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Critiques de Gérard Garouste (69)
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L'intranquille

Le texte s’ouvre sur la mort du père de Gérard Garouste. Immédiatement, les émotions sont dissonantes. « Il était mort et j’étais soulagé. » (p. 11) Le fils qui ne s’émeut pas de la mort de père, on voit ça depuis Œdipe. Mais jamais la disparition de l’homme qui fut le père n’a su calmer les angoisses du fils, même devenu homme. « Sa mort ne change pas grand-chose. Elle ne résorbe rien. Je vis depuis toujours dans la faille qui existe entre lui et moi. C’est là que j’ai compris mon rapport aux autres et au monde. » (p. 13)

Garouste père fut un homme, un mari et un père brutal, professant à tout va une immense haine des Juifs. « Mon nom est une jurisprudence. » (p. 20) Toute sa vie, Gérard voudra réparer les fautes de son père. « Il n’avait pas pu faire héros. Alors il avait fait salaud. Son éducation de bon catholique l’y préparait. Il appartenait à un monde d’illusion et de certitudes, où les Juifs avaient sale réputation. » (p. 23) Le fils se sent des devoirs sur l’héritage de culpabilité que lui a laissé son père, un devoir de battre en brèche son éducation catholique.

Mais c’est ce père si ambivalent qui sauva Gérard. « Il se savait dangereux pour moi. Il avait, je crois, voulu me sauver de lui et se sauver de lui-même à travers moi, à l’ancienne. » (p. 25) Gérard est élevé par une tante et un oncle mis au ban de la famille. C’est là qu’il a ses premiers chocs artistiques, auprès d’un homme rustre qui n’avait pas conscience qu’il sublimait la réalité. Puis Gérard découvre la pension. Alors qu’elle est une prison pour certains, le garçon y fait l’expérience d’une liberté inouïe.

Adulte, il sait qu’il veut peindre, mais quelque chose le retient. Des peurs, des angoisses, des restes d’enfance. Gérard tombe alors dans le délire et découvre les centres psychiatriques. « Le délire, c’est une fuite, une peur d’être au monde, alors, on préfère se croire mort, tout-puissant, ou juste un enfant. » (p. 86) Mari, puis père, Gérard ne peut empêcher son esprit de lâcher prise. Il fut un enfant rêveur, il est maintenant un adulte tourmenté et inquiet. Pour peindre, il lui faut s’affranchir de ses angoisses. « Le délire ne déclenche pas la peinture, et l’inverse n’est pas plus vrai. La création demande de la force. » (p. 97) Et l’on suit le peintre, ses premiers succès, ses expositions, ses rencontres. Le talent est là, sans aucun doute, encore faut-il qu’il soit reconnu. Alors, finalement, qui est cet homme ? « Je suis peintre. Et fou, parfois. » (p. 133)

J’ai été profondément bouleversée par la figure de ce peintre qui se sait fragile et qui, petit à petit, détricote tout un écheveau culturel. Il repousse le catholicisme inepte et s’ouvre à la pensée judaïque. Il s’affranchit, autant qu’il le peut, d’un héritage qu’il ne reconnaît pas. Avec quel brio Gérard Garouste décrit-il son père ! À la fois figure à détruire et à distancer, cet homme a tout fait pour son fils. Mais, au terme de sa vie, il a cédé à ses terreurs et à préféré tout lui supprimer. La détresse du gamin, dans les premiers chapitres, m’a rappelé les chefs d’œuvre de Jules Vallès, de Jules Renard ou d’Hervé Bazin : ces gosses-là avaient le cœur trop grand et trop tendre et leurs parents n’en on pas tenu compte.

Le sous-titre donne l’idée d’une gradation : le fils est devenu peintre qui est devenu fou. L’enfant portait en lui le peintre et le fou. Mais le fou cherche à redevenir un enfant et c’est le peintre qui le lui permet. Cette lecture est une grande claque. Je ne connaissais pas le peintre avant de lire son autobiographie. À comparer les toiles et le texte, je trouve la même beauté, la même complexité : il y a des chemins secrets partout, des mystères partout. Dans cette autobiographie, Gérard Garouste ne condamne pas son père : ce dernier avait signé tout seul sa sentence. Le peintre ne blâme que lui-même pour ses faiblesses et ses hésitations. Mais il ne fait de façon telle qu’il sublime le processus de création, il donne au talent une dimension qui dépasse le génie. Il investit l’art et se revendique à travers lui.

