Florence Lamy

Pourquoi cette obstination ? Ce n'est pas la première fois qu'on cherche à l'humilier. Elle a déjà éprouvé bien souvent ce sentiment insupportable d'être considérée comme une quantité négligeable, un objet dont on dispose sans état d'âme et auquel on parle sans respect. Elle a toujours su se maîtriser. Mais ce soir c'est plus fort qu'elle. Elle ne cédera pas. Allez savoir pourquoi.

Simone ne laisse rien deviner de ce qui émeut son cœur. Ses mains gantées enfouies dans les poches de son manteau, elle se contente de diriger son regard vers le bout du quai, immobile et silencieuse. Elle se recueille.
Enfin, après un soupir, elle conclut, laconique :
- Et puis… très vite, l’odeur de l’air ne m’a plus laissé de doute sur notre avenir.

Li-Na se moque bien des honneurs, et de devenir une élue. Comment fera-elle- pour vivre loin de monsieur Zhou, son confident, loin de Ma-Ku et surtout sans Cheng, le vendeur de thé ambulant, son meilleur ami ? Monsieur Yé ignore les liens étroits qui les unissent tous les deux. Il ne se doute pas non plus qu'ils partagent un secret. Ensemble, ils mènent des enquêtes, grâce à la complicité du tangram, un jeu magique que Monsieur Zhou a offert à Li-Na pour ses dix ans.

Si vous voulez que le monde s’améliore et que chacun puisse y trouver sa juste place, il faudra d'abord vaincre vos propres préjugés. Expliquez aux gens qui ont des sentiments xénophobes que ceux-ci n'ont aucun fondement rationnel, et chaque fois que quelqu'un sera humilié pour la couleur de sa peau rappelez-vous toujours que ce qui compte le plus chez l'autre, ce n'est pas ce que l'on voit de lui, mais ce qui est en lui.

Il faut bien comprendre que si vous n’avez pas la peau blanche, on ne rate jamais une occasion de vous rappeler que vous devez courber le dos parce que vos ancêtres sont venus un jour d’Afrique enchaînés comme des bêtes et qu’il n’y a aucune raison pour que ça change. Vous voulez boire à une fontaine […], vous voulez vous soulager dans les toilettes publiques, vous repérez un pub ou un restaurant pour déjeuner ? La pancarte “White only” vous oblige à rebrousser chemin comme si vous étiez un chien qu’on chasse à coups de pied. Et encore les chiens sont mieux traités que les hommes, ici. 

En disant cela elle jette un regard sur le formulaire qu'il est en train de remplir. Sur la ligne " nationalité" elle lit " Négro". Elle bondit:
- Négro, ce n'est pas une nationalité, monsieur.

Quel curieux dessin ! Que signifie-t-il ? Avec ses arêtes symétriques, sa forme évasée, il ne représente ni un animal, ni un personnage. Ce n'est pas non plus une tour, encore moins un pont. La tête de quelqu'un ? Sûrement pas. Un vase ?
"Que c'est compliqué! pense-t-elle, soudain désemparée, en préparant ses vêtements. Comment faire ?"

" J'étais dans mon magasin en train de ranger les rayons [...] quand j'ai vu ce négro se pencher sur le robinet de notre fontaine. Bon sang que j'me suis dit. Manquerait plus que ce moricaud salisse notre eau ! J'ai toujours une batte cachée sous le comptoir au cas où...J'ai pas hésité. Je l'ai saisie à deux mains et je me suis précipité dehors. Au moment où il commençait à boire, je lui ai mis trois bons coups sur la tête". J'y ai dit: " Tiens, mon gars! Déguste ça aussi!"

Les deux policiers se mettent à rire tandis que certains des badauds qui ont écouté son récit en font autant.

L'obscurité ne peut pas chasser l'obscurité ; seule la lumière le peut.

Le chauffeur s'impatiente :
- J'insiste, reprend-il en se retournant pour fusiller du regard les récalcitrants. Les Noirs doivent laisser leur place aux Blancs. N'oubliez pas que je peux vous faire jeter en prison.

Cet état de fait se prolonge depuis trois siècles et rien ne permet de penser qu'il cessera un jour. Tandis que les États du Nord ont choisi une politique d'intégration, ici comme dans presque tout le sud du pays la discrimination sévit. Même si l'esclavage a été officiellement aboli depuis presque cent ans, dans ce coin des États-Unis les gens de couleur seront toujours ceux qu'on méprise et qu'on rabaisse.

En Alabama encore plus qu'ailleurs. Le racisme vous suit comme votre ombre.

(...) chaque fois qu'il s'agit de défendre la liberté il ne faut pas se cacher derrière les autres et penser qu'ils agiront à notre place. Nous sommes tous concernés par le racisme. On ne doit pas hésiter à "se mouiller", comme on dit, pour lutter contre les préjugés.

Chaque personne doit vivre sa vie comme un modèle pour les autres.

"Alors, devant le porte, bien alignés l'un à côté de l'autre, elle voit deux visages souriants ; mais surtout, assis sur ses pattes arrière, Do-Dou qui frétille de la queue. Les retrouvailles sont émouvantes. Ma-Ku pleure et rit à la fois en servant le petit chien contre son cœur."