Jane Jensen's Moebius - Trailer
Luke avait une sensation étrange dans sa poitrine. Il y avait, dans cette situation avec Alex, une sensation de vertige qu’il n’avait jamais ressentie avec aucun autre homme auparavant. À vrai dire, ce qui s’en rapprochait le plus, c’était ce qu’il avait ressenti quand il avait accepté son premier emploi comme concepteur de jeux, le boulot de ses rêves depuis ses huit ans. Ce jour-là, il avait eu l’impression d’être dissocié de son corps, de ressentir de manière distanciée ce soulagement et cette joie qui pouvaient se traduire par « voilà, c’est mon futur ; j’y suis arrivé. J’ai réussi à ne pas merder. S’il y a un quelconque Dieu, merci. ». Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait comme ça vis-à-vis d’Alex. Ça ne pouvait pas être réel. C’était comme croiser quelqu’un dans la rue et croire reconnaître une connaissance perdue de vue depuis longtemps, jusqu’à ce que cette personne se retourne et se révèle être un étranger. Alex était un étranger.
C’était le monde dans lequel Trace avait grandi, et il s’était battu bec et ongles pour en sortir, s’enfuyant pour rejoindre l’armée à seize ans. Maintenant, il était là, dix ans plus tard, de retour à Flat Bottom. C’était assez pour complètement décourager un homme.
— Tu devrais venir souper ce soir, insista Clovis alors que la liste des maladies animales était à sec. On va p’t-être bien lutter.
— J’dois travailler.
— Que diable fais-tu en ville le soir ? Tu viens boire ici ? se moqua Clovis, l’air un peu jaloux.
— D’après toi, c’est quand qu’une ville a besoin de son shérif ? Comme tu peux le voir, il n’y a pas beaucoup de bagarres à cette heure de la journée, expliqua-t-il en balayant de sa main la pièce vide. Et les voleurs de bétail ne font pas d’affaires en plein jour.
— Les voleurs de bétail seraient là où il y a du bétail, marmonna Clovis.
C’était drôle, et Trace ne put retenir un sourire.
Trace cessa de parler.
L’eau de la rivière avait laissé Robby propre et portant un léger goût de fer et de terre. Trace l’ouvrit de ses doigts, profitant de ce nouvel angle pour tracer ces nouvelles textures de chair et d’os. Il goûta à la toison légère derrière ses cuisses, suça la fermeté de son cul rond, lécha les bourses chaudes et douces qui pendaient entre ses jambes, tandis qu’il glissait et poussait en lui avec le beurre.
Le beurre avait un goût délicieux sur la peau de Robby.
— Pour l’amour de Dieu, Trace. Avant que je meure ! haleta Robby avec impatience.
Il tendit la main vers l’arrière pour attirer le bras de Trace à lui.
Trace se plaqua alors contre son dos. Son gland trouva cette entrée glissante et il poussa.
Oh Seigneur. Dieu du Ciel. Robby était étroit et chaud, glissant et parfait.
Le seigneur Brandon lança la bourse au sieur William qui la rattrapa aisément et fit une révérence. Son regard se posa un court instant sur Christian, celui-ci osa alors un hochement de tête et un sourire discret. Un frisson parcourut le visage de William et il se retourna, semble-t-il à dessein, pour faire face à la foule qu’il salua une nouvelle fois.
Christian ressentit une douleur proche de celle d’un coup rapide porté par une lame affûtée. De déception, il tourna la tête et découvrit alors que quelqu’un le regardait bien, finalement. Le visage pincé et réprobateur de son frère Malcolm le fixait depuis le fond du hourd, ses paupières tombantes abritant des yeux qui en savaient bien trop.
- Peu importe, cher frère. Je sais tout ce que je veux sur les services de la ville de par votre habillement et votre coiffure. Apparemment, il n'y a pas de barbier, mais il y a un taxidermiste. Je vais garder cela à l'esprit.
