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Critiques de Eleanor Henderson (46)
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Cotton County

Nous sommes en 1930, en Géorgie, dans le sud des Etats-Unis où le racisme tue : les lynchages sont monnaie courante et Genus Jackson, employé agricole noir à la ferme de Jesup Juke, n’a pas eu le temps de fuir avant son exécution sauvage et collective. Mais qui est donc le véritable meneur de cette action punitive, liée à une double naissance, celle d’un garçon noir et d’une fille blanche déclarés jumeaux par Elma, la fille de Jesup Juke ? Genus a-t-il vraiment violé Elma déjà enceinte, comme l’affirment les Juke ?





Dans ce village isolé, cul-de-sac de la seule route non revêtue qui y conduit, la vie se déroule en un véritable huis-clos où les haines couvent telles des braises sous la cendre. Et il faut dire qu’elles se sont accumulées, depuis des générations que triomphe à Cotton County la loi du plus fort : celle du propriétaire sur les métayers et sur les employés de la filature de coton, celle des blancs sur les noirs, celle des hommes sur les femmes, celle de l’alcool de contrebande en ces temps de prohibition, et, toujours, celle du silence.





La vérité finira pourtant par éclater, entraînant avec elle la résurgence de secrets beaucoup plus anciens, et démontrant qu’à Cotton County, personne n’est vraiment ni noir ni blanc, parfois au propre comme au figuré. Ne se dévoilant que peu à peu, au fil des pages de ce long et dense récit qui tâtonne vers la lumière en de multiples allers-retours temporels, elle surprendra chaque personnage autant que le lecteur, tant chacun était prisonnier des mensonges et des silences qui rongeaient la communauté.





Construit comme un extraordinaire mille-feuilles dont la complexité contribue à restituer l’enchevêtrement des destins, les ignorances et les incompréhensions, au final les souffrances d’autant plus douloureuses et dévastatrices qu’elles demeuraient cachées, le récit plonge le lecteur dans une atmosphère noire et étouffante, une tragédie qui se renforce des perceptions tronquées de ses protagonistes et qui empile les drames de génération en génération.





Les personnages, restitués dans toute leur ambivalence, y sont profondément humains. Et c’est toute la force du livre de parvenir à expliquer sans simplifier, de mêler attachement et répulsion dans une narration dont le lecteur ne sortira pas indemne. Cotton County est en effet de ces livres qui vous hantent longtemps après leur dernière page, tant leur ambiance est parvenue à s’insinuer en vous et leurs personnages à prendre vie dans votre tête.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Cotton County

Genus Jackson est mort, lynché, achevé d’une balle, trainé derrière une voiture… Mais tout le monde s’en fiche car Genus était noir et avait violé Elma, une jeune fille blanche tout juste sortie de l’adolescence et qui vient d’accoucher de jumeaux, l’un blanc, l’autre noir. Accusé du meurtre de Genus, Freddie Wilson le prétendant d’Elma s’est mis au vert mais personne ne le recherche vraiment…



Car dans l’entre-deux guerres, en Géorgie, au pays du coton, la vie d’un homme noir pèse bien peu par rapport aux règles de race et de pouvoir ancestralement établies. Et pourquoi se soucier de la vérité quand elle est tellement évidente et convient si bien à tout le monde. Jusqu’à ce que le mal ronge les âmes, que les langues se délient et que le sang parle.



Cotton County d’Eleanor Henderson – traduite par Amélie Juste-Thomas – est une gigantesque saga qui s’inscrit dans la lignée des grands récits du sud des États-Unis, alternant les époques et les voix, et décrivant avec une précision remarquable cette société figée dans la ségrégation raciale et sociale (pléonasme de l’époque) alors que le monde bouge pourtant partout ailleurs.



C’est cependant un livre exigeant (très peu de dialogues), dense (près de 650 pages) et au rythme déroutant, alternant les longs passages contemplatifs avec des twists quasi-cachés à l’improviste entre deux lignes, l’air de rien. Pour être honnête, j’ai eu un peu de mal avec la première moitié où le décor met un peu de temps à être posé, heureusement rattrapée par la seconde où les masques tombent. Il reste au final une très belle écriture et un énorme travail autour des personnages misérables et magnifiques, miséreux et magnifiés.



Merci à Albin Michel – formidable collection Terres d’Amérique - et à Léa sans - qui le Picabo River Book Club serait un club sans âme – pour cette lecture privilégiée.



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Cotton County

Sud des États-Unis, en Géorgie dans les années 30', l'improbable naissance de jumeaux gémeaux : l'une blanche et rousse comme sa très jeune mère Elma et l'autre, petit garçon au teint caramel qui ne peut être que le fruit d'un viol, celui d'un Noir, et Genus Jackson est le coupable tout désigné.



Lynché, pendu comme un "strange fruit" tel que le chantait Billie Holiday, il devient le point de départ à cette histoire qui conjugue le drame de la "question raciale" aux Etats-Unis et plus particulièrement les États du Sud, mais aussi la place de la femme, celle qu'on lui impose, celle dont on dispose. Et puis c'est aussi la notion de famille qui est abordée, au-delà du sang, une famille est aussi celle que l'on se choisit.



Dans cette fresque historique à la Steinbeck, dans cette rudesse rurale, se mêlent le quotidien banal et l'âpreté de la vie. La structure narrative est riche, complexe, formant une spirale avec des retours sur le passé de chacun des protagonistes, dessinant ainsi peu à peu leurs traits.



