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Critiques de Eric Warnauts (225)
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Les temps nouveaux, tome 1 : Le retour

Les Temps Nouveaux est un titre qui résonne un peu comme le fameux film de Charlie Chaplin. C’est un peu trompeur car l’action se passe en 1938 dans les Ardennes belges autant dire dans un coin paumé où le destin du monde n’est pas en jeu. Ce titre évoque une époque charnière où les nationalismes vont prendre le pas et entraîner le monde dans une logique de guerre. C’est cela la nouveauté ?



Nous n’en sommes pas encore là puisque la bd traite du retour prodige d’un frère libertin aux idées révolutionnaires. Quoi de mieux que le Congo belge pour se refaire une santé ! Bref, la bd va jouer sur la rivalité de deux frères qui semblent être opposés aussi bien politiquement que pour le cœur d’une femme. Il est également question d’un parti rexiste tenu par un clone d’Hitler qui aurait d’ailleurs eu les sympathies d’un certain Hergé. On constate que la Belgique était toujours aussi divisée.



Il ne se passera finalement pas grand-chose tout le long de ce premier tome qui semble poser les personnages. Cependant, on pourra admirer les beaux paysages wallons avec ses petits villages et son côté forestier qui fleure bon les produits de terroir. Cette bd ressemble un peu à celle de Gibrat à savoir « Mattéo » mais sans en atteindre la force et le dynamisme. Cela reste une lecture sympathique et intéressante sur la Belgique pendant ces temps troublés. Je précise qu'il s'agit d'un diptyque.



Le second tome viendra clore cette histoire où l'action va littéralement piétiner. Il est dommage d'avoir fait un grand bon en avant de 5 années pendant lesquelles on occulte la guerre ce qui aurait pû être intéressant. On découvre que le héros n'est que le témoin de la grande Histoire. Il y aura tout juste une révélation dans cette période trouble de la libération des Ardennes belges où l'heure est au règlement des comptes. Bref, c'est une chronique de guerre ni plus ni moins qui met l'accent sur la reconstruction psychologique après toutes les destructions physiques.
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Après-guerre, tome 2 : Blocus

Ce deuxième tome du deuxième cycle traine un peu en longueur. Rien de bien neuf.

Les personnages commencent à se stéréotyper. A force de tomes sans changement, on est un peu déçu. On se détache de l'histoire et des personnages. En plus, plus ça va plus de nouveaux personnages arrivent sans beaucoup d'importance, faisant parfois référence à ceux du premier cycle. Les femmes blondes se ressemblent toutes et c'est difficile de savoir qui est qui, qui à fait quoi.

Le retour d'Assunta pourrait être très intéressant, avec le traumatisme des camps de concentrations. Mais c'est au final très peu évoqué. Une fois encore, on ne sait pas ce que veulent et ce que pensent les personnages.

Quant au contexte historique qui pourrait être très instructif, on s'y perd un peu. Moi je n'y comprend pas grand-chose en politique belge, j'ai aussi très peu de base. Je ne connais ni les tenants, ni les aboutissants, encore moins les enjeux. J'aime toujours autant la chronologie historique à la fin, nous rappelant ce qu'il s'est passé, des choses incroyables avec ces années de recul.

Les dessins sont agréables, l'aquarelle nous donne toujours de belles lumières.



Pour le troisième cycle, ça sera sans moi. Car au final, si la lecture reste globalement agréable, ça manque d'envergure.
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L'innocente

Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de tout autre, comprenant 73 pages de bande dessinée. Il est initialement paru en 1991. Le récit se déroule entre 1945 et 1949, ce qui a conduit les auteurs à l'intégrer dans leur cycle commençant par Les temps nouveaux, tome 1 : Le retour (en 2 tomes), et continuant par Après-guerre, tome 1 : L'espoir (en 2 tome), puis par Les jours heureux, tome 1 : Expo 58 (également en 2 tomes). Du fait des dates, ce tome s'insère entre Les temps nouveaux, et Après-guerre. Le scénario est écrit par Éric Warnauts, les couleurs sont réalisés par Guy Raives, et les dessins sont le fruit d'une collaboration entre ces 2 créateurs.



À l'été 1944, un haut gradé de l'armée allemande (Gebietsführer) s'adresse aux jeunes filles de l'établissement Ordensburg Vogelsang, en Rhénanie-du-Nord–Westphalie. Il les harangue leur indiquant qu'elles sont l'avenir du IIIème Reich. Quelque temps plus tard, Nina Reuber (17 ans) est reçue par la directrice de l'école, ainsi que la commandante qui lui apprennent le décès de ses grands-parents. Elle se rend dans les douches pour aller pleurer et se rassurer sous le jet d'eau chaude. Son amie Lisel vient l'y retrouver pour la réconforter. Nina lui explique qu'elle a décidé de s'enfuir. Lisel l'aide en lui coupant les cheveux à la garçonne, en lui fournissant des habits de garçon et en couvrant administrativement sa fuite, à la faveur d'un déplacement du groupe de jeunes filles. Le 04 février 1945, alors que Nina Reuter s'éloigne de l'établissement, elle voit l'arrivée des troupes américaines, et elle entend les soldats alliés fusillant les soldats allemands restés sur le site.



Affamée, Nina Reuter (toujours habillée en jeune homme) s'introduit de nuit dans la cuisine d'une ferme occupée par les américains. Elle y est découverte par un soldat. Mais le sergent de la troupe intervient et décide d'utiliser ce jeune garçon comme interprète. Il met Nina sous la responsabilité du soldat Jessie Jones, un afro-américain. Le 05 mars 1945, l'armée américaine libère Cologne dont la population est passée de 700.000 à 25.000 habitants. Plus tard, l'unité dans laquelle a été intégrée Nina s'arrête dans une ferme pour le ravitaillement. 3 soldats décident de violer la fermière. Malgré les tentatives d'intervention de Nina, rien n'y fait. Un peu plus tard elle accepte de porter le message de Wim, un soldat allemand prisonnier, à sa mère à Berlin. Après la fin de la guerre, elle rend visite à Wim en prison, pour apporter le message en retour de sa mère. Puis elle devient la secrétaire de Bénédicte, une journaliste française, travaillant à Berlin.



Le lecteur constate rapidement que les auteurs n'y sont pas allés à moitié pour insérer leur histoire dans les faits historiques. Il y a bien sûr les dates précises. Les premières concernent la construction du centre de formation de la future élite de Vogelsang, construit en 1936, recueillant des adolescents des villes d'Aix, de Cologne et de Düren à partir de 1943. Les suivantes concernent des faits militaires de petite ou de grande importance, aisément vérifiables : la prise de l'Ordensburg Vogelsang le 04/02/45, la libération de Cologne le 05/03/45, l'offensive vers l'Elbe le 01/04/45, l'occupation d'Hanovre le 10/04/45, l'entrée dans Leipzig le 25/04/45, le procès de Nuremberg (20/11/45-01/10/46), etc. Pour cette réédition, le lecteur trouve, à la fin du volume, 2 pages de chronologie des principaux événements historiques du 09/08/45 (bombardement de Nagasaki) au 20/12/45 pour la victoire de Ray (Sugar) Robinson sur Tommy Bell au Madison Square Garden de New York. Il peut donc se fier entièrement à l'authenticité de cette reconstitution historique, que ce soit pour le déroulement des événements, ou pour les uniformes militaires, les armes, les véhicules et engins de guerre, les tenues civiles, et même les coiffures à la mode. S'il en a la curiosité, il peut même chercher sur internet des photographies de l'Ordensburg Vogelsang et constater que les 2 dessinateurs l'ont reproduit avec fidélité. Dans une interview, Éric Warnauts a même indiqué que son propre père avait été stationné dans l'Ordensburg Vogelsang, et que lui, son fils, avait appris à nager dans la piscine représentée en page 12.



Le dessin de couverture envoie un message ambigu : celui d'une jeune femme (forcément l'innocente du titre), en tenue militaire américaine avec l'épaule dénudée. Dans le cours de récit, le lecteur découvre plusieurs scènes effectivement dénudées, avec des rapports sexuels, y compris des plans à trois. La première fois, il est surpris de découvrir Nina Reuter sous la douche, y compris avec une case centrée sur son entrejambe. La scène dénudée suivante montre les soldats américains de l'unité de Nina en train de la déshabiller, et se retrouvant très surpris de ce qu'ils découvrent. Par la suite, il s'agit de relations sexuelles consenties. Le lecteur constate rapidement qu'il ne s'agit pas (uniquement) de titiller la libido du lecteur mâle. En particulier, lors de la scène viol de la fermière, il n'y a pas de nudité, pas de voyeurisme racoleur ou malsain. Ensuite, la vie sexuelle de Nina Reuter constitue une composante importante de la construction de sa personnalité et de l'environnement dans lequel elle évolue. Elle profite de la sensation de liberté qui accompagne la chute du régime nazi et la remise en question des coutumes et des mœurs. Les auteurs montrent que son choix de vie peut être interprété comme une réaction aux horreurs révélées lors du procès de Nuremberg, une pulsion de vivre maintenant. Les artistes n'hésitent pas à dessiner le corps humain nu de manière frontale, sans hypocrisie, y compris celui des hommes. Il n'y a pas de forme de culpabilité ou de concupiscence malsaine. En page 54 & 55, le lecteur accompagne Nina et Bénédicte aux bains turcs, et l'érotisme nait plus de l'expérience que raconte Bénédicte, que de la nudité des 2 femmes. Les auteurs s'y montrent d'ailleurs assez facétieux en utilisant alors une taille de police de caractère très petite pour contraindre le lecteur à faire un effort de lecture supplémentaire, s'il veut profiter de ces confidences coquines.



