Citations de Fanny Britt (114)
Normalement, j’ai le temps de lire environ treize pages entre l’école et la maison. Si Geneviève est dans l’autobus et que je l’entends ricaner avec les gars vers l’arrière, je tourne les pages mais je ne lis pas vraiment, je suis trop assourdie par mon cœur qui tambourine.
Pas d'univers parallèle ici, dans lequel ils se seraient mariés et auraient eu beaucoup d'enfants. Elle avait suivi un garçon à la plage et y avait passé trois nuits banales et réjouissantes qui changeraient sa vie parce que chaque journée nous change et nous atteint, et nous mène vers la fin, comme les mots couchés sur les pages d'un livre nous conduisent vers sa conclusion.
« Lorsque nous sommes confrontés à nos limites, le discours ambiant nous ordonne généralement de nous dépasser, d’aller au-delà de nos capacités. Toute épreuve n’est qu’un défi à relever. Il ne faut jamais s’arrêter. »
Il y aurait une douceur dans l'idée que sa maison continue à vivre à l'extérieur de soi, comme une extension, une promesse renouvelée, malgré les épreuves et les échecs, un sens donné tout à coup à la douleur.
… on a beau vouloir retrouver sa joie, on la retrouve mal quand on ne dort pas la nuit, c’est un détail, on n’en parle pas, mais le sommeil est une condition sine qua non du bien être, sauf que sans bien-être, on peine à trouver le sommeil et sans sommeil, on peine à trouver le bien-être, c’est ce qu’on appelle un cercle vicieux…
(Le Cheval d’août, p.69)
Qu'elle soit marquée par la privation, la solitude ou l'exaspération, la vie domestique est un miroir confrontant, qui que nous soyons.
Je ne savais pas que l'amour c'est comme une roche qui nous explose le cœur, qui fait mal autant qu'il fait vivre, et qu'il donne envie d fuir en même temps qu'il nous empêche de le faire.
Ce que je savais, c'est que la plupart du temps, ça finit mal.
Ce qui se passe dans ses yeux à ce moment-là,
Quelque chose comme un tremblement, ou une noyade,
Je crois qu'il faudrait que je devienne comme lui et que je boive beaucoup de bouteilles de vin pour arriver à l'oublier.
Si ce n'était de la toute petite fêlure à la fin de la phrase, si ce n'était de sa vaisselle qu'elle lave juste un peu trop longtemps ensuite, comme si le clapotis de l'eau mousseuse pouvait couvrir la houle dans son coeur, je croirais qu'elle ne l'a jamais dit.
— Papa, t'es sûr?
— Arrête de t'inquiéter comme ça, Louis. Tout est différent, maintenant.
Mon pleure pleure surtout au moment de nous quitter, et même s’il nous dit qu’il n’a pas peur, que tout ira bien, il est évident que c’est le contraire, qu’il a peur et que tout n’ira pas bien. Il n’aura pas droit aux visites, ça nuit au traitement, apparemment.
Truffe, qui lit sur le visage du monde sur le visage de notre mère, lui demande pourquoi elle est triste. Elle lui répond que c’est la faute aux allergies. Et enchaîne avec un exposé oral sur le pollen et le printemps.
Pas besoin d’un doctorat en aérospatiale pour savoir que si mon père pleure c’est surtout, d’abord, à cause du vin.
Je ne sais pas encore que je suis chez lui. J'aurai-peut-être dû le deviner. Y avait-il un indice dans cette assiette au fond de l'évier, le couteau posé sur l'assiette,le beurre et la confiture sur le couteau? Les cheveux de Francis s'emmenaient-ils sur le peigne dans la salle de bain ?
Il n'est pas de disposition plus triste que d'être triste quand personne d'autre ne l'est.
Nos peines, elles peuvent devenir notre force...
Mais ces versions de nous n’existent plus.
N’est-ce pas d’une éclatante évidence? Est-il encore possible que ce soit lui, mon amour torrentiel? Ses cheveux grisonnants mais surtout clairsemés- en fait, pas tant clairsemés que duveteux, une tragi-comédie qui arrive aux hommes vieillissants, les faisant ressembler pendant un temps à des canetons, inoffensifs comme de la barbe à papa- ses cheveux changés, en tout cas, et puis les vêtements, ceux-là mêmes qu’il aimait à l’époque, mais qui désormais lui donnent un air tristounet, ce Francis réel, en somme, que vient-il faire dans mes délires? N’est-il pas aussi ridicule que moi dans mon costume de matrone dépressive?
N’a-t-il pas, autant que moi, douloureusement honte?
Ne sommes-nous pas les tristes, tristes clowns d’un sketch éculé? (p. 205)
Ce qui est étrange, c’est que j’ai beaucoup parlé à Francis, dans ma tête, depuis quinze ans. Il a assisté à la résolution de plus d’un conflit intérieur. (p. 205)
Il [le renard] a le regard tellement doux que j'explose presque. Le même regard dans l'oeil d'un humain : je lui offre mon âme, garanti.
Attendre l'autobus sur la rue Sherbrooke aujourd'hui,
c'est comme attendre la mort.