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Critiques de Gaïto Gazdanov (25)
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Cygnes noirs

Ouvrier à l’usine, il potasse Saint-Simon, cynique il ne trouve aucun sens à la vie et son seul rêve est de partir pour l’Australie, voir “les cygnes noirs”,

Personnage public mystérieux, face à son « mensonge sublime n’importe quelle vérité pâlit et devient inutile »,

Gricha, l’amertume d’une vie vécue sans avoir compris où se trouve le bonheur, dont l’office des morts célébré par une choral de fortune est à couper le souffle, “Untel a jadis chanté l’opéra, tel autre l’opérette, un troisième au café-concert. Et, bien entendu, nous avions tous, jadis, chanté dans une chorale. Quant à l’office lui-même, chacun le connaît depuis l’enfance –et jusqu’à son dernier souffle.”,

Nikolaï Frantsevitch, homme cultivé, fin lettré, pérenne, sans histoires, dont les mystérieuses lettres signées M.Ivanov, révèlent l’inimaginable.



Un excellent auteur russe exilé à Paris, que je viens de découvrir grâce à Arabella, que je remercie en passant. Ces quatre histoires ont pour cadre Paris dans les années 30-40 et se terminent tous par la mort. Ses personnages sont des exilés russes, rescapés de la révolution bolchevique, “des êtres sans avenir, amputés de leur passé devenu incompatible avec leur nouvelle existence et qui, au lieu de constituer le socle de la personnalité de chacun, n’est plus qu’un fardeau encombrant, voire pernicieux ou fatal.” En découle, une désillusion profonde de la vie occasionnée par cet exil, sans aucun doute celle de l’auteur lui-même qui en subit l’affront. Même si le propos est acerbe, il est traité avec beaucoup de lucidité et riche en vérités intemporelles (« ce qui intéresse vraiment l’être humain, ce n’est pas comment il vit, mais comment il voudrait ou devrait vivre. »), qui traduit du russe dans une prose élégante, élaborée et exigeante, n’en creuse que davantage le sillon. Une mention spéciale pour le dernier récit , “Les lettres d’Ivanov”, avec sa superbe chute et réflexion finale du narrateur.

Une très belle découverte à poursuivre.....



“.....le progrès ou la démocratie ne relèvent-elles pas d’une aberration ? Pourtant, elles ont coûté la vie à des millions d’individus.”
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Le spectre d'Alexandre Wolf

Gaïto Gazdanov était le cadet de Nabokov de quatre ans, tout comme lui, dans les années 30, leur renommée se limite à la diaspora russe, la gloire véritable de Nabokov date de l'époque où il est publié en anglais.

Gazdano n' écrira toujours qu'en russe ," Je ne connais la Russie que très peu, car j'avais seize ans lorsque je l'ai quittée mais c'est ma patrie..."

Cette Russie dont il est empreint dans sa chair mais aussi dans les thèmes de la littérature russe .

Un mélange de fatalisme, une part réelle de nihilisme, le poids du destin ,l'amour foudroyant ,la résurrection , la nostalgie indéniablement russe.

Dans ce récit, le narrateur a aussi seize ans , lorsqu'il croit " «assassiner»" un rouge alors qu'il lutte avec les Blancs. Nous sommes en pleine guerre civile en Russie en 1917.

Le narrateur tout comme l'auteur fuit son pays et son exil le conduit à Paris. Mais l'homme qu'il croit avoir tué devient son obsession, son Spectre.

Le récit met l'accent sur le hasard qui détermine une vie , un événement qui bascule une existence dans un sens ou dans un autre.

Il en est de même de l'amour, il vous porte ou vous ensevelit.

Le hasard permet aussi la chance d'exister, c'est le cas dans le récit, puisque "l'assassin" n'a fait que blesser la victime qu'il retrouve plus tard d'abord dans un livre puis en connaissant l'auteur en chair et en os.

Ce qui est important pour Gaïto Gazdanov, c'est la valeur que tout cela confère à la vie, à la chance d'exister , il faut défendre cette vie.



Gaïto Gazdanov meurt en 1971, sans avoir revu son pays, tout comme Vladimir Nabokov qui meurt 6 ans plus tard en 1977.