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L'intranquille

Gérard Garouste, je suis allée à sa rencontre avant même de le lire. En effet, il y a 2 ans, il a fêté les 20 ans de "la Source", association d'action éducative et d'aide aux enfants par l'art qui siège en Normandie. Concernée et impliquée dans ma sphère professionnelle par son oeuvre, ayant des magnifiques tableaux peints par des adolescents sous mes yeux tous les jours, je me suis décidée d'aller à la rencontre de cet artiste...Ce jour là, l'heure n'était pas à la dédicace, mais au protocole, avec tous les personnages qui vont avec....j'ai été émue par toutes les fresques murales faites par les enfants, des sculptures alambiquées, des machines a écrire qui produisent des feuilles dessinées, enfin j'ai adoré. J'ai donc rencontré le peintre et son oeuvre, mais je savais qu'il avait été tourmenté et je voulais connaitre son histoire....

L'in....tranquille, j'ai aimé ce titre, car il montre bien tout de suite ce qui va se passer....

L'écriture de Gérard Garouste met en relief ses blessures d'enfance ("il a mal à son père") qui vont le conduire dans des délires, dans la dichotomie de son âme, partagée dans un désir d'aller dans une certaine lucidité vers ses démons, pour les exorciser et en même temps dans l'incapacité de maîtriser ses bouffées délirantes aiguës, qui le conduiront vers plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.

Garouste a du mal à se trouver, à se retrouver après ; pourtant entouré de personnes comme Jean Michel Ribes, Alain Pacadis....c'est par petites touches de peinture....si on peut dire qu'il se construit, toujours aimanté par son passé...., il rencontre Leo Castelli qui le propulse a New York, Berlin....Entre d'eux, il réussit à se marier, à avoir deux enfants....sa vie est émaillée et impactée par cette alchimie cérébrale dissonante, qui peut ressurgir à n'importe quel moment, si l'émotion est trop forte....son cerveau prend une autre autoroute....et c'est la crise....

Il s'est établi en Normandie après avoir reçu ses premiers revenus, et fonde quelques années plus tard face "au tableau", d'une famille dans une profonde détresse, l'association la Source.....

Cette lecture a fini par me "tourmenter", ayant vu quelques tableaux, sa folie s' incarnant dans ses peintures, j'ai cherché à faire un trait d'union entre l'écrivain et l'artiste.....qui fait référence à la Bible, à Don Quichotte......on a l'impression que Garouste nous a ouvert sa cervelle et ses électrifications......son cheminement vers une certaine résilience, tout en sachant que le délire peut encore toquer "à sa porte"....Il le dit, il en est conscient, et on se demande si malgré lui il ne joue pas avec....(sans équivoque à travers ses tableaux) avec en toile de fond des messages subliminaux, que le lecteur décode au fil des pages.....

J'espère ne pas vous avoir à mon tour, embrouillé la crinière......dans cette critique ! enfin vous l'avez compris....j'ai aimé cette rencontre de l'artiste et de l'écrivain......



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L'intranquille

Dans ce livre autobiographique écrit avec Judith Pérignon, le peintre Gérard Garouste raconte ses secrets d'enfance, ses dépressions et ses séjours en hôpital psychiatrique.



Sans détour, il parle du père dont il avait peur et de sa plongée dans la folie, de l'antisémitisme paternel et de son mariage avec une femme juive. Tout comme la remise en cause de son éducation catholique et son attirance pour la religion juive, ces évènements ont bien sûr un lien : celui d'avoir détesté son père pour ce qu'il avait fait et représentait.



Gérard Garouste, artiste mondialement reconnu, évoque aussi sa peinture, sa conception de l'art et se pose des questions dont il cherche les réponses dans la littérature, dans les textes fondateurs des religions et chez les philosophes.



Sombre, profond, authentique, parfois agaçant, ce livre, dont l'auteur est animé d'une puissante volonté de vivre et de donner un sens à sa vie, dégage une grande force.

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L'intranquille

Grace à cet ouvrage, j'ai fait plus ample connaissance avec un artiste français que j'avais entre aperçu dans une émission de télévision*. Sans avoir de goût particulier pour son style artistique, j'avais été séduit par son humilité et aussi par celle qui l'accompagne dans la vie depuis sa jeunesse. Cette femme, devenue son épouse, a été sa bouée de sauvetage. Avec une abnégation et une persévérance admirables, elle n'a eu de cesse de lui témoigner la croyance qu'elle plaçait en lui pour le soutenir. Elle l'a sauvé de la démence.



