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Citations de Germain Nouveau (100)


ATHEE

Je m’adresse à tout l’univers,
Après David, le roi psalmiste,
Oui, Madame, en ces quelques vers,
Je m’adresse à tout l’univers.
Sur les continents et les mers,
Si tant est qu’un athée existe,
C’est moi, dis-je à tout l’univers,
Après David, le roi psalmiste.

Je me fous bien de tous vos dieux,
Ils sont jolis s’ils vous ressemblent,
Et bons à foutre dans les lieux.
Je me fous bien de tous vos dieux,
Je fous même du bon vieux,
L’unique, devant qui tous tremblent ;
Je me fous bien de tous vos dieux,
Ils sont jolis s’ils vous ressemblent.
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CAS DE DIVORCE

Adam était fort amoureux.
Maigre comme un clou, les yeux creux ;
Son Eve était donc bien heureuse
D’être sa belle Eve amoureuse,
Mais… fiez-vous donc à demain !
Un soir, en promenant sa main
Sur le moins beau torse du monde,
Ah ! sa surprise fut profonde !
Il manquait une côte… là.
Tiens, tiens, que veut dire cela ? (…)
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Germain Nouveau
LE BAISER

Comme une ville qui s'allume
Et que le vent achève d'embraser,
Tout mon cœur brûle et se consume,
J'ai soif, oh ! j'ai soif d'un baiser.

Baiser de la bouche et des lèvres
Où notre amour vient se poser,
Plein de délices et de fièvres,
Ah ! j'ai soif, j'ai soif d'un baiser !

Baiser multiplié que l'homme
Ne pourra jamais épuiser,
Ô toi, que tout mon être nomme,
J'ai soif, oui, j'ai soif d'un baiser.

Fruit doux où la lèvre s'amuse,
Beau fruit qui rit de s'écraser,
Qu'il se donne ou qu'il se refuse,
Je veux vivre pour ce baiser.

Baiser d'amour qui règne et sonne
Au cœur battant à se briser,
Qu'il se refuse ou qu'il se donne,
Je veux mourir de ce baiser.

Recueil : Valentines (1885)
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EN FORÊT


Dans la forêt étrange c’est la nuit ;
C’est comme un noir silence qui bruit ;

Dans la forêt, ici blanche et là brune,
En pleurs de lait filtre le clair de lune.

Un vent d’été, qui souffle on ne sait d’où,
Erre en rêvant comme une âme de fou ;

Et, sous des yeux d’étoile épanouie,
La forêt chante avec un bruit de pluie.

Parfois il vient des gémissements doux
Des lointains bleus pleins d’oiseaux et de loups ;

Il vient aussi des senteurs de repaires ;
C’est l’heure froide où dorment les vipères,


L’heure où l’amour s’épeure au fond du nid
Où s’élabore en secret l’aconit ;

Où l’être qui garde une chère offense,
Se sentant seul et loin des hommes, pense.

- Pourtant la lune est bonne dans le ciel
Qui verse, avec un sourire de miel,

Son âme calme et ses pâleurs amies
Au troupeau roux des roches endormies.

Pièce parue à la Renaissance, le 14 septembre 1873.
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Savoir aimer suffit, savoir aimer délivre ;
Ames simples et cœurs souffrants, vivons ce livre.
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Quelquefois le génie est le mot d’un enfant.
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Aphorismes

Aimer la Vérité,
C’est aimer dans son cœur une Naïade blanche.
Le peintre la demande aux rires des couleurs.
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Germain Nouveau
Je ne pourrai jamais envoyer
l’Amour par la fenêtre.
Rimbaud
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IMMENSITÉ


Voyez le ciel, la terre et toute la nature ;
C’est le livre de Dieu, c’est sa grande écriture ;
L’homme le lit sans cesse et ne l’achève point.
Splendeur de la virgule, immensité du point !
Comètes et soleils, lettres du feu sans nombre !
Pages que la nuit pure éclaire avec son ombre !
Le jour est moins charmant que les yeux de la nuit.
C’est un astre en rumeur que tout astre qui luit.
Musique d’or des cieux faite avec leur silence ;
Et tout astre immobile est l’astre qui s’élance.
Ah ! que Dieu, qui vous fit, magnifiques rayons,
Cils lointains qui battez lorsque nous sommeillons,
Longtemps, jusqu’à nos yeux buvant votre énergie,
Prolonge votre flamme et sa frêle magie !
La terre est notre mère au sein puissant et beau ;
Comme on ouvre son cœur, elle ouvre le tombeau,
Faisant ce que lui dit le Père qui regarde.
Dieu nous rend à la Mère, et la Mère nous garde ;
Mais comme le sillon garde le grain de blé,
Pour le crible, sur l’aire où tout sera criblé :
Récolte dont le Fils a préparé les granges,
Et dont les moissonneurs vermeils seront les anges.

