La petite dernière, Fatima Daas
J'écris des histoires pour éviter de vivre la mienne.
Ma mère m'habille jusqu'à mes douze ans.
Elle me fait porter des robes à fleurs, des jupes patineuses, des ballerines, j'ai des serre-tête de différentes couleurs, en forme de couronnes.
Toutes les petites filles ne veulent pas être des princesses, maman.
Je déteste tout ce qui se rapporte au monde des filles tel que ma mère me le présente, mais je ne le conscientise pas encore.
Je suis en cours de sport la première fois que j’ai mes règles.
Je réalise que je suis une fille.
Je pleure.
Le soir, je dis à ma mère que je ne veux pas.
Elle m’explique que c’est naturel.
Je déteste la nature. (page 48)
À quatorze ans, je ne savais pas faire mon lit.
À vingt ans, je ne savais pas repasser une chemise.
À vingt-huit ans, je ne savais pas faire de pâtes au beurre.
Je n’aimais pas me retrouver dans la cuisine, sauf pour manger. (pages 8-9)
J'ai compris que partir ne signifie pas nécessairement rompre et abandonner.
Une allergologue me reproche un jour de ne pas être venue à une consultation en 1997.
J'ai deux minutes d'absence.
Je fais le calcul dans ma tête.
Je réponds que j'avais cinq ans à l'époque.
Le tabac, c'est le parfum de mon père.
Il fume à l'intérieur de l'appartement, ça ne l'inquiète pas pour mon asthme, il me porte sur ses genoux et tient sa clope de la main gauche.
Je suis bien accueillie par ma famille inconnue.
Mes tantes sont « tactiles ». Mes parents le sont moins. Ou pas du tout.
Je découvre les premiers câlins, les embrassades, les caresses, les compliments, les mots doux. (page 167)
- Tu sais quoi ? C’est pas grave, mama ! Aujourd’hui on peut tout être : violeur, tueur en étant musulman, sauf être un homme et en aimer un autre. D’entrée de jeu, on l’élimine, on le fait sortir de la religion. (page 138)
Fatima signifie « petite chamelle sevrée ». Sevrer, en arabe : fatm. (page 14).