Dans L'intranquille, Gérard Garouste nous apprend ce parcours qui aurait pu tourner court si ce n'avait été la force de cette femme. Sans jamais le prononcer, il nous fait comprendre que toutes ces qualités se résument en un seul mot : amour.



L'intranquille est un ouvrage dans lequel l'artiste se livre très intimement. Cet ouvrage est touchant de sincérité, d'humilité. Gérard Garouste l'annonce lui-même dans son sous titre : autobiographie d'un fils, d'un peintre, d'un fou.

Un fils, parce que l'héritage paternel est lourd à porter. Un peintre, parce que sa vie dépend entièrement de son art. Un fou, parce qu'il a longtemps lutté contre la dépression, laquelle lui a valu d'être interné à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique.



"Les toiles sont la réparation de quelque chose" affirme-t-il dans son entretien enregistré pour la télévision. A la lecture de son ouvrage autobiographique, on ne doute plus une seconde que l'antisémitisme dont son père a fait preuve, allant jusqu'à la spoliation des biens de familles juives, fasse partie de ce devoir de réparation dont il se fait obligation.



Quand par ailleurs il lui est demandé si la folie est la porte d'entrée pour accéder au talent, il répond, en se gardant bien de s'élever au rang de génie, en faisant œuvre de modestie, se qualifiant même de médiocre, certes au sens de sage, de raisonnable : "Je me suis nourri de mes délires, de mes crises de démences pour élaborer mes œuvres". Et d'enchaîner que ses tableaux appartiennent désormais à celui qui les regarde.



Il laisse donc au contemplateur de ses tableaux, comme au lecteur de son ouvrage, la responsabilité de faire de ses legs des œuvres qui traverseront le temps. On a en tout cas plaisir à le lire, le voir et l'entendre évoquer ce parcours chaotique vers le succès qui est le sien aujourd'hui et qu'il se gardait bien de prévoir, conscient qu'il était de sa maladie.



Il est une autre de ses œuvres que l’on découvre dans cet ouvrage : son association La Source. Elle s'est donné pour mission d'éveiller les enfants à la création et pourquoi pas de faire pousser des artistes en herbe. Une certaine façon de transmettre l’espoir. Belle initiative monsieur l’artiste.



(*) Thé ou café, mai 2018, disponible sur Youtube.

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L'intranquille

Autoportrait d'un artiste qui m'était méconnu jusqu'alors.



Gérard Garouste né en 1946 à Paris est peintre, graveur et sculpteur Français.



Il nous livre ici ses états d'âmes, ses rapports avec son père, l'antisémitisme de celui-ci ; mais aussi l'amour et surtout "la folie" et ses séjours en hôpital psychiatrique.



Un mal être tel que les moindres émotions fortes ou contrariétés le plonge dans des délires qu'il ne peut juguler lui-même et doit être aidé par des soignants.



Un livre bouleversant et intéressant.
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L'intranquille

J’ai été littéralement emportée, loin, dans les méandres des heurts entre un père antisémite affiché et un fils qui ne saisit pas cette attitude fermée aux autres. Toute la violence générée par des conflits familiaux profonds est là... tout comme le silence de la mère. Garouste va jusqu’à épouser une femme juive et avoir deux fils. Par chance (ou non), dans sa scolarité chaotique il dessine, en classe, ailleurs et pourra étudier aux beaux-arts. Le plus pénible ce sont les crises de violence et d'abattement du peintre qui le mènent régulièrement en asile psychiatrique. Il en parle avec délicatesse comme d'une soupape de sécurité nécessaire. Formidable portait.
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L'intranquille

J’ai acheté ce court livre pour mieux comprendre Gérard Garouste, peintre aujourd’hui mondialement connu, particulièrement apprécié de mon gendre Nicolas. Je l’avais découvert grâce à lui, sans toujours saisir ce qui, dans cette peinture figurative et narrative à la manière de Dali, interpelle aussi violemment le spectateur d’un tableau bourré de références, pétri d’hallucinations, secoué de nuages inquiétants.

Gérard Garouste brosse de lui-même et de sa famille un portrait sans concession, sans indulgence. De son père, il dit à ses propres fils après sa mort : « La guerre a engendré des héros, des gens qui se débrouillaient et s’en foutaient, des tueurs, des grands et des petits salopards. Votre grand-père faisait partie des petits salopards. »

Gérard Garouste est né en 1946, comme moi. Son père exploitait un magasin de meubles prospère, d’autant pus que pendant la guerre il avait reçu en gérance des autorités de Vichy la direction des établissements Lévitan. Il était donc pétainiste et antisémite. Son fils et lui se haïssent, tout en s’aimant sans savoir se le dire. C’est à la campagne, en Bourgogne, que Gérard est heureux, chez sa tante un peu simplette et son mari italien qui a entièrement recouvert les murs et les objets de son atelier à la peinture métallisée minium.