La nature nous aime, elle cause avec nous ;
Les sages l’écoutaient, les mains sur leurs genoux,
Parler avec la voix des eaux, le bruit des arbres.
Son cœur candide éclate au sein sacré des marbres ;
Elle est la jeune aïeule ; elle est l’antique enfant !
Elle sait, elle dit tout ce que Dieu défend
À l’homme, enfant qui rit comme un taureau qui beugle ;
Et le regard de Dieu s’ouvre dans cette aveugle.
Quiconque a le malheur de violer sa loi
À par enchantement soi-même contre soi.
N’opposant que le calme à notre turbulence,
Elle rend, au besoin, rigueur pour violence,
Terrible à l’insensé, docile à l’homme humain :
Qui soufflette le mur se fait mal à la main.
La nature nous aime et donne ses merveilles.
Ouvrons notre âme, ouvrons nos yeux et nos oreilles :
Voyez la terre avec chaque printemps léger,
Ses verts juillets en flamme ainsi que l’oranger,
Ses automnes voilés de mousselines grises,
Ses neiges de Noël tombant sur les églises,
Et la paix de sa joie et le chant de ses pleurs.
Dans la saveur des fruits et la grâce des fleurs,
La vie aussi nous aime, elle a ses heures douces,
Des baisers dans la brise et des lits dans les mousses.
Jardin connu trop tard, sentier vite effacé
Où s’égarait Virgile, où Jésus a passé.
Tout nous aime et sourit, jusqu’aux veines des pierres ;
La forme de nos cœurs tremble aux feuilles des lierres ;
L’arbre, où le couteau grave un chiffre amer et blanc.

Fait des lèvres d’amour de sa blessure au flanc ;
L’aile de l’hirondelle annonce le nuage ;
Et le chemin nous aime : avec nous il voyage ;
La trace de nos pas sur le sable, elle aussi
Nous suit ; elle nous aime, et l’air dit : « me voici ! »
Rendons-leur cet amour, soyons plus doux aux choses
Coupons moins le pain blanc et cueillons moins les roses
Nous parlons du caillou comme s’il était sourd,
Mais il vit ; quand il chante, une étincelle court…
Ne touchons rien, pas même à la plus vile argile,
Sans l’amour que l’on a pour le cristal fragile.
La nature très sage est dure au maladroit,
Elle dit : le devoir est la borne du droit ;
Elle sait le secret des choses que vous faites ;
Elle bat notre orgueil en nous montrant les bêtes,
Humiliant les bons qui savent leur bonté,
Comme aussi les méchants qui voient leur cruauté.
Grâce à la bonté, l’homme à sa place se range,
Moins terre que la bête, il est moins ciel que l’ange
Dont l’aile se devine à l’aile de l’air bleu.
Partout où l’homme écrit « Nature », lisez « Dieu ».
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LES MAINS


Aimez vos mains afin qu’un jour vos mains soient belles,
Il n’est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n’est pas d’instruments trop délicats pour eux.

C’est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.

Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l’esprit.

Les peintres les plus grands furent amoureux d’elles,
Et les peintres des mains sont les peintres modèles.

Comme deux cygnes blancs l’un vers l’autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leur pâleurs mates,
Livrez vos mains à l’eau dans les bassins d’argent.
Préparez-leur le linge avec les aromates.


Les mains sont l’homme, ainsi que les ailes l’oiseau ;
Les mains chez les méchants sont des terres arides ;
Celle de l’humble vieille, où tourne un blond fuseau,
Font lire une sagesse écrite dans leurs rides.

Les mains des laboureurs, les mains des matelots
Montrent le hâle d’or des Cieux sous leur peau brune.
L’aile des goélands garde l’odeur des flots,
Et les mains de la Vierge un baiser de la lune.

