Citations de Emmelene Landon (57)
Plutôt que veuve, j’écris : mariée, un enfant. Même si Joan est mariée avec un enfant dans le ventre. Veuve ne signifie rien pour moi. Tu es là. J’aurai maintenant toutes mes affaires pour occuper la cabine, ou plutôt mon poste, meublé d’un lit à une place, d’un grand bureau, d’étagères, avec un sabord assez grand et une salle de douche avec W-C.
Les ateliers sont le cœur de métier de la base navale, des ateliers de rêve dont l’étendue de capacité de fabrication va du boulon au moteur. Mécanique générale. Chaudronnerie. Propulseur. Survie. Moteur. Armement / équipement. Électricité. Logistique.
Je suis émue par l’intelligence et la présence de chaque membre de cette famille. Par anticipation, fatigue, peut-être, je ressens le roulis sur terre. Un peu exaspérée par la perte de ma valise. Rédaction de nombreux messages aux compagnies aériennes.
J’ai du mal à me retenir de les ouvrir, car rien n’est plus joli qu’un emballage de cadeau chinois.
« En parlant ou en écrivant, en lisant, en traduisant, on cherche la sortie, s’en sortir. Écrire est cette ouverture. »
Il faut de l’expérience et du recul pour écrire. Je parle du roman de Nicholas Monsarrat, The Cruel Sea. Excellent remède contre le mal de mer, répond le commandant sous-marinier, tout paraît fade à côté. Le commandant du D’Entrecasteaux dit qu’il y a deux sortes de marins : ceux qui disent qu’ils n’ont jamais le mal de mer et ceux qui disent la vérité. Napoléon, par exemple.
« La tolérance envers la différence est le point de départ de notre histoire commune. » « J’aime mon île et je ferai tout pour participer à son développement dans la paix. » « Nous sommes tous métis, c’est notre richesse. » « Le dialogue amène le respect et le respect amène le dialogue, les deux sont indissociables. »
« C’est à nous, enfants des accords, de poursuivre le chemin pour les générations à venir. » « Connaître notre histoire nous permet de nous libérer et d’apprendre à vivre avec l’autre. » « En permettant à chacun de s’intégrer par le travail nous pourrons construire notre propre avenir. »
La maison respire, chante, tellement elle est proche des éléments : à marée haute les vagues sont à ses pieds, comme au large ; à marée basse, la mer se retire tellement loin que les environs se rapprochent, notamment par les sons qui traversent la grève. À l’intérieur, on fait partie de cette entité vivante, comme dans une étreinte. À l’extérieur, depuis l’immense plage, la maison paraît distante et inatteignable.
Visages familiers, sourires, signes polis. D’un univers à un autre, le mien dédoublé, le mien coupé en deux, amputé de mon amour. Créer son lieu, son nid, y être, dormir, se restaurer, se laver. Il pleut et je suis à l’intérieur, les livres sont presque tous rangés, l’ordinateur et la chaîne connectés, le bureau installé. L’impression des premières fois me ramène en enfance ou en adolescence.
Tu es dans chacun de mes livres en dehors du Voyage à Vladivostok, une tentative de fiction. Tu me confies l’image et je t’accompagne dans toutes les étapes de tes deux films. Tu as assuré le montage de mes films Le Fantastique Voyage du conteneur rouge, Trans-Siberian to Vladivostok, L’Escale maintenant, La Traversée du canal de Panama, Fleuves de papier et Jukurrpa.
Cette nuit, je rêve encore que je rêve. Notre voiture roule sur une route étroite escarpée sans protection. Choc. Chute. Autre rêve : je suis à l’atelier avec Joan et Pablo. Tout va bien et puis, tout en m’efforçant de rester gaie, je chute dans la table basse et l’étagère en dessous du Velux.
Le risque est un combat dont nous ne connaîtrions pas l’adversaire, un désir dont nous n’aurions pas connaissance, un amour dont nous ne saurions pas le visage, un pur événement. Si le risque est cet événement, il est au-delà du choix, un engagement physique du côté de l’inconnu, de la nuit, du non-savoir, un pari face à ce qui, précisément, ne peut se trancher. Il ouvre alors la possibilité que survienne l’inespéré.
Nous avons la trentaine, la quarantaine, et puis nous avons la cinquantaine, mais je vois Anne comme une adolescente : une belle jeune femme grande et timide en train de marcher dans les couloirs du métro le visage caché derrière un livre, totalement absorbée par ce qui se passe en les mots, en les autres, en elle-même, au risque de trébucher. Je vois Anne, fascinée par les mécanismes de l’esprit. Le mystère. Le secret. L’amour. Le destin. Anne, à l’écoute. Son désir généreux, altruiste. Aider les autres, aimer les autres.
Se réveiller. Voir des films. Penser. Se voir les uns les autres. Discuter. Dormir. Se réveiller. Voir des films. Penser… Mais là je suis sans toi. Il est tard et je rentre à l’hôtel. L’année dernière, en 2017, nous étions ici tous les quatre, toi et moi, Anne Dufourmantelle et Frédéric Boyer.
Nous partons, les livres restent. Autre logique : nous partons, l’Histoire reste. Je préfère la logique de : nous partons, le temps géologique reste. Penser au-delà de l’humain. S’abstraire pour comprendre une autre totalité, comme les Aborigènes. Se retirer du monde pour être dans le monde. Expériences émotionnelles : amour, peur, désir, bonheur, tristesse, perte. Et la globalité de l’expérience vécue. Near death experience. Il m’est encore trop tôt pour comprendre de cette manière.
Ces moments heureux, je les traverse comme une somnambule. Paul, je viens d’acheter un appartement. Je suis dans le réel. Mais tu n’es pas là, c’est comme si je n’étais nulle part. Et en même temps je ne fais que peindre des lieux, l’esprit des lieux.
Il suffit pour entrer dans une autre dimension de tourner la tête, un peu comme quand on tombe de sommeil. In hindsight, tout est différent. Le sens de ce qu’on écrit quand on l’écrit est ensuite transformé par la lecture. Les enjeux de l’urgence.
J’aimerais pouvoir dire autre chose sur l’homme, donner à l’homme dans sa banalité le côté héroïque que j’aime dans la peinture. Pour le Mars de Velásquez, par exemple, cet homme trop fort, son érotisme / héroïsme vient de sa faiblesse d’être fort. »
La vie à deux, désormais deux moins un. Générosité et amour qui continuent. Il n’y a que Paul qui réunit toutes mes envies. La musique que nous écoutons ensemble me traverse, notre même fréquence dans notre différence, forcément emportés comme des vagues. Musique de pensée, musique de mouvement. Tout ce que nous partageons depuis toutes ces années, cette écoute du temps long qu’approfondit et ouvre la musique.