S'il peut apprécier l'érotisme des dessins, le lecteur découvre surtout l'évocation historique de l'Allemagne juste après la seconde guerre mondiale, du point d'une jeune femme qui découvre le monde. Les auteurs racontent le parcours de Nina Reuber, côtoyant dans un premier temps les soldats américains, puis entretenant une relation sporadique et complexe avec Wim (ayant servi dans l'armée allemande) à Berlin. Les rappels historiques rigoureux permettent de situer l'action précisément et de de mesurer l'ampleur de leur incidence sur la vie des personnages. Le récit se termine le 12 mai 1949 et Nina Reuber a assisté ou participé à différentes phases : la mise en place du marché noir à Berlin, le procès de Nuremberg, les risques d'annexion de Berlin par les russes. Le récit se termine avec une ouverture sur d'autres pays d'Europe en 1948/1949, jusqu'en Israël. Le lecteur intègre progressivement que le récit montre la vie d'allemands qui n'étaient pas des nazis, pas des partisans de cette idéologie, qui doivent apprendre à vivre dans un pays occupé et en reconstruction, et qui découvrent l'ampleur des ignominies perpétrées par le régime nazi, mais dont ils ne sont pas responsables personnellement. Le titre renvoie alors à l'innocence de l'héroïne par rapport à ces crimes contre l'humanité. Le terme d'innocente prend également une autre signification par rapport à ceux qui se livrent au trafic du marché noir, ou qui compromettent leurs idéaux en acceptant de collaborer avec les occupants.



Cette bande dessinée est l'une des premières collaborations entre Raives & Warnauts, et déjà ils mêlaient avec harmonie l'évocation de l'Histoire et des protagonistes complexes, au travers de l'histoire personnelle d'un personnage principal. Nina Reuber n'est pas naïve ou idiote, elle n'a pas beaucoup d'expérience de la vie du fait de son âge. Incorporée dans une unité américaine, elle côtoie des soldats qui sont des hommes imparfaits, certains droits, d'autres profiteurs jusqu'à violenter une femme. Son comportement montre qu'elle reste attachée à aider ses compatriotes dans la mesure de ce que lui autorise sa propre situation. Les auteurs n'idéalisent donc pas les soldats américains. Plus tard, Nina Reuber est malade physiquement quand elle découvre l'existence des fours crématoires, la récupération des cheveux, ou encore des abat-jours en peau humaine. Il la voit évoluer au fil des mois et des années qui passent, acquérir des convictions, des valeurs, les défendre avec ses moyens, apprendre à apprécier la sensation de liberté que procure le jazz, en particulier celui de Glenn Miller. Elle s'étoffe de page en page, le lecteur étant tenu sous le charme de sa liberté et de ses indignations.



Par la force des choses, dans ce tome, l'apparence des dessins de Warnauts & Raives diffère de celle des histoires plus récentes commencée dans Les temps nouveaux, puisque que 25 ans se sont écoulés. Pourtant le lecteur retrouve la même approche graphique, en moins aboutie. En particulier, ils détourent beaucoup plus systématiquement les contours avec des traits fins, donnant une impression plus détaillée plus appliquée, moins spontanée. Ce type de représentation confère également plus de précision à la reconstitution historique qui est très minutieuse. Dans la mesure où les informations visuelles sont essentiellement portées par les traits encrés, la mise en couleurs ne présente pas le même degré de sophistication que les aquarelles des albums des décennies suivantes. La narration visuelle de Raives & Warnauts s'avère dense et facile à lire, avec des moments mémorables. Le lecteur observe avec curiosité la décoration de la piscine de l'Ordensburg Vogelsang. Il prend conscience du degré de destruction de Cologne lors d'une vue aérienne en page 17. Il grimace devant l'obscénité de la violence des soldats à l'encontre de la fermière. Il sourit devant le naturel avec lequel les soldats américains se baignent nu dans la rivière, ou se détendent sur la rive, en page 28. Il apprécie la valeur des chaussures de luxe portées par Wim page 36. Il partage la frustration de Wim regardant Nina ayant mis les sous-vêtements qu'il lui a offerts en page 44. Il détaille les cages d'escalier en pages 49 et 63. Il apprécie l'utilisation d'une teinte dominante dans certaines séquences pour installer une ambiance.



S'il découvre cet album en dehors du contexte du cycle commencé avec Les temps nouveaux, le lecteur savoure une reconstitution historique solide, mettant en scène des allemands de différentes conditions sociales essayant de donner un sens à leur nation après la défaite de la seconde guerre mondiale et la mise au grand jour des atrocités perverses perpétrées dans les camps de concentration. Il s'attache à la personne de Nina Reuber qui évolue et grandit au fil des séquences, bénéficiant d'une narration visuelle riche et précise. Il regrette que la fin soit un peu abrupte. S'il le découvre dans le contexte dudit cycle, il prend conscience du savoir-faire déjà remarquable des auteurs au début de leur carrière, pour donner à voir l'Histoire, en suivant une femme libérée. Il lui faut un temps pour accepter de ne pas retrouver les magnifiques aquarelles de Guy Raives, et de revenir à un mode de dessin très précis, mais moins chaleureux.
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Les temps nouveaux, tome 1 : Le retour

Il s'agit du premier tome d'un diptyque, le second étant Les Temps Nouveaux, tome 2 : Entre chien et loup réalisé par les mêmes auteurs. Il est paru en 2011. Le scénario est écrit par Éric Warnauts, les couleurs sont réalisés par Guy Raives, et les dessins sont le fruit d'une collaboration entre ces 2 créateurs. Ce diptyque est le premier d'une série consacrée à la vie de 2 frères, se poursuivant dans le diptyque Après-guerre, tome 1 : L'espoir, puis dans le diptyque Les jours heureux, tome 1 : Expo 58. Raives & Warnauts ont collaboré sur de nombreux albums et sur plusieurs séries comme L'Orfèvre, tome 3 : KO sur ordonnance, Les suites vénitiennes.



Le récit se déroule en Ardenne Belge et commence en 1938 dans le village de La Goffe. Thomas Deschamps est en train de déguster un verre de vin dans l'Hôtel des Roches, en compagnie de son ami curé Joseph. Alors qu'il fait nuit, ils sortent à l'extérieur pour se livrer à la chasse aux papillons, en espérant attraper un bombyx buveur. Ils papotent en évoquant les années passées par Thomas au Congo, et Alice la femme de Charles, le frère de Thomas. Le lendemain, Alice Deschamps se présente au restaurant de l'hôtel et salue Rose qui s'occupe du comptoir. Elles évoquent la présence d'Assunta Lorca, une émigrée espagnole qui loge à l'hôtel et qui travaille au sein du syndicat socialiste à Liège.



Après cet échange, Alice Deschamps sort retrouver Thomas Deschamps dans le jardin et elle évoque le passé, sa décision de se marier avec son frère plutôt qu'avec lui malgré leur idylle. La discussion est aigre-douce, et elle interrompue par l'arrivé de Rose. Alice indique à Thomas que ses filles attendent que leur oncle du Congo vienne leur dire bonjour, et que son frère Charles veut lui parler. Dans la journée, Thomas et le curé vont chercher de la viande chez le boucher Palisse. La radio diffuse des informations sur la position du premier ministre Spaak, et son avis sur la fragilité de l'union nationale. Sur le chemin du retour, ils évoquent la montée du parti rexiste, avec Léon Degrelle à sa tête, la position de l'église catholique, les convictions socialistes de Thomas, et le parti pris conservateur de Charles. Assunta revient à l'hôtel pour le week-end.



