Citations de François-Olivier Rousseau (27)
- Il me vient une idée affreuse, fait-elle d'un ton hésitant, si nous leur faussions compagnie ?...
Mais, effrayée par l'énormité de sa proposition, elle se reprend tout de suite :
- C'est impossible, nous ne pouvons pas faire ça à nos amis.
- Tu as raison, approuve Musset, c'est impossible... Pars devant, je te retrouve à la porte.
"Et puis, voyez-vous, mon petit Dior, nous sommes des hommes perdus au royaume des femmes ; elles nous tolèrent et même nous accueillent avec bienveillance, mais nous ne sommes pas chez nous, nous sommes chez elles… Entre les ouvrières qui font marcher la ruche et ces reines que figurent les clientes, la place est réduite pour les faux-bourdons que nous sommes… »
Tout commença avec la première exposition berlinoise de la Gare de Wannsee. Je dis tout commença et c'est bien ainsi qu'alors je voulus le comprendre.
Les mots liberté et bohème sont partout dans l'air. Les jours qui n'ont que vingt-quatre heures ne suffisent pas à Aurore, devenue George, pour découvrir tout ce qu'elle a à découvrir, pour goûter à tout ce qui lui manquait jusqu'alors sans qu'elle le sache...
Vous dirais-je encore que lorsque je les vois toutes s’affairer, dans cet état de tension et de sang-froid qui caractérise les veilles de présentation de collection, à ce moment où rien ne va plus et où rien n’est prêt, je me dis que le pays qui disposerait d’une armée de femmes gagnerait sans doute toutes les guerres…
Pourquoi écrit-on sur ceux qu'on à aimés ? Pour les immortaliser ou pour finir de les tuer dans son coeur ?
Nous qui sommes des sauvages, nous coupons la main aux voleurs et nous achevons notre adversaire tombé, mais quand nos poètes écrivent, c'est pour chanter la beauté des aurores, et quand nos peintres peignent, c'est pour célébrer la fraîcheur des jardins... A quoi sert le talent si ce n'est à créer la douceur qui manque au monde ?
(...) notre malheur nous condamne à n'aimer que des artistes, c'est la pire race d'hommes, de la sensibilité à revendre et pas un brin de coeur !...
Si l'on est touché,d'aventure,par la découverte de panoramas inconnus,ce n'est pas parce qu'ils sont loin,mais parce qu'ils rendent l'écho de quelque chose de très proche et d'insaisissable à la fois.
L'hypocrisie est comme la voix des chanteurs d'opéra,elle vient du ventre.Si elle dégrade tant,à mes yeux,ceux qui la pratiquent, ce n'est pas par ce qu'elle met en oeuvre de cynisme,c'est,au contraire,par le ferment,l'once de conviction contrefaite,autour de quoi elle se drape.
Une douairière podagre la désigne à une autre du bout de son éventail :
- N'est-ce-pas Edmée de Musset, avec ses enfants ?... Elle sort dans le monde, malgré son deuil !
- Devoir maternel oblige, répond l'autre, une fille à caser...
- La petite en blanc ? Dites-moi, ils sont de bonne souche, ces Musset ? Est-ce qu'on ne raconte pas qu'ils descendent des Salviati ?
- C'est surtout eux qui le racontent... Pourquoi ?
La douairière podagre se penche vers sa voisine pour lui livrer une confidence :
- J'ai en province un neveu à qui on veut faire faire une fin... Type du mauvais sujet repenti : quelques dettes, quelques cicatrices d'amour... Elle ferait peut-être son affaire... Dites-moi franchement ce que vous pensez d'elle...
La voisine ne s'en fait pas faute :
- Un père emporté par la dernière épidémie de choléra... pas de santé. Deux frères dans la littérature... pas de morale. Pas de conversation non plus... Pas d'appétit, pas de dot...
- Pas de dot ! s'écrie la douairière podagre. Oh, la pauvre petite ! Que vient-elle faire ici ? Autant labourer la mer...
Vous connaissez le principe de la méthode : parlez, n'hésitez pas à dire ce qui vous passe par la tête, les associations de mots, les lapsus, tout est révélateur d'un sens caché. L'objet de l'analyse est justement de faire découvrir ce sens.
A intervalles réguliers, la tentation me frôle de devenir mon propre maître, c'est vrai, mais je ne souhaite pas ressusciter une enseigne... Je ne peux m'imaginer qu'à la tête d'une maison où tout serait nouveau, le personnel, le décor, le style. C'est d'ailleurs la seule manière raisonnable d'aborder l'ère nouvelle dans laquelle nous entrons ...
... s'apercevant pour la première fois que deux personnes ne se rencontrent jamais jusqu'à l'âme, jusqu'au fond des pensées, qu'elles marchent côte à côte, enlacées parfois, mais pas mêlées, et que l'être moral de chacun de nous reste éternellement seul par la vie.
La position allongée ne convient qu'a l'analyse. Le patient y est libéré des contraintes liées à son fonctionnement social ordinaire, en état d'impunité absolue, libre de ses paroles, de toutes ses paroles qui n'entraînent aucune sanction. Dès qu'il se relève, il renoue avec la bienséance et avec la rationalité.
- Tout à l'heure, au coin de la rue des Deux-Portes, il y avait un petit mitron parti livrer son pain. Il s'est trouvé par mégarde sous le feu de la troupe. Je l'ai vu lever son panier d'osier devant lui pour se protéger, comme si c'était un bouclier, puis il est tombé en avant. J'ai couru jusqu'à lui, j'ai posé sa tête sur mes genoux. Je lui ai fermé les yeux... - Elle se mord les lèvres pour ne pas donner le spectacle de son émotion. - Voilà, fait-elle, je trouve la mort héroïque d'un Turenne ou d'un Marceau moins bouleversante que l'assassinat de ce pauvre enfant dont on ne saura jamais le nom... Et moi, si j'étais poète, il me semble que je n'aurais rien dit tant que je n'aurais pas raconté ça...
"Vous dirais-je encore que lorsque je les vois toutes s'affairer, dans cet état de tension et de sang-froid qui caractérise les veilles de présentation de collection, à ce moment où rien ne va plus et où rien n'est prêt, je me dis que me pays qui disposerait d'une armée de femmes gagnerait sans doute toutes les guerres ..."
Qui osera dire, songea-t-il, le tort qu'une femme peut se causer à elle-même en s'habillant mal, par indifférence ou par mauvais goût ?
"Tu dis des âneries ! mais pour te prouver que je ne t'en veux pas je vais te révéler une vérité profonde : il y a des limites à ce que l'on peut se contraindre à faire par devoir et ta conduite en est la meilleure démonstration. Si la conférence d'André Siegfried t'intéressait un tant soit peu, tu ne te réveillerais pas après qu'elle a déjà commencé, et si tu souscrivais à la version de ton avenir décidée par ton père, tu ne passerais pas tes nuits au Boeuf, ce n'est pas un endroit convenable pour préparer le concours du quai d'Orsay... D'ailleurs, est-ce que tu t'imagines en diplomate de troisième classe, en train de te morfondre au fond d'une ambassade en Bolivie ou au Siam ?"
Qu'on me laisse tout seul avec mes mauvais sentiments et un stylo,il se passera quand même quelque chose.