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Citations de Giosuè Calaciura (106)


... le jour où naquit Mimmo, la brume avait la consistance des contes. C'est ce que lui avait raconté sa mère.
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Le père de Cristofaro ne se calmait qu'avec la venue de la nuit. Pour Cristofaro, la bière était un malheur, mais c'était aussi son salut. Elle coupait les jambes de son père juste avant qu'il ne le tue.
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Ceux-ci ne voulaient pas nous tuer. De leurs bâtons, ils frappaient les jambes et les bras, comme s'ils connaissaient l'anatomie la plus secrte des hommes, celle de l'âme : ils ne brisaient pas les membres, mais pliaient jusqu'à la résignation la force du désespoir de tous ceux qui voyaient s'évaporer dans le ciel nocturne l'intimité de leur maison, la peine d'en avoir posé chaque pierre, les poutres du toit, les tables où ils avaient consommé la frugalité de leur repas du midi et du soir, les couches de leur repos où ils avaient conçu leurs enfants.
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Jean me raconta comment, dans ses voyages, il lui était arrivé de rencontrer des rabbins radicaux et aguerris qui lisaient des textes univoques et concordants dans le pressentiment du futur : l'empire romain se déliterait, entraînant dans l'oubli le pouvoir des corrompus et des puissants. Et la première fissure, c'était précisément ici qu'elle apparaîtrait, dans le territoire obscur et misérable de Nazareth, où personne n'aurait imaginé un germe aussi précieux et dangereux. Des échos de cette légende étaient parvenus aux oreilles sensibles des espions et des délateurs qui vivaient de la vente de ces ragots aux Romains et aux rois inutiles de la Judée et de la Galilée.
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Les jeunes gens sont comme les insectes pollinisateurs : ils n'ont pas le temps de s'arrêter sur la fleur la plus acceuillante. Ils doivent suivre leur mystérieux projet. Le souci de ne pas laisser échapper ne serait-ce qu'un souffle de l'illusion de printemps les a déjà emportés ailleurs. Mon illusion, c'étaient les yeux de Delia.
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Delia représentait le premier accroc à la dureté du chemin, la première légèreté. Comme elle sait être délicate et charnelle, la vie !
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J'ai compris que chaque mère, et pas seulement la mère de Jésus, raconte à son fils sa naissance comme un conte, l'unique miracle dont nous soyons certains, pour qu'il ne soit pas trop cruel d'être au monde les nuits féroces de tempête.
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Sa séance terminée, Carmela ouvrit le balcon c'était le signal pour sa fille et les futurs clients, car il n'était permis de sonner chez elle que lorsque les fenêtres étaient ouvertes. Elle s'assit sur le lit pour faire une retouche de vernis sur les ongles de ses orteils. Du vernis bleu. Tout, chez Carmela, était bleu, céleste. Par superstition. Sa robe de chambre et ses draps, les murs et le frigo, l'abattant des toilettes et la nappe en plastique sur la table du repas. Le plafond était bleu comme le ciel pour que ses clients, quand elle travaillait, puissent s'imaginer au Paradis. En réalité cette couleur était à son usage intime, c'était pour elle la couleur du pardon.
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Il m'expliquait comment tenir la planche entre mes petites mains, et j'y mettais toutes mes forces sans m'apercevoir que le bois était déjà coincé par l'étau. Mon père rabotait avec le verre, et des corolles de bois, des boucles, de la sciure fleurissaient du néant, couvraient le sol jusqu'au moment où nous avions l'air nous aussi d'arbres sortis du terreau des copeaux.Quand la journée était finie et que la lumière manquait pour éclairer le travail, il prenait un moment pour jouer avec moi. Écartant outils et colles, il choisissait les copeaux les plus beaux et les mettait dans mes cheveux, boucles supplémentaires de tendresse.
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Elle chuchotait ses paroles dans ce tourment de vent et de pluie d'une horrible nuit égyptienne qui semblait ne jamais prendre fin. Le démon de la peur était apparu, il rugissait d'obscurité, tonnait de menaces , montrait les éclairs de ses dents. Je m'agrippais au tissu de la robe de ma mère, je le serrais dans mes poings. À chaque coup de tonnerre, je plongeais la tête dans le parfumde son aisselle. Et plus le noir se faisait impénétrable, plus elle remplissait d'étoiles, de comètes et de présages ma nuit natale.
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Quand j’étais jeune, je savais y faire avec les mots. C’étaient les lectures enfantines auprès de ma mère, doigt pointé ligne après ligne pour que je suive bien, qui m’avaient ouvert à l’érudition. Mon vocabulaire était riche et articulé. Je connaissais par cœur des chapitres entiers des Écritures. L’après-midi, quand je parvenais à échapper à la tendre vigilance de ma mère et à l’attention inquiète de mon père, quand je n’avais pas de camarades avec qui partager mes jeux, sur les bords du fleuve en Égypte d’abord, puis au milieu des pierres brûlées de Nazareth, je m’amusais à réciter les paroles des Textes avec des rimes de mon cru que j’inventais au fur et à mesure sur les cadences de la sacralité aride et inaccessible des rabbins. Aujourd’hui, je serais accusé de blasphème. Comme je m’amusais ! Je riais tout seul de mes trouvailles, de mon humour habile à désacraliser la pompe hautaine – obscure – des dogmes. Je jouais au prophète, au petit Messie : un Dieu irresponsable aux genoux écorchés par les chutes et les ronces, qui errait sur la terre à peine engendrée par l’obscurité du néant. Je jouais à la Création. Je me rappelle combien j’aimais imaginer des animaux nouveaux, des créatures bizarres à mettre en marche de par le monde, ou alors des bêtes connues que je réinventais avec la tête à la place de la queue, un œil devant et l’autre derrière, toutes les parties interverties, des ânes à huit pattes, des chiens avec des ailes, des oiseaux munis de pieds, des poissons amphibies et des serpents pourvus de pattes. Un bestiaire tout à moi dans un monde tout à moi où le soleil ne se couchait jamais pour que la nuit ne vienne pas me terrifier. Je guidais cette armée d’animaux jamais vus à travers un monde repensé, adapté aux exigences de mes inventions, car je créais la mer là où s’ouvrait le désert, j’aplanissais les montagnes pour que mon père n’ait pas de difficultés à affronter dans ses déplacements de charpentier, je faisais jaillir des sources d’eau tout près de la maison pour que ma mère puisse plus facilement remplir ses cruches. Aujourd’hui, dans le crépuscule du jardin, j)e me demande pourquoi il ne m’est jamais venu à l’esprit, enfant, de créer des hommes différents. Meilleurs. Qui sait, peut-être que je l’ai fait, mais je ne m’en souviens plus.
