AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Erwan Larher (99)


Tu persistes à penser que notre vraie inclination est de nous entraider, de nous entraimer. Quand on nous met en concurrence pour des emplois, des notes, des chronos, des partenaires sexuels, nous intériorisons la lutte, l’autre devient un adversaire ; quand on instille la peur et la méfiance, l’autre devient un ennemi.
Commenter  J’apprécie          10
Un héros aurait surmonté le ridicule de la situation et, malgré la douleur, se serait redressé pour, d’une voix rauque altérée par une souffrance maîtrisée, « envoyer ces enfants de salauds en enfer ! » Super Lavette gît dans son sang et celui de ses voisins, ne peut pas bouger, feint d’être mort. Super Lavette ne cache personne, ne protège personne, n’aide personne à s’enfuir. Super Lavette ne panse aucun blessé, ne comprime aucune artère, ne cautérise aucune plaie. Super Lavette n’est pas habitué au vacarme effrayant des armes de guerre.
Au VACARME EFFRAYANT d’une rafale de kalachnikov.
La guerre. Chez nous. Pas les images dans les écrans, pas ce que ton cerveau a reconstitué entre les lignes du Sang noir, du Voyage au bout de la nuit ou des Bienveillantes. Pas la compassion fugace entre une clope et un coup de fil après avoir entendu à la radio que les combats font rage ici ou là. Dans notre calme démocratico-républicain, dans notre ouate de privilégiés : la barbarie, la peur et les hurlements.
Les HURLEMENTS.
Pas stylisés, pas tarantinesques.
Le sang poisse vraiment.
La mort sent vraiment.
Les détonations pas en Dolby Surround® déchiquètent projets d’avenir et bien-pensance.
Commenter  J’apprécie          40
Après l’effroi et l’angoisse, c’est maintenant la colère qui me domine. Colère contre ces barbares – qu’est-ce qu’ils croient ? -, colère contre ma patrie incapable de protéger sa jeunesse – alors voilà, on peut débarquer à Paris avec des kalachnikovs et ouvrir le feu au hasard, ou pas forcément au hasard mais sur n’importe qui – et Dieu est dans n’importe qui -, colère contre Erwan qui sort sans téléphone portable – comme si ça pouvait changer quelque chose à ce moment-là -, et colère à nouveau contre Erwan parce que je suis certain que, quand il va sortir de cet enfer, il ne va même pas leur en vouloir, il va continuer à regarder le monde avec sa tête de cyber ludion au charme en bandoulière – et c’est tant mieux.
Commenter  J’apprécie          30
Est-ce un impératif, que « ça sorte » ? Peut-être n’y a-t-il rien à l’intérieur, rien à sortir. Tu peux écrire cette histoire comme une dramatique ; tu as la technique pour le faire. Il te serait facile de verser dans la tragédie, de laisser les mots s’enfler de larmes. Tu ne le feras pas. Tu prémédites de rédiger au pathos un chapitre pastiche, faisant fi de toute pudeur, foin de retenue, pleurs dans les chaumières, pour t’amuser et amuser le lecteur, lui montrer à quoi il a échappé. Tu ne le feras pas.
Un objet littéraire, la bonne blague !
Point positif, te dis-tu quand tu désespères, écrire autour du Bataclan t’oblige à sortir de tes ornières littéraires. Pour t’extraire de toi, désorienter tes questions, leurrer tes doutes, tu as demandé à d’autres de te donner un texte. Quelques très proches et moins proches. Regards extérieurs. Points de vue autres que le tien. Beaucoup ont accepté.
Commenter  J’apprécie          40
Tu restes cloîtré des semaines dans ta géhenne, qui deviennent des mois. Les regards apitoyés et compatissants ta ramènent, agaçant ressac, à ton statut de vedette, de curiosité, de symbole, rayer les mentions inutiles. Pas une victime comme les autres dans un monde qui s’y entend pourtant à les engendrer en s’arrosant de pesticides, se goinfrant d’additifs, se saupoudrant de particules fines, harcelant ses femmes et ses salariés avant de les faire crever sur la route ou se pendre ; pas une victime comme les autres, non, un survivant des attentats les plus meurtriers perpétrés en France depuis soixante-dix ans. En te blessant, ils ont blessé chacun d’entre nous. Les réactions à ton égard vont bien au-delà de la solidarité : tu es une partie du corps social assailli. Ceux qui te soignent, te croisent, te soutiennent, t’aident ont été attaqués en même temps que toi. Tu es le paradigme d’une civilisation défiée, de la liberté agressée. Tu n’as compris cette identification que très tard, même si depuis ce 13 novembre 2015, sans cesse on te demande (« puisque vous êtes écrivain ») si tu vas écrire dessus.