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Le spectre d'Alexandre Wolf

On est en Russie , en pleine guerre civile, et le narrateur , combattant pour les blancs, tue un rouge. Cet acte va le poursuivre et hanter ses nuits et ses jours. Jusqu'au jour où il tombe sur un roman, écrit en anglais, où une des nouvelles relate exactement la scène vécue des années plus tôt dans le sud de Russie ? Et si son opposant n'était pas mort ?



Gaïto Gazdanov fait partie de ces écrivains russes qui n'ont existé que pour les expatriés. Son public a lui était très maigre et ce n'est que 20 ans après sa mort , une fois le bloc communiste déchu qu'il fut publié dans son pays. Son œuvre, une dizaine de romans comporte deux périodes bien précises, une "russe " et une "française". Le spectre d'Alexandre Wolf clôt la période russe, où seule la scène pendant la guerre , qui initie le livre, s'y déroule.

La majeure partie du roman se déroule à Paris dans l'entre deux guerres.

On retrouve dans cette œuvre un goût de Zweig, ne serait ce que dans le style.

Sombre collerait bien à l'ambiance. Le doute de l'être humain, sa destinée, le fait que tout le monde peut se muer en tueur, l'être poursuivi par ses fantômes et qui s'extirpent d'eux péniblement. Il y a sans doute ici une part autobiographique , ne serait que dans l'exode du narrateur.

Un livre surprenant,beau à la lecture et intéressant dans sa construction.
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Le spectre d'Alexandre Wolf

"Rien n’a autant pesé dans mon existence que le meurtre, unique, que j’ai commis". C’était la guerre, enrôlé dans l’armée des Blancs contre les Bolcheviques, le narrateur alors âgé de seize ans a tiré sur un cavalier qui pointait son fusil dans sa direction. C’était lui ou l’autre. Et pourtant le sentiment de culpabilité l’a poursuivi partout où le destin l’a mené, de la Russie jusqu’à Paris où il s’est installé pour devenir journaliste. Il y mène une vie sans joie mais sans déplaisir non plus jusqu’à la découverte d’un recueil de nouvelles relatant son histoire.

Le récit s’engage alors dans une enquête sur l’auteur Alexandre Wolf, enquête qui oscille au fil des pages entre chasse au fantôme du passé et volonté confuse de triompher dans la vie, poursuite policière et quête métaphysique. Car tant par sa poésie que par la trouble densité de son propos et de ses personnages, le roman n’est pas un simple jeu de piste. C’est un roman habité par une question qui menace d’étouffer le narrateur, il décompose la vie énigmatique des deux individus qui pourraient n’être qu’un seul puisque chacun est hanté par la mort. Fascination et désillusion mêlées.

Et c’est sans aucun doute dans cette quête existentielle que réside la réussite du roman : confronter un homme à ce qu’il a échappé et le pousser à se frayer un chemin introspectif salvateur ou irrémédiable. Privilégier l’éloquence et la profondeur de la réflexion quitte à enfermer l’intrigue dans des rebondissements parfois trop prévisibles. Construction aléatoire donc mais on s’en accommode fort bien tant il est passionnant dans le traitement qui est fait des thèmes du traumatisme, du destin ou encore de la valeur de l’existence.

Nimbé d’une obsédante mélancolie, "Le spectre d’Alexandre Wolf" fut une lecture troublante et captivante.

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Une soirée chez Claire

Fragments de mémoire

Nikolaï a renoué à Paris avec son amour de jeunesse, Claire, une bourgeoise française rencontrée dans le Caucase à Kislovodsk avant la guerre civile. Ils n'ont plus grand chose en commun mais ces soirées passées près d'elle lui permettent de retrouver des fragments de sa jeunesse perdue.