Les plus belles parfois font le plus noir métier,
Les plus saintes étaient les mains d’un charpentier.

Les mains sont vos enfants et sont deux sœurs jumelles,
Les dix doigts sont leurs fils également bénis ;
Veillez bien sur leurs jeux, sur leurs moindres querelles,
Sur toute leur conduite aux détails infinis.

Les doigts font les filets et d’eux sortent les villes ;
Les doigts ont révélé la lyre aux temps anciens ;
Ils travaillent, pliés aux tâches les plus viles,
Ce sont des ouvriers et des musiciens.

Lâchés dans la forêt des orgues le dimanche,
Les doigts sont des oiseaux, et c’est au bout des doigts
Que, rappelant le vol des geais de branche en branche,
Rit l’essaim familier des Signes de la Croix.


Le pouce dur, avec sa taille courte et grasse,
A la force ; il a l’air d’Hercule triomphant ;
Le plus faible de tous, le plus doux a la grâce,
Et c’est le petit doigt qui sut rester enfant.

Servez vos mains, ce sont vos servantes fidèles ;
Donnez à leur repos un lit tout en dentelles.

Ce sont-vos mains qui font la caresse ici-bas ;
Croyez qu’elles sont sœurs des lys et sœurs des ailes :
Ne les méprisez pas, ne les négligez pas,
Et laissez-les fleurir comme des asphodèles.

Portez à Dieu le doux trésor de vos parfums,
Le soir, à la prière éclose sur les lèvres,
Ô mains, et joignez-vous pour les pauvres défunts,
Pour que Dieu dans les mains rafraîchisse nos fièvres,

Pour que le mois des fruits vous charge de ses dons ;
Mais ouvrez-vous toujours sur un nid de pardons.

Et vous, dites, ô vous, qui, détestant les armes,
Mirez votre tristesse au fleuve de nos larmes,
Vieillard, dont les cheveux vont tout blancs vers le jour,
Jeune homme, aux yeux divins où se lève l’amour,
Douce femme mêlant ta rêverie aux anges,


Le cœur gonflé parfois au fond des soirs étranges,
Sans songer qu’en vos mains fleurit la volonté,
Tous, vous dites : « Où donc est-il, en vérité,
Le remède, ô Seigneur, car nos maux sont extrêmes ? »

— Mais il est dans vos mains, mais il est vos mains mêmes.
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LE CORPS ET L’ÂME

Dieu fit votre corps noble et votre âme charmante.
Le corps sort de la terre et l’âme aspire aux cieux ;
L’un est un amoureux et l’autre est une amante.

Dans la paix d’un jardin vaste et délicieux,
Dieu souffla dans un peu de boue un peu de flamme,
Et le corps s’en alla sur ses pieds gracieux.

Et ce souffle enchantait le corps, et c’était l’âme
Qui, mêlée à l’amour des bêtes et des bois,
Chez l’homme adorait Dieu que contemplait la femme.

L’âme rit dans les yeux et vole avec la voix,
Et l’âme ne meurt pas, mais le corps ressuscite,
Sortant du limon noir une seconde fois.

Une flèche est légère et les éclairs vont vite,
Mais le mystérieux élan de l’âme est tel
Que l’ange, qui veut bien lutter contre elle, hésite.


Dieu fit suave et beau votre corps immortel :
Les jambes sont les deux colonnes de ce temple,
Les genoux sont la chaise et le buste est l’autel.

Et la ligne du torse, à son sommet plus ample,
Comme aux flancs purs de vase antique, rêve et contemple,
Dans l’ordre harmonieux dont la lyre est l’exemple.

Pendant qu’un hymne à Dieu, dans un battement court
Comme au cœur de la lyre une éternel phrase,
Chante aux cordes du cœur mélodieux et sourd.

Des épaules~ planant comme les bords dn vase,
La tête émerge, et c’est une adorable fleur
Noyée en une longue et lumineuse extase.

Si l’âme est un oiseau, le corps est l’oiseleur.
Le regard brûle au fond des yeux qui sont des lampes
Où chaque larme douce est l’huile de douleur.

La mesure du temps tinte aux cloisons des tempes ;
Et les bras longs aux mains montant au firmament
Ont charitablement la sûreté des rampes.

Le cœur s’embrase et fond dans leur embrassement,
Comme sous les pressoirs fond le fruit de la vigne,
Et sur les bras croisés vit le recueillement.


