Il a secoué la tête.
"T'es pitoyable. Pour un tas de gens, t'es un grand type costaud qui reste calme et qui fait peur, et puis il suffit que quelque chose... Je ne sais pas. Il suffit qu'une émotion entre dans la pièce, et tu deviens tout rose, et puis tout pâle, et tu te mets à perdre les pédales parce que tu ressens des choses. Je me trompe ?"
Je patrouille à pied, ou sur un scooter blanc, et ça ne fait pas sérieux, un flic en scooter et en short. Mais un type qui fait respecter la loi, les lois, les lois d'un autre, ça finit comme ça. Soit parce qu'il boit, qu'il touche de l'argent, qu'il prend des amphétes, qui'il a besoin de puissance, ou qu'il fait partie de ces types qui ont toujours peur, ou parce que c'est moi, ça se passe toujours comme ça - services fédéraux ou police d'une grande ville, puis quelque chose de plus bas, une grande ville, puis quelque chose de plus bas, une grande cité ouvrière, ou un petit trou perdu au-dessous des Grands Lacs, par exemple, puis encore plus bas, un bled minuscule, puis peut-être un campus, un centre commercial, un hôtel qui a connu des jours meilleurs.
On ne peut pas dire Il était une fois pour raconter l'histoire, raconter comment on en était arrivés là. Il faut dire hiver. Il était une fois en hiver, doit-on dire, car l'hiver était notre seule saison, et on avait l'impression qu'on allait vivre en hiver toute notre vie.
Aucun d'entre nous n'avait cru quoi que ce soit avant de se retrouver à bord d'un Huey bourdonnant à pleines hélices au-dessus d'un pays qu'on avait voulu bouffer mais qu'on avait fini par vomir parce qu'on n'avait pas pu l'avaler.
[...] Dans un couple, on doit dire son secret. C'est ce que je crois maintenant. Mais j'ai aussi cru que ma femme mourrait du nôtre. Alors je l'ai gardé pour moi. Il n'y a plus eu de couple.
Il avait le visage rond et l'air méchant sous ses cheveux en brosse très ras, jusqu'au moment où il a souri. Alors ses yeux sont sortis de leur cachette.
[…] - Ce serait comme vivre en hiver toute l’année. Je n’y crois pas.
- Alors, qu’est-ce qui va se passer selon toi ?
Mes lèvres endolories ne voulaient pas remuer.
- Ce qui se passe toujours. On a un hiver dur, terrible, et puis il se termine.
Quelqu’un, dans le rêve où Fanny et moi étions tristes, parlait sévèrement du printemps.
[…] Je l’avais vu sur une brique de lait. Ils mettent les photos de gosses perdus, ou qui se sont enfuis, sur les cartons de lait et les gens ne les regardent jamais comme des photos de gens qu’ils risquent de voir.
Un polar ennuyant et pourtant...