L'écriture est tout à la fois fluide et travaillée et si de manière générale, l'histoire se lit avec plaisir, celui-ci s'émousse par moment car s'étalant trop en longueur (plus de 700 pages).



Un voyage agréable dans le Comté du Coton en compagnie de ces personnages cabossés mais pour lesquels il m' a manqué un certain attachement.
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Cotton County

Bienvenue dans le sud de la Géorgie, dans le Comté du Coton (Cottom County). Ici rien ne bouge, rien ne change, ségrégation et racisme sont toujours en vigueur en cette année 1930, lorsque nous débarquons chez les Jesup, où vivent Juke, le père, Nan et Genus les employés de couleur et Elma, 17 ans, la fille de Juke, qui vient de donner naissance à des jumeaux : l’une blanche, Winnafred, l’autre noir : Wilson. Impossible dites-vous ? Ici en Géorgie tout est possible, il suffit de…….



Et quand il y a la vie comme ces deux naissances inexplicables, inexpliquées de jumeaux-gémeaux dans cet état sudiste profondément ancré dans la haine de ce qui est différent et de la suprématie, il y a la mort qui vient réclamer son dû et on pénètre de plein fouet dans un drame qui prend ses racines bien avant ces naissances, celles-ci n’étant que le déclencheur de bombes à retardement qui sommeillaient.



Alors, ce même jour de Juillet, parce qu’il fait chaud, parce qu’on ne comprend rien à cette naissance bicolore, parce qu’il faut bien trouver un coupable, on lynche l’ouvrier agricole noir de la ferme, Genus Jackson, forcément accusé, forcément coupable..Tout le monde voit, tout le monde regarde mais personne n’est responsable. Cotton County c’est une communauté où tout le monde se côtoie, blancs, noirs, maîtres et esclaves main-d’œuvre, puissants et faibles. Ici il y a des alliances, des amitiés et des fossés que rien ne pourra combler comme ceux de chaque côté de la Twelve-Mile- Straight qui traverse le paysage.



Le pays a connu la dépression de 1929, la prohibition est en vigueur et dans le sud, comme ailleurs, la misère règne. Alors certains fabriquent ce que les autres désirent et sont prêt à payer cher, même si cet alcool abîme et détruit. C’est la loi de l’offre et de la demande et en dehors de la culture du sorgho et du maïs il y a désormais le gin, le « cotton-gin, que Juke distille pour étancher la soif des hommes et améliorer l’ordinaire.



Ici on est blanc ou noir enfin je devrais dire on naît blanc ou noir, du bon ou du mauvais côté et le bon côté est souvent celui des blancs. Ici, j’y ai vu a haine dans les yeux des bourreaux, ici j’ai entendu les souffrances muettes de Nan, 14 ans mais aussi les manipulations d’Elma, ici j’ai senti les haleines chargées d’alcool, ici j’ai vu la douleur et les rancœurs se déchaîner, ici j’ai vu la sueur et la peur perler sur le front des hommes et des femmes travaillant pour presque rien, subissant les désirs, les colères et les vengeances, Ici il y a les lieux pour les blancs et ceux pour les noirs, jamais les mêmes.



Dans ce roman, personne n’est tout blanc ou tout noir, chacun s’adapte, chacun cherche des réponses à des absences, à des affronts, cherche à comprendre des bribes de souvenirs, à recoller les morceaux de vies brisées, les décès des mères d’Elma et Nan laissant les deux adolescentes sans repère féminin. Elle vont devoir se soutenir, s’aider, liées depuis l’enfance par une amitié indéfectible.



Dès les premières pages, les premières lignes, Eleanor Henderson nous projette dans ce roman sombre, dans un drame qui va se dérouler sous nos yeux, inexorablement au fil des 641 pages. On s’immerge au milieu des personnages, tel un témoin impuissant qui ne peut que constater qu’ici rien ne change, qu’ici il y a celui qui possède l’argent, les relations et la force, propriétaire tout puissant et influant de la filature de coton mais aussi du sol et des hommes.



Je ne vous dévoilerai pas le récit car je veux que vous ayez le même plaisir et les mêmes émotions que moi à la lecture de ce roman où il est question d’amour, de haine, de rivalité, de maternité, d’abus, de trafics, de silences, de femmes, d’enfants, de règlements de compte, de révélations, de vie et de mort.



L’auteure a construit son récit avec des allers-retours entre le présent avec la naissance des jumeaux sans jamais en dire trop et le passé, révélant au fur et à mesure, par petites touches la genèse du drame, car rien n’arrive par hasard.



C’est habilement mené, du début à la fin, sans temps mort, on ne se perd jamais, les acteurs tiennent leurs places, l’ambiance y est moite, les esprits et les corps s’échauffent vite surtout quand l’alcool les attise, que les sangs bouillonnent et que les femmes sont des proies faciles.



Lorsque je croyais m’être perdue, ne pas comprendre le pourquoi ni le comment, dans les pages qui suivaient l’auteure me donnait les explications par la voix des intéressés. Il y a une maîtrise du récit, un travail de documentation pour restituer la nature et les hommes.



A la manière d’un drame antique, tous les acteurs sont là, exposés avec leur noirceur souvent, leur beauté parfois, leur sacrifice ou leur rédemption, la nature tient sa place soufflant le chaud et le froid. Et puis il y a les absents mais tellement présents, les esprits qui hantent les mémoires et qui n’ont pas révélé tous leurs secrets….



