Eric Karsenti

Il est amusant qu'un organe dont la fonction est de sentir les vibrations de l'eau et qui sert au comportement collectif des poissons en banc doive son existence au comportement collectif des cellules qui le composent.

Nous utilisons en un an à peu près un million d'années de stockage d'algues unicellulaires au fond des océans !
[A propos des énergies fossiles]

Les biologistes se sont intéressés aux composants de la vie un par un, et non aux interactions physiques entre ces composants, aux propriétés du système

Aujourd'hui, le temps nous manque souvent pour réfléchir à notre condition, à ce que nous sommes, d'où nous venons, à notre position dans l'Univers, à ce que nous lui faisons, à cet Univers, à commencer par notre magnifique planète bleue. Pourtant cette réflexion est essentielle pour vivre pleinement. Chacun gère à sa façon la complexité et la conscience de la mort. Certains par la religion, d'autres par la connaissance rationnelle, une approche plus satisfaisante à mes yeux, quoique ce genre d'appréciation soit très personnel
Ils se confrontent à l'immensité, mais aussi avec ce qui est caché au plus profond de nous-mêmes : nos origines au sein du monde physique qui nous a donné naissance.

L'évolution créatrice est faite de complémentarité et de partage, de coopération, de fécondité collective dans le grand mixer océanique, pas de compétition, d'une lutte débridée pour la vie où seul le plus apte survit ! Pas une seule fonction complexe de notre corps n'a échappé (et n'échappe), à un moment ou à un autre pendant la complexification du vivant, aux interactions d'organismes aussi différents que des bactéries, des virus et des protistes

Quand on commence à vraiment « comprendre » un processus à ce niveau, on ressent une sorte de joie difficile à partager, un choc esthétique.

Plus le système est complexe, plus il peut se complexifier et s'organiser spontanément, comme l'avait pressenti Stuart Kauffman

Le chercheur chemine dans un labyrinthe jusqu'à ce que soudain, tout s'éclaire : il est arrivé quelque part… Pour un temps.

En navigation, comme en sciences, voilà finalement le plus excitant : douter sans arrêt, se tromper parfois, errer, mais… arriver !

Comme nous nous construisons une représentation objective de l'Univers dans notre conscience, nous sommes capables de rassembler l'information de milliards d'années de temps et de milliards d'années-lumière d'Univers dans une goutte de cerveau humain, quelques centimètres cubes sur une durée de vie de moins de cent ans. Cette concentration spatio-temporelle absolument hallucinante fait de chacun de nous un monde en raccourci, avec une capacité d'action phénoménale.

Il peut parfaitement y avoir complexification sans perfectionnement et perfectionnement sans complexification. Parfois, le perfectionnement est atteint par simplification.

Si nous n'avons pas encore démêlé le mystère de l'origine de la vie, sans doute est-ce parce que nous n'y avons pas passé assez de temps

Le profit individuel ne peut plus être ce qui régule l'activité de nos sociétés.

Le vrai moteur de ce qu'on appelle l'évolution, que je renommerais volontiers la complexification de la vie, ce sont des phénomènes d'auto-organisation à toutes les échelles.

Lorsque l'on analyse les données un peu plus en détail, un facteur détermine massivement la structure des écosystèmes marins : les interactions entre organismes. Qu'en conclure ? tout simplement que les organismes ont besoin les uns des autres.

[A propos de la navigation à voile]
Du fait de la lenteur du transport, et de l'immersion que génère chaque escale dans l'environnement local, le navigateur appréhende viscéralement, profondément, humainement, sensuellement la superbe diversité du monde. Il prend conscience en même temps de l'unité profonde de notre planète et de sa dynamique.

J’ai passé quelques années d’errance à chercher comment faire une telle expédition, à trouver un voilier — pour finir une goélette de 36 m, Tara — et des financements, et à chercher un thème moderne qui se rattacherait à Darwin et à. la théorie de l’évolution. Cette phase a représenté un énorme travail. La première version du projet, « Évolution 2009 », n’a jamais abouti. Tout s’est débloqué au printemps 2007, quand j’ai décidé d’élaborer un vrai projet scientifique associé à l’expédition. Avec Christian Sardet, biologiste cellulaire comme moi, j’ai pensé à étudier le plancton, ce monde de nos origines justement composé de virus, de bactéries,...

Quelques centaines de grammes de cervelle de mouton ou de porc donnent quelques grammes de cette molécule (la tubuline.). Un étudiant américain, Gary Borisy, l’a purifiée pour la première fois en 1967, en utilisant comme « hameçon » un médicament utilisé pour traiter la goutte : la, colchicine. Cette molécule était en effet connue pour « détricoter » (dépolymériser) les microtubules du fuseau mitotique, ce qui suggérait qu’elle pouvait se lier à la molécule qui composait les fibres du fuseau.

Le temps,disions-nous... Nous y sommes habitués comme une quatrième dimension, une extension de notre monde en 3d. Terriens, nos montres font un tour de cadran, en 24 heures ; nous ressentons intimement le temps au quotidien, et également au longcours puisque nous vivons notre vie, et mourons...

Aucun doute, la flèche du temps s’impose à chacun de nous, intuitivement. Nous en sommes tous prisonniers. En réalité, toute vie est prisonnière du temps puisqu’elle est mouvement, changement, dynamique, interactions, organisation et que celle que nous connaissions aujourd’hui n’est plus celle qui a existé au tout début, il y a presque 4 milliards d’années : la vie s’est complexifiée.

De même, la vie fie fait jamais marche arrière, Le temps est irréversible, grande différence avec l’espace. On peut aller du point A au point B, et vice-versa. Le temps, lui, ne se remonte pas.