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Citations de Fabrizio Gatti (27)


"L'un après l'autre, ils racontent qu'ils sont bloqués à Agadez depuis deux semaines. Leur esprit regorge encore de projets, de rêves, d'envies de liberté. Sauf qu'ils ne parviennent pas à quitter la ville de boue rouge, parce que la vie quotidienne a emprisonné leur corps. Le manque d'argent. La faim. La poussière. Le coût du billet de plus en plus inabordable. Voilà d'où proviennent les esclaves du XXIe siècle. (...) L'esprit veut s'en aller. Le corps reste stranded. Et lentement, jour après jour, la poussière s'empare de la vie d'une personne, elle encroûte ses cils et sourcils, elle lui sèche la gorge, avec son goût amer. Voilà leurs visages vus de près. La tragédie, c'est que jamais personne ne leur dira qu'ils sont en train d'accomplir un acte héroïque. Jamais personne ne reconnaîtra que leur geste est un geste définitif qui n'a d'égal que l'effort pour naître. S'ils parviennent vivants en Europe, on les qualifiera carrément de désespérés. Alors qu'ils font partie des rares personnes au monde qui, chargées d'espoir, ont encore le courage de mettre leur vie en jeu."
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Un bateau de pêche peut embarquer jusqu’à 350 personnes : 1500 euros par 350, ça fait 525 000 euros. En dollars, au change libyen, plus ou moins la même somme. Il faut déduire le prix de l’embarcation. Prévoir l’achat de quelques litres de fioul. Et bien sûr défalquer le pot-de-vin destiné aux fonctionnaires corrompus. En fin de compte la dépense ne devrait pas excéder 35 000 euros. Ce qui reste, c’est le bénéfice net : 490000 euros. Ce qui revient à dire que chaque euro investi dans le marché des nouveaux esclaves en rapporte 1 300. Un rendement de 1 300 pour cent. Sur chaque voyage.
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La politique internationale est faite de grands mensonges. La vérité se cache toujours sous le masque des version officielles.
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"Bilal se réveille en sueur. Il se redresse sur son lit. Il a vu le vrai fond de l'abîme. Cette lente spirale qu'il a commencé à descendre quand il a atterri à Dakar. Bilal découvre pour la première fois qu'il est terrorisé à l'idée de devenir cynique. De s'être accoutumé à la violence. De ne plus avoir les anti-corps nécessaires pour distinguer le paradis de l'enfer. Et si un jour je considérais tout ça comme normal ?"
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Inutile d’expliquer la valeur de la tolérance à quelqu’un qui est aveuglé par la certitude.
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La politique internationale est faite de grands mensonges. La vérité se cache toujours sous le masque des versions officielles.
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Toutes les plaques sont libyennes. La mafia nigériane est l’organisation internationale la plus puissante et ramifiée d’Afrique. S’il y a vraiment de la cocaine dans les caisses, c’est la confirmation qu’elle contrôle le transport mondial de l’or blanc. Grâce à la complicité des armées, des autorités et de la criminalité locale, le trajet est plus ou moins celui-ci : Colombie - Brésil - océan Atlantique - Nigeria - Niger - Libye - Europe - États Unis. Un tour du monde inventé pour contourner les opérations anti-drogue du gouvernement de Washington, ciblées depuis des années sur l’Amérique latine.
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p.259 « … Si je suis ici, c’est tout simplement parce que deux rectangles de carton de 12,5 cm sur 8,5 avec trente-deux pages au milieu m’y ont conduit. Notre vie est suspendue à des livrets de ce type. Nous ne les choisissons pas. Nous ne les achetons pas. Ils nous sont juste distribués au hasard. Telles les cartes d’un jeu de poker. Tout dépend de la roulette qui nous fait naître d’un côté ou de l’autre du monde. »
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"Il y a huit autres types du Darfour dans le camion avec nous. Ils devaient obtenir le droit d'asile. A cause de vous les Italiens, la Libye les a chassés. Ils savent pas où aller. Ils se sentent comme si le monde voulait plus d'eux. Mais le monde, c'est pas un camion, tu peux pas en descendre ! Maintenant, ils rentrent au Darfour. Ils vont voir ce qui est resté de leurs familles."