La couverture de ce tome dégage une impression un peu étrange, un peu vieillotte, comme si les personnages posaient pour regarder le lecteur dans une situation bien artificielle qui permet de les voir tous ensemble. Toutefois, le lecteur retrouve la magie de la mise en couleurs de Guy Raives, avec ces aquarelles qui apportent une vie incroyable, une sensation d'image croquée sur le vif. Dès la première page, cette impression de photographie posée disparaît, et le lecteur (re)trouve les cases si évocatrices du tandem d'artistes. La mise en couleurs constitue une œuvre d'artiste à part entière. Elle ne sert pas simplement à rendre compte des couleurs des objets, des personnes, et des différents éléments visuels. Bien souvent, Guy Raives apporte des éléments d'information visuelle supplémentaire. Il peut s'agir des pavés sur la voie qui passe devant l'hôtel, des reliefs dans le feuillage des arbres, du courant de l'eau dans un ruisseau, la texture du bois du comptoir, des motifs imprimés sur une robe, des ombres portées à l'intérieur d'une pièce, de la forme des mottes de terre, des couleurs dans le ciel, des peintures décoratives dans une brasserie, du teint maladif de la peau, etc. L'aquarelle a pour don d'inclure de petites variations de teinte qui rendent les surfaces plus organiques, moins lisses et froides.



Dès la première page, le lecteur peut se projeter aux côtés des personnages, et avoir l'impression d'évoluer dans les mêmes endroits qu'eux. Il peut voir la façade de l'hôtel, l'auvent abritant la terrasse, les arbres de petite taille fournissant de l'ombre, les 2 poubelles remisées contre la façade latérale, la clôture en fil de fer, les bâtiments à coté, et le panache du chauffage s'échappant par les cheminées. Tout au long de ce tome, il peut contempler les tenues vestimentaires des dames et des messieurs, variées et conformes à la mode vestimentaire de l'époque. Il peut également laisser son regard s'arrêter sur les modèles de voiture, sur les ustensiles de cuisine, sur les affiches publicitaires en arrière-plan, sur le porte-jarretelle d'Assunta, ou encore sur les uniformes des gendarmes venus annoncer l'ordre de mobilisation générale. Plusieurs scènes se déroulent à Liège, et là encore et lecteur peut apprécier la qualité de la reconstitution historique en admirant les façades. Cette reconstitution passe également par les activités dans ce petit village de campagne, que ce soit le bal du village, la procession portant la statue de la Sainte Vierge, ou encore le braconnage dans les champs pour attraper des lapins. Page 21, il peut même voir les paysans glaner les foins et les ramener à la ferme sur une charrette tirée par un cheval.



Les auteurs mettent en scène des personnages dans cette reconstitution, à la fois pour les faire vivre, réagir, évoluer, à la fois pour faire s'incarner les enjeux politiques de l'époque. le lecteur regarde des acteurs se comportant comme des adultes, avec des visages portant tout une palette d'émotions diversifiées, du franc sourire en savourant un bon cru, à la colère explosive en acquérant la certitude d'être cocu. Le lecteur peut voir les personnages se livrer aux occupations du quotidien, très diversifiées puisqu'elles recouvrent plusieurs métiers, comme tenir un comptoir, découper de la viande, ou forger des pièces métalliques. Il y a également de longues promenades calmes, mais aussi des séquences plus violentes, comme un discours en pleine rue qui finit par une agression de la part du parti rexiste. À chaque fois, le lecteur apprécie le sens de la mise en scène des auteurs qui ne se contentent jamais de montrer des têtes en train de parler, car ils choisissent des cadrages qui permettent de voir les postures des personnages, les endroits où ils se trouvent selon des points de vue différents.



Raives & Warnauts mettent en scène des adultes, avec leurs défauts et leurs qualités. Dans un premier temps, la sympathie du lecteur va à Thomas Deschamps pour son comportement bohème, sa liberté, et sa façon d'en profiter, son succès avec les femmes, la franchise de ses échanges avec le curé Joseph. S'il est bien le personnage principal du récit, les auteurs n'en font pas un héros sans faille. Certes il représente l'indignation face à une idéologie totalitaire et excluante, mais son comportement vis-à-vis des autres manquent pour le moins d'égard et de respect. En outre, afin de rentabiliser son hôtel et augmenter le taux d'occupation, il n'hésite pas à y installer des prostituées pendant la semaine. À l'opposé, dans un premier temps, son frère Charles Deschamps apparaît comme le vilain capitaliste, prêt à se rallier au parti politique dont les actions apportent la plus grande assurance que les affaires pourront continuer et fructifier. Mais petit à petit il apparaît surtout comme un individu pragmatique, attaché à sa famille, et pas si rancunier que ça. La fière Assunta assume son engagement politique, rejetant toute forme d'attache, sans ressentir de devoir vis-à-vis de ceux qui la côtoient. Même la belle Alice présente un comportement complexe, et regrette d'avoir choisi la sécurité, la facilité, et de ne pas avoir tenu tête à son père. Petit à petit le récit prend une forme de comédie dramatique, mettant en scène de vrais adultes complexes et incarnés, pas de simples coquilles vides représentant une idéologie.



Non seulement les personnages sont complexes, mais en plus leur vie est effectivement façonnée en grande partie par le contexte social et historique. L'engagement politique d'Assunta provient de sa fuite d'Espagne après l'attaque de Guernica le 26 avril 1937. La vie de Thomas Deschamps subit l'influence de son séjour au Congo Belge, et de la maladie qu'il en rapporté. La vie de Charles Deschamps est soumise aux aléas de la politique. Tout le monde voit sa vie bouleversée par la mobilisation générale. Éric Warnauts intègre la dimension politique de l'époque par le biais de différents vecteurs, comme la radio, les discussions entre personnages, et les activités militantes d'Assunta Lorca. Les auteurs ont ajouté en fin de tome, une chronologie des principaux événements entre le 13 mars 1938 et le 3 septembre 1939. En fonction de sa familiarité avec cette période de l'Histoire, le lecteur peut s'y référer ou non, mais cela vient comme un supplément qui n'a pas de caractère indispensable pour la compréhension du récit. Par contre le lecteur peut éprouver un ressenti différent concernant les événements s'il connait déjà le sort de la Belgique pendant la seconde guerre mondiale.



Cette première partie du diptyque constitue avant tout une comédie dramatique enlevée et très vivante, avec des pages magnifiques permettant au lecteur de se projeter à cette époque, et à cet endroit du monde, dans une reconstitution de haute qualité, sans être pesante ou académique. Il fait connaissance avec des individus étoffés et attachants, quels que soient leurs choix dans la vie, et la manière dont leur environnement modèle leur vie. En fonction de ses connaissances, il découvre un pan de l'Histoire belge, ou il la voit prendre chair sous ses yeux. 5 étoiles pour une reconstitution épatante et émouvante. Certaines phrases prononcées en réaction aux événements de l'époque sont encore d'une terrifiante actualité : Les démocraties ont prouvé leur incapacité à lutter contre cet affairisme sans scrupule qui a conduit à la crise financière dont nous subissions encore aujourd'hui les effets.
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Les jours heureux, tome 2 : Nouvelle vague

Au Congo les désir d'indépendance se font plus fort et la violence envers les colons belges commencent. Thomas qui était la-bas va purement et simplement disparaitre.

En Allemagne les tensions entre l'ouest et l'est se fait de plus en plus ressentir...



J'ai de l'affection pour cette série qui en est à son troisième cycle. J'ai l'impression que ce tome 2 (du troisième diptyque) cloture définitivement la saga. Cela me semble plutot une bonne idée car le scénario commençait à sérieusement s'éparpiller. Trop de personnages, de lieux et de problèmes politiques différents. On s'y perd, on s'y noie. Et c'est bien dommage...

J'aime toujours autant l'atmosphère et les aquarelles qui donnent une douceur toute particulière aux ambiances. Mais à trop se disperser on en perd l'intérêt et les liens entre les personnages.
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Les Suites vénitiennes, tome 2 : Rouge Venise

Deux étoiles pour la qualité des dessins, les subtilités de l'artiste. Vraiment rien à redire du graphisme qui est parfait dans le moindre détail.



Ma déception vient de l'intrigue directement. Un suspens maintenu coûte que coûte sans le bénéfice de l'attrait qui était procuré dans le premier tome. Le petit truc en plus n'est pas présent dans ce tome et en ce qui me concerne j'ai vite décroché de l'histoire que j'ai trouvé nettement moins piquante.



Pas sure de lire le troisième tome.
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Après-guerre, tome 2 : Blocus

Merci à Babelio et aux éditions Le Lombard pour me faire partager la belle collection Signé.

Les temps Nouveaux et Après-Guerre est une série que j'affectionne tout particulièrement pour ses aquarelles simples et belles qui recèle une part d'émotions très importantes.

On suit la vie de ses personnages attachants souvent maladroits ou malchanceux en amour.

Seul les références politiques de Belgique me semblent obscures. Peu connue pou moi, j'y suis un peu perdue. Heureusement qu'il y a une petite chronologie des évenements historiques à la fin.



Thomas va tout tenter pour faire évader Assunta de son camp de consentration, mais arrivera-t-il à la sauver? (Je vous laisse le suspence)

Des histoires de coeur brisés, de vies à reconstruire. Une histoire humaine avant tout.

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Les Temps Nouveaux, tome 2 : Entre chien et..

