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Citations de Frédéric Fiolof (23)


Aujourd'hui tout va bien, constate-t-il. J'ai suivi au pied de la lettre les conseils avisés de mon médecin de famille, de mon orthophoniste, de mon psychologue, de mon ergothérapeute, de mon nutritionniste, de mon podologue, de mon psychothérapeute, de mon cardiologue, de mon dentiste, de mon sophrologue, de mon kinésithérapeute... Et ma foi, les événements de la journée se sont enchaînés avec beaucoup de bienveillance. A un moment donné, je me suis juste un peu ennuyé.
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Écrire à chaud demande de la confiance, comporte le risque de se tromper – mauvaise distance, mauvaise posture, risque de se prendre trop au sérieux, d’être paranoïaque ou au contraire de ne rien voir venir, de dire des banalités puisque le moment vécu, comme le lieu habité, souvent nous cache ses aspérités. Mais peut-être qu’une fois derrière nous, il deviendra notre lieu lointain et qu’on y découvrira, alors, les positions différentes dans lesquelles nous ignorions, chacun, nous trouver. (Hélène Gaudy, « En cours »)
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Il arrive qu’il s’efforce d’être celui qu’on voudrait qu’il soit. Il se rend à un dîner, à une soirée chez des amis, il accroche son cœur au porte-manteau et il fait des phrases qui tombent rondement dans la conversation. Il sait flatter sans en avoir l’air, grincer ou pétiller quand il le faut. Il émet des signaux de joie ou de désespoir aux moments opportuns : une joie jamais trop joyeuse et un désespoir encore plein de ressources. Il se laisse glisser dans les scories du tiramisu et il n’a pas peur d’affronter la nature naturante. On le trouve en forme et il y met les formes. Il éprouve à cela un contentement un peu étrange, comme détaché de lui-même mais pourtant bien réel. Il se demande parfois si lorsqu’une femme simule le plaisir, elle ne finit pas par éprouver ce genre de contentement. Il y gagne une sorte de légèreté provisoire, pas désagréable du tout. Mais sa vieille peau s’ennuie au vestiaire, elle lui manque et il ne repart pas sans elle.
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Il aime bien les dimanches. Leur petit air de répit grignoté, de répit mal ajusté. Ils ont la mélancolie de tout ce qui n'en finit pas de finir. Ils ont quelque chose d'une vieille terrine un peu indigeste que se partageraient fraternellement morts et vivants. Le dimanche, il ne va pas à la messe, il ne fait pas non plus la grasse matinée. Il se lève et ne sort pas. Il veut profiter pleinement de cette croûte de temps, épaisse et friable. Il écoute les oiseaux qui ne chantent pas, la pluie qui tombe ou ne tombe pas. Il pense à de lointains cousins trépanés, qu'il n'a pas connus. Des cousins de cousin en noir et blanc dans les tranchées de la Marne. Il pense à l'eau noire du canal et à cet endroit où elle rejoint la Seine, presque pour rien, sans changer de couleur. Le dimanche, il lit entre les lignes et porte un âne mort dans son coeur. Autour de lui on s'agite souvent. On le contourne comme un vieux chêne. Le sens de la famille se perd dans les rayures de son pyjama. Il se dit que le dimanche mériterait d'être la veille de tous les autres jours. Bien sûr, techniquement, ce serait compliqué. On ne bouscule pas si facilement les agendas, on ne refait pas des calendriers qui se perdent dans la nuit des temps. Il se dit que c'est dommage, et puis il oublie. Il retourne à son temps d'encre molle. Il aime le dimanche non pas comme un jour de repos mais comme on aime un puits. Un puits sombre et débonnaire.
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Il y a des jours qui passent, blanc comme neige. Des jours où rien ne se pose. L'oeil n'ai rien vu, l'oreille rien entendu. Les mots lus ont glissé sur la page comme un filet d'eau pressé de rejoindre la rivière. Chaque visage a été tous les visages, chaque parole moins qu'une brise dans la brise. Des jours ni tristes ni beaux, en somme. Des courants d'air muets dans nos tuyaux d'orgue. Des jours dont on finit par douter qu'ils ont vraiment existé. Petite vie s'accorde, se racle la gorge.
