par l'organisation Pentagram Pictures pour faire office de victime. Dans sa postface, il explique qu'une telle série nécessite qu'il se projette dans une telle organisation pour imaginer et concevoir comment elle peut fonctionner, quelle est la logistique à mettre en place. Ici, il revient au fait qu'il faut réussir à faire disparaître quelqu'un qui ne manquera à personne, avec des moyens qui ne laissent pas de trace. En voyant arriver l'hélicoptère, le lecteur se dit que le scénariste y va trop fort. Mais dans la postface, Piskor explique qu'il part du postulat qu'une industrie d'un tel genre de divertissement ne peut être viable que si elle génère un chiffre d'affaires en millions de dollars. Avec cette idée en tête, les modalités d'enlèvement de cette victime deviennent cohérentes. En outre, l'auteur met en œuvre une idée intéressante pour diminuer le risque d'identification de la victime massacrée lors de la séance de boucherie. Là, le lecteur se dit que le scénariste s'est projeté assez loin dans son histoire car cette manière de faire apparaît totalement pertinent et plausible, y compris la forme de chantage exercée sur le professionnel qui rend ça possible.



Du coup, arrivé aux trois quarts de l'épisode, l'état d'esprit du lecteur a insensiblement évolué, passant du grand guignol, à quelque chose qui fait froid dans le dos. Arrive la dernière scène, et la tonalité du récit bascule totalement pour revenir dans le gore immonde, dans l'horreur visuelle intense, immonde et très dérangeante. Pendant 5 pages, Poker Face, la nouvelle star des productions Pentagram, réalise une prestation qui retourne le ventre du lecteur par la torture imaginée. Les dessins sont particulièrement graphiques avec un niveau de détails écœurant. L'exagération présente dans la première scène a diminué au point que la séquence puisse être prise au premier degré, nauséeuse et d'une cruauté insoutenable. Le lecteur sent son malaise augmenter d'encore plusieurs crans quand il pense au processus mental du créateur qui l'a amené à imaginer, penser et dessiner cette atrocité.



Deuxième épisode de la série dont le premier a rencontré un succès significatif. Le lecteur commence par se dire que l'auteur a choisi de modifier un peu le dosage de ses ingrédients pour se placer plus dans le grand guignol. L'intrigue en elle-même se focalise sur la récupération d'une victime pour la prochaine performance, et sa préparation. La narration visuelle reste très soignée, un bon indicateur du degré d'implication de son auteur. Ces différentes caractéristiques rendent la dernière scène insoutenable, car le dosage revient vers plus de réalisme, rendant cette performance plus intense et plus insoutenable, surtout quand on commence à penser au processus de création qui a mené Ed Piskor à dessiner ça, à son entrain et au temps qu'il a consacré pour imaginer une telle horreur.
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The beats : Anthologie graphique

Née dans les années 1950 avec Jack Kerouac, Allen Ginsberg ou William Burroughs, la génération Beatnik est le symbole d'une Amérique désabusée qui aspire à une certaine liberté de pensée. Les origines de l'expression beatnik bien que multiples et incertaines, trouveraient leur signification dans le terme "crevé" ou "usé". Jack Kerouac y aurait porté une connotation paradoxale de upbeat et beatific. Ce nouveau mouvement artistico-intellectuel inspiré du jazz (Hobohemians), aurait révolutionné la culture conformiste américaine et nourri la culture hippie des années 1970. C'est dans les drogues, l'alcool et le sexe libre que les beatniks affirment leur revendications en édifiant une contre-culture prônant la liberté d'expression et en adpotant un style de vie en marge de la société. Notamment inspirés par le charismatique Neal Cassady, les trois principaux précurseurs du mouvement expérimentent de nouvelles techniques d'écriture comme "la prose spontanée" ou "l'écriture automatique". Howl (Allan Ginsberg), On the Road (Jack Kerouac) ou Naked Lunch (William Burroughs) sont les oeuvres phares de ce mouvement qui ont propulsé le beatniks sur le devant de la scène littéraire de l'époque. Souvent jugées comme obscènes et contraires aux moeurs, la poésie et la littérature beatnik ont embrasé l'enthousiasme des jeunes générations de l'époque. Le vif intérêt que suscite encore cette vague d'auteurs américains est le signe de son influence indéniable dans les domaines intellectuels américains des années 50-60. Au delà de la simple nostalgie d'un temps perdu, la beat generation porte encore en elle, les germes d'une contestation culturelle de grande envergure. The Beats ne se veut pas une énième étude du mouvement. Elle se renvendique plutôt comme un hommage rendu à ses pères d'autant qu'elle "possède une qualité en accord avec la popularisation vernaculaire des beats." (extrait de l'introduction).