La guerre se termine, les Allemands fuient, les habitants règlent leur compte. Les resistants sont acclamés, les femmes ayant fauté avec l'ennemi tondues et humiliées en place publique, les collabos sont arrêtés ou disparaissent et on pleure ceux qui ne sont pas revenus de la guerre.

Quand est-il d'Assunta, la belle Espagnole et resistante, déportée? Quand est-il du père Joseph, resistant arrêté et torturé? Quand est-il de Charles, le frère de Thomas, disparu étiquetté collabos ?

Après la guerre et avant des temps nouveaux ils faudra bien se reconstruire et penser ses plaies.
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Après-guerre, tome 2 : Blocus

Une bande dessinée signée Eric Warnauts et Guy Raives était à elle seule signe d'une réussite, mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir en feuilletant les premières pages que cette série était la suite des "Temps nouveaux", série que j'avais découverte l'été dernier et lu avec grand plaisir (Tome 1 et Tome 2).



Cet album couvre les années 1949 et 1950, la Seconde Guerre Mondiale est finie depuis quelques années maintenant et c'est la Guerre Froide qui se met en place, mais les plaies du précédent conflit sont lentes à cicatriser : "Je suis en train de me détruire à petit feu ... Comme si je me consumais lentement. Il ne restera bientôt plus que de la cendre ... Et je m'éteindrai définitivement.".

La volcanique Assunta n'est plus que l'ombre d'elle-même, décharnée physiquement et détruite moralement, elle n'arrive pas à reprendre le cours d'une vie, elle se perd dans de vaines vengeances qui ne lui apportent aucun réconfort, elle est un fantôme désormais incapable d'aimer, de s'attacher, enchaînée à son passé et à la Guerre.

Elle retrouve Thomas qui lui aussi a changé, cela perturbe Assunta : "Parce que, si toi aussi tu changes ... Alors, cela voudra dire que le monde a eu raison de nous.".

Et en toile de fond au destin de tous ces personnages, il y a la situation politique en Belgique, la petite histoire qui s'inscrit dans la grande, un monde nouveau qui émerge et dans lequel il est difficile de trouver sa place.



Cette bande dessinée mêle et entremêle le destin de plusieurs personnages rencontrés auparavant, d'autres sont des nouveaux venus, mais tous éprouvent des difficultés à s'adapter à un monde qui change, à une Europe qui essaye de se reconstruire et de panser ses plaies : "Nous sommes condamnés à vivre seuls avec ce vécu, jusqu'à ce que le temps fasse son travail.".

Le communisme perd de sa superbe, aux Etats-Unis la "chasse aux sorcières" est lancée, après la Guerre, l'engagement dans la Résistance avec l'espoir d'un monde meilleur, c'est la désillusion qui règne en maître : "Nos rêves d'aubes nouvelles se sont envolés. Des temps difficiles s'annoncent.".

J'ai été marquée par le peu d'optimisme qui se dégage de cette histoire, à l'inverse des "Temps nouveaux" qui traitaient de l'avant et de la fin de la Guerre cette série n'incite pas à l'espoir, j'ai donc retrouvé des personnages fortement marqués par leur vécu, à vif, éprouvant des sentiments exacerbés et qu'un rien peut faire basculer dans le drame.

Une vision plutôt noire mais somme toute assez réaliste de ce que la plupart des personnes ont pu ressentir dans les années d'après-guerre, elles ont été une nouvelle fois déçues par la politique, elles ont également mûri et leurs idées avec.

J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre le destin de ces personnages, tous ont un côté touchant, j'ai également apprécié le fait que les femmes étaient mises en avant et au cœur du récit.

Eric Warnauts et Guy Raives ont l'habitude de travailler ensemble depuis de nombreuses années et cela se ressent à la lecture tant le récit est homogène.

Les mots sont réservés à Eric Warnauts, les couleurs à Guy Raives et tout le reste se fait à quatre mains, un procédé quelque peu inhabituel mais qui ne se ressent absolument pas à la lecture et qui fonctionne parfaitement.

J'aime beaucoup le style graphique de ces auteurs et j'ai apprécié de voir l'évolution des personnages dans l'âge à travers cette bande dessinée.

Les dessins et les couleurs possèdent une forme d'envoûtement qui a fait que j'ai lu d'une seule traite ce volume, j'ai également trouvé que la présence d'une chronologie historique en fin de volume était une bonne idée qui permettait de replacer les événements dans leur contexte, d'autant plus que je connais peu l'histoire de la Belgique dans les années 50.



Ce deuxième tome de la série "Après-guerre" signée par le duo Eric Warnauts et Guy Raives est une formidable histoire humaine dans laquelle j'ai retrouvé avec grand plaisir les personnages des "Temps nouveaux" ainsi que le graphisme et l'ambiance qui se dégage de cette fresque historique.

Il ne me reste donc plus qu'à lire le premier tome de cette série pour que la boucle soit bouclée.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Après-guerre, tome 1 : L'espoir

Excellente BD dont j'attends le tome 2 avec impatience (merci d'avance à Babelio puisque je le recevrai dans le cadre d'une opération Masse Critique).



L'histoire se déroule entre 1947 et 1948 au tout début de la Guerre Froide, entre la Belgique, Berlin et Paris. C'est une quête, celle menée par un homme entêté qui veut retrouver et faire sortir du camp soviétique dans lequel elle est internée, une jeune résistante, républicaine espagnole qu'il a connu et aimé.



Tout l'arrière plan historique et politique est très bien traité, les informations données n'alourdissent jamais le récit mais le complètent intelligemment. L'atmosphère faite de ruines et de reconstructions, de règlements de comptes entre anciens résistants et anciens collabos, pour tout dire, de radicalité qui semble imprégner cette époque est très bien rendue.



J'ai apprécié le clin d'œil au "maître" Hergé (le Tintin noir est une trouvaille géniale). J'ai apprécié aussi l'excellente chronologie historique en fin de volume, grâce à laquelle j'ai appris qu'il y avait eu un "Oradour Malgache" perpétré à Moramanga par les français !



Le dessin, dans une veine très réaliste aux tons sépia, est assorti au scénario. Comme c'est une période qui recèle pour moi pas mal de zones d'ombres et que l'actualité ukrainienne la porte au devant de la scène, je ne saurais que trop la conseiller à celles et ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire. C'est une excellente entrée en matière.
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Les Suites vénitiennes, tome 2 : Rouge Venise

Ce deuxième tome est dans la continuité du premier et s'illustre par une intrigue relevée sans aucun temps mort.



Comme dans le premier tome, l'histoire s'ouvre sur un plan de Venise sous un ciel sombre et sous la pluie, et là aussi il faut attendre la quatrième page pour avoir un dialogue.

L'ouverture en matière est particulièrement bien menée et amène le lecteur a être d'emblée pris par l'intrigue, d'autant plus qu'il a en principe une forte envie de connaître le dénouement et l'assassin, ce qui était le cas pour moi.



Alessandro mène sa propre enquête et a de sérieux doutes sur son propre père qui lui a pourtant demandé de suivre l'enquête de près.

Il a en effet découvert dans sa bibliothèque des documents et des dessins dont il ne saisit pas encore tout le sens mais qui pourrait être la clé de l'énigme.

Quant à Clara, sa demi-soeur, elle joue un double jeu très étrange : novice dans un couvent le jour et muse d'un peintre fou d'elle la nuit.

L'intrigue s'accélère lorsque les enquêteurs découvrent la demeure de l'artiste littéralement couverte de sang du sol au plafond en passant sur les murs, mais ce qui est encore plus intriguant c'est le fait que "Nous n'avons trouvé personne de vif ou de mort lorsque le concierge nous a ouvert la porte ..."

Le dénouement de l'histoire en plus d'être explosif est particulièrement surprenant et même si j'avais deviné qu'il s'agissait d'une vengeance, j'étais bien loin de la vérité !

Elle a aussi un aspect troublant, ce qui fait d'ailleurs dire à Alessandro : "Je ne comprends plus rien à cette fable ...", et si lui est désemparé le lecteur l'est tout autant, car il n'a qu'une hâte : connaître la suite de ces aventures vénitiennes !



"Rouge Venise" porte bien son nom car de sang il en est beaucoup question dans ce deuxième tome et l'historie de vengeance développée est particulièrement prenante et machiavélique.

Du point de vue de l'histoire c'est un sans faute, il n'y a aucun temps mort, les situations s'enchaînent les unes aux autres et il y a un rythme au récit qui se ressent à la lecture : plus Alessandro avance dans son enquête plus le lecteur se met à tourner les pages fébrilement jusqu'à la découverte du dénouement.

Il en est de même pour les dessins et le choix des couleurs, les auteurs jouant là aussi sur le contraste entre la Venise extérieure, sombre et sous la pluie, et les intérieurs riches peuplés de personnes portant des habits tous plus colorés les uns que les autres.



La bande dessinée "Les Suites Vénitiennes", en plus de développer une intrigue prenante connaissant beaucoup de rebondissements, offre une vision différente de la ville Sérénissime au 18ème siècle.