On passe par tout un tas d’émotions au fil des pages, on croit comprendre ce qui est arrivé, ce qui va se passer et puis non, Eleanor Henderson nous emmène ailleurs, elle fouille au plus profond de cette terre de Géorgie où la culture du coton, si doux, si blanc abîme les dos, les doigts et les âmes, où la filature est le lieu de tous les pouvoirs, de tous les abus, où l’alambic réchauffe et brûle les corps et les esprits. C’est l’âme humaine qu’elle va chercher au plus profond de cette terre de Géorgie.



Dans ce récit tous les personnages interviennent, prennent la parole, racontent, se racontent, dévoilent un bout de cette histoire où blancs et noirs ne sortiront pas vainqueurs, où les vérités ne sont pas toujours celles que l’on croit, qu’à trop vouloir savoir on peut regretter l’ignorance, que toute vérité n’est pas bonne à dire.



La langue est la pire des malédictions, lui avait expliqué Ketty. Il y avait de la dignité à garder sa vérité à l’intérieur. Mais la vérité s’arrangeait toujours pour s’échapper, pour exploser comme le bocal de gin tombé d’entre ses cuisses.(p262)



Aucun temps mort, aucune longueur, le bien et le mal s’affrontent, se mêlent, prennent tour à tour le dessus, c’est un récit d’amour et de haine, c’est le chant d’une Amérique profonde, aux relents de sang et de sueur, où résonnent les plus bas instincts. C’est un roman captivant et qui tient en haleine jusqu’à la dernière ligne.



Elle repensa alors au couteau de sa mère, à sa langue, enterrée là-bas sous l’arbre à calebasses, et pendant un instant vertigineux, elle comprit : lorsqu’on vous a fait du mal, il vous faut parfois faire du mal en retour à ceux que vous aimez, pour être capable de supporter l’amour que vous leur vouez. (p637)
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Alphabet city

Comment s'épanouissent les enfants-fleurs de Woodstock dans l'Amérique libérale ? Plutôt mal, si l'on se tient à cette chronique adolescente contée par Eleanor Henderson.

Sur plusieurs mois, on suit les aventures de garçons sauvages, fils de hippies ou de fantômes, qui, pour fuir l'ennui de leur petite ville du Vermont, s'évadent dans la drogue -avant de se trouver un meilleur trip : le "straight edge", sous-culture punk. Pour oublier les défaillances parentales et la vacherie de la vie, voilà qu'ils fondent un groupe et filent à Manhattan, dans le Lower East Side. On est 1988, au tout début de la gentryfication du quartier, qui est alors peuplé de toxicos, clodos, et autres marginaux. Mais même à 16 ans, vivre vite et fort épuise...

J'ai adoré cette tranche de vie, cette plongée dans cette époque et ce lieu, et la découverte du mouvement straight edge (des gars qui se rasaient le crâne, pogotaient sur du punk hardcore, et refusaient de boire/fumer/se droguer/manger de la viande/avoir des relations sexuelles afin de préserver une forme de pureté). C'est un joli roman d'apprentissage, mélancolique, où les enfants s'aperçoivent que leurs parents peuvent encore les étonner ou les émouvoir ; où, ils se créent leur propre tribu, se cognent contre la vie, s'essaient à comprendre le monde qui les entoure, à exprimer le dégoût qu'il leur inspire, et à s'en différencier pour créer leur propre monde. Ce n'est pas sordide, ni plombant ; c'est plutôt lumineux, et il y a même de l'humour !

Pas le roman du siècle, mais une balade sympathique avec des petits rebelles ; voilà qui est rafraîchissant, en cette période caniculaire !
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Cotton County

Cotton County, état de Géorgie, 1930. Elma, la toute jeune fille d'un métayer, donne naissance à des jumeaux. le seul hic, c'est que l'un est blanc, et l'autre mûlatre. Genus Jackson, un ouvrier agricole noir, est alors lynché, accusé d'avoir violé Elma.



Cette tragédie initiale va profondément marquer ce récit. Car de nombreux secrets entourent la naissance des deux bébés, et la vérité n'est évidemment pas celle que cette population blanche avide de haine a bien voulu croire... les mystères autour de la conception de ces enfants vont d'ailleurs marquer la première partie du récit, les hypothèses étant nombreuses, au risque de perdre un peu le lecteur. Heureusement, la vérité éclatera assez vite, permettant de donner une nouvelle dimension au récit.



J'ai beaucoup aimé cette saga dans l'Amérique des années 30, la description de ce monde rural marqué par la ségrégation raciale. J'ai apprécié la diversité des personnages, et la construction de l'histoire, non linéaire, faite de flashbacks permettant au lecteur de mieux saisir ce qui s'est réellement passé. le récit est très fluide, l'auteur possède un vrai talent de conteur, même si le rythme, parfois assez lent, peut s'avérer déroutant.



Je remercie vivement, en conclusion, le Picabo River Book Club (et Léa tout particulièrement), ainsi que les éditions Albin Michel, pour cette très belle découverte.