(PP.98-99)
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Elle me racontait que j'avais apporté un printemps précoce de bourgeons et d'amandiers en fleur. Et je ne sais plus si ce sont mes yeux qui ont vu la merveille d'une comète dans le ciel de cette nuit-là, ou les yeux des autres. Tout se mêle comme en un vertige. Mais je n'ai que cette naissance-là à me raconter. Dans la seule version que je connais, celle de ma mère. J'ai compris que chaque mère, et pas seulement la mère de Jésus, raconte à son fils sa naissance comme un conte, l'unique miracle dont nous soyons certains, pour qu'il ne soit pas trop cruel d'être au monde les nuits féroces de tempête.
(p.10)
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Toto flottait comme un oiseau nocturne et laissait derrière lui les autobus des ouvriers ensommeillés qui, la tête apuyée contre la vitre, le prirent pour leur propre désir de fuite. Il était plus rapide que sa propre odeur, car les chiens plantés aux carrefours des chemins, toujours si prompts à courir après tous les véhicules, ne s'aperçurent pas de son arrivée. Ils se contentèrent de relever le museau vers le souffle produit par son passage. Le vent lui-même, qui agitait ça et là le dernier bout de campagne exclue de toute rédemption car elle était déjà condamnée, ne parvint pas à l'atteindre et lui laissa la peine de soulever une brise nocturne et légère de pollinisation dans ces terres où les abeilles et tous les insectes volants avaient perdu l'envie de reproduire les gestes du printemps.
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L'odeur de pain enserra da sa toile d'araignée l'ouvrier du chantier naval s'en revenant chez lui, le centre de ses yeux brûlait de l'éclat du fer à souder qui avait étincelé tout au long de sa journée de travail sur le flanc d'une coque de bateau, il ne voyait que cette braise imprimée dans sa pupille, et il marchait en guettant du coin de l'oeil, car son horizon était en feu, les obstacles les plus dangereux sur le chemin de sa maison. Quand le parfum du pain arriva jusqu'à lui, l'homme le prit pour l'odeur de la mer parce que là, précisément, où le bout de la rue s'estompait et se perdait dans les brumes de la flamme qui le brûlait, il se vit dans une anticipation de futur sur le pont le plus haut du bateau qui venait d'être mis à l'eau, au centre de l'horizon net et précis maintenant que les embruns, comme les larmes, avaient éteint pour toujours l'incendie de ses yeux.
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Et lorsque le cocher, inquiet de ce silence, se retourna pour le rompre [...], il les vit comme leur mère elle-même ne les avait jamais vus, tellement abandonnés, tellement nouveaux-nés malgré les signes de l'adolescence inexorable comme l'automne, il les vit tellement seuls au monde, il les reconnut dans le caprice de Dieu et dans la violence sans remède de la nature.
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Ils ne virent pas la ville assoupie par contagion qui rêvait leur passage, le vieux au balcon, sur le point de passer à table pour dîner, qui les regarda comme un présage de convoi funéraire [...]. Ils ne virent pas les feux de cette fin d'août clignotant à l'orange, comme pour libérer tout le monde de la circulation et des soucis, ils ne virent pas les églises de la messe vesperale, refuges des retraités qui fuient les journaux télévisés brillant à plein volume parce que aucune nouvelle n'en vaut plus la peine."
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Une autre fois, l'ambulance vint chercher Christofaro parce que son père s'était trompé. Il avait pris un couteau dans la cuisine et lui avait ouvert la joue de l'oeil au menton. Il l'échappa belle. Personne ne sut jamais ce qu'il avait raconté aux médecins. Cristofaro de toute façon confirmerait tout. Il savait qu'un jour son père allait le tuer.
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Cristofaro voulait se dépêcher parce que le soir lui était tombé dessus sans préavis et sans espérance. Le crépuscule ne lui avait pas accordé de délai de pitié, poussé qu'il était par la fête de l'automne, excité par le sang qui maculait encore le trottoir de la pharmacie. Le soir lui aussi voulait courir pour devenir nuit et clore sa tournée de deuils, parce que personne, avec la mort de Toto, ne pensait à autre chose.
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Il continue à se vider de son sang jusqu'à l'arrivée de l'ambulance. Quelqu'un l'a appelée depuis un balcon, par pitié : dans le Quartier on ne meurt pas par amour, mais seulement par haine.
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Les vieux savent, par cynisme, à quel point le coeur des jeunes est comme du verre : au premier choc il se brise.
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