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Réaliser que tes souvenirs, à présent, ne seront plus jamais que les miens.
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Seuls nos yeux se cherchaient encore au fond d'un puits impartageable. Vers quoi aurais-je bien pu t'accompagner quand je n'avais plus que nulle part où te conduire ? Ce lieu insensé auquel je ne t'avais pas destinée. Certains mots sont restés figés là. Dans toute leur maladresse. On ne peut pas vraiment leur en vouloir, nous sommes des êtres maladroits. On n'accompagne jamais ses vivants vers la mort. Jamais.
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Bricoleur, il ne l’est pas pour deux sous. Quand on lui demande de monter un meuble ou de poser des étagères, il soupire. De construire un château, il prend son air désolé. Il ne tient pas de son père, qui était né sur une échelle. Il n’a jamais eu de goût ni de disposition pour le savoir-faire manuel qu’on aurait pu lui transmettre. Il a placé ailleurs sa patience et ignore comment rendre les objets dociles. Sa femme voudrait bien que ça change. Elle est délicate, encourageante, alors elle ne dit rien. Elle dispose un peu partout des notices et des plans de construction. Il découvre des croquis annotés aux quatre coins de son appartement. Sous son oreiller, dans son assiette, dans ses poches de veston. Les bons jours il en fait des pochoirs ou des listes de consignes qui riment dans le vent. Les mauvais jours, il n’en fait rien et les laisse reposer là où ils sont. Parfois, sa femme délicate dépose aussi des pièces détachées à intervalles réguliers sur la moquette. Mais il les prend pour des îles, et ça lui va comme ça.
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Je suis l’humble orphelin selon l’ordre des choses.
L’ordre des chiffres. 1 + 1 = 0.
Faut-il s’en prendre à l’arithmétique ?
Absurde. Ferme ton clapet. Avance. Marche dans la nuit de ta petite poésie ventriloque. Digère ton encre noire. Nu comme le premier homme. Le premier fils. Craché comme un noyau de cerise du cul des jardins de l’Éden.
Pupille de la nation, je veux. J’en appelle à la loi du 27 juillet 1917. Le roi a dit je veux et on lui a coupé la tête. M’en fous la tête. Je veux. Je veux que le ministre de l’Instruction Publique prenne en considération le préjudice dont je fais l’objet.
Non, dit le ministre. Tu n’entres pas dans les cases.
Mais j’entre dans les cases, moi ! Faites-moi une place dans les cases ! Cochez-moi ! J’ai froid. La Nation me doit un geste de salut public. De secours populaire. J’ai nourri de mes fèces la terre de mon pays. J’ai lu La Légende des siècles. J’ai payé mes impôts. J’ai voté. J’ai suivi des débats politiques à la télévision. J’ai fait des dictées avec zéro faute. J’ai bu tout le vin de mon pays.
J’ai été exemplaire.
Et les miens sont morts quand même.
Oui, mais pas à la guerre dit le ministre.
J’emmerde le ministre. Les miens sont morts à la guerre de la vie. Ni faite ni à faire. Ils ont été tués à l’ennemi. Et ils m’ont laissé bête. Ignorant. J’ai droit à un second tour d’école gratuite. À une bourse de lumières.
Tu croyais quoi au juste ? Que les pierres chantent ? Que l’âme des morts flotte le soir au-dessus des hortensias ?
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Toucher le fond n’est pas toujours si simple. Il a pu le constater. Le fond, c’est dur et quand tout va mal on finit par atteindre le roc. Le roc est l’autre nom du fond. C’est la surface solide sur laquelle on se pose avec un peu de chance ou sur laquelle on s’écrase quand on en a moins. Pourtant, un jour où plus rien n’avait ni queue ni tête, il s’est posé sur le roc. Un vrai jour pourri de chance. Soudain il a remarqué que son pied s’enfonçait encore. Le fond, c’était de la vase. Il s’est senti happé dans un monde plus bas et a pensé ça ne se peut pas. Mais il est passé en-dessous, il avait de la vase plein la bouche et il y avait là de drôles de poissons au regard grave et millénaire et des tas de petites bêtes de la nuit qu’il n’avait encore jamais vues. Il s’est demandé s’il leur ressemblait. Tout un petit monde lui disait salut, on t’attendait. Lui n’attendait personne, il glissait de plus en plus bas et il a demandé au petit monde : Mais c’est quand le fond ? Alors toutes ces choses lui ont répondu : Le fond, tu l’as déjà touché, il est au-dessus de toi. Détends-toi. Prends la vie sans fond du bon côté. Voyage.