La jeunesse de Gérard sera rythmée par les renvois d’écoles en boîtes à Bac, dont une où il fera des rencontres décisives pour la suite de sa carrière : Jean-Michel Ribes, Philippe Stark, Patrick Modiano, François Rachline, des rencontres avec des hommes de la nuit comme Fabrice Emaer et son inénarrable Palace. Mais des allers et retours, il en fera aussi vers des hôpitaux psychiatriques : Sainte-Anne, Villejuif …On comprend mieux le caractère « illuminé » de certaines toiles, ses allusions à la Thora puisque Garouste a fort bien compris que la haine proférée par son père à l’égard des juifs est en réalité un signe de sa crainte et de sa sourde admiration. On comprend alors pourquoi , parallèlement à une analyse, Garouste prend des cours d’hébreu, épouse Elizabeth, qui est juive…

Lisant ces lignes, on pourrait croire à un roman tout en ressentant toute la tristesse et la violence de la vérité. Vite, vite, se reporter sur un beau livre des peintures de Gérard Garouste : L’ânesse et la figue.

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L'intranquille

L'intranquille la vie tourmentée d'un artiste Gérard Garouste, que je découvre par ce petit livre. En très peu de pages mais avec puissance, il nous peint le portrait de son parcours, sa folie, et ses chemins d’échappatoire par des textes qui ont su éclairer ses tourments.

Quand la famille, vous enferme dans une cage pleine de secrets, de honte, d'incompréhension, à devenir "fou", il faut avoir le courage d'ouvrir cette cage et de s'envoler.

Gérard a su partir, s'envoler, en Bourgogne quand il était enfant dans une famille à l'opposé de la sienne, par la peinture ensuite puis l'étude de certains textes. Trouver une lumière dans ce noir sidéral de cette incompréhension de son état. Vivre avec une telle faiblesse dont on ne sait jamais quand elle va vous faire craquer, c'est certainement, comme mettre de l'eau au moulin. Pouvoir tarir la source afin que cette roue cesse de tourner à jamais, à défaut de démonter la roue tout à fait.

J'ai bien aimé cet autoportrait sincère, sans complexe, qui nous permet de comprendre, les raisons d'un art propre à chaque être, comme le miroir de l'âme tourmentée par un passé qui ne cesse de vous poursuivre et de vous persécuter.

Intéressant pour qui veut découvrir l'artiste avant son œuvre. De belles réflexions aussi à méditer au fil de ce petit livre.

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L'intranquille

Je ne connaissais que très peu l’œuvre picturale de Gérard Garouste, ce livre m’a permis de la découvrir davantage,

Je connaissais encore moins qui était Gérard Garouste, cette auto-biographie, pour ne pas dire confession bouleversante (et courageuse) me le dévoile (au-delà du nécessaire),

J’ai été ébranlée par ce témoignage qui me confirme que la réussite, sociale, financière, artistique ou autre ne saurait exclure et encore moins guérir une souffrance intérieure enracinée :

«Si je ris, si je parle beaucoup, si j’ai l’air très en forme, si j’écoute de la musique très fort, si je danse, si je fais rire les autres, alors il faut s’inquiéter. Le pire est à venir. Etre heureux est dangereux pour moi, être en colère aussi. L’émotion forte m’est interdite. Elle bouscule trop de choses dans ma tête aux pensées et aux souvenirs mal accrochés. Une crise s’annonce»



- Çà va ?

- Tranquille...!



Plus qu’un coup de cœur, …un coup en plein coeur.





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L'intranquille

« Il était mort et j’étais soulagé » Ainsi s’exprime le fils à la mort du père

L’évocation de cette disparition dès les premières pages libère la parole de Gérard Garouste qui avoue être le fils d’un salopard, ce père marchand de meubles et antisémite.

Gérard Garouste est interne dans des institutions privées, préférant cette dureté et cet éloignement à l’indignité et à la violence paternelle. Puis il entrera aux Beaux-Arts.

Devenu peintre, il va exposer mais, malgré ses premiers succès. Il est tourmenté. Il trouvera l’apaisement dans l’apprentissage de l’hébreu

Lorsque son épouse est enceinte de leur premier enfant, le passé rattrape le futur père qui a une crise de délire. Il erre, hagard, sur les routes. Hospitalisé, il fugue à plusieurs reprises. Les crises de délires vont se succéder, bloquant le processus de création

Gérard Garouste dépeint avec lucidité ses périodes de folie.



