Désormais il aurait juste besoin de trouver un peu de nourriture, de l'eau. Il explorerait les environs et reviendrait à sa tanière. Bien sûr, il dut s'accommoder de sa solitude. Mais la forêt de sapins le consolait. Il savourait sa liberté.
La faim était l'expression même de la liberté.
Elle ne sentait pas l'odeur particulière du sang qui aurait signalé une blessure.
Elle huma le vent : aucune odeur inquiétante. La plus redoutable était bien celle des créatures à deux pattes, sans fourrure ni dents ni griffes, mais dotées d'armes terrifiantes.
-Persane!Si tu sauves Numa,je serai ton ami jusqu’à la fin de ma vie! Que Jupiter m'entende!J'en fais le serment...

Je prêchais, bien plus au Nord qu'ici, la région de mon peuple, celle de Dieu unique. C'était l'été. Je m'étais égaré dans des marécages. Hetta Alousk pêchait par là. Il m'a conduit à son campement. J'avais au bras une mauvaise blessure, faite par un Sâme en colère, qui avait lancé son harpon sur ma Bible. Cet homme ne voulait pas me blesser, seulement détruire mon livre sacré.
La plaie était infectée.
Ton grand-père a dit "Une blessure de Sâme doit être guérie par un Sâme. Surtout quand elle n'est pas méritée ! Chaque homme a le droit de parler de ses croyances aux autres hommes." Ces paroles m'ont réconforté. Nous sommes devenus amis, Hetta Alousk et moi. Je lui ai indiqué le nom de cette ville, Keïdjarvi, en lui affirmant qu'il serait toujours le bienvenu dans ma maison, si les précautions que le gouvernement menait contre son peuple continuaient... Il n'a pas oublié. La preuve, tu es là, Oloona ! Et je suis heureux de t'accueillir.
Trop grand aurait été le chagrin. Il chantonne, pris de bien-être, savourant presque la sensation de faiblesse, qui peu à peu remplacé toutes les autres.
Oloona ! Cours dans la forêt ! Sauve-toi ! Va vers le sud, tout droit jusqu'à Kemïdjarvi. Là-bas, demande le pasteur Roll, je l'ai connu, il y a des années. Dis-lui mon nom, Hetta Alousk, il te protègera !
Le mot "maman" pétille dans son esprit, va et vient. Promesse de bonheur.
— Quel malheur ! Alors, nous ne sommes pas les seuls au bord de la rivière.
— Non, et ceux qui ont fait ça devaient nous surveiller… Ils savent être aussi silencieux que frère loup, et patients ! Je pense qu’en agissant ainsi, ils ont voulu nous dire de partir…
— Tu as raison ! Je suis désolé pour ta récolte d’herbes, Yona. Nous ne devons plus nous séparer, même pour la chasse ou la cueillette.
Dent de lion crispe les poings. Il ajoute, très pâle :
— J’ai eu si peur, quand tu m’as appelé avec le cri du loup… je croyais que tu étais en danger ! J’ai couru le plus vite possible ! Viens, je dois te montrer quelque chose d’affreux.
— Je tracerai sur le rocher des animaux ! Comme le fait Gorann, un chaman que j’ai rencontré, dont le cœur est bon ! Oui, vous verrez des rennes, des bisons, des chevaux… et un loup ! Car je suis devenue l’amie d’un loup, vous le savez tous ! Et je vous demande de laisser mon frère animal habiter ici, avec nous. Il a peur, il n’a jamais approché autant d’hommes. Il va s’habituer, je le sais. Maintenant, je voudrais aller le chercher, et le conduire au foyer de mon père. Je vous en prie, écartez-vous, ne faites pas de bruit, ni de gestes brusques… »
-Ma fille n'a pas pu te menacer, Murg! tu perds la tête! Tu es le seul à l'avoir vue avec ce loup. Qui de vous deux est le menteur? Toi ou elle? Pourquoi devons nous te croire? Personne ne peut jouer avec loup !