C'est à l'adolescence que je me suis intéressé aux beatniks. Comme beaucoup d'entre nous, j'ai lu le Festin nu (adapté au cinéma par l'immense David Cronenberg), Sur la route, Junky ou encore Les clochards célestes (n'étant pas un grand adepte de poésie, je ne me suis jamais attardé à la poésie de Ginsberg). Si cette contre-culture a suscité ma curiosité à l'époque, je crois avec le recul que la beatnik generation n'est pas vraiment ma tasse de thé (cette lecture me confirme que les revendications et l'esprit de ses pionniers s'éloigne de mes propres convictions). Si le message politique porté par le courant me parait louable en raison de l'effervescence intellectuelle et des prises de conscience qu'il a pu susciter (on assiste à l'époque à une véritable révolution intellectuelle), je fais partie de ceux qui pensent que la "beatnik attitude" se rapproche plus d'une expérience de vie que d'un véritable mouvement de pensée (peut-être ai-je tort mais c'est l'idée que j'en ai). Cette bande-dessinée renforce à mon sens cette idée. On y retrouve les éléments biographiques de ses principaux acteurs ainsi que les origines du mouvement. Leur mise en images par les différents dessinateurs m'a certes paru coller avec l'esprit des beats. Les graphismes en noir et blanc confèrent d'ailleurs au livre un parfum d'authenticité assez appréciable (même si Ed Piskar, principal dessinateur de la bande-dessinée, n'a pas vécu l'expérience beatnik étant trop jeune). Pour autant, les lecteurs avertis n'y apprendront pas grand chose excepté peut-être dans les derniers chapitres du livre relatifs aux diverses manifestations de la beatnik generation. Reste donc seul le plaisir de découvrir les dessins et le travail d'adaptation qui rendent assez bien compte me semble t-il, de l'esprit beatnik de l'époque. Cela dit, pour tout à fait être honnête, Harvey Pekar et Paul Buhle ne se sont pas cachés de leur intention, l'idée étant surtout d'offrir "une interprétation visuelle et narrative spécifique, à la fois fraiche et perspicace." (extrait de l'introduction). Cette initiative, certes séduisante, ne m'a malheureusement pas convaincu bien qu'elle propose quelques anecdotes truculentes et qu'elle constitue une bonne introduction au sujet... A noter l'excellent récit de Tuli Kupferberg proposé par Jeffrey Lewis qui revient sur le parcours des Fugs (cf. notamment la vidéo de Kill for peace).
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Hip Hop Family Tree, tome 1 : 1970-1981

En fin d'année 2016 est sortie aussi aux éditions Papa Guédé la version française de la cultissime BD Hip-hop Family Tree, écrite par l’Américain Ed Piskor. qui s'échine à tracer en plusieurs volumes l'histoire du mouvement hip hop en bande dessinée, bref une oeuvre documentaire d'une ambition et d'une ampleur assez exceptionnelles que tous les fous de ce mouvement hip hop ne peuvent que plébisciter!!



Ce premier volume est consacré à la naissance du hip-hop, à l’émergence de ce style musical qui allait s'imposer très rapidement comme un genre musical majeur aux USA puis sur toute la planète.



hip_hop_family_tree_image2



Pas toujours facile de se retrouver lorsqu'on est néophyte en la matière, tant les protagonistes sont nombreux et qu'on passe de l'un à l'autre sans forcément tout bien suivre...DJ Kool Herc , Grandmaster Flash, on a tendance à un peu mélanger les noms et les parcours, vu qu'on ne s'attache jamais à un artiste en particulier ...