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Cotton County

« - On a le droit d’aller où ça nous chante. (…) C’est eux qu’ont pas le droit d’aller où ils veulent. »

John « Juke »Jessop, de sa position de métayer assigné à la ferme de George Wilson en Georgie, affermit durement son autorité sur ses employés afro-américains, bénéficiant d’une politique de ségrégation raciale bien implantée dans cet État du Sud des États-Unis. La Grande Dépression fait ses ravages et sur la ferme, Juke vit avec sa fille Elma, 18 ans et leur servante Noire Nancy Smith, 14 ans. Lorsqu’Elma se retrouve enceinte sans être mariée, une colère redoutable s’empare de son père qui s’empresse de chercher un bouc émissaire afin d’assouvir sa vengeance. Dans une proximité des corps frôlant l’inceste et les agissements délictueux, se déroule alors un récit à voix multiples autour de cet événement déclencheur. Sur cette route rurale (la Twelve-Mile Straight) qui aboutit à cette ferme reculée, l’année 1930 sera celle de tous les dangers pour les Jessup et leur entourage.

Eleanor Henderson, que je connaissais par son premier roman Alphabet City, propose ici un tout autre aspect de la société américaine. Une incursion dans le Sud profond, avant la défense des droits civiques des Noirs, au sein d'une société hiérarchisée dans laquelle les riches propriétaires fonciers soumettent leurs ouvriers à la peau blanche, lesquels asservissent à leur tour leurs semblables à la peau noire.

Un roman dense doté d’une narration obsédante et dont l’action se déroule sur une seule année chargée en faits divers et troublants. J’ai été saisie par cette lecture, tâchant de débrouiller l’écheveau savamment tissé par l’autrice. Un bon cru, assurément!

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Cotton County



J’ai assez aimé ce roman, mais je l’ai trouvé plus long que nécessaire.



Dans la Georgie des années 30, vivent dans une ferme appartenant au riche propriétaire d’une filature, un métayer, sa fille de dix-sept ans, une jeune noire de 13 ans et un employé noir qui vit dans une cabane à côté de la “grande maison”.

Elma Jesup devient mère de jumeaux mais l’un est blanc, l’autre noir. Comment est-ce possible ? Elle reconnait avoir couché avec son fiancé, mais déclare avoir été violée par l’employé noir. La punition est expéditive, l’homme est pendu sans autre forme de procès par tout un groupe d’hommes, dont le fiancé et le père de la jeune fille. Le fiancé s’enfuit.

Peu à peu les révélations se feront…

L’histoire se déroule sur sept ans avec en plus des retours en arrière jusqu’à la petit enfance d’Elma, soit environ un quart de siècle, mais les mentalités évoluent très lentement.



J’avais infiniment plus aimé La couleur des sentiments, qui se passait aussi dans le sud des Etats-Unis mais dans les années 60.

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Cotton County

Inexplicablement, il m’a fallu du temps pour sortir « Cotton County » de ma bibliothèque. Il me faisait tellement envie le jour où je l’avais acheté tant grâce aux thèmes qu’il se promettait d’aborder en quatrième de couverture que grâce à son style, sinueux, chatoyant et sans concessions, car oui, j’avais quand même pris le temps de feuilleter ledit roman avant de m’en emparer un peu avidement, je dois l’admettre. Il me faisait envie, il me faisait envie mais entre la fin de ma lecture en cours et le moment de m’y plonger… plus rien… plus envie… A croire que ce n’était pas le moment et que ce moment est venu tout récemment. J’ai plongé et je me suis noyée.

« Cotton county », c’est la Géorgie des années 1930, ce sud des Etats-Unis misérable et déshérité où rien n’a changé depuis la Guerre de Sécession quelques soixante-dix ans plus tôt. Les « riches », les dynasties de planteurs vivent toujours dans de vastes maisons blanches où leurs épouses leur font servir des litres de citronnade tandis que leurs filles rêvent d’un beau mariage, que les fils imaginent sans doute partir loin quand ils ne troussent par les jupons d’une gamine dont le père ne possède rien qu’un lopin de terre aride ou pire, d’une négresse, vivant à l’écart avec les siens. Parce que si l’esclavage n’a plus cours – les choses ont peut-être changé finalement... en apparence !- les noirs ne sont toujours pour les gens d’ici que des « nègres », hein-…

C’est cette Géorgie-là « Cotton County », ce sud que racontent si bien les auteurs américains, avec la beauté de sa lumière implacable et ses cruautés, avec toute sa violence et son étrange douceur de vivre, cette langueur d’un soir d’été qui s’éternise ; avec sa complexité, ses ambiguïtés… Cette identité qu’on peine à saisir, qu’on refuse de comprendre tant ce qui semble la pétrir nous révolte, cette compassion qu’on refuse d’éprouver aussi.

Le ton est donné d’emblée, puisque dès les premières pages, on assiste à un lynchage. Celui de Genus Jackson, un ouvrier saisonnier, un nègre, forcément. Son crime ? Il a violé Elma, la fille du contremaître, qui vient d’accoucher de jumeaux et si l’un d’eux est blanc comme le lait, le teint de l’autre ne laisse aucun doute quant à l’identité de son géniteur.

C’est le noir donc c’est un viol. A moins que la formule magique n’aille à rebours : c’est un viol, donc c’est le noir…

Le lynchage de Genus et la naissance des jumeaux sont donc le point de départ tragique, quasi biblique de cette ambitieuse saga qui s’attache aux pas des Jesup, de Juke le père qui distille du gin de contrebande à Elma la fille, en passant par sa sœur de lait Nan -toute aussi noire que l’était Genus- et qui en contrepoint nous offre un tableau âpre mais, ô combien vivant de la Grande Dépression et du Sud.

