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Citations de Frédéric Lenormand (877)


Leonora quitta Ca’ Civran au prétexte d’aller faire ses dévotions à Santa Fosca. Elle avait en effet une prière à adresser à la sainte, mais c’était pour la délivrer du joug d’une famille encombrante et impérieuse.
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Tandis qu’on l’emmenait de force à travers la ville, elle tâcha de lancer la conversation.
– Que faut-il penser de cette rumeur d’épidémie, sior Pensabel ?
– Rien du tout, répondit le chef des espions appointés par le Haut Tribunal.
La Sérénissime République préférait d’ailleurs, en règle générale, que l’on s’abstienne de penser.
– Dès que trois personnes éternuent, il y a des excités pour crier à l’épidémie.
Elle supposa que c’était la thèse officielle pour expliquer les inquiétudes de la population : rhume et nervosité.
Ils débouchèrent sur la Piazza, qu’il leur fallait traverser pour rejoindre le Palais des Doges. Ils atteignaient son milieu quand, derrière eux, un homme s’effondra, la figure livide, en se tordant de douleur. La foule s’en écarta avec appréhension.
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Si Leonora ne pouvait coiffer le voile nuptial, il lui restait celui des nonnes, et le plus tôt serait le mieux. Chaque membre de leur clan devait afficher dorénavant une conduite irréprochable afin d’attirer vers le pater familias les suffrages des bien-pensants.
– Écoute, dit ser Cesare, conciliant. Si tu ne veux pas t’enfermer dans un cloître, prends au moins l’habit de novice.
Les seuls vœux que sa fille envisageait de prononcer, c’étaient ceux de rester libre et de vivre selon ses propres choix.
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Hélas, Leonora ne se qualifiait guère pour une alliance flatteuse, vu ses mœurs libres, la publicité des intrigues qu’elle avait résolues en courant Venise telle une marchande de chiffons…
– …et la fâcheuse réputation de notre famille, qui n’arrange rien, compléta-t-elle.
Sa belle-mère admit que leur nom était plus utile pour se faire ouvrir la porte d’un tripot clandestin que pour fonder un foyer.
– Le dernier beau mariage, dans cette famille, c’est le mien, conclut siora Soranza.
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Elle ne comprit pas en quoi la santé du doge exigeait qu’elle se mariât, aussi son père le lui précisa-t-il. Une fois Son Altesse sérénissime enterrée, on élirait son successeur parmi les patriciens les plus en vue, les plus honnêtes, les plus respectables, et lui-même, Cesare dalla Frascada, entrait parfaitement dans ces critères, excepté peut-être les deux derniers. Aussi importait-il d’épousseter le portrait de famille avant que le sérénissime prince n’eût poussé son dernier soupir. Or, le mariage d’une fille de la noblesse était problématique. Trois sur quatre ne trouvaient pas de parti : les gentilshommes riches évitaient de convoler pour ne pas morceler le capital familial, les pauvres épousaient des bourgeoises fortunées, s’ils en trouvaient.
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– Nous avons augmenté la taille de la potiche, et voilà que la potiche est fêlée ! résuma ser Cesare.
De l’avis de Leonora, c’était depuis sa victoire de 1576 sur les Ottomans que la République n’avait pas de chance.
– Tu ne peux pas rester fille, mon enfant, la prévint ser Cesare : le doge n’assiste plus aux séances, son lit est cerné par les médecins. Tu dois te faire une raison !
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À l’étage en dessous, la table du petit déjeuner était couverte de soupes grasses, de polenta au beurre et de plats en sauce. En robe d’intérieur, sous leurs bonnets ouatés, son père et sa belle-mère avaient leur mine des mauvais jours, une mine de fausse dignité qui ne leur allait pas. La jeune femme attendit qu’on lui exposât le problème, ce qui ne fut pas long. Ser Cesare interrompit sa mastication. Le gouvernement dont il faisait partie avait des soucis. Afin de permettre au doge de tenir tête aux souverains des monarchies européennes, le Grand Conseil avait voté des règlements qui augmentaient son influence sur la marche du pouvoir. Hélas, Marco Foscarini n’avait pas quitté le lit depuis son élection, cela n’avait servi à rien. Ce n’était pas de chance.
