Citations de Estelle Nollet (33)
La chance n'est qu'un putain de mot qui a été inventé pour remplacer le talent.
« Putain, comment j’ai fait pour naître ici ? On dirait que c’est un endroit qui n’existe pas. Pourtant, merde, c’est bien là que je vis. » (p. 10)
C'est dur de se dire que le temps qu'il nous en reste ou non, passe toujours de la même façon. L'horloge elle se fout bien de nos peurs, alors que sur son cadran on suit le tic-tac de nos angoisses et puis un jour il se fatigue.
J'ai toujours trouvé ça dingue de voir des files de gens devant les Apple Store attendre des heures ou des jours pour pouvoir acheter le dernier smartphone qui leur permettra de pianoter sur internet de l'exacte même façon que le précédent. J'ai toujours trouvé ça dingue de perdre son âme pour un bout de plastoc et de métaux rares qui polluent les rivières et le corps des enfants. Je me demande d'ailleurs quel genre d'âme c'était. Et comment le lavage de cerveau peut encore fonctionner. J'ai toujours trouvé ça dingue et puis je suis toujours passé à autre chose, dans la dinguerie à notre époque il y a le choix.
Elle se pencha pour l'embrasser, la voiture fit une petite embardée de tendresse.
Alors j'ai essayé de savoir si elle pouvait lire dans mes pensées,j'ai pensé bleu. Elle ne l'a pas su. Elle ne peut pas lire dans mes pensées. Pourtant on dirait qu'elle y habite.
« Ils se tenaient par la main les doigts tressés et tricotés, ils s’accrochaient l’un à l’autre mais c’était pour ne pas tomber, comme quand on fait dix nœuds à une corde trop usée qui un jour ou un autre, fatalement, irait lâcher. » (p. 99)
« En cet instant précis, il se dit qu’il suivrait jusqu’au bout du monde non la personne avec qui il aimerait vivre, mais celle auprès de qui ça ne le dérangerait pas de crever. » (p. 24)
On est la lie de l'humanité. Des fions dans le trou du cul du monde. Pas moyen de partir, et de toute manière l'envie que se carapate chaque jour un peu plus.
On ne vit pas, on attend. Et on n'attend rien. Et quand on sort en crabe comme si on n'avait plus qu'une patte, on traverse la route sans regarder en riant ivres morts et en se tapant dans le dos mais c'est pour se donner du courage, pour qu'on se revoie demain, et tous on espère qu'elle va passer, la bagnole. Celle qui n'aura pas le temps de freiner.
Mais il y a pas de bagnoles par ici. Des camions pour la décharge juste. Ils vont, ils viennent, et eux et leurs chauffeurs il partent très vite pour oublier encore plus vite. Parce que le reste du monde doit-être fait de gens bien. Et qu'il n'y a que les connards qui s'échouent ici. Ceux qui n'ont pas de bol. Ou ceux qui y sont nés.
Putain, comment j'ai fait pour naître ici ? On dirait que c'est un endroit qui n'existe pas. Pourtant, merde, c'est bien là que je vis.
Il suffit d'une pinte pour ne plus trouver les gueules des autres trop connues, l'endroit trop puant et le soir si pareil à celui d'avant.
Ça n'avait pas été dur non plus de quitter ses amis, elle voletait d'un groupe à l'autre avec la légèreté de ceux qui savent qu'il seront toujours admis, elle était à la fois drôle triste cynique forte fragile et savait à la perfection se couler dans le moule qu'il fallait, plâtre malléable ou bronze en fusion mais jamais marbre, un gros bernard-l'hermite qui rentrait dans toutes les coquilles.
Les alcooliques profitaient des permissions pour commander de la tise, les anorexiques se bâfraient aux repas et dégobillaient tout dans les toilettes ébréchées, les schizophrènes tapaient dans les fenêtres en se hurlant d’arrêter, les angoissés fumaient leur clope en appréhendant leur sortie, les obèses boulottaient des M&M’s au distributeur, pas un pour racheter l’autre, qu’ils sont cons, je les déteste. Des jeunes, des moins jeunes, et des vieux qui puent. Obligée de manger avec eux dans le réfectoire jaune pisse.
Manquait plus que lui, moitié humain, moitié neuneu, le fils de Martha et d'Horace. Un brave gamin qui passe son temps à creuser des trous avec tout ce qu'il trouve, bouts de bois, cuillères, et même ses ongles, ça il sait creuser, parfois plus d'un par jour, il est toujours quelque part à côté d'un trou, et quand il l'a fini, il reste assis à côté, ses grands bras dans ses manches trop courtes (...)
"T'as vu mon trou Villie?"
Il n'a jamais su bien prononcer mon nom.
« Je suis un type, juste un type », c’est ce qu’il gémissait tandis que son arcade sourcilière éclatait et qu’il se ratatinait, les genoux dans le menton, les mains sur l’aine et les paroles qui deviennent cris, qui deviennent pleurs.
En fait, je n'en sais rien : j'avais commencé une nouvelle, je me suis attachée aux personnages, j'avais envie de savoir comment cela allait finir. Comme je n'en avais aucune idée, je l'ai écrit.
A propos de On ne boit pas les rats-kangourous in Le Monde des Livres 27 août 2009
C'est la dernière fois que tu cherches à te barrer. Si je t'ai retrouvé dans ton enfer vert, je pourrai te retrouver même dans un nid de frelons. Et crois moi je me fous d'être piqué. » Bang se cala dans le siège et lui répondit d'un ton docte en agitant devant lui son index :
- C'est à tort qu'on croit que la piqure des frelons est la plus dangereuse parmi celles des hyménoptères.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Grogna John.
- Rien. » Qu'on ne se méfie que de ce qu'on croit possible, pensa-t-il tranquillement.
Un jour il vit neuf urnes vides au bord de la falaise alignées. Elles étaient calées avec de petites roches pour ne pas vaciller dans le vent. Alors il sur que Paulo avait sauté, Paulo qui n'avait jamais eu de famille ni rien ni personne et qui s'était inventé une vie juste avant de la perdre. Et Bang compris qu'il valait mieux remplir une existence avec quoi que ce soit plutôt que de la laisser vide. Je veux avoir une vie, et je ne veux pas être seul. Je veux avoir des souvenirs à deux, oui, je veux qu'on soit de nouveau deux.
Banguirossa quand il se couche le soir il ne s'étend pas sur le dos, serein et détendu, non, il se roule en boule, il se fait compact, comme si sa peau devenait carapace ou piquants, il devient hérisson. Et protégé du monde pour quelques courtes heures, dans sa tête toutes ces histoires des autres tourbillonnent et s'entrechoquent et se collent à celles de la veille et de l'avant-veille et à celles accumulées toutes ces années, sale phénomène d'accrétion à sa petite échelle humaine formant une monstrueuse planète de dégoût. [...] En cet instant précis il se dit qu'il suivrait jusqu'au bout du monde non pas la personne avec qui i, aimerait vivre, mais celle auprès de qui ça ne le dérangerait pas de crever.
- Tu plaisantes ?
- Vous me tutoyez ?
- Je tutoie les gens qui disent des conneries.
Il a soupiré. Elle s'est levée.
- Moi je vouvoie les gens que je ne vais pas revoir.
A regarder toujours la même chose on finit par s'attacher. On s'attache parce qu'on s'habitue. On s'habitue. Quand on n'a pas le choix.