C’est un roman passionnant, haletant mais terriblement douloureux aussi qui ne s’arrête pas à la ségrégation mais qui aborde aussi les violences familiales, le poids des secrets, l’inceste, la fatalité dans une langue et une narration exigeantes. « Cotton County » présente en effet assez peu de dialogues compte tenu de son épaisseur mais n’est en revanche avare ni de glissements de points de vue ni de retours en arrière. Il en ressort un ouvrage dense, sinueux, plantureux qui emprunte autant au « Beloved » de l’immense Toni Morrison qu’à Steinbeck pour « Les Raisins de la Colère » ou encore « A l’est d’Eden ». Ambitieux donc mais à raison…

Il m’a fallu parfois en lisant contenir ma colère, mon envie de vomir et mes larmes : certaines pages sont véritablement insoutenables à l’instar des chefs d’œuvres cités ci-dessus mais elles en ont aussi l’intensité et puis moi, j’aime être bouleversée, secouée, maltraitée par un roman…

J’ai particulièrement aimé tout le récit concernant Genus, qui court de son enfance à sa fin qui appelle douloureusement la voix de Billie Holliday ainsi que les parties où l’on suit les pensées de Nan dont j’ai adoré l’étrange mélange de force et de fragilité… Il m’a fallu plus de temps pour m’attacher à Elma. Quant à Juke… Etrangement, il m’a fasciné presqu’autant que je l’ai détesté…

Et au cœur de ces destinées gangrénés par les secrets, la misère et l’envie, la chaleur implacable et les mirages du rêves américain avec lequel Eleanor Henderson règle ses comptes comme tant de grands auteurs ont pu le faire avant elle. Si son talent n’a pas la fulgurance d’une Morrison, d’un Steinbeck ou d’une Harper Lee, il en a l’engagement et la puissance romanesque. Et l’amour aussi. L’amour pour ce Sud cruel et blessé, fermé sur lui-même malgré ses horizons de lumière et de poussière.

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Cotton County





1930, Géorgie.

Elma 17 ans fille de métayer donné naissance à des jumeaux, l'un est blanc l'autre noir...

Le jeune Génus Jackson, noir, est accusé de viol et sera lynché.

Ce livre a un départ terrible ou la ségrégation raciale et la haine règne dans cet état.

C'est l'histoire de cette famille et ses secrets.



Le récit est dense et se déroule sur les années passées et les quelques mois des enfants. C'est un livre passionnant sur un sujet qui me tient à cœur.La plume de l'auteur est magistrale.

Les personnages sont tous inoubliables surtout Elma la blanche et Nan la noire qui n'a plus de langue depuis que sa mère lui a coupé, sont très attachantes.

J'ai aimé me replonger à cette époque, dans les champs de coton. L'histoire tourne autour du mystère des jumeaux et un rebondissement auquel je ne m'attendais pas m'a bouleversé.



Excellent pour ceux qui aiment les sagas et qui n'ont pas peur des pavés.

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Cotton County

Etat de Georgie 1930, Elma 17 ans, fille du métayer Juke Jesup donne naissance à deux jumeaux, l'un blanc l'autre noir. Dans cette contrée rude et sauvage, les hommes sont enclins à croire facilement tout et n'importe quoi et ces jumeaux-gémeaux vont déclencher une poussée de rage et de violence dont Genus Jackson, ouvrier agricole noir, coupable tout désigné, sera la victime. Lynché, traîné sur des kilomètres en voiture, cible de balle, il devient le réceptacle de la haine des hommes.



Ce drame épouvantable va se ramifier tout au long du roman, hanter chaque personnage de culpabilité, de honte, de désespoir... Derrière se cachent des secrets de famille, des non-dits et des bassesses ...



Dans cette Amérique profonde, noirs et blancs vivent côte à côte et n'ont pas les mêmes droits, la ségrégation bat son plein, discrimination dans les soins, les lieux... on sent dans ce livre cette espèce d'osmose à la fois troublante et hypocrite où l'on a besoin les uns des autres, où l'on peut se désirer, s'aimer même mais où les blancs restent toujours les maîtres ...



C'est dans ce contexte que grandissent Elma et la jeune Nan, 14 ans, sa domestique noire. Ketty la mère de Nan s'est chargée d'élever les deux fillettes. Ketty, figure féminine essentielle, qui même après sa mort pèse sur les vivants. N'est ce pas elle qui s'est occupée de Elma lorsque sa mère est morte en couches, n'est ce pas elle qui a mutilé sa propre fille dans un dérisoire effort de protection, la condamnant à un destin de douloureux silence....

Toutes deux ont grandi ensemble, se liant par des liens bien plus fort qu'une amitié, elles se comprennent, se soutiennent envers et contre tous dans ce monde d'hommes qui ne les ménagent pas...



Mais ce n'est pas seulement l'histoire de ces deux jeunes femmes pourtant au centre du récit, c'est aussi celle de leurs pères, mères, amants, maris... et c'est celle de la Georgie des années 30, en pleine dépression où l'on constate un fort racisme et un regain de ku klux klan . L'histoire intime se mêle à l'Histoire du pays, on y croise Roosevelt, on y parle de la guerre, du trafic d'alcool, de l'industrie, de la médecine, ses recherches et ses découvertes....



La narration est superbe, j'ai adoré cette densité avec peu de dialogue, cette façon de raconter une histoire violente et douloureuse en s'arrêtant tour à tour sur chaque personnage, détaillant son enfance, ses pensées, son parcours, les rendant terriblement humains avec leur vécu, leur vilenie, leurs blessures, et leurs forces.... il y a ceux à qui on s'attache, ceux qui nous heurtent, ceux qui nous dégoûtent et ceux qui nous émeuvent (dont le si délicat Olivier) .... . tant de destins brisés...