J'ai eu du mal à rentrer dans le roman car au début la narration est décousue, le personnage De Claire peu attachant et la méditation du narrateur sur le souvenir trop abstraite. Mais, dès l'évocation des premiers souvenirs d'enfance, j'ai été embarquée. Tout commence par la mort du père quand il a huit ans. Ses dernières volontés qu'on ne respecte pas. Sa tendresse mais aussi son insolence qui vont l'inspirer plus tard chez les Cadets. J'ai beaucoup aimé le dialogue avec son oncle Vitali, un ancien officier, qui essaye en vain de le dissuader de s'engager dans l'armée des Russes blancs. Il a alors seize ans. le narrateur s'efface pour se remémorer très précisément des camarades hauts en couleurs et complètement anti-héroïques : Koptchik le tire-au-flanc qui est le seul à réconforter le pointeur de canon blessé à mort ; Danko, le bravache, condamné à mort chez les Blancs et chez les Rouges ; Elizabetha qui se donne aux soldats et leur parle de littérature...Mitia qui annonce les pires nouvelles d'un ton enjoué car lui est encore vivant. La guerre est perdue, il faut partir. Nikolaï s'accroche au rêve merveilleux que symbolise Claire.
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Cygnes noirs

Les écrivains russes qui ont fuit leur pays après la révolution sont nombreux, mais surtout il y a parmi eux de nombreux auteurs de grand talent. Si certains sont très connus : on peut citer bien sûr Nabokov, ou Bounine couronné par un prix Nobel ; d’autres n’ont pas accédé à la reconnaissance que leurs œuvres méritent. C’est le cas de Boris Zaïtsev, que j’ai découvert récemment, c’est aussi le cas de Gaïto Gazdanov, dont heureusement les éditions Viviane Hamy ont entrepris depuis quelques années d’éditer les œuvres.



Cygnes noirs, est un recueil de quatre nouvelles. Toutes se passent en France, pays dans lequel Gazdanov a vécu jusqu’à sa mort en 1971. Trois d’entre elles ont pour protagonistes principaux des émigrés russes, comme c’est la cas dans les autres écrits de l’auteur que j’ai lu jusqu’à maintenant ; la quatrième nouvelle imagine un épisode de la vie de Clemenceau à la fin de sa vie, dans lequel le narrateur russe a une part active.



La forme courte va bien à Gazdanov, son art de créer, de rendre vivants des personnages, convient au format de la nouvelle. A chaque fois un épisode particulier résume un personnage, le narrateur, un peu en retrait, est une sorte de témoin privilégié qui nous restitue l’essentiel, sans fioritures inutiles, mais en prenant le temps de dire ce qui est vraiment important, chaque détail ayant son importance, même si nous ne la comprenons qu’une fois le récit achevé.



La langue est travaillée, sans surcharge mais avec soin et élégance, et un certain humour et second degré sont plus présents que dans les romans que j’ai lu de l'auteur, même si l’univers de ces exilés dont la vie n’est pas forcément facile (comme n’est pas non plus facile la vie d’un certain nombre de Français que l’on entrevoit en filigrane ) et se teinte d’une certaine nostalgie; le sens des choses a besoin d’être interrogé en permanence après le séisme du départ du pays natal, et parfois le désespoir prend le dessus.



Très bon recueil, à qui on pourrait juste reprocher d’être trop court.
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Le bonheur

Le Bonheur, 1928, éditions Pépites, 2022 traduit du russe par Elena Balzamo.

Gaïto Gazdanov (1903-1971) Naissance à Saint-Pétersbourg, mort à Munich.



Les belles-mères

Récit mélancolique sur le bonheur sur un ton monocorde. L'auteur essaie de nous entrainer sur la pente douce du bonheur mais n'y arrive pas. C'est comme un appart dans Paris qui ne reçoit jamais le soleil. On aurait envie de lui dire qu'il ne faut pas rester dans cet état là, mais c'est plus fort que lui, il faut qu'il y replonge. Il pense qu'il est certain en nous expliquant sa vie qu'on va le comprendre et se faire une raison, mais si pour expliquer le mal de vivre qui le ronge, il faut à chaque fois nous faire le détail de tout le fardeau qu'il porte sur son dos, sa quête du bonheur ne s'arme d'aucune chance pour s'accomplir. Sa poésie, ses métaphores ici apparaissent même de trop car le fond du récit est une plainte. Honnêtement, je ne vois que le suicide pour interrompre ce parcours désenchanté. J'ai rarement lu des choses qui vous portent autant la poisse tant c'est lugubre : ça vous met le bourdon assuré. Alors dans ces conditions, le bonheur est une farce alambiquée.