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D'après la carte, le premier village après le Falémé est Diboli. Mais sur cette rive, il n'y a pas d'argent pour imprimer les pancartes, ni pour construire les maisons ou asphalter les routes. Un essaim de baraques en bois et en boue entoure la place. Des commerçants dont les rayons sont vides tentent de vendre le peu qu'ils ont à des passants dont les poches sont vides. Les longs marchandages ne sont pas seulement le fruit d'une tradition des affaires., ils représentent aussi une façon inconsciente de préserver sa dignité. Le prix de départ, exorbitant, fait que les marchands se sentent plus riches et les clients moins pauvres. Du moins le temps de quelques échanges, car tant que dure la transaction, tous sont égaux. Riches ou pauvres. Peu importe que les pourparlers concernent un pied de salade ou un camion. La différence, c'est l'accord final qui le fait : l'achat ou bien le renoncement. Il faut s'armer d'une patience infinie pour acheter un paquet de biscuits ou une miche de pain, un melon ou deux poissons, ou toute autre chose, si grande ou petite fût-elle. Le temps ici n'est pas de l'argent. C'est une dimension qui appartient encore à l'humanité, et non aux montres. Ainsi, même pour sortir de Diboli, il faut attendre.
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Le monde des fantômes ne devrait jamais révéler ses secrets à l’inframonde de ceux qui ne se doutent de rien.
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Sans connaître le passé, vous ne pourriez pas décoder le présent.
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Mais toi, tu m’as pas répondu. Tu vis en Europe. Tu retourneras à ton confort, ta maison, ton travail. À ton pays complice de notre gouvernement. Et moi, dans cinq minutes, j’irai m’allonger sur l’as cartons du marché au poisson. Mais où c’est écrit que vos vies doivent être comme ça ? Moi, je devrais être en colère contre toi. Et puis je me dis : il a rien à voir avec tout ça. Mais alors, pourquoi ça devait m’arriver à moi ?
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Mais il n’y a rien au monde de plus doux et intense à la fois que le son d’une caravane dans le désert. Cette marche est le meilleur remède pour soulager un mois et demi d’efforts, de peur, de violence et de douleur. Les pas des dromadaires sont une respiration rythmique dans l’air immobile. Le contact de leurs pattes feutrées avec le sable produit un bruissement semblable au souffle imperceptible d’un vêtement de soie.
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Ces jeunes n’ont plus de maison. Ils ne savent pas où ils seront dans un mois. Ce qu’ils feront. Où ils habiteront dans un an. Mais ils ont tous un e-mail. La toile, le réseau, internet représentent pour eux la seule dimension stable. Le seul espace où ils peuvent avoir une adresse, laisser une trace exister. Ces jeunes qui ont fui l’impasse de leur terre natale sont les véritables habitants du village global. Sans Internet, personne, même les êtres chers, ne saurait plus rien de leur existence.
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Les émirs atterrissent à Niamey à bord de leurs avions privés. Ils voyagent en 4x4 blindés. Ils dorment dans des tentes climatisées. Et repartent béats à la fin des vacances. Le gouvernement du Niger leur accorde les autorisations parce qu’un état très pauvre est disposé à tout en échange de pétrodollars. Mais la pauvreté n’est pas belle à voir. C’est pourquoi les multinationales européennes et américaines du béton, toujours les mêmes, sont en train de faire construire un aéroport dans la région de Termit. Juste pour épargner aux riches chasseurs un déplacement pénible et inopportun par voie de terre.
