Cette histoire, je vais vous la raconter, même si mon professeur de langue anglaise, Mr. Dupuis, estime que les sauts dans le temps ne sont pas des procédés formels très orthodoxes. Selon lui, cela sème la confusion dans l'esprit du lecteur. Je vous avertis donc très honnêtement que c'est ce que je vais faire là, maintenant, tout de suite : un saut dans le passé. Si cela sème encore la confusion dans votre esprit, je ne sais pas quoi vous dire, à part que vous êtes peut-être un rien limité de la comprenette.
La mémoire, si vous voulez mon avis, est une belle nigaude. Elle s'accroche aux informations les plus stupides, mais elle oublie celles qui sont réellement importantes.
Les Cherchemidi avaient oublié tellement de choses à propos de leur mère qu'elle n'existait plus que par fragments, comme une poupée disloquée à laquelle il manque des pièces et où certaines détails ont été dessinés au feutre.
Ils étaient trois. Otto, l'aîné et le plus étrange. Puis, Lucia, qui avait envie qu'il se passe quelque chose d'intéressant. Et enfin, Max, qui croyait toujours tout savoir mieux que tout le monde. Ils vivaient dans une petite ville d'Angleterre, Petit-Corniflard - il n'y avait pas de Grand-Corniflard : de l'avis général, un Corniflard, c'était bien assez.
La mémoire, si vous voulez mon avis, est une belle nigaude. Elle s’accroche aux informations les plus stupides, mais elle oublie celles qui sont réellement importantes.
- Tu as déjà entendu parler du fils Torsepied ? demanda Saint Georges.
Lucia fit non de la tête.
- C'est lui que je cherche. Il vous glisse entre les doigts, y a pas de doute, mais je suis sur sa piste. Ce ne sera plus long.
- Un garçon ! s'écria Lucia. Vous chassez un garçon !
- Peut-être que c'est un garçon, peut-être pas, commenta Saint Georges en jetant un regard narquois à Lucia.
- Tu veux marcher dans les bois tout seul en pleine nuit ?! intervint Lucia.
- ça ne me fait rien, répondit Max.
Alors, Otto et Lucia furent bien obligés de prétendre qu'à eux non plus, ça ne leur faisait rien. Et voilà comment ils se retrouvèrent à chercher leur chemin dans les bois, pour aller Dieu sait où, pour faire Dieu sait quoi, toujours vêtus de leur pyjama avec un hippopotame mauve sur le derrière.
- Souviens-toi, ma petite : écouter les morts, c'est comme chercher une station de radio. Au début, il peut y avoir beaucoup de parasites. Mais dès que tu entends une voix, cesse de tourner le bouton. Et écoute.
- Une maison pleine d'eau... c'est ingénieux ! commenta aimablement Georges.
- Formidable, non ? renchérit Ansel. Ce principe est fondé sur une vieille tradition égyptienne...
- Ne l'écoutez pas, il raconte n'importe quoi, coupa Nora. En réalité, il est fondé sur le fait qu'il y avait une fuite dans le toit.
De mon côté, motus et bouche cousue, bien sûr... Je dirais même plus, botus et mouche cousue !
Imagine qu'on vieillisse et qu'on oublie ce que c'est, d'avoir le goût de l'aventure ! Imagine qu'on devienne comme tous les adultes, obnubilés par l'argent qu'on gagne chaque année et n’ayant pas d'autre grande question existentielle que : "Est-ce que j'ai bien fermé la porte à clef ?"