Cela me faisait carrément flipper. Je lui avais caché un secret. Je l’avais caché à mon meilleur ami dans ce monde et son idée stupide menaçait de tout dévoiler, de bien des façons. Voilà la chose que je n’avais jamais dite à Andy : j’étais bisexuel. Bien qu’Andy m’ait seulement vu sortir avec des filles, j’étais aussi attiré par certains mecs. Et j’avais donné suite à cette attirance. J’avais couché avec des hommes. Enfin, avec un gars en tout cas.
Puisque je ne pouvais le dire à Andy et que lui et moi avions le même cercle d’amis, je ne l’avais dit à personne. Sauf à ma sœur. Elle, elle savait. Et, bien sûr, le mec avec qui j’avais couché.
Je n’avais pas honte de ça et je n’étais pas non plus dans le déni. Je restais intentionnellement dans le placard. J’étais totalement cool avec tout l’arc-en-ciel LGBTQ. C’était juste que je… je ne voulais pas qu’Andy soit au courant pour moi. Je ne voulais vraiment pas qu’Andy soit au courant.
Il était dans le lit de Tim Weston. Sous sa forme humaine. Nu. Avec une érection pressée contre la jambe de Tim.
Lance s’empêcha in extremis de bondir hors du lit. Il aurait sans aucun doute fait du raffut et réveillé Tim. Pour l’instant, celui-ci dormait profondément, son visage tourné vers le mur, une main sur la tête, légèrement en boule.
Seigneur Dieu. Quand Tim était allé se coucher, ça avait été avec Chance pelotonné contre lui. Si Tim le trouvait là, comme ça, que penserait-il ? Il croirait que le shérif Lance Beaufort était entré par effraction chez lui et s’était mis dans son lit, nu, excité et indésirable. Il croirait que Lance avait voulu le violer. La simple idée de Tim qui pensait ça, de lui faire peur ainsi, fit monter la colère dans sa gorge, réprimant instantanément son désir.
Robby s’était déjà fait un nom. Robby, qui s’était enfui de sa ferme de Pennsylvanie à l’âge de quinze ans, avait vaincu les probabilités et réussi à New York. Il s’était démené, avait cousu des costumes jusqu’à ce que ses doigts en saignent, avait coiffé et maquillé des acteurs impatients et parfois de mauvaise humeur, avait repoussé les mains baladeuses en riant pour ne pas offenser. Et quand il avait finalement eu sa chance, il avait mis tout ce qu’il avait dans sa carrière sur scène, évitant la boisson et les manières libidineuses si courantes dans le milieu du théâtre. Maintenant, tout ce travail acharné et tous ces sacrifices ne comptaient plus, sa carrière lui ayant été arrachée en l’espace d’un moment malencontreux, et ça lui crevait le cœur.
À cet instant, William regarda enfin le sieur Christian. Toujours debout, les bras rangés dans le dos, le regard droit tourné vers son père. Ses traits étaient colorés, le rose progressait sur ses pommettes tel un étendard déployé au vent, ses yeux s’embrasaient d’excitation. Sombre fou.
— Je comprends, père. Je n’en viendrai point à cette issue.
— Et à votre retour, vous prendrez femme, poursuivit le seigneur Brandon. La damoiselle Margaret White est éprise de vous, son père m’en a proposé une dot tout à fait exceptionnelle. Et si non elle, vous en choisirez une autre. Sommes-nous d’accord ?
Le ton de sa voix n’autorisait nulle contestation. Le sieur Christian se figea un instant, puis prit une profondeur inspiration.
— Oui, père.
William tira Christian vers lui, l’enveloppa de ses bras forts et l’embrassa.
Oh.
Oh, sentir Christian dans ses bras… William le serra contre lui, écrasant ce magnifique corps aussi fermement qu’il le put sans l’abîmer. Sur le haut de son corps, la chair de Christian était chaude des rayons du soleil et la rivière avait rafraîchi le bas. La force de celui-ci, tout en finesse, ce torse plat contre le sien, ce sexe dur pressé à côté du sien… Tout cela parut si juste, si parfait, à William, qu’il fut empli de frissons délicieux et sentit une brûlure vive à l’arrière de ses yeux.
Oh. Il était tout à fait perdu.