Une lecture très agréable et fortement addictive qui mérite de laisser sa gondole quelques temps à Venise.
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Congo Blanc

Cet album réunit trois anciens récits publiés initialement dans les années 80 dans le fameux magazine À Suivre, édité par les Éditions Casterman. Les histoires de CONGO 40, FLEURS D’ÉBÈNE et CONGO BLANC se passent toutes au Congo à différentes époques, pendant la période de l’occupation belge.



CONGO 40 se déroule en 1942 dans une exploitation ou un drame, c’est passé quelques années auparavant. Il nous plonge dans les histoires d’amour, de trahison et d’espoir de divers personnages.



FLEURS D’ÉBÈNE, se passe en 1958 alors qu’une enquête policière est lancée après la découverte du cadavre d’un Congolais renversé pendant la nuit.



CONGO BLANC est une histoire courte qui explore la vie d’un couple en pleine crise au moment de l’Indépendance en 1960.



Ces trois histoires témoignent d’une époque révolue de la colonisation. Elles offrent de beaux dessins et une lecture à la cadence lente, abordant de nombreuses thématiques. L’atmosphère envoûtante des couleurs du Congo nous transporte au cœur de l’Afrique, avec des histoires faites d’amour, de trahison, de domination coloniale, de secrets, de racisme, de violence et de tentation. Dans cet ensemble, les personnages masculins, bien que charismatiques, ont souvent des comportements condamnables, tandis que les femmes se révèlent être des figures de caractère, affirmées et résolues.



Les dessins attrayants sont faits de magnifiques paysages de la nature Africaine, de couleurs vibrantes et de regards féminins ensorcelants. Histoires à replacer dans le contexte d’une période passée, CONGO BLANC s’offre une nouvelle réédition grand format à couverture souple et agrémenté d’un cahier graphique présentant des dessins, aquarelles et portraits inédits.


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Purple Heart, tome 4 : Jambalaya Blues

La nièce de Winston, le meilleur ami de Josuah, a disparue en Louisiane. Les deux hommes craignent le pire pour cette jeune afro-américaine qui est descendue protester pour ses droits dans cet état où le racisme est très présent, encore marqué par le Ku Klux Klan.

Josuah et Winston vont mener l'enquête sur place et ils vont tomber sur pas mal d'atrocités commises sur les noirs et autres ethnies locales. Le pire c'est que la communauté blanche, jusque dans la police et les autorités, s'en fiche voire couvre les méfaits des tortionnaires avec bienveillance. On sent bien le dégout et la révolte que cela inspire à Josuah.

L'Amérique dans ces années là avait encore du chemin à parcourir pour accéder à la tolérance et pour se défaire de ce racisme qui a été très enraciné.



Sur la couverture de l'album, une pastille rouge annonce que c'est la dernière enquête pour Josuah Flanagan. Ce tome 4 n'apporte pas spécialement de conclusion et il pourrait y avoir tous un tas d'enquête derrière. Peut-être que les ventes n'ont pas été au rendez-vous...
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L'Orfèvre, tome 1 : La Mort comme un piment

J'ai particulièrement été époustouflé par la qualité du dessin. Pourtant, ce n'est pas la première fois que je lis du Warnauts-Raives! Que s'est-il passé pour que je sois autant en admiration ? Si j'étais mauvaise langue, je dirais que c'est parce que cela faisait longtemps que je n'ai pu apprécier un graphisme aussi magnifique qui s'accorde à merveille avec l'atmosphère chaude de cette île des Antilles.



En effet, le dépaysement est assuré ! Et que de belles femmes ! Bon, elles pourront être parfois fatales mais il faut s'y attendre. ;) Le troisième tome nous emmènera dans New-York et plus précisément dans le milieu de la boxe. L'Afrique restera en toile de fond, ce thème cher aux auteurs.



Il est vrai que le scénario est parfois alambiqué quoique très simpliste au départ. On prend du plaisir à suivre l'enquête de ce Charles Albert-Lafleur surnommé l'orfèvre, personnage ô combien atypique à moitié policier, à moitié diplomate. On pourra regretter cependant quelques longueurs.



L'ensemble demeure de bonne qualité sans que cela ne soit une série inoubliable.
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La contorsionniste

La lecture de cette bd n'est pas du tout déplaisante au regard de jolies femmes qui peuplent ce récit. Les images s'enchaînent assez rapidement à la manière d'un film de cinéma. Il y a beaucoup de plan contemplatif pour installer le décor. Mais il s'agit d'un graphisme réaliste d'une grande beauté.



L'histoire est celle d'un écrivain en panne d'inspiration qui va s'exiler à Londres grâce au concours de sa bien aimée épouse. Il va faire une troublante rencontre qui lui rappellera son douloureux passé durant la guerre du Viêt-Nam. Tomber amoureux de la personne qu'il ne faut pas. On sait d'avance comment se termine ce genre d'histoire... Le problème de ce récit est que j'ai du mal à croire qu'une telle rencontre soit possible entre une véritable contorsionniste de Soho et un new-yorkais de la cinquantaine happé par ses fantasmes. Mais pourquoi pas après tout? Cela reste malgré tout un peu froid.



Il est intéressant de réaliser que ce fameux roman va s'écrire au fil des expériences vécues par cet homme obstiné qui retournera finalement sur ses pas.
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Fleurs d'ébène

Fleurs d’Ebène est une série qui décrit les derniers moments vécus par les colons du Congo Belge. L’indépendance se dessinait petit à petit et cela pouvait éclater à tout moment. L’action de la bd se passe en 1958. L’accession à l’indépendance a été effective le 30 Juin 1960. Ce territoire a même été une possession personnelle du roi Léopold II de Belgique jusqu’en 1908. Bref, le contrôle de l’administration était dominé par la Belgique sans organe démocratique pour les habitants. La gestion journalière était dévolue au Gouverneur général. Les colons blancs du Congo n’avaient également aucun droit politique.



Cette bd m’a permis de mieux comprendre ce qu’était le fameux Congo belge dont j’avais tant entendu parler à commencer dans Tintin. On voit par exemple que les villes ont été construites par le colonisateur où les populations noires étaient refoulées dans les banlieues. Il y avait même un couvre-feu. Bref, tout ceci ressemblait étrangement à un apartheid tempéré.

Les auteurs évoquent également l’attirance sexuelle qu’avaient les blancs pour les noires. Visiblement, les femmes blanches étaient presque toutes trompées par leur mari à en croire cette bd. Bon, cela devait être réciproque.



Cette aventure manque un peu de souffle épique comme souvent avec ce duo d’auteurs. Le dessin est toujours une merveille. On pourra admirer les beaux paysages africains. Il faudrait peut-être qu’à un certain moment, les auteurs se tournent vers d’autres continents afin de se renouveler.
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Les jours heureux, tome 1 : Expo 58

Ce tome constitue la première moitié de la dernière partie de la trilogie commencée avec Les temps nouveaux, tome 1 : Le retour. Il est initialement paru en 2015. Le scénario est écrit par Éric Warnauts, les couleurs sont réalisées par Guy Servais (surnommé Raives), et les dessins sont le fruit d'une collaboration entre ces 2 créateurs. Raives & Warnauts ont collaboré sur de nombreux albums et sur plusieurs séries comme L'Orfèvre, Les suites vénitiennes.



Sur le bord du lac Kivu, au Congo Belge, en mars 1958, Thomas Deschamps est en train d'expliquer à Hortense (une congolaise) qu'il va devoir la quitter. Il dirige une plantation de café, mais il a reçu des nouvelles alarmantes de la santé de Rose, la gérante de l'hôtel de Roches dans le village de La Goffe, dans les Ardennes belges. Il confie la responsabilité de l'exploitation à Barnabé. Ce dernier le conduit à Bukavu, ex-Costermansville. Sur place, Thomas descend à l'hôtel Continental, où il retrouve Alex. Ce dernier lui donne des nouvelles de la situation politique, en particulier le retrait de l'Église dans les colonies qui rapatrie les pères qui étaient affectés dans les missions. Il évoque la volonté d'indépendance des congolais, en espérant que la transition se passera mieux qu'en Algérie. Comme Hortense avant lui, Alex pense que Rose attend le retour de Thomas Deschamps pour rendre son dernier soupir, Rose ayant élevé Thomas et son frères Charles après la mort de leurs parents.



