Citations de Elsa Vasseur (36)
Assise à son bureau du cottage Sybil Vane, Solen jetait de fréquents coups d'oeil à sa montre, contrariée à l'idée de rompre bientôt avec la douceur amniotique du langage écrit, et de s'extraire de la coquille fragile qu'avaient tissée les mots pour s'attabler autour de la vie sociale qui reprendrait son cours à dix- neuf heures trente.
Devant elle, étaient étalés des dessins à l'encre de Chine réalisés par la poétesse et romancière Sylvia Plath quelques années avant qu'elle ne plonge la tête dans le four de sa gazinière.
( p.77)
Il ressentit une fois de plus l' impression étrange de ne pas être à sa place dans le monde, de s'y mouvoir sans parvenir à en sentir véritablement le poids- encore moins à le marquer de son empreinte. La capacité des autres à se tenir debout et à exister par eux-mêmes le sidérait, lui qui avait tant de difficultés à éprouver la vie dans sa gratuité immédiate.
( p.58)
La tristesse a une date de péremption. Comme le bonheur, c'est un sentiment entier, organique, qu'il faut saisir au bon moment afin d'en conserver la fraîcheur intacte.
Le granit rose était veiné de fines striures grises semblables aux vaisseaux d'un coeur palpitant.
Même déguisés en adultes, les enfants meurtris se reconnaissent entre eux à la mélodie qui les accompagne, triste, lancinante et composée d'une seule note: le son que produit un jouet lorsqu'il se casse.
« Pourquoi écrivez- vous? ….
Une question à priori simple , mais qui l’avait plongé dans un abîme de perplexité .
Il avait été incapable d’énoncer les origines de cette démangeaison singulière , de mettre des mots sur les souffrances tapies sous la blessure ouverte de l’écriture, de déterrer les flèches qui avaient pu enfanter cette plaie impudique et saignante .
Il avait bafouillé , pâli, tenté une pirouette maladroite pour s’extraire de cette mauvaise passe , sans parvenir à trouver de formule adéquate pour pallier le vide qui l’avait soudain envahi …….
Pourtant la réponse se serait imposée d’elle - même si la journaliste avait remplacé « son POURQUOI par POUR QUI …. »
« Mon enfance fait partie de ces choses dont je ne sais pas grand - chose .
Elle est derrière moi.
Pourtant , elle est le sol sur lequel j’ai grandi , elle m’a appartenu, quelle que soit ma ténacité à affirmer qu’elle ne m’appartient plus » ….
Georges Perec W où le souvenir d’enfance.
On ne voit pas la mort de la même manière selon qu'on a grandi à la ville ou à la campagne… A la ville, la mort était dissimulée, transformée et emballée sous vide dans les supermarchés ; à la campagne, elle était visible, palpable, évolutive.
... Louisa, une femme semblable en tous points à la soupière qu'elle posa sur la table : elle arborait une masse de cheveux noirs coupés court en guise de couvercle, et ses larges hanches auraient aisément pu faire office d'anses.
Même enrobée d'une appétissante couche de neige, la Grosse Pomme avait un goût acide. Partout les mêmes odeurs agressives de hotdogs et de poubelles, la même verticalité fuyante.
Jacques avait pratiquement renoncé à lire ses contemporains, craignant que les mots des autres ne l’éclaboussent.
Mais fallait-il vraiment tout se dire par amour ? Jacques était convaincu qu’un peu de mystère nourrit l’amour, et qu’on ne désire jamais que ce que l’on ne possède pas tout à fait.
(...) -une journaliste lui avait demandé: " Pourquoi écrivez-vous ?" Une question a priori simple, mais qui l'avait plongé dans un abîme de perplexité.
Il avait été incapable d'énoncer les origines de cette démangeaison singulière, de mettre des mots sur les souffrances tapies sous la blessure ouverte de l'écriture, de déterrer les flèches qui avaient pu enfanter cette plaie impudique et saignante. Il avait bafouillé, pâli, tenté une pirouette maladroite pour s'extraire de cette mauvaise passe, sans parvenir à trouver de formule adéquate pour pallier le vide qui l'avait soudain envahi. pourtant la réponse se serait imposée d'elle-même si la journaliste avait remplacé son -pourquoi- par- pour qui- .
C'était bien sûr pour sa mère qu'il avait écrit et qu'il continuait d'écrire, sa mère qui lui avait refusé l'honneur de sa première lecture, sa mère dont il cherchait l'assentiment depuis dans chaque ligne qu'il traçait. (p. 25)
Les New-yorkais hurlaient au téléphone sans jamais dévier de leur route, lancés comme une armée de clones dans les avenues rectilignes et blanches. Mais le pire, c'était le froid, un froid impérialiste et sûr de son bon droit, un froid américain. (p; 14)
Des activités comme la lecture, la belote, la promenade, n’assuraient pas une simple fonction de courroie entre deux segments de vie, comme c’était le cas pour les gens du dehors : elles étaient la vie. Une existence tout entière contenue dans une balade sur la plage, un jeu de cartes, un roman aux pages écornées ; une poésie du quotidien, humble et douce, qui lui procurait un infini sentiment d’apaisement, que seuls peuvent connaître ceux qui ont frôlé la folie.
La tristesse a une date de péremption. Comme le bonheur, c’est un sentiment entier, organique, qu’il faut saisir au bon moment afin d’en conserver la fraîcheur intacte.
Elle était sidérée par cette capacité des enfants à basculer d’un sentiment à l’autre avec une intensité toujours sincère, comme si la joie et la tristesse n’étaient que les faces d’un même polyèdre, les nuances dégradées d’une seule et unique couleur.
Est-ce que tu regrettes?continua-t-elle,priant pour qu'il s'effondre enfin,qu'il révèle un peu de cette humanité qui, depuis le début de leur rendez-vous,lui faisait défaut.
Elle comprit que c'était elle,et non les murs qui avait changé.
Et ce fut,de tout le repas,l'unique échange à réunir le père,la mère et l'enfant.