L'histoire alors, ben elle a bien mal commencé puisque le fils naît le jour où sa jeune mère meurt en le mettant au monde. On a bien du mal à croire que le père va élever tout seul son fils qu'il aime au plus haut point et se projète sur lui en fait. Alors comme un hasard pas plus crédible que ça puisqu'il faut jouer sur le thème de la parabole lumineuse, selon l'idée du traducteur, à laquelle je n'adhère pas davantage, une nouvelle femme arrive dans la vie du père et qui pense-t-on va se substituer à la mère manquante, mais l'enfant a déjà 14 ans, c'est déjà un petit homme qui même s'il est inhibé de par peut-être l'ombre du père qui plane sur lui, ce nouveau challenge pour ce foyer pourrait-on dire ne va rien changer et au contraire va encore plus figer les choses. Ben oui, le fils ne va pas aimer la belle-mère ! C'est un classique recuit ! le récit écrit il y a un siècle apparait dans une France ou l'on parlait moins des belle-mères qu'aujourd'hui parce que tout simplement ce n'était pas dans l'air du temps, mais aujourd'hui certes c'est courant, mais si on veut se donner la peine de regarder de plus près, c'est loin d'être la panacée, on se donne toujours de bonnes raisons pour penser que tout marche là-dedans comme sur des roulettes, ce n'est que chimère, et en tout cas pas le bonheur !.. Est-ce que quelqu'un peut me dire par exemple ce qu'apporte au récit cet accident de la route causé par un chien qui se retrouve avec une moitié de queue ? Franchement, je n'ai pas envie d'enfoncer le clou plus que ça, ces histoires ne me font pas vibrer, il fallait y penser avant : est-ce que j'ai envie d'épiloguer sur ces belles-mères et sur ces fausses vies qui se terminent mal et où chacun se retrouve à terme à la case départ avec le sentiment du temps perdu, non très peu pour moi ; en aurais-je l'envie que j'ai mille choses à vivre, mille lectures à faire qui me procurent un autre intérêt !



Quand on sait que l'auteur du Bonheur est un russe exilé qui a fui son pays comme tant d'autres à l'arrivée des bolcheviks non sans combattre d'ailleurs, cette nouvelle vie empruntée aux français, écrite en russe et traduite vers le français, je ne la vois pas, ça sonne creux. Oui bien sûr la raison voudrait qu'on s'assimile au pays d'accueil, mais on a lu ça où, dans les revues idéologiques, militantes qui vous expliquent que le bien de l'humanité est le socialisme. Ca se termine toujours par des plaidoyers larmoyants, faussement indignés et fausses vertus outragées, et après il n'y a plus personne, silence dans les rangs .. et ça revient par une lame de fond sournoise, vengeresse, et perfide. Ah ah ! Quelle fumisterie ! de telle sorte que la boucle se referme sur ce désastre annoncé avec plus d'acuité encore !



Et pourtant le père, par dessus le marché, avait les moyens puisque c'était un capitaine d'industrie fort occupé, était-ce à dire par là que le fil du récit se portait sur son fils confronté à une belle-mère au quotidien qui tirait les marrons du feu de pareille farce ? Ben oui, quelle ambiance somâtre !



Peut-être dans un subconscient possible, Gaïto Gazdanov procéde de réminscences d'enfance choyée dans une grande famille pour tenter une greffe littéraire en terre française, mais assurément on est bien loin de la parabole lumineuse ! Mais dans ce cas-là pourquoi n'a-t'il pas évité l'écueil de la transposition malheureuse ? Quant au style, vous pouvez le mitonner autant que vous voulez, si l'édifice ne tient pas la rampe, ça donne un goût d'exercice inutile et vain, voire parfois insipide. Il faut penser à un autre pour le meilleur auteur russe en exil !