À Liège, Thomas Deschamps se rend à l'hôpital de Bavière, où il se tient devant le lit de Rose qui est dans le coma depuis 3 jours. Dans sa chambre, se trouvent également Bernadette (la fille de Thomas et d'Assunta Lorca) et le père Joseph. L'accueil de Bernadette est particulièrement froid. Après être sorti de la chambre, Joseph met Thomas au courant des nouvelles des uns et des autres. Bernadette fait de brillantes études en droit. Thérèse et Firmin se sont séparés, et c'est elle qui dirige l'Hôtel des Roches, pendant qu'il traficote. Enfin Alice a divorcé. Trois jours plus tard, l'enterrement a lieu au cimetière de Robermont à Liège, en présence de Bernadette, Thérèse, Thomas Deschamps, le père Joseph et quelques autres. Le lendemain il discute avec Thérèse qui est en train de s'occuper des ruches et qui lui fait bien sentir son aigreur quant à son départ pour le Congo Belge. Ils sont interrompus par Bernadette qui arrive avec Julie. Début mai 1958, dans la proche banlieue de Paris, les gendarmes donnent l'assaut à un pavillon qui abrite une imprimerie clandestine pour un mouvement de résistants algériens. Trois jours plus tard, dans un café parisien proche de la station La Motte-Piquet-Grenelle, Bénédicte Lacombe rencontre un indépendantiste algérien.



Le cycle précédent avait couvert les années 1947 à 1951. Le lecteur retrouve donc les personnages avec quelques années de plus, pour la période 1958 & 1959. La première image occupe un tiers de la page, et elle rappelle immédiatement au lecteur la qualité de la narration visuelle, si tant est qu'il avait pu l'oublier. Il s'agit d'une prise de vue en hauteur qui offre la vision d'un magnifique paysage des rives cultivées du lac Kivu, dans le Congo Belge, maintenant la République Démocratique du Congo. Raives (Guy Servais) réalise toujours la mise en couleurs par le biais d'aquarelle aux riches nuances, avec une approche naturaliste. Comme dans chaque album, les couleurs habillent les surfaces détourées par les traits de contour, à la fois avec les nuances de couleur apportant texture et relief, à la fois pour les ambiances lumineuses. Les traits de contour sont un peu moins peaufinés que d'habitude, un peu plus lâches, par forcément jointifs, générant une impression plus immédiate, avec comme conséquence des visages moins agréables, des expressions plus sèches. Dans le même temps, la mise en couleurs apporte des informations visuelles significatives, comme une mise en couleurs directe.



Les images n'ont rien perdu de leur capacité d'évocation touristique. Cela commence avec les rives du lac Kivu, et cela va jusqu'à une vespasienne dans une rue du quatorzième arrondissement. Entre les deux, le lecteur aura pu admirer un magnifique coucher de soleil flamboyant sur le lac Kivu, la façade de brique de l'hôpital de Bavière à Liège, ainsi que ses hauts couloirs, des lignes de Tramway dans Liège (lorsque Joseph et Thomas marchent dans les rues), les champs en périphérie de l'Hôtel des Roches, le métro aérien à proximité de la station La Motte-Piquet-Grenelle, quelques pavillons de l'exposition universelle de 1958 à Bruxelles (y compris l'Atomium), la façade du Bon Marché dans le septième arrondissement, les façades de la place Saint Lambert à Liège, la terrasse du restaurant de l'Hôtel des Roches, etc. Comme tous les autres tomes de la série, celui-ci est à nouveau très riche en localisations diverses, représentées avec le souci de l'authenticité et du détail. Le lecteur peut lire d'une traite sans y prêter attention et absorber d'u coup d'œil la consistance des décors, ou il peut s'il le souhaite prendre le temps d'admirer ce qui lui est montré.



La qualité impressionnante des images (dessins + couleurs) participe à la solide consistance de la reconstitution historique. Le lecteur retrouve une poignée de pages avec des cellules de texte sur la largeur de la page évoquant les événements du jour, comme s'il s'agissait d'une annonce radiophonique. Il remarque également que plusieurs conversations entre personnages tournent autour de l'actualité, soit en donnant des informations, soit en commentant les événements et leurs conséquences directes sur la vie des protagonistes. L'évocation des faits historiques rentre dans le détail : la vague d'attentats ayant débuté le 25 août 1958, la révélation de la pratique de la torture sur des civils algériens avec le livre La question (1958) d'Henri Alleg, l'Exposition Universelle de 1958, les activités de la United Fruit Company (une multinationale de l'agroalimentaire) dans les républiques bananières, la deuxième rafle du Vélodrome d'Hiver en août 1958 (transformé en un centre de rétention de Français musulmans d'Algérie sur ordre du préfet de Police Maurice Papon), les émeutes de Léopoldville en janvier 1959, etc. Bien évidemment, les auteurs ne peuvent pas rendre compte de l'intégralité des événements internationaux dans une bande dessinée de 56 pages, mais il n'est pas possible de les taxer d'être superficiels. Comme pour les autres tomes de la série, celui-ci se termine avec une chronologie des 2 années concernées, une page pour 1958 et une page pour 1959.



Le lecteur revient également pour découvrir le destin des différents personnages qu'il a côtoyés depuis le début, qu'il a appris à connaître et auxquels il s'est attaché. Au fil des 4 premiers tomes, Éric Warnauts & Raives avaient développé une distribution assez importante, avec des personnages présents tout du long, et d'autres allant et venant, soit pour un tome, soit pour revenir à intervalles irréguliers. Thomas Deschamps et le père Joseph restent au centre du récit. Le lecteur constate que le visage de Thomas est souvent dur et fermé, alors que celui de Joseph peut être souriant ou grave. Il retrouve également Bernadette (la fille de Thomas), Alice Deschamps, Thérèse, Lucie Jalhay, Nina Reuber, Bénédicte Lacombe, etc. Au détour des conversations, il reçoit des nouvelles d'autres personnages qui restent hors champ comme Marie Louise ou Roy Air Gaines. Il y a peu de nouveaux personnages dans ce tome, avec l'exception d'Antoine Moreau, le jeune homme qui enlace Bernadette sur la couverture. En fonction de ses attentes, le lecteur peut éventuellement ressentir une légère frustration au vu du nombre de personnages qui n'ont pas tous le temps d'exister, leur vie étant souvent conditionnée par les bouleversements politiques. Dans le même temps, la narration visuelle leur donne une consistance qui contrebalance cette impression. Il y a bien sûr les attitudes, les gestes et les comportements qui donnent des indications sur l'état d'esprit des personnages, par exemple le père Joseph mettant au courant Thomas, avec des sous-entendus sur son opinion.



Raives & Warnauts donnent une leçon de sensibilité époustouflante en page 19, avec une page muette comprenant 10 cases : un repas en soirée, sur la terrasse de l'Hôtel des Roches, entre Thomas, Joseph, Thérèse et Alice. Le lecteur peut littéralement voir les flux d'émotions, la connivence retrouvée entre Julie et Thomas, le don d'observation du père Joseph. Les auteurs mettent en scène avec une finesse pénétrante le plaisir éprouvé à se retrouver entre amis de longue date. À plusieurs reprises, le lecteur ressent ainsi avec vivacité les émotions des personnages, lors de dialogue (l'irritation de Thomas voyant le pavillon congolais et sa reconstitution de pacotille), l'étrange sérénité de Franck Jerry malgré son travail d'intermédiaire officieux pour des intérêts discutables, la défiance de Bernadette vis-à-vis de son père quand il vient la récupérer au palais de justice de Liège, l'exaspération et la frustration de Thérèse face au comportement de Thomas, l'émotion indicible de Nina retrouvant Bénédicte. Ainsi même si le scénario privilégie le contexte historique, les dessins font exister les personnages. Ils montrent des adultes à la personnalité clairement définie, n'évoluant que peu, soit en se bonifiant (le père Joseph), soit en devenant aigri (Thérèse), soit en répétant les mêmes schémas (Thomas), soit en restant prisonnier d'un passé insatisfaisant (Alice). En face de cette génération, le lecteur observe la nouvelle en train de construire sa vie, en fonction de ses idéaux et de ses convictions. Il voit comment l'histoire personnelle de Bernadette configure ce qu'elle devient, comment elle agit en réaction à son enfance et à son adolescence. Entre ces 2 générations, il commence à avoir apparaître la répétition des situations dans la relation de Bénédicte et Nina. Il apparaît donc en creux une peinture du formatage des comportements humains par l'histoire personnelle.



Au fur et à mesure des séquences, le lecteur se rend compte que les auteurs ont un objectif encore plus ambitieux que celui de rendre compte d'une époque complexe et troublée. Ils évoquent le colonialisme, sous l'angle du début de la décolonisation. Il est question du retrait progressif de l'Église, ce qui a pour effet de délégitimer l'action des nations colonisatrices, et de légitimer les volontés d'indépendance. Même si elle n'est pas citée, le lecteur pense à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (10/12/1948) qui proclame le droit des peuples à décider de leur sort. Warnauts & Raives évoquent la différence de situation entre l'Algérie et le Congo Belge, et ils montrent l'engagement d'individus européens pour la cause de l'indépendance. C'est Bernadette qui donne corps à cet engagement, faisant écho à celui de celui de sa mère Assunta Lorca. En parallèle de ce retrait des blancs imposant leur culture, ils évoquent les obstacles qui se dressent pour les couples mixtes, avec l'échec de celui de Roy Air Gaines et de Lucie Jalhay, et ceux qui s'annoncent pour le couple de Bernadette Deschamps et Antoine Moreau. Ils montrent aussi la façon dont les occidentaux rabaissent la culture africaine au rang de divertissement condescendant à l'occasion de l'Exposition Universelle.