Non. Tu vas écrire autour.
Commenter  J’apprécie          30
Tu pénètres dans la salle. Sensations familières, plénitude immédiate : un concert de rock. Tu ne les comptes plus mais à chaque fois le même enchantement, la même excitation, allez, vas-y, tu peux bien avouer maintenant que si tu devais avoir un regret, ce serait de ne pas être devenu une rock star.
Tu souris.
À partir de là, ce n’est plus ton histoire. Plus seulement ton histoire.
À partir de là, ce n’est plus seulement ton histoire, c’est aussi la nôtre.
À partir de là, guerre, chaos, gros titres racoleurs et alarmistes – on veut tout savoir, racontez-nous, n’omettez aucun détail.
À partir de là, récupération politique. Mentons volontaires, regards noirs face caméra, déclarations martiales. On va voir ce qu’on va voir. Choisissez votre camp. Aux armes, citoyens !
À partir de là, génération ceci et cela, des philosophes internationalistes redeviennent français, d’autres retrouvent la foi, ou la voix, « Je vous l’avais bien dit », on occupe des créneaux, on pense en double file, sans les warnings.
À partir de là, un avant et un après.
À partir de là, j’omets, je falsifie, je mens peut-être, les pronoms n’ont plus rien de personnel. Il faudra vous y faire.
À partir de la commence une histoire que je ne voulais pas raconter.
Commenter  J’apprécie          50
« Tu ne crois pas qu’il y a des problèmes un peu plus importants que ton cul ? s’agacerait-il. Je ne sais pas, tiens, au hasard, la guerre civile en Ukraine. » Son mec excelle à relativiser les angoisses des autres. Et ce n’est pas parce qu’on peut certainement en trouver, après quelques sommaires recherches, de plus importants que son cul plat n’est pas un problème.
Commenter  J’apprécie          00
La petite a raison : ils ont détourné les citoyens de la politique. Pas de manière méthodique, planifiée ni complotiste. Disons qu’ils ont laissé la jouissance individuelle devenir valeur suprême. Cela servait leurs intérêts – des intérêts que personne n’a envie de partager : l’argent et le pouvoir. On est bien là-haut. La table est bonne. Alors on oublie ce qui se joue au pied de l’Olympe, pour peu qu’on l’ait jamais su. Et on verrouille les accès.
Commenter  J’apprécie          00
Marguerite n’aime pas ses fesses.
Elle fronce les sourcils. Ce que le français peut être imprécis, parfois ! Ces fesses que Marguerite n’aime pas pourraient êtres celles de n’importe qui. Si elle écrivait un roman, ce qui ne risque pas d’arriver (elle écrit mal et n’a rien d’intéressant à dire), il ne débuterait pas ainsi. Cette phrase-seuil sème la confusion. Elle choisirait plutôt un incipit in media res – croit-elle se souvenir, ses cours de construction narrative écaillés par l’inusage. Et puis le français n’incite-t-il pas au coulis narcissique de la première personne du singulier ? Je n’aime pas mes fesses, voilà qui est clair.
Marguerite n’aime pas ses propres fesses.
Bof… Outre d’étirer l’affirmation de penta- à heptasyllabes, et d’alourdir le propos, la phrase filigrane un « au contraire », une comparaison, esquisse des fesses que, par opposition aux siennes, Marguerite aimerait (celles de Jonas ?). Ou donne une nuance outrée à l’assertion : non mais tu te rends compte, elle n’aime même pas ses propres fesses !