Une bande dessinée qui accumule les détails et anecdotes croustillantes dans un style assez tonitruant inhérent au mouvement. Résultat, la dimension humaine du mouvement hip-hop est parfaitement restranscrite et entre flow, battle, armes à feu, punchlines et problème de femmes, cette BD réserve cependant un excellent moment de lecture..



A noter que la BD est sélectionnée à Angoulême ,et que les tomes 2 et 3 VF arrivent courant 2017.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Hip Hop Family Tree, tome 1 : 1970-1981

Jamais les débuts du hip hop n’avaient suscité autant d’intérêt et généré autant de productions qu’en cette année 2016. Que ce soit à la télé avec la série The Get Down de Baz Luhrmann, en littérature avec le livre Brûle de Laurent Rigoulet et en musique avec la compilation The Bronx Mixtape (1973-1979), la culture hip hop des origines est omniprésente et s’offre à notre curiosité pour nous faire revivre l’éclosion d’un genre musical né sur les cendres du disco il y a près de 45 ans.



Retour sur la genèse d’un style et d’un son pour revivre les débuts d’une musique très vite devenue un art de vivre et surtout une industrie comme nous le raconte Ed Piskor dans sa bande dessinée Hip Hop Family Tree, publiée dès 2012 sur le site américain Boing Boing et dont l’esprit et la construction rappellent la BD ultime sur l’histoire de la techno, Le Chant de la Machine.



Né quasiment au même moment que le mouvement dont il raconte l’histoire, l’ancien scénariste de l’immense Harvey Pekar a baigné très tôt dans le hip hop qui était très en vogue sur les radios au milieu des années 80. Par ailleurs fan de comics, notamment de Robert Crumb et de la série Love And Rockets, Ed Piskor s’est tout naturellement tourné vers ce style après avoir toutefois envisagé de travailler pour Marvel ou DC Comics.



L’auteur de Wizzywig : Portrait d un hacker en série a construit cet ambitieux projet comme le ferait un documentariste, en accumulant des témoignages de gens qui ont vécu la naissance du rap, en se plongeant dans des documents d’époque, recoupant ses sources pour arriver au final à cette œuvre passionnante, mettant en scène tous ceux qui ont contribué et participé à l’essor du hip hop. On y croisera donc Afrika Bambatta, la Zulu Nation, Grandmaster Flash, RUN DMC et autre DJ Kool Herc, on y parlera Break Dance, MC’s, Graffiti et bien sûr de l’art du Djing qui n’en est qu’à ses balbutiements.



Le résultat est bluffant de précision avec des planches au style vintage, dans des teintes marrons, d’une grande densité tant graphique que narrative, pour une BD qui, du coup, se lirait presque à la vitesse d’un roman.

Les non initiés y perdront peut-être leur latin et trouveront sans doute un peu long ce récit aux allures quasi encyclopédiques, mais pour les autres, pour les passionnés de hip hop, pour ceux qui ont vécu passionnément l’arrivée du mouvement avec Sidney et son émission H.I.P H.O.P, ce livre constituera une lecture plus que nécessaire.



Pour accompagner ce livre, il y a bien sûr une playlist (ci-dessous) concoctée tout spécialement, mais il y a aussi cette compilation qui vient de paraître chez PIAS et qui est en fait la B.O. du roman de Laurent Rigoulet Brûle. Un roman qui a également pour toile de fond la naissance du hip hop dans les années 70. Au menu de cette compil, 16 classiques parus entre 1973-1979 avec Afrika Bambaataa, Grandmaster Flash & The Furious Five, The Sugarhill Gang, mais aussi The Jimmy Castor Bunch, James Brown, Rufus Thomas, Baby Huey et Sly And The Family Stone. Immanquable !


Lien : https://www.benzinemag.net/2..
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X-Men - Grand Design, tome 1

Dans ce Grand Design, au titre fort bien trouvé, Ed Piskor revisite rien moins que l’histoire des X-Men sur plusieurs décennies en « compilant » les histoires d’origines phares.