Parmi les autres thèmes développés, le lecteur prend conscience que les auteurs favorisent l'Histoire de la France qui occupe plus de place que celle de la Belgique. Les événements choisis pour figurer dans ce tome peignent une image flatteuse du général De Gaulle, en homme avisé et progressiste, alors même qu'il n'est fait référence au roi Baudoin qu'en termes négatifs. Le thème de l'engagement est également développé sous un autre angle : celui de l'indépendance des hommes. Lorsqu'elle s'occupe des ruches, Thérèse explique à Thomas que les bourdons sont de retour comme à chaque printemps, et qu'ils ne sont bons qu'à féconder la reine, puis à s'en aller. Il y a là un jugement de valeur acrimonieux sur les individus qui font passer leur vocation avant leur vie de famille, ou leurs responsabilités envers leurs proches. Les auteurs montrent le prix à payer pour une vie plus libre pour ceux qui restent. Thomas Deschamps n'en devient que plus humain avec ses défauts, toujours incapable d'aimer une femme autrement que physiquement. Son portrait est encore plus terni par sa relation avec sa fille pour laquelle il n'éprouve aucun amour paternel et qu'il a abandonnée au bon soin de Rose, Thérèse et Joseph, lorsqu'il a décidé de retourner en Afrique. La sensibilité des auteurs va jusqu'à montrer que Bernadette se demande comment être à la hauteur des attentes de son père, comment se montrer digne à ses yeux, alors même qu'elle sait qu'il est incapable de lui montrer un début d'affection.



Ce cinquième tome de la série s'avère tout aussi extraordinaire que les précédents. Les auteurs comblent les attentes du lecteur que ce soit pour l'élégance de la narration visuelle, aussi bien la beauté des images que la mise en scène et la photographie, pour la suite de la vie des principaux personnages, et pour la reconstitution historique. Du fait du degré de complexité grandissant de cette dernière, ils doivent donner plus d'informations sur les principaux événements. Néanmoins, les personnages continuent à exister grâce à une direction d'acteur impeccable et expressive. Les auteurs continuent de mettre en scène des thèmes complexes, aussi bien historique (la décolonisation) qu'affectif (la relation entre Bernadette et Thomas, entre Thomas et les femmes en général) qu'existentiel (comme l'engagement pour une cause ou l'envie pour une forme de vie différente). Cette série continue d'être exceptionnelle par ses dessins, sa narration, son ambition, sa sensibilité nuancée.
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Après-guerre, tome 1 : L'espoir

Ce tome fait suite au diptyque Les temps nouveaux, tome 1 : Le retour (2011) & Les Temps Nouveaux, tome 2 : Entre chien et loup (2012). Il est initialement paru en 2013, réalisé par la même équipe créatrice : le scénario est écrit par Éric Warnauts, les couleurs sont réalisées par Guy Servais (surnommé Raives), et les dessins sont le fruit d'une collaboration entre ces 2 créateurs. Rétrospectivement, les auteurs ont intégré une de leurs BD précédents entre ce tome et le diptyque Les temps nouveaux : L'innocente (1991) qui retrace l'histoire de Nina Reuber, une adolescente allemande pendant la seconde guerre mondiale. Raives & Warnauts ont collaboré sur de nombreux albums et sur plusieurs séries comme L'Orfèvre, Les suites vénitiennes.



Ce tome commence en septembre 1947 dans la zone Est de Berlin. Des voyageurs descendent tranquillement d'un train et tendent leurs papiers aux soldats russes présents dans la gare pour les contrôles d'identité. L'un d'entre eux descend subrepticement sur les voies et essaye de filer discrètement pour passer dans le quartier anglais. Il se fait abattre par un garde alors qu'il franchit la porte de Brandebourg. Comme il s'est écroulé du côté anglais, un soldat britannique récupère l'enveloppe qu'il portait sur lui et qui contient entre autres la fiche de prisonnière d'Assunta Lorca. Au village de La Goffe, en Ardenne belge, Thomas Deschamps s'apprête à partir pour Liège, accompagné par Firmin. Ils se font tancer par Thérèse qui n'apprécie pas trop qu'ils picolent trop et qu'ils courent la gueuse lors de ces virées. Thomas part sans dire au revoir à sa fille Bernadette.



Arès avoir fait des affaires, Thomas Deschamps laisse Firmin se rendre au bar de la mère Malchaire, pour aller traiter d'autres dossiers dans un restaurant tenu par Marthe, où l'attend Jerry, un gradé américain. Ils évoquent le petit trafic d'imports qu'ils ont mis sur pied, en se servant de la logistique militaire, où tout le monde y trouve son compte. Pendant ce temps-là à La Goffe, Thérèse et Marie-Louise (l'amante de Thomas) font le constat de leur piètre situation amoureuse. Le lendemain, en commençant à préparer les repas du midi, Rose explique aux 2 femmes qu'il y a un avant et un après mariage dans le comportement des hommes. Le curé Joseph arrive, demandant à Thomas de le suivre pour parler. Il lui reproche de coucher avec une gamine de vingt ans sans avoir d'avenir à lui offrir, de ne pas s'occuper de sa fille Bernadette, et participer au marché noir. Thomas lui explique qu'il a besoin de fonds pour pouvoir financer l'évasion d'Assunta Lorca du camp d'internement dans lequel les russes l'ont reléguée.



Le lecteur était resté sur un excellent souvenir de la première saison dans laquelle les auteurs avaient su évoquer une époque troublée, avec des personnages attachants de par leur conviction, et une bonne densité d'évocation des faits historiques. Il revient donc pour la suite, avec le même horizon d'attente, et l'envie de savoir ce qu'il est arrivé à Assunta Lorca, jeune femme espagnole ayant fui l'avancée des troupes franquistes en compagnie d'éléments des brigades internationales en déroute. Le récit s'ouvre avec une séquence épatante muette de 2 pages montrant la tentative de passage à Berlin Ouest d'un agent non identifié. En 18 cases (10 pour la page 5 et 8 pour la page 6), uniquement par les dessins, Raives et Warnauts indiquent où se situe l'action, montrent les passagers descendre du train et se faire contrôler, suivent le fuyard au travers des quartiers détruits, décrivent le garde en faction tirer sur cette silhouette suspecte, juste sous la porte de Brandebourg. En 2 pages, ils ont montré leur savoir-faire en termes de narration visuelle impeccable, sans oublier la mise en couleurs à base de teintes sombres délavées attestant de la pluie tombante.



Comme dans les 2 premiers tomes (et l'ensemble de leurs collaborations), les 2 artistes se complètent sans solution de continuité et emmènent le lecteur pour qu'il soit le spectateur privilégié d'actions, ou le flâneur profitant de superbes paysages. Dans la première catégorie, il est possible de citer plusieurs séquences. Cette étonnante progression dans des bâtiments en ruine (pages 26 à 27) quand Nina Reuber emmène Lucie Jalhay vers un appartement de berlinoises qui pourront l'aider : le lecteur les suit dans les immeubles éventrés par les bombardements où se trouvent encore des objets personnels d'occupants disparus. Il ressent tout le plaisir innocent de Thomas et du père Joseph quand ils provoquent une bataille de boules de neige dans la campagne belge, en page 30, avec l'éclairage si particulier de la lumière réverbérée. Plus encore que ces scènes d'action, le lecteur se délecte de pouvoir se projeter dans les différents environnements, que ce soit en extérieur, ou en intérieur.



Après l'évocation de Berlin en ruine, le lecteur apprécie de retrouver le village de La Goffe inchangé, avec ses arbres commençant à bourgeonner, et des dessins épatants, combinant des traits de contour un peu plus lâches, avec une mise en couleurs toujours aussi aérienne et précise. En pages 16 & 17, il peut à nouveau marcher un peu dans les bois avec Thomas & Joseph comme dans le tome précédent, puis admirer la lumière mordorée illuminant les sous-bois, alors que le soleil commence à décliner en fin d'après-midi. Après la bataille de boules de neige, il respire le grand air froid lors d'une promenade bucolique dans la neige, accompagnant Thomas Deschamps et Lucie Jalhay, observant leur pull chaud d'hiver, le blanc manteau qui recouvre les champs, la condensation générée par leur respiration, la fumée de leur cigarette, la neige et le givre sur les arbres. Il est tout autant charmé par ce même endroit sous le soleil d'été en fin de volume avec le vol d'un rapace, la richesse du potager dans lequel travaille Rose, en train de discuter avec Alice Deschamps, la femme de Charles, le frère décédé de Thomas.



