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Citations de Glenn Gould (35)


Une approche de ce type rend bien entendu nécessaire une attitude discriminante vis-à-vis des questions d'articulation et de registration qui sont inséparables des méthodes de composition de Bach. Elle exige au minimum qu'on se rende bien compte qu'une utilisation immodérée de la pédale amènera inévitablement le navire de « l'ambition contrapuntique » à venir se briser sur les rochers du legato romantique. Elle exige également à mon avis qu'on s'astreigne à un certain degré de simulation des registrations conventionnelles du clavecin, ne serait-ce que parce que la technique qui détermine la manière dont Bach envisage les thèmes et les phrases est fondée sur une idée de dialogue dynamique. Si on parlait en termes cinématographiques, cela reviendrait à dire que l'attitude de Bach serait celle d'un metteur en scène qui penserait en plans « cuts » plutôt qu'en enchaînés.

Il existe également des moments dans ses œuvres où la continuité linéaire est d'une telle ténacité qu'il est impossible d'y trouver la moindre cadence clairement articulée. Par conséquent, elle ne permet pas de modification convaincante du toucher qui serait l'équivalent au clavecin de la mise en œuvre d'un jeu de luth ou d'un changement de clavier.
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Bach y exploite les rapports harmoniques fondamentaux dans un dessein de continuité et de détente structurelle; certains segments d'importance majeure de l'une des fugues multithématiques s'achèvent même parfois sur une solide cadence à la dominante. Mais cette œuvre fluide et souvent modulante n'est que rarement empreinte du déterminisme harmonique résolu qui était la marque notoire de l'écriture fuguée de la maturité de Bach. Dans l'intervalle séparant l'époque tâtonnante de Weimar de celle du retranchement intensément concentré qui a donné naissance à l'Art de la Fugue, Bach a écrit des centaines de fugues, qu'elles soient ou non ainsi désignées. Il les a conçues pour toutes sortes de combinaisons instrumentales possibles, et elles révèlent une technique contrapuntique d'une aisance confondante qui se situe aux confins de la perfection. Les deux Livres du Clavier bien tempéré avec leurs quarante-huit Préludes et Fugues en constituent l'archétype. Cette œuvre prodigieusement bigarrée parvient à établir un rapport entre continuité linéaire et sécurité harmonique, qui échappait auparavant totalement au compositeur et qui ne joue qu'un rôle mineur dans l'Art de la Fugue, en raison de son parti pris anachronique. Le flair tonal dont Bach fait preuve dans ces œuvres semble épouser inexorablement le matériau traité et son dispositif modulatoire est si considérable qu'il lui permet de donner du relief à toutes les sinuosités thématiques de ses sujets et contre-sujets. Grâce à une telle perfection d'homogénéité conceptuelle, Bach perd non seulement toute inhibition stylistique, mais va jusqu'à se permettre de redéfinir son vocabulaire harmonique en fonction de chaque morceau.
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L'interprète doit avoir une foi, même aveugle, en ce qu'il est en train de faire ; il doit être convaincu de pouvoir découvrir des possibilités d'interprétation que le compositeur n'aura même pas envisagées. (p.77)
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J'ai bien l'intention d'écrire mon autobiographie un de ces jours, et ce sera sûrement de la fiction ! (p.63)
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Mais mon sentiment était que, malgré tout le respect que m'inspiraient mes professeurs, il était temps que je m'en remette à moi-même en ce qui concernait toutes les questions essentielles, et que j'apprenne à voler musicalement de mes propres ailes, sans souci des opinions extérieures. (p.38)
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Comme je refusais de répondre en me battant, les gosses du voisinage s'amusaient beaucoup à me prendre pour cible et à me donner des coups. Mais il est très exagéré de dire que tout cela arrivait quotidiennement. Tous les deux jours tout au plus. (p.25)
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Glenn Gould
"L'objectif de l'art n'est pas le déclenchement d'une sécrétion momentanée d'adrénaline (au concert), mais la construction, sur la durée d'une vie, d'un état d'émerveillement et de sérénité."