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La façade blanche de Ca’ Civran bordait le Grand Canal à l’angle d’un petit rio, tout près d’un pont de brique. Le perron s’ornait de longs piquets peints en torsades bleues et blanches, les couleurs des dalla Frascada. Leonora ouvrit le volet d’une fenêtre carrée qui éclairait sa chambre sous le toit. En cette fin d’hiver déjà très douce, les rayons du soleil dispersaient peu à peu les brouillards qui s’attardaient à la surface de l’eau.
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À quelques encablures de la maison, une petite barque glissait vers le large.
– Du nerf, Silvan ! murmura le fugitif, qui scrutait l’obscurité, sa lanterne à la main.
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Quelques instants plus tard, les bandits enfonçaient la porte du cabinet d’étude, aussi désert que le reste des appartements. Ils ranimèrent les domestiques pour les faire parler, mais les vieux avaient été engagés la veille et les jeunes venaient du Frioul. Comme on leur demandait où leur maître était allé, l’un d’eux dit « Au ciel ! », un autre, « En enfer ! ». Tous s’accordèrent sur l’idée qu’il fallait plus qu’une épée pour l’arrêter, et leurs agresseurs ne furent pas loin de se rallier à cette opinion.
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Buscaleone posa un doigt sur ses lèvres. Il se demanda un instant si les intrus étaient des alliés du doge un peu trop enthousiastes, venus le forcer à soigner leur idole, ou bien l’inverse. Quelle que soit la réponse, son salut était dans la fuite, comme toujours. Il rassembla ses biens les plus précieux dans un grand sac, tandis que son serviteur ouvrait la fenêtre avec mille précautions.
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À l’étage, le mage leva le nez du grimoire qu’il était en train de consulter. Le vent avait faibli, les vagues ne faisaient plus qu’un léger clapotis, des sons inhabituels lui parvenaient d’en bas. Le jeune Silvan surgit dans la pièce.
– Seigneur ! On nous assassine !
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Une demi-heure après leur départ, les serviteurs jeunes et vieux s’apprêtaient à poser les volets sur les fenêtres quand ils furent assaillis par des inconnus vêtus de noir qui s’étaient glissés dans le jardin en sautant le mur. Assommés à coups de boyaux de porc remplis de sable, vieillards et godelureaux s’affalèrent sur le plancher.
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– Vous devez absolument guérir le doge ! s’exclama un monsieur qui ne s’était jamais vu si rayonnant depuis ses noces. Vous feriez là une bonne action pour la République et votre réputation n’aurait plus de bornes !
Le sérénissime prince n’avait plus été vu en public depuis des mois. On le disait incapable de quitter son lit, les affaires de l’État s’en ressentaient. Seize médecins le visitaient chaque jour sans résultat.
Le mage repoussa l’aimable suggestion.
– Je me consacre aux douleurs qui accablent les pauvres. Ici et là, j’aide des gens fortunés pour les engager à soutenir ma mission. Mais, aux puissants, je ne touche pas. S’ils ne guérissent pas, on m’accuse de les avoir fait périr ; s’ils guérissent, leurs ennemis, leurs héritiers et leurs apothicaires me vouent une haine implacable. Je ne prodigue pas les soins orientaux pour fâcher les gens. Si le doge a déjà seize médecins, comment y aurait-il de la place pour un Buscaleone ?
Les visiteurs versèrent une importante contribution pour aider au soulagement des pauvres, puis se retirèrent, convaincus d’avoir rencontré un bienfaiteur de l’humanité destiné à finir au bûcher.
