Citations de Guillaume Durand (47)
J’écris ce livre comme un testament à la hauteur de la culpabilité. Ma carrière s’est déroulée dans l’audiovisuel mais je n’ai jamais réussi à être le Bernard Pivot de l’art, ce passeur, tellement utile puisque l’Education nationale ne fait pratiquement rien.
On ne se promène pas dans un musée ou une galerie pour tout trouver génial ! On y cherche une liberté. La possibilité d’échapper au quotidien. A l’étouffement des préjugés. L’´Art c’est sortir de soi.
J'arrive au temps des échéances, j'ai dépensé ma vie, qui n'est jamais qu'un prêt, qu'il faut rendre à la mort usurière.
Si vous aimez vraiment la peinture, plongez-vous dans l’ensemble de Vallontton ( 1865-1925), vous y trouverez des gravures extraordinaires. Des tableaux sur la bataille de Verdun sans équivalent. Et comme chez Hopper, des cadrages inattendus et des portraits de femmes touchées par la solitude ou le désarroi. A mon sens, Félix est un bien meilleur peintre qu’Edward. La célébrité ne fait pas tout. Manet et sa bande dont partout!
Chaque génération réinvente le féminisme. L’arôme de Mery Laurent célébré par les poèmes de Mallarmé et des nombreux portraits au chapeau réalisés par Édouard (Manet) prouvent que la petite alsacienne ne se contenta pas d’´accorder sa faveur au Tout-Paris. Elle devint Nana pour Zola mais elle anticipa aussi la gaité, le culot, le corps triomphant des Nanas en polyester et de toutes les couleurs de Nike de Saint Phalle. Aucune barrière morale ni sociale ne pouvait s’opposer à sa liberté.
Mon père était un personnage de Manet : le goût de la cravate, un courage français qu’il est impossible de définir. Aucun a priori sur personne. Son père Joseph, disparu en 1951, venait directement du XIX e siècle, avec ses guêtres et ses déjeuners où il parlait latin avec ses invités. Comme le fifre,il jouait de la flûte. En même temps, tout ce beau monde eut affaire aux Prussiens, puis à deux guerres mondiales…..Chez Maman, peu d’argent mais des tragédies plus intenses dès le départ… son père Frédéric orphelin fit un service militaire de trois ans avant 1914, puis quatre ans de guerre avant de soutenir les mutins de 1917… Fred fut sévèrement sanctionné pour cette solidarité. Après il enchaîna sur la crise de 1929, puis la seconde guerre mondiale. Est-ce vraiment une vie ?
Peindre le malheur comme une forme élaborée de la gloire est une des raisons qui font que j’aime passionnément Édouard Manet.
Depuis que le fréquente (presque vingt ans!), Yan Pei-Ming organise des dîners asiatiques phénoménaux. Sur un plateau tournant au centre d'une table ronde jaillissent raviolis, salades miraculeuses, canards laqués, crevettes au gingembre, toutes formes de boeuf piquant, et une chaleur humaine rarement croisée ailleurs.
Mais quand il peint, la prémonition l'envahit. S'il regrette que les sœurs Morisot ne soient pas des hommes, le regard de Berthe au balcon est celui de la fureur.
Quand la Victorine -Olympia, avec sa fleur, sa nudité, ses mules et son ruban, elle incarne une luxure tarifée et totalement indifférente à celui qui s'avance et qui veut la posséder.
La complexité du parent réside dans son obligation d'exemplarité à l'égard de sa progéniture. Mais qui est exemplaire ? Qui a la force de dissimuler perpétuellement ses passions à des enfants qui ont besoin de contempler une image respectable pour ne pas vaciller ?
L'avantage d'un arythmique quand il élabore un récit c'est sa capacité de passer du coq à l'âne. De brouiller les périodes.
Si vous regardez une carte de l’Europe, la Belgique est notre cerveau baroque. Des habitants sont plus dingues, plus complexes, plus collectionneurs.
Souvent plus universels comme les frites, Simenon, Magritte ou Tintin. Johnny, le prétendu national, vient du plat pays. Brel a colonisé l’Olympia pendant des années. Stromae est le premier francophone à damer le pion aux Anglo-saxons dans un domaine où ils étaient totalement imbattables: la pop.
Quand on vient, comme lui, du côté de Shangai et d'une famille ouvrière très modeste, la vie est un combat permanent. Ming le même depuis l'adolescence : "Si tu ne sais pas encaisser, tu ne peux pas devenir un grand boxeur."
"Moi ce que j'aime peindre, c'est le mystère et l'idée d'irrésolu. Avec l'ambition que tous mes personnages, seuls ou en groupe dans la lumière ou dans l'ombre, brûlent d'un feu intérieur. "
Claire Tabouret
Pour moi , Édouard Manet est le dernier maître classique et le premier modernisme . Il joue avec toutes les possibilités. Le monnaie, le soleil et le soleil et l'eau et l'eau. Chez Manet, il y a plusieurs couches de sens, ce n'est plus ni politique ni religieuse, c'est libre. Comme Goya, comme tous les grands peintres, il ne dessinait pas avant de peindre.
Pourquoi ces imposantes Nanas colorées sont-elles légères ? Parce que Niki de Saint Phalle est sortie de la vallée incestueuse de son enfance pour devenir un lys entêtant, joyeux, qui n'hésite pas à tirer l'art vers la révolte.
J'écris ce livre comme un testament à la hauteur de ma culpabilité. Ma carrière s'est déroulée dans l'audiovisuel mais je n'ai jamais réussi à être le Bernard Pivot de l'art, ce passeur, tellement utile puisque l'Education nationale ne fait pratiquement rien.
L'aimable désinvolte que j'étais devint un regardeur frénétique et minutieux.
On ne peut pas faire le métier que je pratique depuis quarante ans sans aimer les gens qui vous regardent, vous écoutent ou vous lisent. Je ne suis pas un tricheur et Dieu sait qui en circule dans cet univers.
Mais le goût de l'art est la seule arme que la vie m'est donnée pour tenter d'en comprendre le sens.
En matière de peinture plus que dans tout autre forme de représentation artistique, la liberté fait chier les conformistes qui confondent le réel et le réalisme, cette forme de rêverie glacée, muette, les indispose.