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Car tel est d'ailleurs le problème historique de la fugue: elle n'est pas une forme en soi, comme c'est le cas de la sonate, ou tout au moins du premier mouvement de la sonate classique. Elle est bien plutôt une invitation à inventer une forme en rapport avec les exigences particulières de la composition envisagée. La réussite de l'écriture fuguée dépend du degré auquel le compositeur sait renoncer àdes formules en faveur de la création d'une forme. C'est la raison pour laquelle la fugue peut être soit la plus routinière, soit la plus stimulante des entreprises tonales.

Un demi-siècle sépare les premiers essais maladroits de Bach dans le genre de ceux, tardifs et volontairement anachroniques, qui allaient donner naissance à l'Art de la Fugue. Bach mourut avant l'achèvement de l'œuvre, mais non sans s'être engagé sur la voie d'un gigantisme fugué qui, du moins pour ce qui est de la durée, n'a pas eu d'équivalent jusqu'aux essais d'exhibitionnisme néo-baroques de Fer rudo Busoni. Malgré ses proportions monumentales, un sentiment de retrait envahit cette œuvre. Bach en fait s'écartait des préoccupations pragmatiques de la création musicale pour se retirer dans un monde idéalisé d'intransigeante invention. L'un des aspects de ce retrait est le retour à une conception quasi-modale de la modulation; rares sont les occasions dans cette œuvre que Bach investit de cet instinct infaillible de retour à la tonalité qui prévalait dans ses compositions antérieures, moins vigoureusement didactiques. Le style harmonique de l'Art de la Fugue, quoique d'un chromatisme luxuriant, est en réalité moins contemporain que celui de ses essais fugués précédents. Dans sa démarche nomade, il emprunte tous les méandres de la carte tonale, et se réclame fréquemment de la descendance spirituelle de Cipriano di Rore ou de Don Carlo Gesualdo.
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La fugue pourtant n'allait pas subir une éclipse avec la mort de Bach. Elle continua à représenter un défi pour la jeune généra tion de compositeurs qui étaient en train de grandir, sans le savoir encore, dans son ombre. Mais on la retirait progressivement de la circulation, car si par hasard on s'en servait encore, c'était pour obtenir une conclusion à effets à la fin d'œuvres chorales de grande envergure, à moins que des mélodistes en herbe ne l'utilisent comme thérapie pédagogique pour enrichir leurs basses d'Alberti singulièrement maigrelettes. Elle avait cessé d'être au centre de la pensée musicale, et une « overdose » de fugue pouvait coûter sa réputation et son succès public à un jeune compositeur. A l'âge de la raison, la fugue était devenue essentiellement déraisonnable.

La technique de la fugue peut être venue plus facilement à Bach qu'à d'autres; c'est néanmoins une discipline dont on n'acquiert pas la maîtrise du jour au lendemain. A preuve, les premières tentatives de Bach dans ce domaine, dont on a le témoignage avec les fugues contenues dans les Toccatas, qu'il écrivit vers l'âge de vingt ans. Interminablement répétitives, rudimentairement séquentielles, ayant désespérément besoin d'équarrissage, elles succombent fréquemment aux boursouflures harmoniques contre lesquelles le jeune Bach eut à lutter. La simple présence d'un sujet et d'une réponse semblait suffire à satisfaire ses exigences d'alors qui manquaient d'esprit critique.
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Bach a toujours écrit des fugues. Aucune autre activité, aucune autre recherche ne convenaient mieux à son tempérament. Rien ne permet d'évaluer avec plus de précision l'évolution de son art. On l'a toujours jugé sur ses Fugues. Dans les dernières années de son existence, il continuait à en écrire alors que les préoccupations de l'avantgarde de son temps étaient orientées vers des intentions plus exclusivement mélodiques; on se débarrassait de lui comme d'une relique d'un âge ancien et moins éclairé. Et quand s'amorça ce grand mouvement de masse en sa faveur au début du XIXe siècle, ses partisans étaient des romantiques bien intentionnés qui voyaient dans les chœurs formidables et glaciaires de la Passion selon saint Matthieu ou de la messe en si mineur des énigmes insolubles et quasi injouables, mais malgré tout dignes de dévotion à cause de la foi qu'ils exsudaient avec une ferveur si manifeste. Comme des archéologues qui auraient excavé le substrat de quelque culture perdue, ils étaient impressionnés par ce qu'ils découvraient, mais encore plus satisfaits d'avoir été à l'origine de la découverte. Pour une oreille du XIXe siècle, ces chœurs farcis de modulations ambivalentes ne pouvaient en aucune manière répondre aux canons de la stratégie tonale classique ou romantique.

