Citations de Georges Bonnet (48)
Un souvenir nait parfois
d'effleurement de mémoire
dans l'ardeur d'un été
ou le souvenir d'un automne
tenant l'enfance par la main
(" Derrière un rideau d'ombres")
Dans la longue distance de l’absence, elle part en de lentes dérives.
Elle est une autre d’elle-même. P 61
Très haut dans le ciel
des oiseaux et des nuages
La fenêtre se fait rivière
Le front contre la vitre
Le rêve
Un espoir insensé
qui serait une route
Docilité du passé. J’ouvre en parlant pour elle un livre d’images.
Les mêmes souvenirs nous regardent. P 32
30 janvier( 1992)
Un crépuscule
de pas perdus
le long des routes
un poudroiement d'adieux
La boue danse
autour des bottes et la brume
s'enferme à double tour
Je n'ai fait tout le jour,
chassé par le vent,
que poursuivre lourdement des ombres
que personne ne voyait
Tout est regard et il y a
de brèves émeutes de clartés
dans les vitres et sur les toits
Le jour est une barque
un reflet se fait hirondelle
C'est un plaisir d'écouter
le langage des fumées
qui se séparent
au-dessus des jardins
Un bonheur naît soudain
et nous métamorphose
Comme l'oiseau transforme en ciel
tout ce qu'il touche
Les arbres ne sont jamais tout à fait silencieux. Ils empêchent d'être seuls.
Ils arrivaient de maigres mots à la main
mais savaient regarder flâner le contour des choses
lire les portes closes les murets en attente
les jardins sans foi ni loi
Leur tambour avait conservé ses dix doigts
leur barque son sang un sang de mer à marée haute
Et ils rêvaient d'une femme en robe de fumée
aux yeux fêtés de cils
dans une rue longue de leurs désirs
(extrait de « La claudication des jours »)
Le ciel de l'aube
en quête d'un langage
Le déroulé des tuiles
Les bruits qui s'éclairent
La montée des désirs
Libellules de la vie
Comprendre, disaient-ils encore
la finesse des feuilles
pour apprendre le vent
La face cachée d'un visage
le bonheur des connivences
Le cheminement du sommeil
à l'approche de l'hiver
Puis des jardins sans âge
qui dorment avec l'été
Nous entretenions nos silences comme on entretient un feu.
Présence permanente de la prairie. Toujours offerte, sans urgence, étendue calmement comme une mémoire retirée à ses ensommeillements.
Ses rumeurs, apaisées, parviennent en vagues secondes.
A la cime des peupliers, le tremblement des feuilles, au ras de la rivière le chant des oiseaux, atténuent le sentiment de solitude.
L’aboiement des chiens, venus des fermes voisines, témoignent que le temps continue. P 56
Peu de morts dans sa vie. Le premier avait été sa mère.
Il s’était penché, l’avait embrassée, glacée, minérale, déjà pierre parmi les pierres. P 39
Le jour se déployait sur la nudité des prés
le sommeil des chemins creux
les ombres surprises
mais nul ne comprenait
l'allégresse avide des choses
le bonheur sans rides des clairières
au profond du temps
Ils étaient là seulement
HLM
Des grappes de destins
pendent aux fenêtres
Jusqu’aux pelouses maigres
où quelques arbres
gardent cette fidélité
faite de renoncements
La solitude sous leurs branches
ressemble aux pendaisons
Tour à tour les saisons
libèrent le jardin
Comme l'arbre se délivre de son ombre
Comme la pleine lune s'offre
aux grillons de l'été
Comme une larme
s'abandonne à une joue
(" Derrière un rideau d'ombres")
Sans raison parfois
un souvenir naissait d'un bercement
de bruits d'oiseaux dans un buisson d'années
de la rumeur d'une forêt profonde
encore aimée des dieux
dans une nuit d'été d'étoiles familières
du silence de la mer
de la pâleur des dunes
du défi d'un orage
d'un désir mêlé au vent
Il ressentit alors durement sa solitude, eut un geste fou, incontrôlé. Il tambourina sur les volets d'abord avec les doigts, puis avec le poing
, comme s'i voulait reprocher à ces gens leur vie tranquille, avant de se sauver" (p.46)
Je reste chaque jour près d'elle, près de cette autre femme qui ne cesse de lui ressembler.
Elle peut s'évader à tout moment dans un monde innombrable.