Assister à l'après-midi Marxisme et École de Francfort, dans le cadre du colloque « La philosophie comme critique de la culture ? ».
- 14h : Jean-Claude Monod (CNRS-Archives Husserl)
« Kulturkritik, satire, critique sociale: quelles armes pour la philosophie ? »
- 15h : Katia Genel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Centre Marc Bloch)
« Des pathologies sociales à la santé sociale: Adorno, Habermas et Honneth »
- 16h20 : Franck Fischbach (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
« Faut-il choisir entre la critique sociale et la Kulturkritik ? »
Un colloque organisé par le centre SPH de l'Université Bordeaux Montaigne, en partenariat avec la Librairie Mollat et l'Université de Bordeaux.
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Dans ces conditions, la perspective d'une émancipation et d'une libération ne peut consister, selon l'expression de Merleau-Ponty, en "la réintégration du monde à l'homme", mais, tout au contraire; en la réintégration de l'homme au monde : il ne s'agit donc pas de résorber l'objet dans le sujet, mais au contraire de réaliser le sujet dans l'objet, de désubjectiver les hommes en les réobjectivant dans un monde qui ne soit plus pour eux, mais qui soit à eux, qui soit le leur et avec lequel ils soient dans un rapport de dépendance vitale et objective. Bref, l'émancipation ne consiste pas tant à intégrer le monde qu'au contraire, à réaliser l'homme dans le monde."
Or la perte de la croyance en ce monde-ci fait que nous ne croyons plus non plus à un monde autre. Voilà la situation dans laquelle nous sommes, et dont il faut commencer par prendre la mesure : en perdant le monde, en perdant la croyance au monde, nous avons aussi perdu la croyance en un monde autre; la perte du monde réel a emporté avec lui tous les mondes possibles.
Je ne vois ici guère que deux solutions. Soit se soumettre et se résigner à cette existence séparée d'un monde auquel on ne croit plus, et se fabriquer ou se laisser assigner une identité de sujet, c'est à dire l'identité d'un être-hors-monde, d'un être démondanéisé, d'un être évidé, épuré, désobjectivé. Soit explorer et inventer des manières de renouer le contact avec un monde dans l'existence duquel on soit susceptible de croire.
Si le corps social est à ce point docile et soumis, c'est parce qu'il a été dépossédé de tout moyen lui permettant d'exercer une maîtrise et de déployer une puissance propre. Or cette dépossession des conditions de l'exercice d'une puissance propre est l'effet même des dispositifs en tant qu'ils produisent de la subjectivité : en tant qu'ils engendrent des processus de subjectivation, les dispositifs produisent des êtres qui sont sujets non pas seulement dans la mesure où ils sont assujettis, mais d'abord dans la mesure où ils sont des subjectivités abstraites, séparées, coupées des lieux, des milieux, des moyens et des conditions sans lesquels ils ne peuvent plus déployer aucune puissance d'agir propre, ni exercer aucune maîtrise active de leur propre vie.
Que découvre en effet le salarié d’aujourd’hui, constamment interpelé comme sujet libre, et appelé à se montrer à tout moment comme le sujet autonome qu’il a à être, comme le sujet supposé capable de définir par lui-même ses objectifs et de conduire par lui-même ses projets ? Il découvre, le plus souvent dans l’échec, la douleur et la souffrance, qu’il ne possède aucun des moyens qui lui permettraient d’affirmer son autonomie, de conduire ses projets à leur terme et d’atteindre les objectifs fixés par lui-même […]. L’accès aux conditions et aux moyens objectifs qui lui permettraient [d’agir en sujet libre et autonome] lui est systématiquement soustrait et refusé.
Le fait moderne, c'est d'abord que nous ne croyons plus à ce monde-ci, au monde d'ici-bas, au monde de l'immanence. Ce qui s'est produit dans la modernité ou ce que la modernité a produit, c'est la "rupture du lien de l'homme et du monde", c'est, pour l'homme, "une perte du monde". Une "perte du monde" : voilà ce qui me parait être le sens profond et authentique du concept d'aliénation.
Non pas perdre le soi dans le monde, mais ne plus avoir de monde à soi : tel serait le fait primitif de l'aliénation.
Avoir de la conscience apparaît alors comme une des caractéristiques objectives, parmi d'autres, de ces êtres objectifs que sont les hommes : parmi les caractères ou les qualités des êtres naturels et objectifs qu'on appelle les hommes, il y a le fait d'avoir de la conscience, d'avoir la conscience du monde, des autres et de soi - mais il faut se garder du geste métaphysique qui opère par la transformation de cette qualité en un attribut essentiel ou qui hypostasie la conscience comme l'essence même de "l'homme" comme tel. Contre cette hypostase, il faut rappeler, comme Marx le fait constamment, que la qualité consistant à "avoir de la conscience" est inséparable d'autres qualités que possèdent aussi les hommes, et notamment de la caractéristique objective en vertu de laquelle les hommes sont des êtres de rapports, des êtres en rapport avec le monde naturel et historique objectivement existant, en rapport les uns avec les autres et en rapport avec soi-même.
Non pas être dépossédé de soi et se trouver dans le monde comme un étranger à soi (en y existant par exemple sur le mode d'un étant réifié et chosifié), mais être dépossédé du monde même et ne plus pouvoir le voir autrement que comme un monde étranger qui ne peut plus être le sien, auquel on ne peut plus croire ni adhérer d'une quelconque manière.
le philosophe ne doit pas se contenter d'expliquer le monde,il doit aider à le transformer...vers le vrai,lebeau.le juste.