Même aujourd'hui, nous qui croyons saisir les implications de l'œuvre de Bach et la diversité de son élan créateur, nous reconnaissons dans la fugue le forum premier où s'exerçait son activité ; Chaque texture exploitée par lui semble destinée à un traitement fugué. Le plus innocent petit air de danse ou le thème choral le plus solennel semblent exiger une réponse, attendre une volée de contrepoint qui trouve dans la technique fuguée sa plus complète réalisation. Chaque combinaison sonore vocale ou instrumentale choisie par lui semble taillée de manière à pouvoir être greffée d'une multitude de réponses et paraît privée de quelque chose tant que ces réponses n'ont pas été fournies. Même dans les moments les plus débonnaires, dans les cantates dont le sujet est le commerce du café, ou dans les petits airs notés pour Anna Magdalena, on sent que se cache sous la surface une situation fuguée potentielle. On ressent chez lui une gêne presque visible ou audible lorsqu'il doit réprimer à l'occasion le style fugué qui lui est habituel pour s'associer à la recherche simpliste d'un conformisme modulatoire et d'un contrôle thématique, à laquelle s'adonnait par priorité sa génération.
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)
 glenn gould
g.g. – Eh bien, pour tout vous dire, je n’y
ai pas vraiment réfléchi. Mais improvisons!
Que diriez-vous par exemple de la situation
politique au Labrador?
g.g. – Je suis sûr que cela pourrait engendrer un dialogue fort intéressant, en effet,
M. Gould ; mais nous devons garder à
l’esprit que high fidelity
est avant tout
destiné à un public américain.
g.g. – Oh, c’est exact. Eh bien, dans ce cas,
peut-être que les droits des aborigènes dans
l’ouest de l’Alaska feraient un bon sujet.
g.g. – Oui. Soyez-en certain, M. Gould, je
ne voudrais surtout pas faire l’impasse sur
des sujets aussi sensationnels; mais dans la
mesure où high fidelity est destiné à un
lectorat féru de musique, nous devrions au
moins, je crois, entamer notre discussion
dans le domaine des arts.
. Magazine publié aux États-Unis entre 1951 et 1989 et
consacré à divers aspects de la musique (équipements
audio, enregistrements, biographies d’interprètes
reconnus, etc.). (n.d.t.)
glenn gould 
g.g. – Oh, naturellement. Peut-être
pourrions-nous examiner la question des
droits des aborigènes à travers des études
ethno-musicologiques de terrain à la Pointe
Barrow.
g.g. – Eh bien, je dois avouer que j’avais à
l’esprit une ligne d’attaque, pour ainsi dire,
plus conventionnelle, M. Gould. Vous vous
en doutez, j’en suis sûr, la question quasi
inévitable dès que l’on aborde votre carrière
est la controverse qui oppose concerts et
médias, et j’ai le sentiment qu’il nous faut
au moins l’évoquer.
g.g. – Oh, bien, je ne vois pas d’objections
à répondre à quelques questions sur ce sujet.
De toute façon, cela engage avant tout, à mon
avis, des considérations d’ordre moral plutôt
que musical; donc je vous en prie, allez-y.
g.g. – Eh bien, c’est très aimable à vous. Je
vais essayer d’être bref, et ensuite, peut-être,
pourrons-nous changer de sujet.
g.g. – Parfait!
g.g. – Bien. On vous a entendu dire que
votre intérêt pour l’enregistrement – pour
 glenn gould
les médias en général, en fait – représente
un intérêt pour l’avenir.
g.g. – C’est exact. Je l’ai même déclaré dans
les pages de cet illustre magazine, pour tout
vous dire.
