Geneviève Lefebvre

"Ce n'est pas parce que c'est fait avec amour que c'est bon."
Tu l'as dit, bouffi.

C'est le genre d'homme qu'il était ; un imbécile. Mais c'était mon imbécile.

Trente-sept ans, c'est le nouveau vingt-sept. Peut-être même le nouveau vingt-cinq.

C'était de moi qu'il n'avait pas voulu.
Et l'année qui suivrait me prouverait sans qu'aucun doute soit possible qu'il avait eu raison.

La souffrance est une porte verrouillée. L'euthanasie c'est la clé de la serrure.

Certes, la foi accomplit des miracles. Mais la science en fait quelques-uns aussi.... Enfin faut-il débattre à l'infini de la qualification d'Enriqueta Faberr ? Elle est constatée, reconnue, attestée. Elle a des résultats tangibles et éclatants , Enriqueta Faber est l'un des meilleurs chirurgiens et médecins de l'île ! Alors... Faut-il, sous prétexte que tant de science ne soit pas autorisée à se glisser dans un cerveau de femme, faut-il, je vous le demande, renvoyer Enriqueta Faber au lavoir en laissant nos malades et nos blessés aux mains de cuistres ignorants ?

Je lui fais signe, désespérée : "Je ne sais pas danser, je ne sais pas danser". Il me tend son verre, je le bois, et ça y est, je sais danser.

La vie est un sac de fille, bordélique et exaspérant.

Je n'ai eu qu'à taper son nom dans mon ordinateur pour avoir droit à une page complète, dont un accès à son profil Facebook. Du premier coup. Le Web est peut-être moins romantique que la bouteille à la mer, mais il est drôlement plus efficace.

Une vie dominée par la peur, ce n'est pas une vie.

" Et puis, entre vous et moi, écrire des lettres sublimes alors que t'es pas foutu d'être fidèle, c'est du Photoshop pour la postérité, pas de l'amour."

Tout le monde a des droits maintenant. Rectification, tout le monde revendique la suprématie de “ ses ” droits sur ceux des autres. Résultat, ce sont toujours les mêmes qui se tapent le sale boulot des devoirs.

J’avance la main vers la gueule. Le chien penche la tête et la renifle. Une main parfumée au jasmin, manucurée de beige, adoucie par une crème qui me fait des promesses de jeunesse.

Le chien s’en fout de la jeunesse de mes mains. Il me frôle de sa truffe. Un frémissement me parcourt le corps tout entier. Lentement, d’une douceur exquise, une langue rose glisse sur ma peau.

« Ne me lèche pas, chien, c’est plein de crème, tu vas être malade. »

Il ne m’écoute pas. Sa langue arpente chaque recoin de ma main, entre les doigts, sur la veine à fleur de peau du poignet. Je fixe le sol, ses pattes blanches sur la couverture en polaire rouge. J’ai lu quelque part que les chiens n’aiment pas qu’on les regarde dans les yeux. Qu’ils le reçoivent comme un geste d’intimidation. Je connais des hommes comme ca aussi.

Je touche la tête de la bête, son crane osseux, ses oreilles veloutées comme les pétales d’une rose. Nos regards se croisent, incertains et effrayés.

Le temps s’arrête.

Je ne sais pas nommer ce que je sens. Une marée qui monte. Deux solitudes. Une reconnaissance tacite de nos besoins respectifs. La truffe humide et froide d’un chien abandonné qui trouve la main chaude et fragile d’une fille désemparée.

Il n'y a que les livres ou les chiens que l'on puisse adopter ainsi. Sans trop savoir d'où ils viennent, par quoi ils sont passés et dans quoi on s'embarque.

" Notre destin dépend parfois d'une rigole d'eau qui s'enfuit et nous échappe, plus libre que nous."

T’es musulman, arabe, t’as tout à perdre, en perpétuelle probation, sur le siège éjectable de tous les désormais célèbres «amalgames», mot fourre-tout de l’homme de gauche sensibilisé qui tient à l’exprimer pour montrer sa supériorité morale, en une sorte de selfie de sa conscience. Ça sautait quelque part, bam, si tu portais un nom arabe, c’était chaque fois à recommencer, fallait prouver que t’étais pas de «ceux-là», que t’étais un bon citoyen, un ami de l’Occident, et que tu crierais haut et fort pour condamner les atrocités commises en ton nom. Dans la hiérarchie des hommes, s’appeler Chedi, c’était compliqué.
Alors que pour moi, une femme, c’était beaucoup plus simple: devant un homme, n’importe lequel, qu’il soit blanc, noir, jaune ou vert, face à La Mecque ou à la tête du Vatican, gueux à loques colérique ou propriétaire de yacht à dorures, je n’étais, et je ne resterais, jusqu’au bout de ma vie, que la femelle de mon espèce.

Mord si douleur.

"Les gens n'ont pas besoin qu'on leur dise quoi faire. Ils ont besoin qu'on écoute ce qu'ils ont a dire et qu'on le prenne en considération avant d'émettre une opinion."P.181

J'ai vécu ma vie en représentation. Pour qui? Les autres. Et ils sont où, les autres, quand tu pleures tes défaites, roulée en boule dans une ruelle? Nulle part.

La vie n'est pas tributaire des cartes qui nous sont distribuées par le destin, encore moins par une voyante de pacotille, mais du courage que nous avons dans le terrible face-à-face avec nous-même.