Quelques bonheurs d'écriture surviennent à la fin, mais c'est trop tard ! Non, nous n'aurons manifestement pas là un nouveau Scott-Fitzgerald méconnu encencé ici pour des raisons de pur marketing. Pour conclure, je lirai probablement de cet auteur un autre ouvrage, son premier il me semble où il traite de la révolution russe, sans trop savoir ce que j'y trouverai d'ailleurs en qualité d'écriture ? N'est pas écrivain qui veut ! Et puis je crois bien que ce sera la dernier pour moi de Gaïto Gazdanov, fût-il russe issu de bonne famille qui a baigné toute sa jeunesse confronté à la révolution russe bien malgré lui. Voilà en gros ce à quoi je me suis laissé prendre et où une fois de plus j'ai pu mesurer tous les effets néfastes de la déculturation dans l'exil ou comme une photo qui se révèle en labo en la retournant se prêtant implacablement au jeu de la vérité. le coeur a ses raisons ...
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Chemins nocturnes

(...)

Les chemins nocturnes qui sillonnent Paris sont la face cachée des paillettes, des artifices; ce sont les ruelles glauques et sales qui serpentent derrière les grandes façades pompeuses; ces clochards et ces mendiants qui se brisent sur l'asphalte, les prostituées et leur souteneurs qui déambulent, les bassesses humaines qui transcendent toute hiérarchie sociale.



Cotoyer ces miasmes ne laisse pas indemne, et ces effluves ténébreuses empoisonnent insidieusement celui qui les respire.



Grandeur et décadence, esthétique de la chute qui est récurrente. Poétique tragique de la déchéance, décrite de façon aussi froide que possible par le narrateur témoin.



D'une force contenue et digne, ce livre a une belle tournure, une écriture sensible et raisonnable. A découvrir !!!



http://lelabo.blogspot.com/2008/05/gato-gazdanov-chemins-nocturnes.html
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Le bonheur

Pépite !

Ce serait comme une immersion dans un film en noir et blanc, au ralenti.

« Le Bonheur », le renom et bien au-delà la fulgurance d'un texte d'une beauté inouïe. Un chef-d'oeuvre de la littérature classique. Un livre pionnier, qui sait, tant son don est inné. Accomplir ce qu'il y a de plus grand en littérature en 54 pages.

Avec une préface éclairante et érudite d'Elena Balzamo. Écrite d'une voix douce à l'instar de Gaïto Gazdanov.

Elena Balzamo dévoile les pans de vie de Gaïto Gazdanov. Il a écrit « Le Bonheur » à 28 ans en France. « Un récit à la fois limpide et énigmatique, est caractéristique de cette période de Gazdanov...Une histoire à la fois tragique et ordinaire… La vie a-t-elle une valeur intrinsèque, vaut-elle la peine d'être vécue – malgré et contre tout ? « Le Bonheur » est dans la vie elle-même et non dans ses manifestations concrètes, une dialectique qui irriguera l'ensemble des écrits gazdanoviens ».

Ce livre vaut son pesant d'or. L'écriture mélancolique, calme, olympienne, est attachante. Son romantisme fait éclore l'histoire. Comme un huis-clos, une scène mouvante qui se passe dans un antre, seul.

Et pourtant, on a l'impression de toucher l'essentialisme. Le foisonnement d'une philosophie venue des profondeurs. Deux personnalités majeures gravitent dans ce récit de haute importance. L'enjeu d'apprendre des protagonistes ce qui pourrait être utile à notre élévation.

Henri Dorin, un homme qui a perdu sa première femme, le jour de la naissance d'André, son unique fils.

Il aura de cesse, durant l'enfance d'André de le choyer, de l'élever dans une sérénité quasi théologale.

Henri Morin est posé, calme, intuitif et intelligent. Riche industriel qui se déplace souvent, rentre très tard. Mais il veille sur l'enfant grandissant au fil des pages.

André est un tout jeune homme. Il aime la littérature. Il lit comme un rituel jusqu'à deux heures du matin. Dans cette heure-même où son père fait sonner son réveil et pénètre dans la chambre et lui retire le livre doucement.

« Lorsque le moindre mouvement du petit corps d'André faisait vibrer son propre coeur ».