g.g. – Tout à fait. Et vous avez également
déclaré, inversement, que la salle de
concert, la scène, l’opéra, etc., représentaient le passé ; peut-être un aspect de votre
propre passé en particulier et, de manière
plus générale, le passé de la musique.
g.g. – C’est vrai, même si je dois admettre que
le seul contact professionnel que j’ai eu avec
l’opéra s’est soldé par une petite trachéite que
j’ai ramassée en jouant dans l’ancien palais des
festivals de Salzbourg. Comme vous le savez,
c’était à l’époque un bâtiment extrêmement
soumis aux courants d’air et je…
g.g. – Peut-être pourrions-nous parler
de votre état de santé à un moment plus
opportun, M. Gould; mais il me semble – et
j’espère que vous me pardonnerez de vous le
dire ainsi – que les déclarations de ce genre
sont toujours par nature un peu intéressées.
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g.g. – Pensez-vous que c’est là l’essentiel?
Je veux dire, étant donné mon expérience
des interviews – et j’en ai déjà réalisé un
certain nombre à l’antenne, comme vous
le savez peut-être –, je suis enclin à penser
que les révélations les plus instructives
découlent de sujets qui ne sont qu’indirectement liés au métier de celui qui est
interviewé.
g.g. – Par exemple ?
g.g. – Eh bien, par exemple, dans la phase
de préparation de mes documentaires radiophoniques, j’ai parlé de technologie avec un
théologien, de William James avec un géomètre, du pacifisme avec un économiste et
des rapaces qui peuplent le marché de l’art
avec une femme au foyer.
glenn gould 
g.g. – Mais vous avez aussi interrogé des
musiciens sur la musique, je présume ?
g.g. – Eh bien, oui, en effet, à l’occasion, afin
de détendre l’atmosphère et de les mettre
à l’aise devant le micro. Mais il a été bien
plus instructif de parler avec Pablo Casals,
par exemple, du concept de Zeitgeist 
qui,
évidemment, n’est pas sans rapport avec la
musique…
g.g. – Oui, j’allais justement me permettre
cette remarque.
g.g. – Ou avec Leopold Stokowski de
l’aspiration au voyage interplanétaire, ce qui
constitue – n’en déplaise à Stanley Kubrick,
je pense que vous en conviendrez – une
légère digression.
g.g. – Cela pose problème, en effet,
M. Gould. Permettez-moi alors d’essayer
de formuler la question de façon plus affirmative. Y a-t-il un sujet que vous aimeriez
tout particulièrement aborder?

. Littéralement: “esprit du temps”. (n.d.t.)
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glenn gould. – M. Gould, d’après ce que
j’ai entendu dire – et pardonnez-moi, monsieur, d’être aussi direct – vous êtes plutôt
coriace en interview.
glenn gould. – Ah bon? Je ne savais pas.
g.g. – Oui, c’est le genre de ragots que nous
autres journalistes glanons à droite et à
gauche; mais je tiens à vous assurer que je suis
tout à fait prêt à supprimer de notre entretien
toute question qui vous semblerait déplacée.
g.g. – Oh, je ne peux imaginer que de
telles difficultés s’immiscent dans notre
discussion.
g.g. – Bien. Alors pour commencer, et afin
d’éviter tout malentendu, laissez-moi vous
poser la question franchement: y a-t-il des
sujets à ne pas aborder?
g.g. – Je ne vois vraiment pas, non. À part
la musique, évidemment.
g.g. – M. Gould, je ne veux pas revenir sur
ma parole. Je sais que votre participation
 glenn gould
à cette interview n’a jamais été confirmée
par un contrat; mais elle a été scellée d’une
poignée de mains.
g.g. – Façon de parler, évidemment.
g.g. – Évidemment. Et j’avais supposé que
nous passerions le plus clair de cette interview sur des sujets relatifs à la musique.
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Le piano est un instrument d'égarement ; les doigts donnent des idées nauséeuses et la plupart du temps illogiques, qui ne sont pas fondées sur la réalité pure et dure de la musique. Ce sont des idées molles et faciles. (p.59)
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Glenn Gould
Je suis un compositeur, un écrivain et un homme de communication canadien qui joue du piano à ses moments perdus.
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