Personne ne sortira indemne de cette histoire...



Un petit mot pour la couverture parfaitement choisie,

deux femmes, deux couleurs, deux destins liés envers et contre tous et qui toutes deux tiennent cette calebasse dont l'arbre est si important dans le récit !



Un grand merci à Léa , au Picabo River Book Club et aux Editions Albin Michel pour cette superbe lecture...


Lien : https://chezbookinette.blogs..
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Cotton County

Georgie, 1930. Si l’esclavage est aboli depuis près de 50 ans, les choses n’ont pas vraiment changé a Cotton County. Lorsqu’Elma Jesup accouche de jumeaux, l’un blanc, l’autre noir, les esprits s’echauffent et un jeune noir est lynché par une foule en colère. Cet événement tragique va bouleverser la vie de plusieurs personnes et faire remonter à la surface de nombreux secrets enfouis.



Je m’attendais à une saga sur fond de Deep South et si de sud profond, il est bien question, Cotton County explore surtout le présent à coups de saut de puce dans le passé. Éléonore Henderson mêle harmonieusement réalité historique et fiction et révèle petit à petit les secrets et desseins cachés de personnages richement dessinés. C’est vrai que le livre est long est s’enlise par moment dans les redites et les souvenirs. Il suscite néanmoins souvent la réflexion grâce à une description implacable de la réalité sociale et des injustices vécues par tous les personnages, qu’ils soient femmes, pauvres, noirs ou moins valides (ou pire encore tout cela à la fois).
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Alphabet city

Dans le Vermont deux ados paumés, Jude et Teddy , passent leur temps à se droguer. Jusqu'au jour de la visite d'Eliza , New Yorkaise et belle fille du père de Jude, qui va faire basculer leurs existences.



Ce roman , qui raconte l'histoire d'ados livrés à eux mêmes a pour cadre le Vermont et le New York de la fin des années 80.

Notamment Alphabet City, petit bout du Lower East Side à l'est de 1st avenue, avec 4 avenues : La A, la B, la C et la d.

A cette époque, un diction local disait: A , you're allright, B you're brave, C you're crazy, D, you're dead. ça fixe l'ambiance. Ici , la description est sans doute conforme à ce qu'il se passait à la fin des eighties autour de Tompkins park : les junkies, les punk, le hardcore New Yorkais et son célébrissime club le CBGB (lancé par les Ramones), le sida, les SDF, les taudis délabrés, les tatoueurs ...L'intrigue sert , au moins pour une partie du roman, de support à la découverte de ce New York à travers East Village .

Le mouvement straight edge (en gros des hardos qui mangent Vegan, refusent la drogue, le sexe et l'alcool .Par contre, ils veulent bien se battre de temps en temps :)) est aussi bien détaillé.

Voilà: Des personnages attachants,l'homosexualité fin des 80's, une trame solide et surtout, beaucoup de culture sur ce New York underground des années 80. Une bien belle découverte.
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Alphabet city

Pour un premier roman, ça en est tout un! Coup de coeur pour le sujet rarement évoqué dans les romans de cette génération d'enfants issus de parents hippies au parcours de vie erratique, consommateurs de marijuana et autres substances douteuses. Les personnages créés par Eleanor Henderson sont réels, bien incarnés et ancrés dans la réalité des années 1980 (apparition du sida, mouvement straight edge, émergence de la musique punk et homosexualité affichée). Malgré un début désespérant, c'est une histoire porteuse d'espoir.
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Cotton County

Nous sommes en Géorgie au début du vingtième siècle, au temps de la prohibition et au début de la Grande Dépression. Il y a un blanc grand propriétaire, des métayers blancs, des noirs pauvres et exploités, des noirs lynchés et des secrets bien gardés.



Nous commençons l’histoire par la naissance de jumeaux étranges (une petite fille blanche et un petit garçon mulâtre) puis par le lynchage d’un homme noir accusé d’avoir violé la mère.



Je n’en dirai pas davantage. Cela situe le contexte, on a envie de se plonger dans ce monde ou pas. Moi, j’en ai eu envie.



Des romans sur la ségrégation raciale dans les états du sud des Etats-Unis, il y en a pléthore. Ce qui est intéressant c’est leur manière d’évoquer ce thème. L’originalité, ici, c’est la narration. Les mêmes événements sont racontés à plusieurs reprises sous des angles de vue différents, et chaque récit apporte au lecteur de nouvelles informations ou éclaire le récit précédent. Cela met en évidence la différence de perception que l’on a des situations selon l’endroit où l’on se place. Un personnage peut comprendre ce qu’il voit à sa manière, et un autre aura un avis différent parce qu’il n’aura pas vu ou entendu la même chose que le précédent.



Tout au long du roman, l’auteur va nous promener au milieu des secrets, sans trop en dire à chaque fois, elle distille le poison petit à petit jusqu’à une fin qui apporte des révélations douloureuses et étonnantes.



C’est un livre qu’on démarre par un coup de poing en pleine figure, et qu’on poursuit dans un climat de tension très palpable. C’est un livre oppressant et marquant. On peut être surpris au détour d’une phrase alors qu’on ne s’y attendait pas, et puis on peut enchaîner des pages pendant lesquelles il ne se passe pas grand-chose, juste une atmosphère, mais qui tient subtilement en haleine. On se tient aux aguets, en retenue.