Raives & Warnauts sont aussi convaincants lorsqu'ils représentent des paysages urbains comme Berlin en ruine, les avenues de Liège avec le tramway, une promenade de 3 pages (23 à 25) dans les rues de Bruxelles avec des bâtiments aux façades reconnaissables, l'Île de la Cité à Paris, la Gare du Nord, les quais avec vue sur Notre Dame de Paris, ou encore, dans un tout autre registre le tarmac de l'aéroport de Berlin Tempelhof. Le lecteur est en admiration devant la qualité touristique des images, l'ambiance lumineuse, ces dessins qui combinent miraculeusement légèreté et précision. Les artistes dépeignent avec la même maestria les intérieurs, que ce soit les cuisines de l'hôtel des Roches à La Goffe, le restaurant de Marthe à Liège avec sa décoration spécifique, le bar Regina à Berlin où se croisent soldats américains et jeunes femmes au son d'un orchestre de jazz, l'église du père Joseph avec ses bancs, sa chaire, son autel et ses boiseries, un petit café parisien en entresol rue des Canettes du côté de Saint Sulpice, ou encore le bureau froid et fonctionnel du colonel Marchak, dirigeant du camp de Karaganda, dans la République du Kazakhstan en URSS. Rien que pour ça, ce tome mérite le temps de lecture à lui consacrer, et récompense le lecteur bien au-delà de son investissement, avec des lieux laissant des impressions durables.



Le lecteur retrouve avec plaisir les personnages du premier tome, et n'a aucun de mal à les reconnaître grâce au casting compétent des artistes. En les observant, il voit des adultes se conduire en adulte, des émotions complexes passer sur leur visage, aussi bien l'amertume éprouvée face à la situation, qu'une colère larvée du fait de l'impuissance, ou une combativité inextinguible. Bien évidemment, Raives & Warnauts soignent les tenues des femmes comme des hommes, avec le souci de l'authenticité historique. Au fil des discussions et des actions, il apparaît que chaque personnage dispose de motivations spécifiques pour agir, engendrées par son histoire personnelle et ses convictions. Personne n'est interchangeable, et chacun se comporte en fonction de son milieu et des événements. La personnalité de Thomas Deschamps mêle les aspects positifs et négatifs, sa volonté de sauver Assunta Lorca à tout prix, mais aussi son incapacité à s'occuper de sa propre fille, son incapacité à aimer les femmes autrement que physiquement. Lucie Jalhay ne parvient à surmonter le traumatisme de la mort de son amant américain. L'amertume qui règne entre les femmes de l'hôtel des Roches remonte à la surface à deux reprises. Chaque personnage est marqué par la guerre, par ce qu'il a subi, par la perte d'êtres chers ou de simples connaissances, par l'Histoire hors de contrôle qui broie les individus.



Dans ce tome, le lecteur (re)découvre le parcours de Nina Reuber, personnage principal de L'innocente. Elle aussi a été ballotée par l'Histoire, une jeune adolescente allemande se retrouvant à porter une partie du poids de la culpabilité de sa nation, alors que les circonstances ont fait qu'elle ne s'est rendue coupable de rien, même sans s'en rendre compte. Éric Warnauts entremêle avec dextérité les trajectoires de vie des individus, et les événements historiques. Le lecteur peut déceler de ci de là quelques aménagements romanesques pour densifier l'intrigue : le passé rebelle d'Assunta Lorca, la ressemblance bien opportune entre Bénédicte Lacombe et Assunta. D'un autre côté, ces 2 choix un peu voyants permettent d'aborder l'après-guerre à une échelle internationale, et pas seulement belge. Comme dans la première saison, le scénariste se montre très ambitieux dans son évocation de l'époque. Il y est question de l'occupation de Berlin, du rationnement en Allemagne et en Belgique, des camps de Breendonk et Auschwitz, mais aussi de ceux en URSS, du plan Marshal, du viol des femmes lors de la libération de Berlin, du communisme en France avec la mention de Louis Aragon (1897-1982) & Elsa Triolet (1896-1970), du blocus de Berlin et du pont aérien des américains, de l'instrumentalisation des prisonniers de guerre… Il est également fait quelques références culturelles, à Henry Miller (1891-1980), au club de jazz en Europe, et même au premier album de Tintin Tintin au Congo, avec un dessin d'enfant réalisé par Bernadette (la fille de Thomas) qui lui a donné une peau noire.



Le lecteur s'immerge donc dans un récit à l'opposé de la décompression narrative, mais qui sait rester élégant et léger. Au fil de cette reconstitution historique soignée, le lecteur en vient à se demander quel point de vue ont adopté les auteurs. Le point de vue le plus évident est de raconter l'histoire au niveau de l'individu, comme un fléau qui détruit les vies humaines, faisant des morts par million, et laissant les vivants dans un état de traumatisme, devant soit se résigner, soit accepter s'ils en ont la force, soit continuer à vivre mécaniquement dans une vie dépourvue de sens. Le second point de vue est celui de la diversité géographique et politique. Bien sûr le régime nazi est montré comme le mal, ainsi que les horreurs commises dans les camps de travail. Mais le récit évoque aussi le comportement barbare d'une partie des libérateurs vis-à-vis des femmes. Éric Warnauts évoque la situation de la Belgique libérée et les tenants de différents courants politiques, avec leurs engagements pendant la montée du nazisme, celle de la France de manière moins détaillée, celle de Berlin et des berlinois pendant la reconstruction et le blocus. L'intégration de Nina Reuber permet également de faire référence aux procès de Nuremberg, auxquels elle a assisté pour partie en tant que secrétaire de la journaliste Bénédicte Lacombe. N'ayant pas souhaité surcharger le récit en lui-même, les auteurs ont ajouté en fin de volume 2 pages de références chronologiques, l'une pour l'année 1947, l'autre pour l'année 1948. Ils réussissent également à continuer de mettre en scène le rôle du curé dans le village de La Goffe, ou l'omniprésence des trafics générés par le marché noir.



Cette première moitié de deuxième saison est extraordinaire en tous points : évocation d'une période historique complexe et difficile, personnages complexes et attachants malgré leurs défauts et leurs souffrances, environnements complexes et tangibles, que ce soit en extérieur en milieu naturel ou urbain, ou en intérieur. Éric Warnauts et Guy Servais emmènent le lecteur dans une tragédie qui ménage une place à l'espoir, avec un point de vue humain et réaliste.
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Les Suites vénitiennes, tome 4 : La nuit de G..

Ce tome est une vraie déception. Plat, inintéressant, avec des personnages qui ont perdu leur âme.Mais surtout, en déplaçant l'histoire en Afrique, on n'y trouve plus le véritable atout des 3 premiers tomes : le secret qu’apportait la sérénissime.
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Les Temps Nouveaux, tome 2 : Entre chien et..

Nous sommes en 1944, la Belgique vient d’être libérée par les américains et les masques tombent.

Joseph, le curé, était également résistant et a été torturé mais il n’a pas pour autant perdu la foi : "Le Dieu que je sers n’est pas un tyran. Il n’impose rien. Le Christ propose à l’homme une alliance qui libère. A ce dernier de choisir. Etre proche ou éloigné de lui. Mais je t’accorde que j’aimerais parfois voir descendre du ciel un Dieu vengeur et en colère …" ; Alice, la femme de Charles, paie la collaboration de son mari en étant rasée : "C’est trop facile d’être désolé … l’humiliation, c’est moi qui l’ai subie. Et la honte, c’est moi qui la porte !", mais les apparences pour Charles mystérieusement disparu peuvent être trompeuses ; Thomas a fini par s’engager dans la résistance, mais la grande absente c’est Assunta, arrêtée et déportée.

"Les allemands battent en retraite, la victoire est maintenant assurée. Mais à quel prix …", le prix à payer est effectivement lourd, en pertes humaines mais également psychologiquement.

C’est une ère nouvelle qui commence et à ce titre, la dernière planche est intéressante et lourde de sens.



Si je qualifie d’originale cette série, c’est qu’elle s’attache à l’avant et à l’après guerre, un parti pris qui sort des sentiers battus.

Pour le milieu, la guerre, les auteurs ont laissé quelques pistes au lecteur, mais ils se sont plus intéressés à une étude des caractères des personnages qu’à la guerre en elle-même.

Ce deuxième volume est aussi documenté que le premier et contient également des repères historiques en fin de volume.

Si le dénouement n’est pas réellement surprenant, je ne saurais dire s’il est optimiste ou pessimiste, c’est même ce deuxième sentiment qui l’emporte.

Comme précédemment, la répartition des rôles entre Eric Warnauts et Guy Raives diffère du schéma traditionnel mais cela ne se ressent pas à la lecture.

Les couleurs sont toujours choisies avec justesse et adaptées aux situations, je me suis également adaptée au coup de crayon auquel je reprochais parfois un peu de dureté dans les traits de visage.



"Les temps nouveaux" est une bande dessinée originale dans sa conception et qui permet de découvrir la Seconde Guerre Mondiale d’une façon inhabituelle mais loin d’être inintéressante ; une belle pioche qui m’a donné envie de découvrir l’univers de ces deux auteurs.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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