Edouard Zarifian

Le puissant état sédatif d'un neuroleptique va calmer le grand agité mais c'est le même effet sédatif qui, dépassant l'action recherchée, risque de le transformer en zombi trébuchant et somnolent. La posologie du neuroleptique qui laisse gaillard l'état maniaque l'assoupit totalement dès que l'épisode d'excitation s'est calmé.

Un médicament psychotrope n'est pas né médicament. On l'a baptisé ainsi.

C'est [...] sur la base de l'empirisme, de la sagacité, du hasard, de la chance, de l'observation clinique obstinée et curieuse que la totalité des psychotropes ont été découverts. Quand la science a récupéré la direction des opérations, l'innovation s'est éteinte. On a mouliné à loisir la répétition inlassable des mêmes molécules, modifiant un détail de-ci de-là. Voilà plus de trente ans que cela dure...

Trouver d'abord, chercher après.
J. Cocteau

D'une façon étonnante, toutes les grandes classes de médicaments psychotropes ont été inaugurées en moins de dix ans. [...] aucune révolution thérapeutique n'est venue bouleverser le traitement médicamenteux des troubles psychiques depuis 1961.

Il convient de distinguer le psychotrope,objet matériel doué d'une action pharmacologique sur le système nerveux central, et le "concept de psychotrope". C'est ce dernier qui est le support d'une idéologie bien particulière. [...]
Innocents objets techniques possédant d'irremplaçables propriétés thérapeutiques, les psychotropes sont devenus les supports d'une idéologie qui est une pure création sociale et médicale.

[Les psychotropes] ne sont pas vraiment des médicaments comme les autres. [...] ils renvoient aux grandes questions concernant la science, l'homme et la société.

Les idées fausses et les mensonges, les préjugés et les a priori, les faux espoirs et les vrais acquis coexistent en un kaléidoscope qui renvoie à la vraie dimension du psychotrope : au-delà de son but sanitaire, il joue un r^pole aux facettes multiples dans notre société.

Quand un psychiatre ne comprend pas ce qui se passe chez un patient, il doit toujours penser que c'est lui qui se trompe ou que quelque chose de fondamental lui échappe.

Le symptôme comme vérité unique proposée par la science officielle n'est valable que lorsque patient et thérapeute partagent la même vérité culturelle.

... le processus de guérison en psychiatrie est par nature complexe. L'intrication bio-psycho-sociale impose un discours à trois voix où l'opinion du médecin doit être avalisée par celle du patient et de son entourage.

L'hystérie est bien trop nécessaire à la société pour disparaître parce qu'on cesse de la nommer.

Le pathologique, si imprécise que soit sa définition, c'est la durée, l'intensité exagérée ou l'absence de cause déclenchante apparente de phénomènes qui par essence sont de même nature que les difficultés existentielles.

Le pathologique, si imprécise que soit sa définition, c'est la durée, l'intensité exagérée ou l'absence de cause déclenchante apparente de phénomènes qui par essence sont de même nature que les difficultés existentielles.

En supprimant les symptômes on découvre qu'il persiste une souffrance et une désorganisation de l'existence. De plus, les symptômes reviennent régulièrement quand ils ne sont traités que par des médicaments. Il reste autre chose à faire. misère ! L'homme aurait-il donc une âme ?

La pensée et la recherche n‘ont rien à gagner à cultiver des dogmes.

Résumer le suicide à la dépression et à la psychiatrie, c'est caricaturer la réalité.

On ne saurait [...] considérer la distribution de méthadone en sirop autrement que comme un contrôle social du toxicomane par un stupéfiant officiel et gratuit. Son seul et immense mérite consiste à limiter le risque de la diffusion du sida par l'élimination des seringues.

La "psychiatrisation" des perturbateurs de l'ordre social n'est qu'une solution de facilité que la psychiatrie devrait refuser.

Ce qui devrait logiquement demeurer dans le domaine des différences individuelles est trop souvent aligné sur une norme standardisée et obligatoire qui génère, à tort, culpabilité et prescriptions médicales.