Une promenade dans le temps, des va-et-vient incessants, un chemin sinueux mais qui ne perd pas son lecteur. Un bon roman !
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Cotton County

Normalement, je ne lis pas de pavés en dehors de mes congés mais ça c'était avant ! Quand Léa, notre mentor du Picabo River Book Club, nous a proposé ce partenariat, je n'ai pu m'empêcher de postuler car j'adore les romans du Sud et je vénère la collection Terres d'Amérique (Albin Michel).



Bien m'en a pris. Ce livre se mérite, déjà c'est un pavé, je l'ai dit, et il est dense, touffus, ce qui lui confère une relative complexité. Peu de dialogues au style direct, beaucoup d'allers-retours chronologiques et de changements de personnages qui ne sont pas clairement indiqués au lecteur. Je pense que c'est voulu et cela fonctionne très bien, après la mise en route.



Je conseille de commencer ce livre le WE quand on peut lire 150 ou 200 pages sur une période très courte. C'est ce que j'ai fait et je l'ai fini ce WE : 200 pages la semaine dernière, 100 pages à peine la semaine et les 330 dernières pages ces deux derniers jours. J'en ressors émue et bouleversée... Ce n'est pas un coup de foudre au départ mais un vrai coup de coeur durable s'est installé au fil des pages. Le charme de ce livre vous envoûte peu à peu, la magie vous capte et les personnages sont tellement profonds et attachants que je ne voulais plus les quitter.



Le pitch : Elma Jessup est la fille d'un métayer blanc qui l'élève seule après que sa femme soit morte en couches. Il est aidé par Ketty, sa bonne noire, qui meurt très vite aussi, puis par la fille de celle-ci, Nan, qui a presque le même âge qu'Elma. La relation entre ces deux femmes dans le sud américain des années 30 sur fond de discrimination, de racisme larvé est incroyablement belle. Très attachées l'une à l'autre, elles s'efforcent de survivre alors que bien davantage qu'une blanche et une noire, elles sont deux femmes dans un monde totalement dominé par les hommes qui les utilisent et les rejettent au fil de leurs caprices.

"Il y a bien peu de choses que les femmes puissent faire dans ce monde mais s'il y en a bien une c'est empêcher les hommes de verser le sang".



Elma et Nan sont totalement solidaires l'une de l'autre, ne se cachent rien, s'aident et s'aiment y compris quand Juke, le père d'Elma lui demande de prétendre être la mère de Wilson, l'enfant de Nan, de prétendre que Genus, le fermier noir qui travaille à la ferme, l'a violée et a conçu cet enfant. Elma a également accouché quelques jours avant de Winna, petite fille illégitime et très vite les deux bébés sont présentés comme "les jumeaux gémeaux". Que cela entraîne le lynchage du pseudo violeur est un dommage collatéral sans gravité pour Juke. Après tout, un fermier noir comptait pour presque rien.



À partir de ce point de départ, nous allons suivre Elma, Nan, Juke, Genus mais aussi Ketty, la mère de Nan, Sterling, son père et bien d'autres. Nous allons découvrir leur enfance, leurs rêves, leurs secrets aussi. Petit à petit, des mystères vont se créer, d'autres se dissiper. À la fin, tout est dévoilé au lecteur. C'est magique, magnifique, beau et poignant. Je ne suis pas prête d'oublier Elma et Nan, que je trouve remarquablement justes. Des femmes fortes au sens le plus noble du terme et un grand roman riche et choral.



Un grand merci à Léa et au Picabo River Book Club pour cette lecture. Éléanor Henderson est une magicienne. Une superbe traduction lyrique et enlevée d'Amélie Juste-Thomas.



Alphabet City, le premier roman d'Eleanor Henderson, entre sur ma wishlist de ce pas.



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Cotton County

Nous sommes dans le Sud de la Géorgie, à une époque où la ségrégation raciale et la haine sont toujours d’actualité et gèrent la vie de tous les habitants. En 1930, lorsqu’un vol est commis, c’est par un noir forcément, un meurtre, un noir encore, un viol… un noir toujours..



Le décor, c’est la plantation de coton des Wilson, sur laquelle travaille la famille de métayer, les Jesup : Juke le père et Elma, qui a perdu sa mère en couche. Il y a aussi les employés de couleur des Jesup ; Ketty aide familiale et accoucheuse, sa fille Nan, et Genus le nègre des champs.



Bien que Nan et Elma aient été élevées ensemble par Ketty et se considèrent comme des sœurs, l’une n’en reste pas moins la blanche que l’autre est noire. Injustices, brimades, abus des maitres et sévices corporels liés aux croyances font légion, c’est trop souvent la petite Nan qui en subira les tristes conséquences.



Mais lorsque Elma, qui fréquente le fils d’une importante famille de la ville, accouche de jumeaux – un blanc et un noir – c’est le sort de Genus qui est injustement jeté, c’est forcément lui le violeur. Il sera donc exécuter de la manière la plus inhumaine qui soit – sans jugement bien sûr. Mais petit à petit, les gens s’interrogent sur la réelle culpabilité de Jesup. A l’aide d’alcool frelaté, de manipulations, de tricheries et d’arrangements injustes, les langues se délient et les vengeances accusent et l’histoire se révèle, petit à petit…



C’est dans ce roman très sombre posté à une époque où rien n’est laissé au hasard, que l’auteur va nous promener lentement, à la recherche des secrets et des révélations qui feront lumière sur la répugnante vérité de cette gémellité particulière. Nous remontons le fil de l’histoire, avec les émotions de chacun, jusqu’à ce moment terrible.



