Flavie Flament

Elle roule du cul. Elle ne le fait pas exprès, Poupette. Elle marche comme ça, elle chaloupe. Et elle a un joli petit cul, tout musclé, comme deux pommes prêtes à être croquées, qui luisent sous le soleil à chacun de ses pas. Elle sent ses longs cheveux blonds qui se balancent et caressent de leur pointe la naissance de ses reins que laisse découvrir son marcel savamment noué au dessus de son nombril.

La proposition du photographe de faire des « essais » avec « ces deux jeunes filles » a illuminé les vacances qui commençaient déjà très bien.
Depuis, on ne parle que de ça ! Il faut dire que tout le monde le connaît, au-delà du Cap-d’Agde, et même au-delà de la France, car il est très célèbre, paraît-il, dans le monde entier.

Alors qu’elle goûte avec délices à la folie des nuits portuaires du Languedoc-Roussillon, happée par ce monde qui grouille et qui virevolte, elle ne le voit pas. Là, juste derrière elle, dans un coin de la terrasse… Tapi comme un prédateur, silencieux comme un fauve, il l’épie quand elle s’agite en faisant le clown, rejette ses cheveux blonds en arrière, singe les cagoles de passage dans un grand éclat de rire et fait pétarader sa paille au fond de son cocktail. Il ne la lâche pas des yeux quand, un peu fatiguée, elle se recroqueville dans sa chaise en plastique imitation rotin, ramène ses cannes de serin bronzées sous son menton, et penche la tête en suçant son pouce.

Et puis, il y a ces hommes beaucoup plus âgés qui se retournent sur son passage quand elle va au village avec maman, quand elle a enfilé son short en jean échancré et laisse apparaître son nombril sous son débardeur déchiré un poil transparent. Maman, elle adore ça. Ça la fait rigoler et ça l’émoustille. Tout à coup joyeuse, elle lui fait remarquer : « T’as vu comment il t’a regardée ? Tu lui fais de l’effet ! » « C’est vrai qu’il a du charme… » poursuit-elle, le regard brillant dans le vide.

Ensemble, nous allons remonter. Nous allons nous aider. Nous allons chercher, creuser de nos doigts la terre du passé, soulever les pierres tombales, profaner les lourdes sépultures du non-dit, plonger nos mains dans la merde, enfoncer nos bras, casser nos ongles, forer au plus profond. Nous allons entendre des râles, des éclats de voix, des colères, des menaces pour que nous nous arrêtions, mais plus rien ne nous arrêtera…