Ce récit d’une histoire douloureuse est bouleversant. On ne peut être que touché par la sincérité de l’auteur qui se met à nu pour nous parler de sa folie et nous révéler l’histoire de sa famille sans tomber dans le pathos.

Le style et sobre, ce qui convient parfaitement à ce témoignage.

Notons que la journaliste Judith Perrignon a co-signé ce livre avec Gérard Garouste.



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L'intranquille

«Ma vie a été une recherche d'erreurs, les siennes, les miennes, j'ai démonté mot à mot, image par image, cette grande duperie que fut mon éducation.C'a été très long.Je sais que mes fils n'ont vu de moi qu'un père qui se cherchait

Je ne leur ai transmis que des questions.»



Cet extrait tiré de l'intranquille traduit à mon avis l'essence de ce livre.

Garouste a souffert des manques, des erreurs de son père, lui même a répercuté à sa manière ses manquements.

Livre très douloureux mais lucide sur la filiation qui manquée ou malheureuse créé une vie.Celle de Garouste sera marquée par la folie, aujourd'hui dit-il, on parlerait d'un être bi-polaire ou maniaco- dépressif.

Et, l'art dans tout ça serait-il rédempteur?

Peut-il nous sauver de nous mêmes?

Je laisse les derniers mots à Gérard Garouste, ils vibrent de cette sensibilité qu'ont seuls les grands écorchés de la vie.

«La peinture est mon instrument.Si j'avais été musicien, j'aurais joué du violon pour le grincement du passé, la mélancolie, la symphonie et la danse qu'il transporte en lui»

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L'intranquille

Je ne connaissais pas du tout cet artiste et c'est donc une vraie découverte. A la lecture de cette autobiographie sans concession aucune d'un peintre "fou", je suis allée jeter un coup d'oeil sur la collection des tableaux. Je ne peux pas dire que j'ai eu un coup de coeur mais j'ai trouvé le portrait de cet homme par lui-même plus qu'intéressant. issu d'une famille antisémite, profiteuse et peu encourageante pour un enfant comme Gérard Garouste, celui-ci affronte la vie comme il le peut. Courage? Faiblesse? Un peu des deux mais l'amour de la vie quand même et de sa femme qui l'épaule malgré les difficultés. Bravo aussi à Judith Perrignon dont j'avais apprécié la plume dans " Victor Hugo vient de mourir".
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L'intranquille

Ecrit en association avec Judith Perrignon..



"Je suis peintre parce que mes mains ont fait ma force, parce que des toiles puissantes et belles m'ont convaincu qu'il y avait là une voie pour moi. Mais je me méfie de la beauté, c'est du bluff, une manipulation qui peut laisser totalement passif celui qui la regarde. Je préfère lui suggérer une question..

Le fou parle tout seul, il voit des signes et des choses que les autres ne voient pas.

Je veux peindre ce qu'on ne dit pas.

Et si le fou dérange, je veux que le peintre dérape."



Les mains dans la peinture de Garouste ont une grande importance, il me semble, les corps sont morcelés et les mains se tendent et s'allongent.Dommage, on ne peut pas mettre d'images:)



J'ai beaucoup aimé cette très honnête autobiographie. L'histoire familiale , la façon de raconter ses périodes noires, bien sûr, la conscience qu'il a d'avoir finalement eu beaucoup de chance grâce à sa femme et à sa famille, mais aussi son parcours de peintre et ce qu'il raconte des coteries et du business de l'art moderne!



Un extrait:

"L'artiste le mieux vendu aujourd'hui s'appelle Jeff Koons, il a commencé trader à Wall Street, il a su digérer Duchamp et l'objet comme oeuvre d'art, Warhol et l'immersion de l'art dans la société de consommation, son atelier a tout d'une entreprise et il n'a aucun complexe à dire qu'il s'intéresse plus aux prix de ses oeuvres qu'à ses oeuvres elles-mêmes. Il est le gagnant d'une époque faible, saoulée de télévision, d'argent et de performances, où le métier d'artiste est très prisé..

... Je vis dans un pays aux idées très arrêtées, accroché à son concept d'avant-garde. Je ne peux effectivement pas le représenter, je ne crois plus à ce mot, ni au mot "moderne" ou "original". C'est devenu une recette, on s'installe dans l'originalité, on est acheté à Beaubourg et on entre dans la nouvelle académie du XXème siècle, où le discours fait l'oeuvre.