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La longue histoire commence en 1998. Jusque-là, dans l'Europe libre, nul ne pouvait être emprisonné sans procès en présence d'un juge. Fût-il étranger. Et pour passer devant un juge, il fallait avoir commis un délit. Mais en 1998, la nouvelle Europe s'apprête à éliminer les frontières intérieures. C'est le premier pas concret vers la chute des barrières nationales. L'Union demande une garantie aux Etats-membres souhaitant faire partie du grand club : les immigrés clandestins doivent vraiment être expulsés. En Italie, et pas seulement, la police soutient que si l'on ne garde pas assez longtemps la personne à identifier, l'identification est incertaine. Et sans identité certaine, aucun pays n'accepterait le rapatriement. A Rome, la question est confiée à deux ministres du gouvernement progressiste en charge. Deux anciens communistes. Peut-être que c'est la raison pour laquelle les centres de détention qu'ils ont approuvés ressemblent beaucoup plus aux goulags de l'Union soviétique qu'aux bureaux administratifs d'un pays démocratique. Les trois premiers centres sont inaugurés en 1999. Le premier à Milan : une cage à ciel ouvert, cent dix pas de long sur quatre-vingt-dix de large, avec deux rangées de conteneurs pour dormir. Le second à Rome et le troisième à Trapani en Sicile. Ce dernier est si attentif aux principes de dignité entérinés par la Constitution, par la Convention européenne des droits de l'homme et par les normes de sécurité qu'il prend feu au bout de quelques mois. Le gouvernement, les ministres, les autorités ne cessent de répéter que les étrangers enfermés dans les centres demeurent des citoyens libres. Ce sont des hôtes et non des détenus. Parce que ce n'est pas un délit que ne pas posséder de papiers, ce n'est qu'une violation administrative.
Ce jour-là, les citoyens libres hôtes du centre de Trapani trouvent les grilles de leurs cages fermées à clef. L'incendie progresse. Les gardiens n'ouvrent pas. Six personnes meurent. Brûlées ou asphyxiées. On les qualifie de centres de séjour temporaire pour ne pas les confondre avec les prisons. Et à juste titre, car les détenus d'une prison ont plus de garanties de défense. Les immigrés morts à Trapani n'avaient pas d'avocats de confiance. Tel est le constat à la fin de l'enquête. Aucun coupable. L'affaire est portée à Bruxelles. Mais l'Union aussi s'en lave les mains. Les lois sur l'immigration relèvent des compétences nationales. Elles ne concernent pas l'Europe.
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L'un après l'autre, ils racontent qu'ils sont bloqués à Agadez depuis deux semaines. Leur esprit regorge encore de projets, de rêves, d'envie de liberté. Sauf qu'ils ne parviennent pas à quitter la ville de boue rouge, parce que la vie quotidienne a emprisonné leur corps. Le manque d'argent. La faim. La poussière. Le coût du billet de plus en plus inabordable. Voilà d'où proviennent les esclaves du XXIe siècle. Voilà comment Ousmane, Djimba et Safira voyagent, si jamais leur âme se réveille et leur donne le courage de partir. Mais il ne suffit pas de se mettre en route. Tout à coup, un jour quelconque, l'esprit et le corps se scindent. Comme Billy et ses quatre amis en ont fait l'expérience. L'esprit veut s'en aller. Le corps reste stranded. Et lentement, jour après jour, la poussière s'empare de la vie d'une personne, elle encroûte ses cils et sourcils, elle lui sèche la gorge, avec son goût amer. Voilà leurs visages vus de près. La tragédie, c'est que jamais personne ne leur dira qu'ils sont en train d'accomplir un acte héroïque. Jamais personne ne reconnaîtra que leur geste est un geste définitif que n'a d'égal que l'effort de naître. S'ils parviennent vivants en Europe, on les qualifiera carrément de désespérés. Alors qu'ils font partie des rares personnes au monde qui, chargées d'espoir, ont encore le courage de mettre leur vie en jeu.
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p.131 « L’Afrique est comme ça par la faute des gouvernements. De la corruption. Du pouvoir entre les mains de quelques-uns. Des divisions. Du fait qu’au lieu de t’apprendre à pêcher, les gouvernements corrompus te tendent les poissons qu’ils importent. »
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p.39 « Je me suis toujours demandé ce qui fait qu’une personne décide de partir. Quels sont… l’évènement, l’instant et le motif pour lesquels le raisonnement conclut qu’il ne reste aucune alternative… Le pont de bascule. Bouger ou succomber. Et ici succomber ne signifie pas nécessairement mourir. Il y a bien pire que mourir. Il y a pire que la mort : il y a une vie de privations. D’aumônes… Il y a les pleurs affamés des plus petits, tous les jours, toutes les nuits. Il y a l’image véhiculée par les voyageurs, les journaux, les journalistes des programmes internationaux de la BBC, qui révèle l’existence d’un monde riche et hors d’atteinte. Il y a l’échec personnel et intime face aux fiancées, aux épouses, aux pères. Et face à ses propres ambitions. »
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