Gay Talese

(...) je ne fus pas convaincu que les poulets étaient aussi stupides que ça. C'est juste qu'ils n'aiment pas ce qui sort de la routine. Ils se sentent en sécurité avec les choses qui leur sont familières. Malgré leurs airs ou leur apparence ridicule, ils ne sont pas vraiment si différents en cela de beaucoup d'humains que je connais.

Je connais un homme marié, père de deux enfants, qui a acheté, il y a bien longtemps, un motel de vingt et une chambres près de Denver dans le seul but d'en devenir le voyeur permanent.

On compte à New-York 200 vendeurs de marrons chauds, 300 000 pigeons et 600 statues ou monuments. Quand la statue équestre d'un général a les deux sabots avant décollés de terre, cela signifie que ce général est mort au combat ; si un seul sabot est décollé, qu'il est mort de ses blessures ; si les quatre sabots reposent au sol, qu'il est probablement mort dans son lit.
(P. 19-20)

 Les médias font maintenant profession de voyeurisme, mais le plus grand de tous les voyeurs c’est le gouvernement, qui garde un œil sur notre vie quotidienne à travers les caméras de sécurité, Internet, nos cartes de crédit, nos relevés bancaires, nos téléphones portables, nos iPhones, les données de nos GPS, nos billets d’avion, les écoutes téléphoniques et tout le reste. 

Les vacances poussent les gens à extérioriser toutes les angoisses qu’ils portent en eux et tendent à favoriser tout ce qu’il y a de pire dans les émotions humaines. La plupart des gens donnent l’impression d’être heureux quand ils se présentent ensemble à la réception du motel pour payer une nuitée supplémentaire, ou quand ils viennent chercher un livre ou des brochures.
On ne peut jamais deviner qu’au-delà des apparences leur vie privée est infernale et malheureuse.

Pour mes premiers sujets et pour cette première séance d’observation, c’était formidable de les voir entrer dans la pièce. Je les voyais encore mieux que je ne l’aurais cru, et c’était sensationnel. Cet accomplissement me faisait éprouver un sentiment de puissance et d’exaltation incroyable. J’avais réussi ce que d’autres avaient rêvé de faire et le sentiment d’être d’une intelligence supérieure m’envahit. On n’a qu’une seule vie, et je venais de réaliser mon rêve grâce à une détermination et un engagement sans faille.

A Atlantic City, les féministes durant l'élection de Miss America, brûlaient leurs soutiens gorge. La natalité américaine atteignait son taux le plus bas depuis la grande crise de 1929, en grande partie à cause de la pilule.

Il condamna la perquisition de Philadelphie et déclara qu'un livre n'était obscène que s'il conduisait le lecteur à des actes criminels. Mais il doutait qu'on puisse jamais prouver la responsabilité du seul livre en une telle occasion, car des facteurs autres que la page imprimée agissaient sur le lecteur.

Ce livre n'est pas un roman mais une enquête approfondie sur la vie sexuelle des Américains et sur leurs rapports à la pornographie. Cette enquête alterne les chapitres en fonction de trois principaux thèmes : l'histoire des magazines pornographiques et de la censure, la vie et la carrière de Hugh Hefner, le fondateur du magazine Playboy, et l'apparition de l'echangisme et de l'amour libre dans les communautés hippies des années 1970, puis dans les milieux artistiques de Californie.
Il est étonnant de constater l'immense fossé entre l'extrême puritanisme des années 50 et le défoulement orgiaque des années 70-80.

Le mafioso est condamné à une vie insensée.Il plaide la misère devant les agents des contributions et s'acharne à diminuer ses revenus tout en cherchant à impressionner ses semblables : à saisir le premier la note au restaurant,à rouler dans une Cadillac ou une Lincoln neuve , et d'une manière générale à vivre au-dessus de ses moyens.

Frank Sinatra : "Je suis favorable à tout ce qui peut vous aider à passer la nuit, les prières, les somnifères, ou une bouteille de Jack Daniel's."
(P. 58)

J’ai toujours été impressionné par les rapports chaleureux, aimants, que j’ai régulièrement pu observer chez les lesbiennes. Leurs sentiments de sympathie, de compassion et de compréhension vont bien au-delà des rapports habituels entre un homme et une femme. Le sexe ne se réduit pas au sexe, et peu importe qu’il s’agisse d’un couple homo ou hétéro. Cela tient certainement à la façon dont les hommes ont appris à regarder leur corps, à les toucher, à ressentir leur sensualité, par opposition à la manière dont les femmes ont appris à faire la même chose. Ces deux femmes auraient pu résumer tout ceci en une seule expression : “faire l’amour avec” plutôt que “faire l’amour à”. Malheureusement, la majorité des hommes que j’ai pu observer sont davantage préoccupés par leur propre plaisir.

Le Voyeur ressemble à un chronomètre de marine : vigilance continue ou sentinelle en état d’alerte… Le Voyeur est quelqu’un qui veille la nuit ; il est continuellement sur le qui-vive de jour comme de nuit, dans l’attente de la prochaine occasion. 

Nous ne sommes jamais devenus suffisamment bons, mon frère et moi, pour jouer en Ligue majeure et envoyer la balle très loin. Nous n’avons ni l’un ni l’autre changé le monde. Au fil des années, nous avons perdu notre travail, perdu notre swing au golf, perdu confiance, perdu la foi, perdu papa. Mais, grâce à lui, nous sommes passés maîtres dans l’art de nous débrouiller, de faire en sorte que les choses avancent, en tirant le meilleur parti des opportunités qui se présentaient à nous. En faisant en sorte que, sans avoir besoin de rien d’autre que le courage qui gonfle notre cœur, ce courage qui est le nôtre quand nous empoignons la batte, nous soyons prêts à réaliser un amorti, comme papa nous l’a appris.

Je vais avoir le meilleur laboratoire au monde pour observer la façon dont les gens vivent de manière naturelle, afin de pouvoir déterminer à des fins personnelles ce qui se passe derrière la porte des chambres quand elle est fermée, en scrutant comment ils agissent et comment ils se comportent.

Aujourd’hui s’est réalisé et concrétisé un rêve qui a constamment occupé mon esprit et mon être. Aujourd’hui, j’ai acheté le Manor House Motel, et ce rêve s’est trouvé consommé. Je vais enfin pouvoir satisfaire mon désir permanent et incontrôlable de scruter la vie des autres. Je vais maintenant pouvoir donner libre cours à mes penchants voyeuristes, à un niveau bien supérieur à tout ce que d’autres ont pu imaginer.

Éprouver du plaisir et une sensation de puissance ne suffit-il pas à un voyeur, est-il vraiment obligé de noter tout ça ? Les voyeurs ont-ils besoin de s’évader de leur solitude prolongée en parlant à d’autres personnes (comme Foos avec son épouse, d’abord ; avec moi, ensuite), avant de se mettre en quête, sous couvert de l’anonymat, d’un public plus large et intéressé par ce dont ils ont été les témoins ?

Certains couples installent des miroirs au plafond chez eux ou regardent des films pornos au lit… l’avantage que nous avions en faisant l’amour tranquillement dans notre grenier était cette possibilité de jeter un œil au-dessous de nous pour contempler d’autres ébats sexuels se dérouler en direct, moins de trois mètres plus bas.

Tout client, homme ou femme, a droit à une vie privée, et il ou elle ne doit en aucun cas savoir que quelqu’un s’est immiscé dans celle-ci.

Les gens qui espionnent, c’est vieux comme le monde. Et si personne ne se plaint, il n’y a pas de violation de la vie privée de chacun.