L'avant-garde au musée n'est plus une avant-garde! La provocation n'est plus une provocation si elle est à la mode! La France entretient pourtant cette idée comme une vieille mariée, parce qu'elle se flatte et se repent en même temps d'avoir abrité et méprisé les impressionnistes, une bande d'Indiens géniaux qui fréquentaient le même quartier, les mêmes cafés et s'échangeaient leurs toiles faute de les vendre. Comme toujours elle campe sur son histoire, et d'une révolution pleine de sens, cent ans plus tôt, elle a fait un dogme. Tout ça se termine en un circuit où les coteries et la spéculation vont bon train, où l'empire du luxe, avec la connivence de l'Etat , achète et revend des millions d'euros des oeuvres qui ne dérangent personne."







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L'intranquille

Livre impressionnant qui débute sur un malaise familial. On se dit que ça ne va pas être très agréable. Concernant le poids de la famille, l'antisémitisme latent des années 40-60.

Et puis, comme pour toute vie extraordinaire, il y a tant de choses à raconter. L'incroyable, la folie qui tombe d'un coup, comme un accident de voiture.



Et l'ascension, le rapport à l'art et au génie, les questions religieuses juxtaposées au Palace, mythique temple de la nuit.



Et la famille, encore la folie. C'est dur avec deux grands garçons, une épouse peu évoquée mais dont on sent qu'elle a enduré ces épreuves avec une force implacable. Remarquable aussi, la durée de leur couple, probablement aidé par leurs succès respectifs.



Et l'analyse de l'homme, son rapport à l'éducation, carcan familial, le tiraillement entre le catholicisme et le judaïsme - tant haï par son père et religion de sa femme. Ce père qui a probablement massacré l'enfant et le jeune homme qu'il fut, transmettant la malédiction à ses petits-enfants. Il faudra beaucoup de temps pour effacer le mal.



Je sors de ce livre heureux d'avoir lu une biographie "dans l'esprit de…".

Perturbé aussi par ces réalités si dures. C'est très bien écrit et fluide, mais il faut vous déconseiller la lecture si vous êtes dans une période de déprime.


Lien : https://www.patricedefreminv..
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L'intranquille

"Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. Mon père était un marchand de meubles qui récupéra les biens des Juifs déportés. Mot par mot, il m'a fallu démonter cette grande duperie que fut mon éducation. A vingt-huit ans, j'ai connu une première crise de délire, puis d'autres. Je fais des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Pas sûre que tout cela ait un rapport, mais l'enfance et la folie sont à mes trousses. Longtemps je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui, j'ai soixante-trois ans, je ne suis pas un sage, je ne suis pas guéri, je suis peintre. Et je crois pouvoir transmettre ce que j'ai compris." (4e de couverture)



Je connais un peu l'oeuvre de Gérard Garouste, je sais qu'il a créé une association "la Source" qui s'occupe de jeunes en difficulté, que c'est un artiste reconnu internationalement et c'est tout. J'étais loin de me douter du parcours chaotique et douloureux qui fut le sien.




Lien : http://legoutdeslivres.canal..
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L'intranquille

C'est après avoir lu "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan que j'ai voulu découvrir ce témoignage. Delphine de Vigan l'évoque à de nombreuses reprises dans son roman.



Est-il besoin de rappeler à quel point les secrets de famille, les non-dits, la violence familiale, l'éducation peuvent générer des troubles psychiatriques et détruire un être humain?



Oui, il faut le dire, le redire et le faire comprendre. A ce titre, le témoignage de Gérard Garouste est édifiant.



Enfant malmené entre un père violent, antisémite et une mère soumise, Gérard Garouste trouvera son salut en vivant chez une des ses tantes et en allant en pensionnat. Un pensionnat où il se forge des amitiés solides.



Son parcours est chaotique et si le succès est au rendez-vous, la reconnaissance artistique en France est loin d'être évidente.



L'artiste connaît ses premières crises à l'âge de 28 ans. Il est bipolaire et ses phases délirantes l'amènent à plusieurs reprises dans des institutions psychiatriques. Des phases dont sont témoins sa famille et des inconnus .



Ce témoignage est bouleversant à plus d'un titre car Gérard Garouste décrit son mal. Un mal qu'il connaît mais qu'il a du mal à dominer. Un mal qui ronge son processus créatif.



Il faut bcp de courage pour dévoiler au grand public cette folie dévastatrice et intermittente. Un courage nécessaire qui nous permet de mieux la comprendre.