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Chaque matin il sait qu'une phrase, une seule petite phrase pourrait sauver sa journée. Il ne sait pas quelle est cette phrase ni qui la prononcera. Il ne sait même pas s'il l'entendra. Il sait juste qu'une phrase flotte quelque part autour de lui. La boulangère lui dit bonjour, une demi-baguette, comme d'habitude ? Et il tend l'oreille. Dans la rue on le bouscule, on exulte ou on le salue, il est aux aguets. Plus loin, un enfant épelle son nom en passant ou une mère épelle le nom de son enfant, en le frôlant. Est-il sourd ? Il traîne sur les marchés, dans les parkings. Il déambule dans les criées et place des filets invisibles sous les téléphones mobiles. Il roule de phrase en phrase comme un galet. Parfois il tinte et c'est gagné, parfois il rentre juste avec une pierre coincée dans sa chaussure.
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Il regarde au creux de sa main la tristesse qui s’en va. Comme il ne lui en reste plus beaucoup, il la dépense avec parcimonie. La tristesse est un bien précieux avec lequel il ne faut pas se montrer trop prodigue. Il en saupoudre délicatement les arbres, les cheveux de ses enfants, les paupières de sa femme. La mélange un peu à la pruine de ses livres, en fait un duvet invisible sur la joue du temps. Il n’y aura bientôt plus de tristesse dans sa main, et il a peur que le monde prenne froid.
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Dans Autoportrait au radiateur, il y a ces mots de Christian Bobin, écrits le 8 mars 1997 : « Le désenchantement est plus à craindre que le désespoir. Le désenchantement est un rétrécissement de l’esprit, une maladie des artères de l’intelligence qui peu à peu s’obstruent, ne laissent plus passer la lumière. »
Et il ajoute : « Ce que j’ai et ce qui me manque : tout me donne de la force et me réjouit également. »
Je voudrais pouvoir porter sur le moindre parterre de fleurs, le monde, les visages, la tombe des miens, le regard que cet écrivain semble ici poser sur toute chose. Sa phrase me soulève, me rend plus léger et plus fort.
Mais une fois passé le point, je retombe comme une chose lourde. L’apesanteur n’est pas mon lot et le lecteur enthousiaste est un mauvais élève : la mort me révolte, le manque me désenchante, l’absence de ceux que j’aime me diminue. La lumière ne passe pas.
Je suis l’obstrué.
Racler le sol et n’y rien surprendre.
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Il n’était pas une fois pour les morts.
On doit sans doute considérer que les histoires qui commencent par Il était une fois n’ont guère de vertus pour ce type de public un peu particulier.
On attend toujours tant des histoires.
Peut-être est-ce une vue de l’esprit qui espère trop.
Ou une peur.
Imaginons que, nourris d’histoires, les morts se dressent soudain comme un seul homme. Nous reviennent en fanfare. Réveillés, désenchaînés et déchaînés. Affamés. (Les histoires nourrissantes donnent faim.) Saurions-nous encore les accueillir ? Quelle place pourrions-nous bien leur faire auprès de nous, alors que nous avons déjà oublié comment partager notre espace avec les vivants ? Ceux et celles d’à côté, de plus loin, qui sont pourtant exactement comme nous : des pas-encore-morts.
Tout est affaire de territoire.
Chacun chez soi et tout ira bien. Le silence là-bas, la douleur ici. Et entre les deux, le long fil, le long filet du deuil. Histoire d’être sûr que personne n’éclaboussera le sol. Car lorsqu’on s’y fracasse, le sol vibre. Et ça dérange tout le monde. Alors oui, le deuil. Qui n’est pas ce long travail nécessaire, mais la prophylaxie qu’on impose au survivant amoindri pour l’autoriser à revenir danser la gigue avec les immortels. Une douche sous laquelle on pousse le pouilleux pour le débarrasser de ses petites bêtes. Le tour de magie obligé. Le prix à payer pour qu’il puisse à nouveau s’ébrouer dans le cercle des chiens de la vie.