André est en quête. Il cherche dans les replis de son âme, les réponses au jour, au mouvement de la vie-même. Dans une intensité telle, qu'il pourrait en être bouleversé. Il s'enferme dans sa chambre des heures entières. Ferme à clé cette dernière, lorsqu'il s'en va. Comme si un intrus pouvait dénaturer la moindre parcelle de lumière.

Au quatorze ans de l'enfant, Henri Dorin se remarie avec Madeleine. Une femme superficielle, effacée. Il ne l'aime pas comme sa première femme. Supporte d'elle, ses écarts et son hypocrisie. C'est un homme si altruiste, si maître de lui-même, si hédoniste, qu'il ne voit pas les défauts comme des barrières à son éthique de vie.

Il est dans cette sphère spéculative et magnétique. C'est un homme éperdument réfléchi.

« Dorin ne se posait pas la question de savoir si la vie en tant que telle était un bien ou un mal. Il n'évoquait ce que sujet dans dans ses conversations avec André. Il soutenait que l'existence contenait plus de joie que de peine, parce que lui-même éprouvait de la joie plus souvent que du chagrin ».

le récit est pourtant un mélodrame. Gaïto Gazdanov entraîne ses personnages au paroxysme de leur personnalité, au plus près du secret. André écrit un journal intime. Il observe les insectes. Les rituels d'une nature dont il aime la constance. Il pressent des animaux, les mêmes questionnements que lui-même. Il s'inquiète de leurs faiblesses. Il est protecteur et attentif. Ce jeune homme si froid avec sa belle-mère Madeleine, et pour cause, trouve dans la verdoyance du parc les réponses à ses doutes.

Tous les deux sont dans cette osmose philosophique, intrinsèque. Ils ressentent les émotions différemment. Mais leurs destinées sont gémellaires d'un existentialisme compris. L'un accepte ce qui vient, « Ne peux-tu pas imaginer un homme infiniment sage, qui voit tout et comprend tout – autant qu'un être humain en soit capable – et qui ne verrait en toute chose que du bien ? ».

L'autre est dans la perspective de la vulnérabilité. « Un tel homme n'a jamais existé, papa ».

« Le Bonheur » est un envol de papillons de nuit. D'ombre et de lumière, la merveilleuse trame vaut mille vies. « Le Bonheur » est un viatique. L'oeuvre du bien, tant il ouvre. Intemporel et incontournable.

Traduit à la perfection du russe par Elena Balzamo. Publié par les majeures Éditions Maire Barbier. Au doux prix de 12 €.
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Chemins nocturnes

Le mythique chauffeur de taxi Russe Blanc du Paris des années 30. Combien y en a t-il eu ? Celui-ci est un érudit et nous entraîne dans ses courses, errances et dérives dans les rades de la nuit tout en buvant du lait.
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Le spectre d'Alexandre Wolf

Entre deux coups de feu, un récit exemplaire où se mêlent suspens, amour et réflexions sur le hasard des destinées.

Le narrateur, journaliste, russe exilé à Paris doit lutter contre "le spectre d'Alexandre Wolf" ( un double de lui-même?) pour redonner sens à sa vie.

Une postface d'Elena Balzamo éclaire le lecteur sur tous les thèmes développés dans l'œuvre de ce contemporain -longtemps oublié- de Nabokov.
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Le Retour du Bouddha

Un jeune émigré russe à Paris dans les années 30. Il étudie l'histoire. En même temps, il vit d'étranges rêves éveillés qui semblent plus réels que la réalité, qui le hantent et l'empêchent de vivre vraiment sa vie. Une rencontre en deux temps d'un émigré russe plus âgé, dont il devient l'ami. Un meurtre, une enquête policière. Et diverses considérations, philosophiques, métaphysiques....



On pourrait trouver tout cela décousu. Mais c'est un véritable enchantement que de suivre le personnage principal de ce récit étrange et fascinant. Il faut aimer la flânerie, l'onirisme, accepter que la vie intérieure puisse être plus réelle que les faits matériels de tous les jours. Accepter de ne pas tout comprendre. Et se laisser emporter par la magie d'une langue incandescente.
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Une soirée chez Claire

En 1917, en Russie, l’événement qui bouleverse la vie du jeune narrateur, c’est la rencontre de Claire. Il la retrouve à Paris, mariée, dix ans après, lors de cette « soirée » qui ouvre le roman.