Si les fans des Mutants de Xavier n’apprendront pas forcément grand chose mais apprécieront l’effort, le concept, c’est aussi ce qui risque de déstabiliser les lecteurs moins connaisseurs qui verront dans cet hommage appliqué, clairement « fan-boy », aux clins d’oeils nombreux, une sorte de collage documentaire au fil conducteur narratif parfois abscons dans ses ellipses.







J’ai découvert les X-Men à l’époque de la naissance de l’auteur et quand ce dernier a du se plonger dedans je les avais (au moins temporairement) abandonné pour d’autres horizons de lecture, ainsi si une partie de Grand Design me parle, d’autres évolutions de la mythologie m’étaient relativement inconnus et m’ont conforté dans mon idée d’une certaine inutile complexité des arcs au fil des décennies de la part de Marvel, mais là n’est pas le sujet.







Reste la partie graphique très réussie, et elle aussi volontairement old school, que ce soit dans son trait comme sa colo, et le plaisir de recroiser des héros d’enfance « dans leur jus » (comprendre avec leurs tenues d’époques, leurs poses outrancières et j’en passe).

et sinon, de quoi écouter en lisant: http://bobd.over-blog.com/-2
Lien : http://bobd.over-blog.com/-2
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Wizzywig : Portrait d'un hacker en série

Kevin « BoingFlop » Phenicle n'est encore qu'un gamin lorsqu'il fait ses premiers pas dans le monde du piratage. Doté d'un don unique, il est capable d'émettre avec sa bouche la fréquence adéquate (2600 Hz) pour dompter les lignes téléphoniques. Il faut savoir qu'au début des années 80', le téléphone ne fonctionnait pas tout à fait comme aujourd'hui et ce signal permettait, lorsqu'une communication avec un numéro vert était initiée, de basculer vers un autre correspondant en faisant croire à un nouvel appel et ce... gratuitement !

Intéressé par tout ce qui a trait à la technologie, il passe ainsi du phreaking (piratage téléphonique) au hacking (piratage informatique) à l'aube des premiers ordinateurs.



Wizzywig est le récit de sa vie, de sa jeunesse à sa sortie de prison, car le garçon va être arrêté et incarcéré pour ses actes, qualifiés d'espionnage.

Aux États-Unis, on ne rigole pas...





Un récit pour un lectorat exigeant.



Je ne connaissais rien du phreaking lorsque j'ai entamé cette lecture, je ne connaissais même pas l'existence de ce mot. Pour dire vrai, je me suis demandé si ce type de piratage n'était pas une fiction. Quelques recherches m'ont prouvé le contraire.

Apprendre toutes ces choses improbables sur l'utilisation frauduleuse des lignes téléphoniques était terriblement intéressant mais en même temps tellement ennuyeux. J'étais pris entre deux feux, celui de l'attrait tout particulier de ce qu'on ne connaît pas et qui nous interpelle, et celui de la lassitude d'un monde tellement abstrait qu'il paraît incompréhensible.

Un livre exigeant et un sujet qui ne facilite pas l'immersion pour les non initiés. L'histoire est dense et demande une bonne dose de concentration.

De plus, Ed Piskor a volontairement accentué cette effet de lourdeur par un gaufrier répétitif sur la majorité des 286 planches de l'album. Une décision qui condamne à un rythme lent, accentué encore par un texte relativement conséquent.



Il s'agit de la première œuvre solo d'Ed Piskor après deux collaborations avec Harvey Pekar (American Splendor et The Beats). Pour l'illustrer, l'auteur s'emploie au noir & blanc avec une grande clarté. Son trait est réaliste à l'exception des yeux et du nez du protagoniste principal, accentuant son côté « monsieur tout le monde ». Le dessin témoigne d'un travail précis et soigneux bien qu'on puisse regretter une certaine rigueur dans les postures.





Critique de la société américaine.



Le sujet de la piraterie, omniprésent en toile de fond, n'est pas le seul abordé dans ce livre. On y parle aussi de justice, de conditions d'incarcération et des écueils du système américain (facilité à se procurer de nouvelles identités sur la base d'un simple acte de naissance)...

Une critique sous-jacente de la société étasunienne et un doigt pointé sur ses failles. C'est sur ces questionnements-là que le livre bouscule, interpelle et gagne en intérêt.