J’ai lu quelque part que dans certaines sociétés, autrefois, l’endeuillé était tenu à l’écart, au même titre que le criminel. La perte d’un être cher ? Une souillure. Celui qui la subit porte le sceau d’une étrange menace qui ne laisse personne indifférent. On lit à son front la fissure, le tremblement. Il exhibe un savoir contagieux.
On dit qu’il est absurde de refuser l’inévitable. Mais c’est le contraire qui est vrai. Ce qui peut être évité n’a pas besoin que nous le refusions. Il faut simplement s’efforcer de l’éviter, puisque c’est possible. Et réserver notre capacité de refus pour ce qui ne peut l’être.
Les morceaux immangeables que l’on devra avaler.
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À supposer qu’on me demande d’établir une relation entre l’écriture et vite, je dirais que ces deux objets sont sans rapport pertinent car, en matière de littérature, l’auteur a structurellement perdu la bataille du vite, l’abandonnant tout entier à sa lectrice qui est seule maîtresse de la vitesse, qui est celle qui accélère, qui ralentit, qui saute, qui enjambe, qui revient en arrière pou mieux repartir, qui laisse tomber le livre avant qu’il ne soit trop tard, alors que l’auteur, aussi rapide qu’il soit, se traîne laborieusement, poussant devant lui la phrase à la petite vitesse, fabriquant lentement un objet dont la lectrice seule fera un usage qui sera peut-être plus ou moins rapide mais qui, en revanche, ne sera jamais aussi lent que l’écriture elle-même, car une lenteur de lecture comparable à la lenteur d’écriture détruirait la lecture elle-même en dispersant le texte dans une temporalité déstructurante pour la forme et le sens, ramenant la lectrice au temps de l’école maternelle et du déchiffrement qui est le contraire de la lecture, même s’il en est l’indispensable première étape, celle de l’acquisition lente et progressive de la grande vitesse qui permet un jour de foncer tête baissée dans la littérature et ses innombrables dangers. (Paul Fournel, « La littérature a-t-elle horreur du vite ? »)
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Le temps est élastique : tous les jours voilà ce qui me sauve. À midi mon dos se redresse. Cette fois je n’ai pas besoin de convoquer mes doshas. Pendant une heure, à la pause déjeuner, j’expérimente enfin l’équilibre. La sérénité. C’est l’heure qui me tient debout, qui m’éveille, réveille mes tripes. Une heure plus intense encore que peut l’être le yoga. Ces soixante minutes passées au présent font à mes os davantage que je ne saurais le dire : J’ÉCRIS. Sur mon ordi, dans la voiture, à la médiathèque, en terrasse. N’importe où. J’écris et mes tensions se dénouent. Une heure. Jamais plus longtemps. Cette heure ne doit pas être productive, elle doit être vécue. Intense. Ne surtout pas passer rapidement, ne pas être musardée non plus. Pour cela il faut la préparer dans un coin de son cerveau jour et nuit, quand ça va plus vite ou quand ça ralentit, là où se calent les glandes de la mémoire, avoir une idée, une ouverture par rapport a ce qui a été avancé la veille sur la feuille, construire un chapitre encore bancal. Tout noter sur un carnet, à côté, pour ne rien oublier. Au bout d’une heure, lever la tête du manuscrit en cours. Être pleine de doutes et fatiguée, enfin, d’une vraie fatigue qui fait du bien au bout des articulations. S’étirer. Bâiller. (Valérie Cibot, « Yoga du temps »)
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tu ne révèleras jamais que tu n’es qu’une fiction. du temps pour « toi », cela n’existe pas. tu n’existes pas. tu es une trajectoire. si la trajectoire s’interrompt, reste le projectile, qui n’en est plus un. juste un caillou, immobile, au sol. un vulgaire caillou qui ne bouge pas, qui ne va pas plus haut ni plus fort. à l’arrêt, tu cesses d’exister. par terre, c’est déjà plus bas que terre. (Lucie Taïeb, « Comète »)
