Georges Fourest :
La négresse blondeDepuis le Musée Condée de l'Institut de France de Chantilly,
Olivier BARROT présente un livre tout particulièrement adapté à l'opération Livres en fête de ce week-end "
La négresse blonde" de
Georges FOUREST. Il cite des passages de ce livre, parle des thèmes du livre et de son auteur.
Bohème qu’un protêt renfrogne,
va-nu-pieds, rimeur, propre à rien,
gueux rongé de poux et de rogne,
les Trouloyaux sont des gens bien !
Dans leur cahute enfumée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits lapons
Boivent l’huile de poisson !
Dehors on entend le vent
Pleurer ; les méchants ours blancs
Grondent en grinçant des dents
Et depuis longtemps est mort
Le pâle soleil du Nord !
Mais dans la hutte enfumée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits Lapons
Boivent l’huile de poisson...
Sans rien dire, ils sont assis,
Père, mère, aïeul, les six
Enfants, le petit dernier
Bave en son berceau d’osier ;
Leur bon vieux renne au poil roux
Les regarde, l’air si doux !
Bientôt ils s’endormiront
Et demain ils reboiront
La bonne huile de poisson,
Et puis se rendormiront
Et puis, un jour, ils mourront !
Ainsi coulera leur vie
Monotone et sans envie...
Et plus d’un poète envie
Les braves petits Lapons
Buveurs d’huile de poisson !
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle:
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
le héros meurtrier à pas lents se promène:
"Dieu!" soupire à part soi la plaintive Chimène,
qu'il est joli garçon l'assassin de Papa.
Et puis ce fut le soir d’Ubu !
Ah ! comme si j’avais trop bu
je trépudiais à ma place !
Vrai ! c’était bath d’ouïr Gémier
sous son dérisoire cimier
gueuler : « Merdre ! » à la populace !
Le Cid
le palais de Gormaz, comte et gobernador,
est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre
l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé Le Cid Campeador.
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voiles noirs, s'accoude au mirador
et les yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or...
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
Le héros meurtrier à pas lents se promène :
" Dieu ! " soupire à part soi la plaintive Chimène,
" qu'il est joli garçon l'assassin de Papa ! "
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seigles, froments vous triomphâtes
des bleuets aux tons de lapis
et nourris de superphosphates
vous dressez vos jaunes épis,
parmi ces blés qu’un souffle bouge
les coquelicots, enragés
bolcheviks, arborent le rouge
étendard de nos insurgés
Comme le champ pierreux qu’en vain le colon bine
votre cœur est un roc, aimable Colombine !
Et depuis quarante ans si ce n’est davantage
cet homme vivait chaste à son sixième étage
et, n’étant pas auprès des femmes très hardi
se masturbait pudiquement chaque mardi
après avoir éteint sa lampe : il est mort vierge
sans avoir soupçonné l’amour de sa concierge.
Au moins un lustre
s’est coulé
depuis qu’un lustre
s’est écroulé.
[…]
-« Son cœur était comm’ci, comme’ça,
« il faisait ci, il faisait ça,
« son cœur par-ci, son cœur par-là
« et caeteri, et caetera
« et patati et patata
« de Profundis et tra la la ! »
PSEUDO-SONNET ASIATIQUE ET LITTERAIRE
L’Extrême-Orient s’européanise de plus en plus :
l’Inde, le Japon, la Chine, la presqu’île Indochinoise
dévorent aujourd’hui nos romans et nos brochures.
Thélesphore Coulaud, juge de paix.
Emmi les hauts roseaux, les rotangs et les joncs que
réfléchit l’étang mauve où nagent les cyprins,
la frêle Hadja-Sari, fille des mandarins
au teint jaune citrin navigue dans sa jonque ;
la salangane vole, effroi des moucherolles*,
à son nid de fucus, potage expectatif ;
un friselis frivole affole les corolles
des lotus fiers d’avoir Loti pour génitif ;
on entend miauler un tigre dans les jungles.
Or, de ses doigts menus que terminent des ongles
pointus, Hadja-Sari, princesse de Bangkok,
avec un geste mièvre et des mines jolies,
feuillette, abandonnant la rame à ses coolies,
un roman très cochon que signa Paul de Kock.
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* On dirait qu’on joue à pigeon vole, trouvez pas ? (Note de l’Auteur.)
rotangs : palmier d'Inde et de Malaisie à tige longue et fine, qui fournit le rotin
salangane : oiseau proche de la famille du martinet
coolies : travailleur indien ou chinois (péjoratif / colonial)
Paul de Kock : auteur de romans et pièces populaires (1793-1871)