EUGÉNIO de ANDRADE - Poeta português
“bien sûr, tu les désires, ces corps
où le temps n’a pas encore planté
ses cornes profondes — le désir n’est-il pas
l’ami le plus intime du soleil ?
Oui, tu les désires, comme si chacun
d’eux était le dernier, le dernier corps
que ton corps ait le pouvoir d’aimer.”
J'inventerai le jour où avec toi
et l'automne j'irai courir par les rues.
La lumière que nous foulons est si parfaite
qu'elle ne peut mourir, comme ne meurt
l'éclat du regard qui t'a vu te dévêtir.
CE QUI NE PEUT MOURIR
Dis-moi, redis-moi encore ce qui ne peut mourir:
la lumière, qui dans le sud est innocente
et grimpe aux troncs des pins;
le trot menu des matins de juin;
le bleu à pic du faucon;
les dunes, avec encore les traces
d'un autre été à porter aux lèvres.
Introduction au chant
Lève-toi en moi,
substance pure de mon chant.
Lumière terrestre, parfum.
Elève-toi, jasmin.
Lève-toi, et attise
la pierre et la chaux
les mains et l’âme.
Inonde, règne, enlumine.
Sois au moins oiseau,
printemps excessif.
Lève-toi en moi :
chante, délire, brûle.
Traduction libre: Creisifiction
Introdução ao canto
Ergue-te de mim,
substância pura do meu canto.
Luz terrestre, fragância.
Ergue-te, jasmim.
Ergue-te, e aquece
a cal e a pedra,
as mãos e a alma.
Inunda, reina, amanhece.
Ao menos tu sê ave,
primavera excessiva.
Ergue-te de mim:
canta, delira, arde.
in "Coração do dia" ("Coeur du jour"), 1958.
..
Il est urgent d'inventer le bonheur, de multiplier les baisers, les moissons .
Il est urgent de découvrir des roses, des rivières et de clairs matins ...
C'est un petit persan
bleu le chat de ce poème.
Comme n'importe quel autre, mon amour
pour cette âme ténue est maternel:
une caresse lèche son pelage
une autre met le soleil entre ses pattes
ou une fleur à la fenêtre.
Avec griffes, dents,et obstination
il fait une fête de ma vie.
Je veux dire, ce qui me reste d'elle.
Par un matin de juin je m'en irai pour la dernière fois.
Je m'en irai sans savoir où mène la route.
Ni la soif.
Même le plus friable
des mots
a des racines dans le soleil
comme le matin
des barques sur la mer.
Je ne sais si je t’écoute ou si seulement
la monotonie des grillons envahit la maison.
Un jour je serai moi-même ce chant,
le corps délivré, semblable
à la musique qui des cordes se détache.
L’air est mon élément, l’air.
J'ai aimé ces endroits
où le soleil
secrètement se laissait caresser.
Où étaient passées des lèvres
où les mains avaient couru innocentes,
Le silence brûle.
J'ai aimé comme on brise la pierre;
comme on se perd
dans l'insensible floraison de l'air.