Je veux seulement regarder l'horizon, la plaine, fixer mes yeux au loin, que les champs m'inondent, que le ciel me remplisse, pour ne plus penser, pour que ce qui a lieu en moi cesse d'exister en permanence.
La pampa est un paysage dur, exigeant, qui n'a rien de bucolique. La nuit noire. La terre dure. Le vent. Le vent. La chaleur du soleil sans une ombre. Sans refuge. La grandeur, les chardons, des années de chardons. Le sel sur la terre sèche des rives. Le sel sur le visage. La saleté constante, l'inconfort du corps, l'eau gelée en hiver, la poussière en été, l'inondation, les roches, la sécheresse, le scarabée, les criquets, les orages qui frappent, l'eau qui se fait attendre. La plaine est dure, la campagne cruelle, elle ne console pas nécessairement.
Terre sur la peau, terre dans les cheveux, poussière dans les oreilles, sur les lèvres, sur les dents. La morve qui devient dure, noire. Le plant de maïs. Les feuilles du maïs, rêches, coupantes, rugueuses comme du papier de verre. Les picotements des herbes sur le dos, sur les bras, sur la nuque, quand on se laisse tomber dans le pré desséché. Bouche sèche, yeux secs, peau sèche. Taies. Les mouches harcelantes qui se posent sans cesse sur la peau, et insistent. Les moustiques, les taons. La nature requiert des efforts.