Moderne et intense. Entre noire mélancolie et fol espoir, chronique sous forme de triptyque d'une plongée dans la dépression et d'un retour à la vie. Reprendre pied consiste parfois à ne pas se soumettre à certaines valeurs de notre époque en permanence connectée.
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Ce roman est ma troisième épiphanie de cette rentrée littéraire de Janvier. Cet Evangile des égarés rejoint mes deux autres coups de coeur, avec La figurante de Pauline Klein et Morceaux cassés d’une chose d’Oscar Coop Phane.
D'une puissance abyssale tant par le chemin de croix d’un pèlerin que par la renaissance qui jaillit dans cette écriture.
Flora, est à ce moment down de la vie paumée lost, complètement égarée. En découvrant le fascinant Fritz Zorn si singulier auteur de "Mars" unique roman publié en 1976, c'est l'illumination, l'éblouissement. Rongé par la dépression et le cancer Fritz comme un moine n'a jamais eu aucune relation charnelle jusqu’à son décès à l’âge de trente deux ans. Il livre son adolescence rebelle dans la bourgeoisie Suisse, et Flora égraine ses souvenirs à travers les dates clés de la vie de Fritz un peu comme un ami qui l'accompagne. Elle avale et dévore "Mars" comme une bible qui éclaire sa route désormais.
Fritz, un ange électrisant, visionnaire avant l’heure apocalyptique. Cette première partie du roman est complètement étourdissante, happante. Un vertige.
Flora est finalement internée, cloitrée dans une clinique psychiatrique parmi les "égarés". Écrit au plus près de l’âme, à l’équinoxe de la dépression. Elle retrouve ses marques et renoue le fil de l’empathie à travers des liens plus vivants dans ce bunker à l’abri de l’extérieur. Elle invoque son évangile et exhume ses peurs, la souffrance, la violence insidieuse qui a froissée tous ces êtres dans leur origine. Le roman mue en en polyphonie avec les déambulations de Alexia Vasco Karim et Judith comme une litanie: Toutes ces voix qui s’élèvent dans la tourmente de la violence qui les a brisée, ébréchée. Comment Flora en est-elle arrivée là?
Des mots à l’âme, des maux déchirants poignants, crient.
Sa renaissance se scelle définitivement à travers l’amour maternel. Avec la version de son fils, son regard sur elle comme une boucle qui se ferme sur le livre, et la délivre, l'espoir comme une foi. Des pages déchirantes, et vivantes, stèle...
Vertigineux et éblouissant à lire très vite évidemment!!
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Que dire ? Que dire sur ce livre qui n'est autre que celui qui se poserais bien sûr une table de chevet comme pour surplomber le monde en disant : « j'existe ». Ce livre existe et c'est la meilleure chose qu'il puisse être. Ce livre existe et je l'ai lu. Il se divise en trois parties, relatées d'un angle chaque fois différent mais les trois parties coexistent.
Ce livre m'a bouleversé. La première partie certainement un peu moins, on y fait un peu trop l'apologie de Fritz Zorn à mon goût. Je ne le connais pas, et je pense le lire tout de même car malgré que j'ai trouvé ça barbant à la fin, ça m'a convaincu, sur un point, mars doit certainement être un bon bouquin.
La seconde et troisième partie sont exemplaire, et c'est d'ailleurs pour cela que j'écris cette critique aujourd'hui. C'est pour ces deux dernières parties que je vous dirai : lisez ce livre!
Alors à tous ceux qui se sentent égarés, perdus vociférant face à l'existence. Si vous subissez ou avez subi un jour ou l'autre la vie comme une écorchure qui émet sur votre coeur une douleur lancinante : lisez ce livre!
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Ce qui arrive à Flora peut nous arriver à tous. Vous vaquez, tranquillement, trimballant vos drames, vos petites
folies et vos grands bonheurs, ou vice-versa. Et un jour, des fantômes reviennent vous briser la nuque, vous
lâchez la rampe, vous trébuchez et vous voilà perdu, vidé. Mais même à terre, démoli, les genoux en sang,
il n'est jamais trop tard. Celui qui le rappelle à Flora, qui la secoue et lui sauve la vie, c'est Fritz Zorn, son
ami cher aux yeux bleus poudrés et à la révolte grenat. Elle s'accroche à Mars, l'unique ouvrage de ce
grand bourgeois suisse mort d'ennui dès l'enfance et mort pour les registres en 1976, à 32 ans - du cancer,
l'incarnation de sa dépression qui lui donne la force de se soulever enfin. Un livre-cri, un livre-testament,
«redoutable de clarté dans notre monde devenu si illisible» . Un livre-monstre qui vous «maltraite, vous roule
dessus, vous laisse pour mort, avant de vous botter le cul, vous réveiller, vous jeter en l'air, vous relever, vous
soulever, modifié».
Tous droits réservés à l'éditeur GALLIMARD 340257273
Date : 17/04/2020
Heure : 18:39:29
Journaliste : Coralie Schaub
next.liberation.fr
Pays : France
Dynamisme : 10
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Dans le premier volet de son roman en forme de triptyque, Georgina Tacou mêle avec finesse l'histoire de
Flora à celle de Zorn, qui insuffle à l'héroïne sa colère salvatrice. Une fois armée du même nom de guerre que
Zorn, mais en latin, Flora alias Ira retrouve foi en l'humanité dans la clinique de Merveille-sur-Arc, un «Refuge»
où elle rencontre d'autres «égarés», des ébréchés que la lumière traverse, des doux qui réapprennent comme
elle «à voir, à observer, à faire survenir» . A organiser avec tout le respect et la grâce du monde l'enterrement
d'une musaraigne occise par le chat, à lui fabriquer une idole en mousse des sous-bois en guise de croix. A
s'émerveiller, le soir venu, des apparitions d'une famille de hérissons dodus.
«Nous sommes devenus comme eux, apeurés et piquants, timides en amour, avec un abdomen trop tendre.
Les fous, c'est pas ici. Ils sont dehors les inhumains, les métalliques», dit Alexia, qu'un déni de grossesse a
fait atterrir au Refuge. Ils sont dehors, les «être pressés, levés déjà épuisés, se bousculant dans les cryptes
souterraines du métro», ceux qui «déjeuneront debout, le nez rivé au téléphone, écrasant, pour rien, d'un
coup de menu cartonné, l'abeille qui tourne autour de leur Coca» . Indifférents à la vie.
L'amour, justement. C'est lui qui achève de ressusciter Flora. Celui de son fils de 15 ans, Vladimir, qui refuse
la tyrannie des écrans et ne porte que des bleus de travail. Mais aussi celui du père de l'adolescent, Johan :
ils se sont séparés pour éviter l'abîme de la routine mais s'aiment toujours, tels de meilleurs amis, riant aux
larmes de leurs blagues de gamins.
Comme Mars, dont la lecture est «une épreuve, suivie d'une épiphanie», cet Evangile des égarés vous
fiche à terre, vous sonne, puis vous regonfle à bloc. Un uppercut, mais accompagné d'une caresse, d'une
écriture sensible et poétique dont chaque phrase se savoure. Et vous en ressortez tout ému, prêt à embrasser
le monde, les sens plus éveillés que jamais.
Coralie Schaub
Georgina Tacou évangile des égarés
Libération 17/04/2020
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Il est frais ce petit texte; comme une juste bouffée d'oxygène. Le jeu de mot est facile ; mais la délivrance des douleurs de cette femme en ascension semble si facile grâce à la Montagne.
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