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L'intranquille

Une autobiographie qui permet de mieux comprendre l'univers et le parcours du peintre Garouste. "Fils de...", on ne choisit pas sa famille. Et on peut dire que le jeune Garouste partait dans la vie avec un passé familial très vert de gris. Alors, il s'est battu contre la folie, la dépression, contre nuit et le brouillard. Il a inventé ses couleurs, raconté, démêlé l'histoire. Il a cherché, appris, s'est ouvert à la lumière. Ce récit donne envie de découvrir ses oeuvres, d'aller plus avant vers sa peinture si singulière. Sa peinture nous interroge et elle nous regarde.

Astrid Shriqui Garain .

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L'intranquille

On peut lire ce livre comme une autobiographie de Gérard Garouste. Ou mieux, les points les plus importants pour comprendre l'artiste et son oeuvre.



J'ai lu ce livre après avoir visité l'exposition rétrospective au Centre Georges Pompidou. J'aurais du faire l'inverse. Bien plus qu'avec d'autres artistes, plusieurs oeuvres de Garouste résultent de son histoire de vie.



S'il avait déjà la passion du dessin à l'enfance, le reste a été une constante recherche de sa personne. Une enfance marquée par un père violent, collaborateur et antisémite, la découverte à l'âge adulte de la spoliation de certains juifs par son père, des secrets de famille (l'inceste subi par une arrière grand mère), la découverte à l'age adulte.



Mais à ces difficultés, qui ne sont pas rares dans des nombreuses familles, se greffent ses problèmes psychiatriques - bipolarité - qui le font interner à plusieurs reprises dans des hôpitaux psychiatriques.



La lecture de ce livre montre que Garouste ne correspond pas à l'image de folie courante : c'est une personne cultivée et très lucide y compris dans les moments de folie : lucide mais incontrôlable. D'ailleurs, il dit "Un fou n'est pas quelqu'un qui a perdu la raison, mais quelqu'un qui a tout perdu sauf la raison". C'est l'image que je retiens de lui.



L'histoire de Garouste me fait penser au livre "Un coup de hache dans la tête", de Raphaël Gaillard. Ça correspond parfaitement à la personnalité bipolaire décrite par Gaillard.



Il a eu la chance de se marier avec Elisabeth, une femme qui l'a toujours soutenu malgré les moments très compliqués. Une femme juive, malgré l'antisémitisme de son père - il a fini par se convertir au judaïsme, plus comme une façon de compenser ce qui a été son père et par s'identifier avec la pensée juive que par la judéité de sa femme.



Le tableau "Le Classique", représente un point important puisqu'il est le résultat de l'ultimatum d'Elisabeth, à Garouste, quand elle lui a dit que s'il n'y avait pas de changement, elle le quitterait. C'est le premier tableau peint après et le préféré d'Elisabeth (voir citation).



C'est toute cette recherche de son identité que l'on retrouve dans ses oeuvres. Alors, il me semble très utile de comprendre qui est Garouste avant de visiter une exposition de l'artiste pas du tout banal.
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L'intranquille

Apparemment comme un certain nombre de personnes qui en ont fait la critique sur cet honorable site, je ne connaissais rien de Gérard Garouste avant cet ouvrage. Cet autoportrait m’a permis de découvrir un artiste et donné quelques clés pour comprendre son oeuvre.

Rapidement, et il est dommage que le livre ne comporte pas quelques reproductions de ses peintures, j’ai eu envie d’aller voir à quoi celles-ci pouvaient ressembler.

Mais c’est de «l’autoportrait écrit» dont il est ici question. Autoportrait qui débute par la mort du père de G. Garouste, père qui fait figure de second personnage principal, père qui a spolié les juifs durant la guerre et qui est resté profondément antisémite toute sa vie. Les rapports entre le père et le fils ont toujours été violents et imprègnent le mal-être de l’auteur. Ce mal-être finit par se traduire de manière spectaculaire en crise de délire et internement, alors qu’il va lui-même devenir père. Ces crises et les périodes créatives vont alors se succéder même lorsqu’il connaitra le succès.

G.Garouste, sous la plume de J.Perrignon décrit parfaitement le paradoxe suivant: la peinture tient l’artiste à distance de ses crises de délire mais en même temps «mes intuitions se changent vite en obsessions qui nourrissent ma peinture et ma folie»écrit-il.

Autre composante importante dans la création artistique et le cheminement de l’artiste: le rejet de sa religion d’origine (le christianisme, pour lui à l’origine de l’antisémitisme), et l’apprentissage de l’hébreu afin de mieux déchiffrer les textes originels: «l’étude m’a sauvé».