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Au bout du compte, c’est certainement parce qu’elles n’étaient pas au sens strict des courses-poursuites que la course de Speed et la poursuite d’O.J. Simpson ont pris de telles dimensions. L’une n’était pas contrainte à une conduite risquée, l’autre ne pouvait être arrêtée par le moindre poursuivant. C’est fondamentalement de la résistance intérieure des passagers ou des réserves de carburant que dépendait leur durée. Aller au bout de cela prend davantage de temps, car cela ne se résout pas par la vitesse : on peut bien aller plus vite, l’issue n’en sera pas plus rapide. C’est, finalement, d’avoir combiné une partie des éléments de la course-poursuite avec ceux de la prise d’otage – une situation dont la durée est par nature longue, et dont l’épreuve est celle de l’endurance, et non de la vitesse – qui aura permis à ces deux scènes de trouver leur dimension extraordinaire. Nous ne pouvions qu’être leurs captifs. (Anthony Poiraudeau, « Course et poursuites dans Los Angeles »)
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La m/f Pour revenir aux Moëres, tu montres dans 4 comment la structure géologique parcourt et organise toute l’histoire du lieu, depuis les guerres de César jusqu’aux migrations contemporaines. Il y a ces pages saisissantes où tu expliques comment les lignes droites des données de marché croisent les trajectoires des migrants – tout le monde veut passer en Angleterre…
A.L. C’est une tragédie que je ne pouvais pas ignorer. Elle a, d’ailleurs, des répercussions profondes sur l’aménagement des espaces. La zone maritime de la Mer du Nord et de la Manche est l’une des plus encombrées au monde en termes de navires marchands. Et il faut aller voir les dispositifs anti-humains qu’on a installés au port de Calais : les kilomètres de grillages, les détecteurs de CO2 et de battements de cœur… Ils font désormais partie de l’histoire du paysage. On ne peut pas méconnaître la violence des infrastructures. (« 7,7 millions de millisecondes – Conversation avec Alexandre Laumonier »)
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C’est parfois difficile de ne pas succomber au charme viril de l’aéronautique. Le Salon du Bourget est un monde d’une logique implacable. Tout semble être à sa place : les ingénieurs bien rasés discutent derrière leur comptoir, les militaires se déplacent en petites délégations derrière leurs supérieurs, les missiles sont rangés par ordre de taille et, sur le tarmac, les réacteurs des gros-porteurs brillent de mille feux.
En 2017, nous avions été invités par un magazine à réaliser une série d’images sur le 52e salon international de l’Aéronautique et de l’Espace de Paris-Le Bourget. Nous avons tout d’abord réalisé une première série de photographies au Salon, puis nous sommes rentrés à notre atelier et nous avons réalisé une seconde série d’images en intervenant directement sur les photographies que nous avions faites. Au fur et à mesure que les images se construisaient, nous avons commencé à voir émerger une certaine représentation du monde de l’aéronautique dans laquelle les notions de performance, de fiabilité et d’innovation avaient été remplacées par celles d’absurdité, de bricolage et de nuisance.
Nous pensons que le documentaire photographique est un acte qui peut avoir lieu à la fois avant et après l’événement que l’on cherche à documenter. À l’inverse de la retouche photographique classique qui cherche sans cesse à « invisibiliser » les actions ayant lieu après la prise de vue, nous préférons laisser apparentes et lisibles chacune de nos interventions sur les images. Il nous semble que cette manière de documenter la réalité permet de rendre compte d’une plus grande variété de points de vue et nous pensons que c’est précisément en multipliant les points de vue qu’il est possible de s’approcher au plus près de la complexité du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
L’aéronautique n’est pas un objet qui nous est extérieur. L’aéronautique est un objet qui nous traverse de part en part en permanence. Il constitue une forme d’ « hyperobjet » aussi menaçant que fascinant pour reprendre ici le terme du philosophe Timothy Morton. Son ambition de vitesse et de puissance se réalise au prix d’immenses dommages environnementaux et si nous voulons lutter contre les accélérations d’objets protéiformes, nous devons rapidement inventer un nouvel imaginaire de la lenteur. (Matthieu Raffard, Mathilde Roussel, « Accélération »)
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