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Citations de Elisabeth Quin (105)


Yves Pouliquen, qui a dirigé le service d'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu de Paris, utilise une image d'herboriste pour décrire l'oeil. "Il se compose d'une coupole nerveuse, la rétine, qui constitue une sorte de fleur sensitive ouverte vers l'avant et amarré à sa tige, le nerf optique." La fleur est un tissu conjonctif serré, où s'engagera la lame du scalpel. Le coeur de la fleur est mou et transparent, il contient le cristallin - lentille biconvexe qui travaille comme une loupe te focalise au centre de la rétine les images des objets perçus - situé derrière la pupille. A l'avant du cristallin, dans la chambre intérieure, se trouve l'humeur aqueuse dont le défaut d'écoulement entraine la montée de la pression endoculaire et le glaucome. Humeur sombre. Et d'où vient-elle, la garce aqueuse? Du corps ciliaire, une glande directement attachée à l'iris (encore les fleurs). L'humeur aqueuse circule dans l'oeil, elle baigne le cristallin avant de s'écouler hors de l'oeil à travers un filtre situé dans l'angle formé par le bord de l'iris et la cornée, un mal embouché dirait Michel Audiard, du genre capricieux et peu fiable. Le filtre du glaucomateux percole comme ses pieds, et résiste d'autant plus à l'écoulement de l'humeur aqueuse que des débris et le vieillissement naturel des cellules en parachèvent l'altération.
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Je fais de la gymnastique oculaire tous les jours, des petites sessions de quinze minutes. Il s'agit de faire aller l'oeil vingt fois de haut en bas, puis vingt fois de gauche à droite, régulièrement, sans à-coups, puis haut-droite-bas-gauche, encore vingt fois, et dans le sens inverse, toujours vingt fois. On optimise les exercices en respirant "à la Bruce Lee", comme si le corps était un oeuf, le point d'entrée de la respiration étant le crâne et le point de bascule de l'expiration le trou du cul. C'est de que m'a appris François qui pratiqua dans les années 70 les arts martiaux dans un monastère Shaolin, en Malaisie, où ses messieurs étaient passés maîtres dans l'art de respirer par tous leurs orifices.
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A un ami qui me demande de lui décrire la maison au téléphone, je livre un laïus d'agent immobilier. Il me le fait remarquer. En raccrochant, vexée, je prends un papier et tente de représenter la maison par un patchwork d'impressions exempt d'allusions visuelles. Je lui envoie une heure plus tard par mail.
Odeurs de rose, de seringa, de cire, de glaise, d'humus forestier, odeur ferrugineuse du sang dans les paumes des mains, poignées métalliques du vieux garde-manger, leur cliquetis sur le bois, silence absolu de la grosse araignée noire entrée par le grillage déchiré du mur de la chaufferie, cachée dans la pénombre de ses fils collants, cartons rêches comme du papier d'émeri, fin de déballage, cheminée de pierre froide contre laquelle nous nous blottirons les joues en feu, senteurs de sauge, mur sud de la maison, de menthe, plus loin, près des mûriers, gouttes aromatisées aux agrumes pour chasser les odeurs dans trois WC, pyramides de bûches sentant le champignon pourri, le chien mouillé, le ciel d'orage, gémissement cauchemardesque de l'épervier, au-dessus de nos têtes, vigne vierge zonzonnante de guêpes, lourds impacts des mouches se cognant contre les vitres, cascade de gouttes de pluie sans pluie, son mat et affolé des graines chutant de la vigne, tomettes anciennes huileuses sous les doigts, grincements des volets du rez-de-chaussée, craquements du parquet au premier étage, herbe piquante, " il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent ", bruissements dans les cimes des peupliers, un train au loin, le Trouville-Paris troue le silence, meuglements répétés au crépuscule, doux frou-frou des ramiers dans le hêtre, staccato de petits coups secs en haut d'un arbre, ça ressemble à un pivert.
L'ami me répond un peu plus tard qu'il voit la maison.
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un désir forcené de sauver mes yeux pour jouir le plus longtemps possible de la beauté du monde
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Réécouter "Legalize marijuna, I'm say it cure glaucoma", le couplet du Jamaïcain Peter Tosh, qui s'y connaissait en médecine naturelle. Je ne fume plus, et ne me drogue plus depuis un mauvais trip au haschich, il y a vingt ans, où je faillis sauter par la fenêtre des toilettes d'un hôtel (trop étroite, torse coincé, gag piteux). Mais pourquoi pas le cannabis thérapeutique ? Plusieurs pays européens l'autorisent. Le Dronabinol, une molécule développée en laboratoire aux Etats-Unis et approuvée depuis trente ans par la Food and Drug Administration, est la version synthétique d'un des principaux cannabinoïdes présents dans le cannabis, Tétrahydrocannabinol (THC). Ses effets imitent ceux du THC naturel dans le cas du glaucome, le Dronabinol permet de détendre le nerf optique. J'en veux. De plus, le Dronabinol est commercialisé sous le nom de Marinol, qui évoque une opérette de Louis Mariano. Irrésistible.