[...]





La suite à lire sur BenDis... !
Lien : http://bendis.uldosphere.org..
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Hip Hop Family Tree, tome 1 : 1970-1981

Un style graphique vintage qui a beaucoup de charme, mais quelques longueurs dans le récit ; de plus, le choix de traduire certains lyrics en français m’a laissé un peu perplexe.

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Wizzywig : Portrait d'un hacker en série

Kevin Jr Phenicle est un enfant maitre de la manipulation, du crochetage, et futur maitre hackeur. Au fil de ses aventures il apprend de plus en plus de choses jusqu’à devenir un pirate rechercher en fuite, il arrive a se cacher et changer de nom, de compte, a gagner beaucoup d'argent jusqu’à ce qu'il prend un risque: des voitures le suivait et il a chercher a trouver qui étaient ces personnes, cela a causer sa perte: c'était des policiers, et ils l'ont arrêter. Il a fini en prison pendant 5 ans sans procès. Winston, son ami d'enfance, dirige une antenne de radio et pendant les 5 ans, il parle de lui et de toute son enfance et de sa capture. Il vas finir par réussir sa mission: faire passer Kevin devant un tribunal, on le déclare coupable mais avec peine déjà purger, donc il peut enfin sortir. Ce livre est excellent et ED Piskor a une très bonne imagination. Un de mes favoris, a lire pour tous!



Kylian Chatillon
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Wizzywig : Portrait d'un hacker en série

Grosse claque sur ce pavé de roman de roman graphique.



A travers l'histoire de Kevin on comprend la puissance d'internet, l'injustice, la démesure des sanctions lorsque le crime commis n'a fait aucune victime humaine mais que beaucoup d'argent entre en jeu.
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Red Room, tome 1

Trash mais ennuyeux

Des séances de torture/mise à mort sont diffusées dans des Red Rooms sur le dark web. Les spectateurs peuvent y suggérer sévices et supplices, moyennant bitcoins.

J'étais intrigué par ce thriller gore, interdit de publication dans 5 pays ... alors tant pis pour les histoires de bisounours ! Le dessin outrancier, les dialogues insipides et le scénario inintéressant m'ont néanmoins vite fait regretter l'investissement en temps et en argent !

Critique de la modernité technologique, de la société de consommation, du spectacle facile ? Rien de tout cela : j'ai l'impression désagréable d'avoir payé une fortune pour essayer de tromper mon ennui en regardant de trop répétitives scènes de violences.
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Red Room, tome 1

Le réseau antisocial est une œuvre viscérale et graphique qui exploite la mythologie de ces films très spéciaux afin de composer un univers horrifique sordide et défouloir, non dénué de réflexion cependant. Que les âmes sensibles s'abstiennent, ce n'est pas pour rien que cela a été Interdit de diffusion dans cinq pays. Il serait intéressant de prolonger l'idée en questionnant ton propre rôle, toi, le lecteur-voyeur...
Lien : https://www.bdgest.com/chron..
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Red Room, tome 1

Avec Red Room, Delcourt propose un titre choquant, voulu comme tel par Ed Piskor. Le style particulier de l’artiste et le caractère outrancier de l’oeuvre permettent au lecteur de supporter la violence et la perversité du titre. A réserver aux adultes, aux fans du genre ou aux fans de l’auteur/dessinateur.
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Red Room, tome 1

Alors, en effet cette lecture reste éprouvante, elle fait réagir les lecteurs deçi delà qui peuvent parfois en venir jusqu'à condamner l'œuvre sans aller plus loin que le premier degrés. Il mériterait néanmoins de faire l'effort de dépasser le sujet pour en apprécier le fond et sa pertinence ! Ed Piskor démontre une nouvelle fois la profondeur de son regard sur cette société de la consommation, voir même de la consumation !
Lien : http://www.sceneario.com/bd_..
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Red Room, tome 1

Ed Piskor livre une œuvre poignante prenant littéralement aux tripes, dans tous les sens du terme. Dommage ou heureusement quelque part, que son style graphique atténue l’effet outrancier.
Lien : https://www.actuabd.com/Red-..
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