Ces retrouvailles réveillent son passé, son amour de la solitude, la mort du père si attentionné, la raideur apparente de la mère, la mort de deux sœurs, l’internat chez les Cadets, l’attachement a quelques professeurs sensibles, la haine de la religion orthodoxe…et l’engagement à 16 ans dans l’armée blanche.

Le ton désenchanté, les descriptions de la nature, l’enthousiasme juvénile , le dédoublement du personnage qui cherche une solution de continuité entre deux « moi », l’un très intérieur, l’autre qui doit composer avec le monde, l’absence de sens de la vie, la délicatesse des sensations où les sentiments se heurtent à la raison, apparentent ce personnage décalé aux beaux personnages « romantiques « du début du XIXème siècle. Le style, lyrique et ironique, mime les états d’âme du personnage, ce qui rend le texte très intimement persuasif.

L’oncle Vitali, résume ce qui fait vibrer tout le roman : « le plus grand bonheur terrestre , c’est de croire que l’on a compris ne serait-ce qu’un infime petit fragment de la vie qui nous entoure. En fait, tu verras que tu avais mal compris. Et puis, un ou deux ans plus tard, tu éprouveras une nouvelle fois la certitude de t’être trompé. .. c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans l’existence. »

A.C
Lien : http://www.bnfa.fr/livre?bib..
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Chemins nocturnes

L’auteur s’inspire dans ce livre de son expérience, de son vécu à Paris, où suite à divers métiers il a été taxi, l’un des fameux « taxi russe ». C’est d’ailleurs très troublant, car d’autres éléments biographiques se retrouvent dans le récit du narrateur, et il devient impossible de faire la part du souvenir, du vécu et de l’imagination, de la création littéraire. Nous sommes toujours sur un fil, entre réel et imaginaire, et nous ne pouvons savoir à quel moment on passe de l’autre côté de la frontière. Ce qui ajoute au charme du livre.



Donc le narrateur, est chauffeur de taxi. De nuit, ce qui change les choses. La nuit, l’envers du décor, la nuit pendant laquelle se montrent ceux qu’on ne voit pas le jour, et où la physionomie de la ville devient toute différente, inquiétante et déprimée. Et son métier le met au contact de plein de gens différents, de toutes les classes sociales. Mais il préfère nettement ceux de la marge, les prostituées, les vagabonds, les alcooliques philosophes, et ses compatriotes, qui vivent tant bien que mal leur exil, en s’accrochant aux chimères les plus folles. Il observe cela d’un œil qui se veut distant, qui tente de se protéger, en se mettant hors d’une vie ordinaire, en spectateur nocturne des vies des autres. De bien pauvres vies souvent, dans lesquelles même les moments les plus heureux ne sont qu’un prologue au malheur. Nous suivons quelques uns de ces personnages, Raldi, l’ancienne courtisane, Platon, le pilier de bistrot philosophe, Fédortchenko qui se laisse envelopper dans la folie d’un autre, Suzanne l’ancienne prostituée….D’autres ne font que passer sur quelques lignes ou quelques pages. Mais chacun a droit à des mots essentiels, même si la narrateur semble ne pas s’apitoyer sur leur sort, il leur consacre des mots qui les fixent, et leur donnent une dignité.



C’est un livre sans doute moins complexe et élaboré du point de vue narratif que Le retour du Bouddha. Il s’agit en apparence de dérouler des bouts d’histoires au fur et à mesure, au fil des nuits et parfois des jours. Il s’en dégage une grande mélancolie et un grand désenchantement, mais en même temps une grande poésie, celle des coins obscurs, et des personnages sans rédemption possible, le côte sombre d’une ville. Une très belle lecture.