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Envie de demander à François qui partage ma vie " Si je perdais la vue, tu aurais le courage de me raconter mon visage ? Gênant, non, de devoir dire à la femme adorée qu'elle a un poil sur le menton, ou une tache bizarre sous le nez, de savoir qu'elle ne peut pas y remédier, et que c'est à toi de sortir la pince, le coton, amant transformé en aide-soignant ou en esthéticien pas débecté ? Je nous crois capables d'en rire la première fois, soudés par le malheur et l'humour noir, mais ne rire tous les jours, supporter cette déchéance, partager l'intimité la plus humiliante comme à l'EHPAD ? "
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Je m'étais juré de faire un sort aux ophtalmologues qui m'ont maltraitée depuis dix ans dans même y penser, par machisme, habitude ou perversité. A 90%, des hommes. Tel ponte, ancien ophtalmologue des armées, dont vous sollicitez l'avis, et qui vous brise en deux : vous arrivez chez lui en état de quasi-prosternation, votre énorme dossier sous le bras, dégoulinant de déférences, navrée de gâcher les précieuses minutes de l'oracle ; le type sanglé dans un costume trois pièces, fier de ses souliers glacés comme des soleils, vous signifie qu'il n'écoute pas vos élucubrations de greluche, feuillette vos documents avec lassitude, vous ordonne de vous asseoir pour examiner votre nerf optique, lève les yeux au ciel lorsque vous vous cognez dans le tabouret, et positionnez mal votre menton ; là, le type hurle comme un possédé " détendez-vous !!! Et posez correctement votre menton !!". Comment trouver la force d'éclater de rire et de le planter là ? Vous êtes à sa merci. Alors vous craquez, et fondez en larmes ; il détourne le regard, sali par votre faiblesse.
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Nageant dans la Méditerranée, je me suis demandé moi aussi combien d'étés avant la perte d'autonomie. Je faisais l'étoile de mer, ce matin-là, les yeux fermés, écartelée de bien-être dans une eau lente. En retournant au rivage, j'ai réalisé que les aveugles ne connaissent pas cette volupté de la baignade solitaire où l'on dérive dans le ciel ; comment se diriger sans voir dans l'élément liquide ? Attaché à un cordage, accroché à un ami ? Cette privation d'un plaisir aussi sensuel m'a fait du mal comme si j'étais personnellement visée.
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Mon père souriait en permanence. Son sourire était un bouclier créant l'illusion de la sérénité.
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Mal voir, c'est perdre du temps et devoir toujours prendre de vitesse ce qui peut constituer un danger ; c'est vivre la rue comme un jeu vidéo, avec des snipers embusqués qu'il faut apercevoir à temps. Pour le moment, je gagne la guerre. Mais je vois de plus en plus souvent avec un laps de retard qui me fait sursauter. p.69
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Je sais aujourd'hui qu'il faut pardonner à sa pieuvre, pardonner à son corps, à tout ce qui s'autodétruit à l'intérieur de soi, pardonner à ce qui vous veut du mal. Il faut pardonner en bloc. Pour s'alléger.
Et se battre avec amour, un authentique amour de soi et de la vie. C'est le seul combat qui vaille.
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Le neurologue français Raymond Garcin faisait remarquer : " La base de la médecine, c'est l'amour" et citait la réponse du Prix Nobel de médecine Charles Nicolle à un de ses collègues déplorant l'battement moral de son patient : "Lui avez-vous pris la main, au mois ?"
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"Mais aurais-je pu adopter ma fille si nos regards ne s'étaient pas croisés dans la touffeur d'un orphelinat rural cambodgien, un matin de mai 2003 ?
[...]
Aspirée par son regard, je suis allée vers ce bébé qui est devenu ma fille.
Oona, née dans mes yeux."
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A la fin de sa vie, mon père était une donnée dans la comptabilité de l'OMS : il ne voyait plus et souffrait d'un déficit cognitif sévère, ce qui donnait lieu à des échanges cocasses.
"Tu me reconnais papa ??
- Non !!! Qui êtes-vous ?
- Ta fille ! Elisabeth...
- Ah, Elisabeth ! Je l'aimais beaucoup."
Variante : "Ah, Elisabeth !! Bien sûr. Je peux vous tutoyer ?"
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"Lusseyran, dont le beau nom contenanit toute la lumière du monde (luss, lux), était d'une autre trempe. Adulte, il confia à un proche : "Je nage positivement dans la lumière (...) J'ai été très joyeux de hui à vingt ans, parce que je ne voyais pas." La cécité n'était pas pour lui une mutilation ou u handicap, mais une augmentation de la réalité et un don de Dieu.
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Vous parlez à la télevision, vous regardez a travers l'objectif des gens qui se sentent regardés par vous.
Oui.
Puisqu on vous voit, on pense que vous voyez.
Oui. (Je n’y avais pas pensé.)
On vous regarde, beaucoup de gens vous regardent.
Et?
Tous les regards ne sont pas bienveillants.
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J’apprends que le nerf optique des poissons et des reptiles peut se régénerer. En cas de réincarnation, c’est tout vu.
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Il faut tenir la malédiction en respect
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Combien de temps mes yeux malades tiendront-ils sous les projecteurs ? Dévoiler le secret, écrire sur le glaucome, c’est prendre le risque de faire pitié ou de déclencher une réunion en haut lieu pour me trouver une remplaçante aux yeux en béton armés. Me voilà forcée à imaginer la suite, si lire devenait impossible
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La vue va de soi, jusqu’au jour où quelque chose se détraque dans ce petit cosmos conjonctif et moléculaire de sept grammes, objet parfait et miraculeux, nécessitant si peu d’entretien qu’on le néglige
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