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Une fois les traits mis à nu, il les massa d’un baume qui effacerait les rides, il procéda à quelques passes accompagnées d’invocations qui accéléraient l’effet de sa chimie asiatique, et, fut-ce l’effet du produit, de l’atmosphère ou de la lumière tamisée, on eut l’impression que la méthode portait ses fruits. Un jeune serviteur aussi frais que s’il avait eu vingt ans présenta un miroir. La peau était déjà plus lisse, plus ferme et plus douce.
– Je rajeunis ! Je rajeunis ! s’écria une Vénitienne.
Le beau Silvan lui sourit avant de passer à la suivante.
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Ordelafo Buscaleone salua ses hôtes d’un signe de tête et désigna ses serviteurs.
– Je n’ai personne à mon service qui n’ait moins de soixante ans. Ceux qui vous semblent jeunes ont été régénérés par mon artifice et me servent par gratitude. Les autres attendent de jouir du même traitement.
On aurait pu en déduire qu’il en profitait pour ne payer ni les uns ni les autres. Loin de ces considérations, ses patients n’avaient d’yeux que pour ce paradis de carton-pâte peuplé de créatures séraphiques qui leur adressaient des sourires aux dents parfaites.
Les serviteurs apportèrent des bassines de porcelaine remplies d’une eau tiède parfumée aux essences de fleurs venues de pays lointains. Le magicien pria ses invités de se laisser nettoyer le visage de tout ce qu’on y avait appliqué de rouge, de pommades, de poudres, de mouches, ce fatras destiné à vous ôter dix ans, le soir, à la chandelle, et qui, dans la journée, aurait fait passer les dames pour des prostituées si elles s’étaient avisées de déambuler sous les arcades de la Piazza.
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– Vous devez absolument guérir le doge ! s’exclama un monsieur qui ne s’était jamais vu si rayonnant depuis ses noces. Vous feriez là une bonne action pour la République et votre réputation n’aurait plus de bornes !
Le sérénissime prince n’avait plus été vu en public depuis des mois. On le disait incapable de quitter son lit, les affaires de l’État s’en ressentaient. Seize médecins le visitaient chaque jour sans résultat.
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– Je rajeunis ! Je rajeunis ! s’écria une Vénitienne.
Le beau Silvan lui sourit avant de passer à la suivante.
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Les serviteurs apportèrent des bassines de porcelaine remplies d’une eau tiède parfumée aux essences de fleurs venues de pays lointains. Le magicien pria ses invités de se laisser nettoyer le visage de tout ce qu’on y avait appliqué de rouge, de pommades, de poudres, de mouches, ce fatras destiné à vous ôter dix ans, le soir, à la chandelle, et qui, dans la journée, aurait fait passer les dames pour des prostituées si elles s’étaient avisées de déambuler sous les arcades de la Piazza. Une fois les traits mis à nu, il les massa d’un baume qui effacerait les rides, il procéda à quelques passes accompagnées d’invocations qui accéléraient l’effet de sa chimie asiatique, et, fut-ce l’effet du produit, de l’atmosphère ou de la lumière tamisée, on eut l’impression que la méthode portait ses fruits. Un jeune serviteur aussi frais que s’il avait eu vingt ans présenta un miroir. La peau était déjà plus lisse, plus ferme et plus douce.
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Ordelafo Buscaleone salua ses hôtes d’un signe de tête et désigna ses serviteurs.
– Je n’ai personne à mon service qui n’ait moins de soixante ans. Ceux qui vous semblent jeunes ont été régénérés par mon artifice et me servent par gratitude. Les autres attendent de jouir du même traitement.
On aurait pu en déduire qu’il en profitait pour ne payer ni les uns ni les autres. Loin de ces considérations, ses patients n’avaient d’yeux que pour ce paradis de carton-pâte peuplé de créatures séraphiques qui leur adressaient des sourires aux dents parfaites.
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