Les autoportraits picturaux des artistes sont monnaie courante et ils sont souvent précieux pour approcher leur oeuvre. L’autoportrait sous forme de récit nous aide encore davantage et même si l’oeuvre comporte toujours sa part de mystère, on a quelques pistes complémentaires pour l’appréhender.

A la découverte de quelques tableaux de Gérard Garouste, certains m’ont fait penser à l’oeuvre de Jérôme Bosch ou Chagall. Avec «ma vie» ce dernier avait écrit une autobiographie «prématurée» (à l’âge de 36 ans); on peut se demander alors ce qu’aurait pu donner une biographie confession du type de celle de G.Garouste de la part de ces artistes.

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L'intranquille

C'est Aifelle qui m'a suggéré cette lecture dans un commentaire sur mon article concernant le livre de l'un des amis poches de Gérard Garouste, l'un des fameux pensionnaires, Jean-Michel Ribes, Mille et un morceaux. Merci beaucoup, car c'est une lecture forte, que j'ai alourdie de notes, de phrases ou paragraphes soulignés. Le tout début par exemple : "Quand Isabelle, la dame qui s'occupait de lui, m'a appelé en pleurs, je suis parti vers Bourg-la-Reine et la maison de meulière, 15 avenue de Bellevue. Il était dans son lit, la tête posée sur les mains, il semblait dormir tranquillement, en accord avec lui-même. Mais il était mort et j'étais soulagé." (p.11) Plus loin, Gérard Garouste parle un peu de ses ascendants et des secrets de famille qui plombent les générations suivantes. Son père, né en 1919 héritier des magasins de meubles Garouste et fils qui profitera de la guerre : "Il n'avait pas pu faire héros. Alors il avait fait salaud. Son éducation de bon catholique l'y préparait. Il appartenait à un monde d'illusions et de certitudes, où les Juifs avaient une sale réputation." (p.25)



Gérard Garouste revient sur son enfance, la peur qu'inspirait son père, sa haine des juifs et sa misanthropie de manière générale. Son sauvetage, il le doit à plusieurs causes : la peinture, l'amour d'Élisabeth qui deviendra sa femme et les livres. Pas n'importe lesquels : La divine comédie de Dante, puis plus tard le Talmud et la Torah. Il apprend l'hébreu, discute avec des rabbins : "Et sans le voir je dérivais doucement vers ce monde juif obscur et malin, dont on m'avait appris à me méfier." (p.75) Beaucoup de pages sur l'antisémitisme de son père et sur son apprentissage de ce que sont les juifs jusqu'à en presque épouser la religion, comme pour contrebalancer la haine du père.



Le livre est aussi une belle réflexion sur la peinture, la création, l'argent qui entoure l'art et sur Picasso qui "a cassé le jouet... Il avait cannibalisé, brisé la peinture, ses modèles, ses paysages, et construit une œuvre unique... Il a rendu classique tout ce qui viendrait après lui. Il est la peinture et son aboutissement. Que faire après lui ? Et Marcel Duchamp qui venait de mourir ? On était en 1968, et nul n'a voulu voir, alors, que la révolution de l'art était terminée, Duchamp en était le point final. Il avait renoncé à la peinture, décrété l'objet comme œuvre et l'artiste celui qui regarde. Il avait joué avec notre mémoire, notre culture, notre rétine et avait poussé si loin le défi, que tout avait été fait et défait." (p.61/62)



Et puis la folie, les crises de délire fortes, la maladie qui effraie son entourage, ses fils particulièrement : "Selon les époques, les mots me concernant ont changé : on m'a dit maniaco-dépressif ou bipolaire... Un siècle plus tôt, on aurait juste dit fou. Je veux bien." (p.88) Les séjours à Sainte-Anne, la camisole chimique, les retours et les rechutes...



Une histoire poignante, sincère et directe, pas de détours, de paraphrases pour expliquer ceci ou cela, le récit est brut, franc, ce qui explique aussi sa relative et bienvenue brièveté (156 pages en poche). Une vie pas commune, pas particulièrement joyeuse, mais pas écrite pour faire pleurer ou pour s'apitoyer, sans doute pour donner quelques explications aux toiles du peintre, car toute sa vie est dans sa peinture ainsi qu'il l'écrit.



Un texte dense et bouleversant des titres et sous-titre jusqu'à la fin, sans doute comme les toiles du peintre que j'avoue ne pas bien connaître, seulement par mes recherches sur Internet.
Lien : http://lyvres.fr
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