Elle pouffe devant son reflet d’héroïne liminaire dans la psyché de la salle de bains, s’étonne du succès de son roman, commence à répondre à des interviews sur ses fesses – désormais, chacun sait que Marguerite Santa Lucia n’aime pas ses fesses. Les siennes. Ses fesses à elle. Son cul trop plat qui sépare à peine les cuisses du bas du dos. Un journaliste l’interroge : Et les fesses de Jonas, les aimez-vous ? Jonas, son mec depuis dix ans, est de taille moyenne, approche les trente-cinq ans (il s’en angoisse), perd ses cheveux (il s’en angoisse), dort en ce moment même, tandis qu’elle crème sa peau trop sèche, dans la chambre (ils vivent ensemble). Aime-t-elle les fesses de Jonas ? Elle n’en sait rien. C’est la première fois qu’elle se pose cette question. À cause du début hypothétique d’un roman qu’elle n’écrire jamais (elle est trop nulle).
Commenter  J’apprécie          10
Tout le monde est capitaliste, non? C'est comme le McDo: même ceux qui critiquent y mangent.
Commenter  J’apprécie          40
Elle a remis les pieds dans une librairie, aujourd'hui. En consultant les quatrièmes de couverture lui est revenu qu'elle n'avait pas seulement diminué son rythme de lecture à cause de la télévision, mais parce qu'elle trouvait de plus en plus difficile de creuser sous le permafrost des romans médiatisés pour dénicher son content. Son manque de confiance en elle l'avait poussée à conclure qu'elle n'était pas normale, qu'elle attendait trop de chaque livre, qu'elle devrait baisser son niveau d'exigence et tenter de trouver son plaisir dans les romans qui emballaient les prescripteurs — souvent, un peu de virtuosité dans le rendu des émotions leur suffisait. A contrario, de petites principautés défendaient avec virulence la Littérature, majuscule de rigueur, et encensaient des textes abscons, expérimentaux, conceptuels, pas sa tasse de thé non plus. Face aux étals de nouveautés, tout à l'heure, elle a suffoqué.
Commenter  J’apprécie          20
Tu m'as appris à me regarder de l'extérieur
Commenter  J’apprécie          10
Comment c'est possible une douleur pareille , comment c'est possible , c'est pas humain , bon sang , pas humain .
Commenter  J’apprécie          10
Un gars amusant qui joue au coin des rues , au carrefour de l'indifférence et du mépris
Commenter  J’apprécie          10
Pourtant on ne se fait jamais seul , on se fait souvent contre
Commenter  J’apprécie          20
Tu sais , je voudrais dire des choses sur notre vie de tous les jours , je cherche à comprendre à expliquer . Mais il n'y avait rien d'extraordinaire rien de particulier , sauf toi .
Commenter  J’apprécie          10
Moi dont le plus haut fait du rébellion contre l'ordre établi consistait à traverser parfois alors que le petit bonhomme était rouge ( mais toujours dans les clous )
Commenter  J’apprécie          10
Tu semblais te suffire à toi même , tout en vie intérieure
Commenter  J’apprécie          20
Ce n'est pas parce que les gens geignent qu'ils veulent que les choses changent - et encore moins faire changer les choses, l'humain est paresseux. Combien se plaignent de leur conjoint mais restent en couple? Combien se plaignent de leur patron mais ne démissionnent pas? La démocratie t'aperçois-tu, c'est la liberté de rouscailler.
Commenter  J’apprécie          40
C'est drôle, quasiment tous les écrivains de votre temps qui ont imaginé le futur l'ont peuplé de robots, de navettes spatiales, de technologie pour tous. Comment n'ont-ils pu anticiper que la goinfrerie consumériste de vos contemporains, qui ont vénéré la croissance jusqu'à en exploser, épuiserait en quelques décennies les réserves de métaux que pourtant ils qualifiaient déjà de rares?
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Erwan Larher (562)Voir plus

Quiz Voir plus

Qui suis-je ? (10) [Cinéma] 🎬

Sur un visage, je regarde d'abord les ... ? 💋

yeux
rides
oreilles
lèvres

9 questions
33 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinéma français , scénariste , films , metteur en scène , télévisionCréer un quiz sur cet auteur

{* *}