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Une soirée chez Claire

Le premier de ses neuf romans, élégants et nostalgiques.
Lien : http://www.lepoint.fr/livres..
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Éveils

Le personnage principal, également narrateur, Pierre Fauré est comptable dans une petite entreprise parisienne. Il consacre tout son temps libre à s'occuper de sa mère avec laquelle il vit. A la mort de sa mère juste après la fin de la seconde guerre mondiale il se retrouve totalement seul et désemparé. Pendant des vacances chez un ami, il fait la rencontre d'une jeune femme qui vit seule dans une forêt et se comporte comme un petit animal sauvage. Il va alors l'emmener avec lui à Paris et n'aura de cesse à partir de cet instant de lui redonner goût à la vie et de lui permettre de retrouver une place dans la société. La personnalité de Pierre est difficile à cerner et ce sont les nuances des personnages qui font tout l'intérêt de ce livre.
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Dernier voyage

Quel étonnant roman écrit à la manière de Jane Austen par un Russe arrivé à vingt ans à Paris en 1923 ! Héritier de Tourgueniev, Gazdanov (mort en 1971) nous gratifie d'une situation dans laquelle un père et son fils sont successivement amants de la même femme. Ajoutez à cela une haute qualité de la traduction (par Anne Flipo Masurel) et vous avez tout pour passer un excellent moment.



Gazdanov est un Russe blanc, réfugié et chauffeur de taxi de nuit à Paris. Bien qu'il n'ait pas connu le luxe, ni en Russie ni en France, il décrit un milieu où l'argent coule à flot et où ses personnages se déplacent souvent de Paris à Londres ou à Nice. Fantasques et attachants, ils vivent des aventures sentimentales éphémères et souvent blasées qui mettent en relief l'intensité du premier amour quand il apparaît après une longue et sourde maturation entre une jeune femme et un adolescent, membres de la même famille.



Une mère, presque toujours absente pour cause d'engouements successifs et/ou d'aversion envers son mari, vient au début du roman enlever son fils qui n'a alors que sept ans. Une dizaine d'années plus tard, elle le retrouvera après que bien des épisodes nous aient été racontés.



Dans un chapitre très drôle, Gazdanov nous détaille le processus de fabrication de souvenirs par la réécriture de l'histoire d'une relation : une femme devenue veuve et qui avait difficilement supporté son mari pendant des dizaines d'années, invente dans le recueil de ses mémoires l'affection qu'elle n'a jamais éprouvée pour le disparu et finit par se convaincre que feu son mari était un être plein de qualités et auquel elle était très attachée. Il lui arrive même de le pleurer.



On n'est pas surpris d'apprendre que ce roman, comme toute l’œuvre de Gazdanov, n'a pu être publié en URSS. Il est vrai que l'auteur autorise ses personnages à prendre quelques libertés avec la morale dominante. Mais, qu'importe le cadre et les situations, il y a du Proust dans cet auteur tant il décrit les sentiments avec subtilité et humour.



Dans le domaine du ciselage de profils psychologiques, nous avons ici affaire à un orfèvre.
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Éveils

Ascenseur émotionnel.

Ce roman de Gaïto Gazdanov (auteur que je ne connaissais pas du tout) est très court (138 pages), donc si je tente d'approfondir la présentation de l'éditeur, je risque de trop en dire, trop en révéler.

J'ai choisi de lire « éveils », pour des raisons bien futiles :

1-Je voulais commencer à découvrir les éditions Viviane Hamy.

2-La beauté de la jeune femme sur la couverture…



Je me suis laissé prendre au cœur par ce roman calme et profond, mais jamais ennuyeux.

Pierre, le personnage principal (un "Français moyen" comme on dit), fait pour Marie, preuve d'une bonté dont j'aimerais être capable (et m'en contenter).

Les « Éveils » (dont je vous laisse la surprise) de ce magnifique roman m'ont surpris et ému.
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Cygnes noirs

Quatre nouvelles sur des exilés russes dans le Paris du milieu du XXème. Personnages improbables. Un peu émouvant, un peu ennuyeux.
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Une soirée chez Claire

L’existence du narrateur, sans cesse en quête de sa propre identité, les déchirures liées à l’exil, l’errance, la fuite, l’imposture incarnés par des personnages tout en finesse sont les thèmes de prédilection de l'auteur..



Admirablement bien écrit, l'auteur est très proche de Proust et de Gorky, c'est un romancier de la recherche de l’identité à reconstruire, Gaïto Gazdanov est un russe blanc imprégné de souvenirs d’un monde perdu à jamais.
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