Ni les béliers frisés ni les plumes de cygne,
Ni la crinière en feu des crieurs de la faim
N’effacent ta splendeur, ô chevelure insigne,

Faite avec l’azur noir de la nuit, ou l’or fin
De l’aurore, et sur qui nage un parfum farouche,
Où la femme endort l’homme en une mer sans fin.

Rossignol vif et clair, grave et sonore mouche,
Frémis ou chante au bord des lèvres, douce voix !
Douce gloire du rire, épanouis la bouche !

Chaque chose du corps est soumise à tes lois,
Dieu grand, qui fais tourner la terre sous ton geste,
Dans la succession régulière des mois.

Tes lois sont la santé de ce compagnon leste
De l’âme, ainsi qu’un rythme est l’amour de ses pas,
Mais l’âme solitaire est joyeuse où Dieu reste.

La souffrance du corps s’éteint dans le trépas,
Mais la douleur de l’âme est l’océan sans borne ;
Et ce sont deux présents que l’on n’estime pas.

Oh ! ne négligez pas votre âme ! L’âme est morne
Que l’on néglige, et va s’effaçant, comme au jour
Qui monte, le croissant voit s’effacer sa corne.


Et le corps, pour lequel l’âme n’a pas d’amour,
Dans la laideur, que Dieu condamne, s’étiole,
Comme.un fou relégué dans le fond d’une cour.

La grâce de votre âme éclôt dans la parole,
Et l’autre dans le geste, aimant les frais essors,
Au vêtement léger comme une âme qui vole.

Sachez aimer votre âme en aimant votre corps,
Cherchez l’eau musicale aux bains de marbre pâle,
Et l’onde du génie au cœur des hommes forts.

Mêlez.vos membres ; lourds de fatigue, où le hâle
De la vie imprima son baiser furieux,
Au gémissement frais que la Naïade exhale ;

Afin qu’au jour prochain votre corps glorieux,
Plus léger que celui des Mercures fidèles,
Montera travers l’azur du ciel victorieux.

Dans l’onde du génie, aux sources sûres d’elles,
Plongez votre âme à nu, comme les bons nageurs,
Pour qu’elle en sorte avec la foi donneuse d’ailes !

Dans la nuit, vers une aube aux divines rougeurs,
Marchez par le sentier de la bonne habitude,
Soyez de patients et graves voyageurs.


Que cette jeune sœur charmante de l’étude
Et du travail tranquille et gai, la Chasteté,
Parfume vos discours et votre solitude.

La pâture de l’âme est toute vérité ;
Le corps, content de peu, cueille une nourriture
Dans le baiser mystique où règne la beauté.

Puisque Dieu répandit l’homme dans la nature,
Sachez l’aimer en vous, et d’abord soyez doux
À vous-mêmes, et doux à toute créature.

Si vous ne vous aimez en Dieu, vous aimez-vous ?
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Du temps où nous étions ensemble,
N’ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m’as-tu pas, dans un baiser,
Ne m’as-tu pas donné ton âme ?
Or le baise s’est envolé,
Mais l’âme est toujours là, Madame
Soyez certaine que je l’ai.
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RETOUR



Nous avions fait une lieue,
L'œil en quête d'un sonnet ;
Où le hasard nous menait
Nous errions dans la banlieue.

La matinée était bleue
Et sur nos têtes sonnait
La rime, oiseau qu'on prenait
D'un grain de sel sous la queue.

Tout à coup, le ciel changea :
Il plut. Retournons — déjà ! —
Et nous aperçûmes, l'âme

Attristée, au loin, Paris,
Et, grises sur le ciel gris,
Les deux tours de Notre-Dame !
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Germain Nouveau
En forêt



Parfois il vient des gémissements doux…

Parfois il vient des gémissements doux
Des lointains bleus pleins d'oiseaux et de loups ;

Il vient aussi des senteurs de repaires ;
C'est l'heure froide où dorment les vipères,

L'heure où l'amour s'épeure au fond du nid,
Où s'élabore en secret l'aconit ;

Où l'être qui garde une chère offense,
Se sentant seul et loin des hommes, pense.