Les flash back s’alternent dans un même chapitre, entremêlant parfois le passé et le présent entre deux lignes ; bien que le roman tourne autour des deux jeunes filles, Nan et Elma, chaque personnage vivant autour à son fardeau, ses souvenirs et ils apportent tous une pierre à l’édifice pour révéler que ce certains cherchent à cacher. La narration est parfois particulière, alternant elle aussi des temps passé et du futur conditionnel négatif sur de grosses parties de chapitre : « elle ne lui dira pas ce qu’elle a vu, ne viendra pas non plus le border. Il ne croira pas sur parole cette fille dont le père est soupçonné et ne couchera pas les petits contre elle.. » puis retour au passé.



Le roman s’étire sur 650 pages et toute cette construction le rend finalement assez dense et pesant. Le sujet n’étant déjà pas un sujet facile, les actions parfois dures à supporter, le manque de dialogue, c’est une tension palpable en continu, moite et poussiéreuse.. j’ai ressenti certaines longueurs, un inconfort dans cette lecture parfois difficile.



Cotton County est tout de même un roman qui marque les esprits et où le talent de l’auteur est évident.
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Cotton County

Cotton County, Géorgie, 1930. La toute jeune Elma Jesup – à peine vingt ans, fille de métayer, fiancée à Freddie Wilson, le petit-fils du propriétaire de leurs terres – met au monde des jumeaux, dont l’un est blanc et l’autre noir… Passée la stupéfaction, viennent les comptes à régler… C’est Genus Jackson qui en fait les frais ; l’ouvrier noir qui travaille dans les champs de coton alentours sous les ordres de Juke, le père d’Elma, est immédiatement accusé de l’avoir violée. Pendu à un arbre, il est ensuite lynché par une foule haineuse, puis traîné sur des kilomètres histoire que tout le monde puisse se délecter de sa mise à mort.



Malgré la suspicion générale et la ségrégation raciale qui bat son plein dans le Sud à cette époque, Elma choisit d’élever ses enfants sous le toit de son père avec l’aide de Nan, sa jeune et fidèle domestique noire qu’elle considère comme sa sœur. Cette dernière est la fille de Ketty, leur ancienne domestique, emportée par un cancer il y a quelques années ; ce même cancer que la mère voulu tenir éloigné de sa fille en lui coupant la langue à l’âge d’un an… Les deux enfants ont grandi ensemble dans cette ferme à l’intersection de la String Wilson Road et de la Twelve-Mile Road. L’une dans l’absence maternelle et l’autre dans l’attente du retour paternel. L’une parlant pour l’autre.



Je découvre un récit dense qui déroule au fil des chapitres l’histoire de cette famille atypique. La petite et la grande histoire s’entremêlent avec talent sous la plume de Eleanor Henderson. Cotton County est un de ces romans américains qui, une fois commencé, devient complètement addictif ; les pages se tournent toutes seules. Pas une seule longueur à déplorer, la romancière tient en haleine son lecteur et le ferre du premier au dernier mot.



L’intrigue nous fait voyager dans le temps, on passe d’un personnage à l’autre et d’une génération à l’autre avec une grande fluidité. Une fresque familiale impressionnante se dessine sous nos yeux, entre bestialité humaine et grandeur d’âme.



Un roman époustouflant et virtuose – qui nous rappelle à la fois Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur et l’atmosphère d’un roman de Carson McCullers – qui m’a fait palpiter le cœur et que je ne suis pas prête d’oublier… Elma, Nan, Juke, Sterling et Ketty vont occuper encore un moment ma mémoire.



Lecture effectuée dans le cadre du #PicaboRiverBookClub
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Alphabet city

Difficile de résumer ce roman où quatre adolescents se partagent la vedette : Jude, un adolescent de 16 ans qui cherche sa place entre le fumeur de joint et le punk ascète, Eliza, une jeune adolescente riche et enceinte qui elle aussi à un problème d'addiction et Johnny, un punk straitedghe...Et le quatrième personnage ? Teddy, personnage quasi absent qui est pourtant présent tout du long car il est le lien entre les trois autres : meilleur ami pour l'un, amant d'une nuit pour l'autre et encore demi-frère...Ce roman dépeint un univers assez sombre, assez désespéré mais sans pour autant être pathétique et c'est ce qui le rend vivant et très appréciable...
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Cotton County

Cotton County aborde des thèmes très délicats, certains d'une cruauté terrible.

J'ai aimé ma lecture, sincèrement, et pourtant, j'ai beaucoup souffert.

Imaginez la Géorgie dans les années 30, le racisme à son paroxysme, le lynchage, les femmes, traitées comme des objets de plaisir, violées, maltraitées, l'alcoolisme des hommes (pourtant, c'est la prohibition), leur mépris, les forçats déshumanisés...



Et pourtant dans ce tableau terrible, deux femmes, Elma et Nancy survivent comme elles peuvent avec une dignité admirable.



C'est une lecture éprouvante, qui peut sembler partir dans tous les sens (avec de fréquents aller-retour passé/présent) et qui pourtant avance avec une logique implacable.



Bravo à l'autrice pour la maîtrise de son sujet, je suis bluffée, car elle aurait pu se perdre complètement en route.

Ce sont des lectures qui marquent et que tu refermes avec un soulagement coupable.


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