Citations de Graham Swift (227)
Le crépuscule approchait , la lumière se moirait de reflets abricot et le monde voilé de vapeurs vert doré était d'une sublime beauté.
Son père lui dit un jour : "L'argent ne fait pas le bonheur, Adrian, mais ça te permet d'être douillettement malheureux" .
Le savoir est plus vaste que les royaumes et, si les royaumes sont éphémères, lui seul demeure le véritable arbitre des temps.
(in Hématologie)
Quand j'étais petit, nous avions un voisin du nom de Wilkinson, qui était un excentrique. Il ne doit plus être de ce monde depuis des années, mais je me suis souvent demandé ce qu'il était devenu. J'avais causé sa perte.
Permettez-moi de préciser que je n'ai jamais vu en lui un excentrique, ce terme ne venait pas de moi. C'était une idée reçue. J'étais trop jeune pour avoir des opinions personnelles, du moins le pensait-on. Je n'étais qu'un gamin qui allait à l'école primaire. Mais je ne trouvais pas Mr Wilkinson excentrique. Il me semblait intéressant, je l'admirais, même. Je fus contraint d'adopter un point de vue opposé.
Faute de grives ... Et même pas de merles ....
Elle s'en est allée. Elle a passé la nuit et elle s'en est allée. Mais une partie de "mes moments", du moins telles que je conçois les choses - je n'ose même pas considérer cela comme "nos moments" - , est le temps qu'il lui faut pour aller du pas de la porte au coin de la rue, pas plus d'une minute, le temps durant lequel, depuis la fenêtre, je la vois devenir de plus en plus petite. Jamais elle ne se retourne.Sans doute devine-t-elle que je la suis du regard. Je ne le lui ai jamais dit. Le lui dire serait lui donner des armes - pour mon éventuelle destruction. Ça me pend au nez, c'est clair.
Ne lui donne pas d'armes. Toutefois, si tu affectes d'être calme, serein, tu ne feras que lui fournir l'excuse dont elle a besoin.
Elle s'appelle Tanya.
Seules convenaient des banalités. Destructrices, mais acceptables.
Après quoi, il disparut. Pas d'au revoir. Pas même un petit baiser. Juste un dernier regard. Comme s'il l'aspirait, comme s'il l'aspirait jusqu'à la dernière goutte.
En fait, on aurait dit parfois que faire rire l’autre était le véritable but ... Même maintenant qu’ils étaient devenus des amants accomplis, dégourdis, appliqués, accros à leurs ébats. Ce rire pouvait encore jaillir, à l’improviste, de sa façade policée, un rire explosif, cacophonique, comme si un moule avait volé en éclats.
... elle était obsédée par le caractère changeant des mots. Un mot n'était pas une chose, loin de là. Une chose n’était pas un mot.
Les mots étaient comme une peau invisible qui enveloppait le monde, qui lui conférait une réalité.
Il sortit de la pièce pour entrer dans la salle de bains. Ne portant toujours que sa chevalière. Il n’y demeura pas longtemps. Après tout, il n’avait qu’à se savonner, se rincer, faire ce que font les hommes en pareilles circonstances. À savoir, enlever toute trace évidente d’elle sur lui.
... pratiquer l'art essentiel du domestique qui consiste à être à la fois invisible et indispensable.
La façon dont les gens regardent leur propre visage est souvent révélatrice. Ce n'est pas une chose qu'ils font souvent, ni même qu'ils ont envie de faire, mais chez le coiffeur, vous n'avez guère le choix. Au café, les gens paient pour s'asseoir et voir défiler le monde. Chez le coiffeur, ils paient pour contempler leur propre visage et vous voyez ce qui se passe en eux quand ils le font.
« La journée était radieuse, l’air d’une voluptueuse douceur.
Un sentiment inattendu de liberté la submergea. Sa vie ne faisait que commencer, elle ne s'achevait pas, elle ne s'était pas achevée.
Jamais elle ne pourrait expliquer ( ni n’aurait à expliquer) ce renversement illogique qui la bousculait ... »
De toute façon, si vous étiez une bonniche, on ne vous accordait guère le loisir de fêter votre anniversaire - à supposer que quelqu'un le connaisse. On ne vous donnait pas congé pour la journée.
C'étaient les serviteurs qui vivaient - une vie dure, c'est entendu - quant à ceux qui étaient servis, ils ne semblaient pas trop savoir que faire de leur vie, de vraies âmes en errance, pour certains d'entre eux...
Franchir une barrière impossible, n'était-ce pas ce qu'elle devrait faire pour devenir écrivain ?
Elle aussi aurait à dépasser cet obstacle, aurait à trouver un langage, bien qu'elle en possédât un, car trouver un langage, trouver le langage, c'était, comme elle finirait par le comprendre, l'essentiel de l'écriture.
Moins d’une heure plus tard, elle était descendue de bicyclette, il avait ouvert la porte de devant — rien de moins que la grande porte comme si elle eût été une authentique visiteuse et lui, un premier valet de pied —, ils avaient ri parce qu’elle l’avait appelé « madame ». Ils avaient ri quand elle avait répété alors qu’il la faisait entrer : « Merci, madame. » Et lui de répondre : « Tu es futée, Jay, tu sais. Vraiment futée. » C’était sa façon de la complimenter. Comme s’il lui révélait quelque chose qu’elle n’aurait sans doute jamais imaginé.
Oui, elle était futée. Assez futée pour savoir qu’elle l’était plus que lui.
Elle pouvait se fermer tout aussi facilement qu'elle pouvait ironiser. Un masque efficace, pour l'octogénaire qu'elle était, que ce facès de lavette essorée!
Les mots étaient comme une peau invisible qui enveloppait le monde, qui lui conférait une réalité. Pourtant vous ne pouviez pas dire que le monde n'existerait pas, ne serait pas réel si vous supprimiez les mots. Aux mieux, il semblait que les choses pouvaient remercier les mots qui les distinguaient les unes des autres et que les mots pouvaient remercier toute chose.