– Pourtant la lune est bonne dans le ciel,
Qui verse, avec un sourire de miel,

Son âme calme et ses pâleurs amies
Au troupeau roux des roches endormies.
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Germain Nouveau
En forêt



Dans la forêt étrange…

Dans la forêt étrange, c'est la nuit ;
C'est comme un noir silence qui bruit ;

Dans la forêt, ici blanche et là brune,
En pleurs de lait filtre le clair de lune.

Un vent d'été, qui souffle on ne sait d'où,
Erre en rêvant comme une âme de fou ;

Et, sous des yeux d'étoile épanouie,
La forêt chante avec un bruit de pluie.

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Germain Nouveau
LA ROTROUENGE * DES FOUS DE BICÊTRE



Vous qui filez nos jours, ô Parques filandières,
Vous les savez filer de diverses matières,
Et des fous de Bicêtre où le flux a son cours
C'est de lin et de… hum ! que vous filez les jours.

Vous qui filez nos jours, ô Parques filandières,
Vous savez les filer de diverses manières,
Et des fous de Bicêtre à tourner dans les cours
C'est en ronds et carrés que vous filez les jours.

Cependant qu'à guenon, ô Parques filandières,
Vous qui filez nos jours de diverses manières,
À guenon et sagouin du voyage à long cours
C'est en zig et en zag
C'est en joyeux zigzags que vous filez les jours.

Vous qui filez nos jours, ô Parques filandières,
Si filez-vous les nuits sous toutes les paupières,
Et des fous de Bicêtre à rêver dans leurs lits
C'est de Vases dorés que vous filez les nuits.

C'est là que d'ortolans, ô Parques filandières,
Vous fîtes mes jours quatre lunes plénières ;
Mais or que pour souper je danse comme un ours,
Ce n'est de vermicelle où vous filez mes jours.


* Petit poème du Moyen Âge composé de plusieurs strophes et d'un refrain.
– Germain Nouveau fit un court séjour à Bicêtre en 1891.
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Germain Nouveau
Sans verte étoile…



Sans verte étoile au ciel, ni nébuleuse blanche,
Sur je ne sais quel Styx morne, au centre de l'O
Magnifique qui vibre autour de lui sur l'eau,
Mélancoliquement mon esprit fait la planche.
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Ce doit être bon de mourir,
Puisque faire ce que l’on nomme
L’amour, impérieux plaisir
De la femme mêlée à l’homme,
C’est doux à l’instant de jouir,
C’est bon, dis-tu, c’est bon… oui… comme,
Comme si l’on allait mourir ?
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Le baiser

Comme une ville qui s'allume 
Et que le vent achève d'embraser, 
Tout mon cœur brûle et se consume, 
J'ai soif, oh ! j'ai soif d'un baiser.

Baiser de la bouche et des lèvres 
Où notre amour vient se poser, 
Plein de délices et de fièvres, 
Ah ! j'ai soif, j'ai soif d'un baiser !

Baiser multiplié que l'homme 
Ne pourra jamais épuiser, 
Ô toi, que tout mon être nomme, 
J'ai soif, oui, j'ai soif d'un baiser.

Fruit doux où la lèvre s'amuse, 
Beau fruit qui rit de s'écraser, 
Qu'il se donne ou qu'il se refuse, 
Je veux vivre pour ce baiser.

Baiser d'amour qui règne et sonne 
Au cœur battant à se briser, 
Qu'il se refuse ou qu'il se donne, 
Je veux mourir de ce baiser.
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L'amour de l'amour

I.

Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve 
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ; 
C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève, 
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures, 
Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels, 
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures, 
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse 
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ; 
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse, 
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange, 
Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau, 
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange, 
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l'antique amour du règne de Saturne, 
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché, 
Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne, 
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme, 
Lui dont la caravane humaine allait rêvant, 
Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme, 
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle 
A frémi comme un monde au ventre de la nuit, 
C'est le commencement des rumeurs de son aile ; 
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes, 
C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois, 
C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes 
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile, 
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ; 
C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ; 
L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse, 
Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit, 
Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce 
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche, 
Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez ! 
Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche, 
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l'Océan, amour sur les collines ! 
Amour dans les grands lys qui montent des vallons ! 
Amour dans la parole et les brises câlines ! 
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres ! 
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !

Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres ! 
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles ! 
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux ! 
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes ! 
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II.

Mais adorez l'Amour terrible qui demeure 
Dans l'éblouissement des futures Sions, 
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure 
Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.
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