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Citations de Guillaume Poix (43)


Emergent, vous l'êtes du moment que l'on ne vous connaît pas encore ou que l'on n'arrive décidément pas à retenir votre nom ou à remettre votre visage (et qu'il reste quelqu'un quelque part qui ne vous aurait pas encore baisé). Emergent veut dire inconnu. Emergent veut dire inoffensif.
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Dieu sait tout.Il peut suivre à la trace le vol bouleversé de cette mouche escarpée, qui, à quelques kilomètres de là de a zigzagué dans la touffeur de la ville, s'échappant en solitaire pour faire le point après sa malheureuse aventure.
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T'as tout le cimetière numérique de la planète ici, t'as tout l'obsolète qui se trouve un coin pour s'aplatir sous les coups de poing des mômes qui le fouillent. On te dit "C'est digital, c'est dématérialisé", on te dit "C'est sans fil, c'est encore plus plat", on te dit "C'est l'encombre en moins et la vitesse de la lumière dans ta face", on te dit "C'est la fibre, c'est la poussière en propre, en qui prend pas de place" on te dit des trucs pareils là où tu es toi; mais ce qu'on t'explique pas, c'est que chez nous ça devient la bosse*, ça devient Babel, le truc: ça grimpe jusqu'au ciel, les merdes cabossées dézinguées bousillées, elles construisent une seconde planète qui t'encrasse les tuyaux, qui te collent des migraines et des vomissures. Disons pour conclusionner le topo, que ce qui se perçoit pas là-bas est pas tout à fait invisible ici.

* Décharge à Accra au Ghana.
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J'ai vingt-cinq ans, je suis mère, célibataire, et clandestine. Ce n'est pas exactement comme ça que je rêvais mon existence. Ca fait maintenant sept ans que j'habite ici, je me suis habituée au mode de vie qu'entraîne mon statut, statut de rien, grand vide à l'estomac, statut provisoire, qui grave pourtant dans un marbre dont je sais qu'il ne recouvrira jamais le sol de ma salle de bains ses caractéristiques précaires: raser les murs, baisser le regard, ne pas attirer l'attention, ne relâcher que rarement, et inconsciemment, la pression, sursauter quand j'entends une sirène, être docile et obstinée au travail, prier pour ne jamais subir un contrôle de routine sur une autoroute ou en ville, traquer le compteur, traquer mon pied droit, traquer la pression qu'il exerce sur la pédale d'accélérateur, être maladivement prudente, ne pas savoir quelle mine prendre quand je croise une patrouille, un flic sur le bord de la route ou dans un mall, sourire ou ne pas sourire, me trahir quoi que je fasse, y penser constamment dès que je sors, comprendre que je ne peux plus paraître neutre, que je suis du coté des coupables, des criminelles, me dire que ça se voit, que c'est évident, qu'on ne remarque que ça, que mon visage me dénonce, que ma couleur de peau m'expose, que mon corps me précipite dans la gueule du loup, que ma langue, mon accent ma perdront, ne faire jamais aucune réclamation à aucun sujet, garder mes colères, mes désaccords, mes indignations pour mes heures d'insomnies, tout ça gentiment ravalé, accomplir ma tâche avec rigueur et professionnalisme, ne pas parler, ne pas discuter, ne pas contredire ou nier, faire comme si tout était normal et naturel dans ce monde, dans cette société, dans ce paysage, faire comme les autres, en étant toutefois transparente, s'effacer pour exister, pour durer, pour tenir.
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Je ne suis pas votre servante, aucune corvée ne m'est dévolue sous prétexte que je suis une femme, je suis votre mère, c'est une chose, mais ça n'a rien à voir avec la manière dont vous devez vous figurer les femmes. Luis a toujours trouvé ça moyennement arrangeant. Les autres enfants à l'école semblaient avoir moins de fil à retordre avec les tâches domestiques, ne se souciant guère de la personne qui les exécutait puisque c'était leur mère et qu'eux n'entraient pas dans la confidence d'une lessive ou d'une cuisson. Luis et son frère, eux connaissaient une somme de choses barbantes qu'il leur revenait d'accomplir à tour de rôle. Il a soudainement compris le ses du partage.
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Luis ne parle jamais de son frère. Il n'a presque pas réagi quand je lui ai fait lire la lettre envoyée des États-Unis, il s'est contenté d'un tant mieux pour lui, il est allé chercher le briquet, l'a posé sur la table sans un regard puis il est sorti voir un match.
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Si vous apparaissez avant vingt-cinq ans, vous êtes un prodige. Ca ne se discute pas et tout le monde a envie de vous baiser (au sens propre). Entre vingt-cinq et trente-cinq ans, vous êtes un jeune artiste prometteur, encore immature dans votre approche mais prompt à dompter votre fougue et approfondir votre démarche à mesure que les sales coups de votre milieu poliront votre enthousiasme, inhiberont votre spontanéité et tueront votre envie de faire ce métier. Tout le monde a envie de vous baiser (au sens figuré). Entre trente-cinq et quarante-cinq ans, vous êtes un artiste à suivre (on est trop occupé à baiser ailleurs, no offense). Après quarante-cinq ans, normalement, les statistiques sont formelles, vous n'existez pas (en plus de n'être clairement plus baisable). Vous enjambez directement la cinquantaine pour devenir une valeur sûre si vous avez survécu. Après vos soixante-dix ans, vous pouvez souffler, vous voilà trésor national, mythe vivant (et périmé).
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tout le monde me prend pour une mère courage ici; Je suis l'âme du quartier. C'est moi qu'on appelle quand il faut négocier une baisse du droit de passage avec les maras, quand il faut leur demander de réduire la cotisation pour jeter ses ordures, reporter une rente, ou quand il faut aller nettoyer le bitume parce que ça a mal tourné entre les gamins. Les voisins pensent que je suis respectable. ils se disent que mon autorité prouve ma moralité. ça me fait doucement rire
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Pourquoi je voulais jouer ? Pourquoi je m'échinais à essayer d'être quelqu'un qui n'existe pas ? Pourquoi me fuyais-je ainsi ? Et pourquoi endurais-je toutes ces humiliations ? Pourquoi je me détestais autant ? Croyant vouloir me distinguer, est-ce que je n'aspirais pas, au fond, à n'être rien ?
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On croit qu'on sauvera ses enfants, la vérité c'est qu'on ne peut rien. Ils s'envolent aux bourrasques de vent, les enfants, même les plus légères, les plus insignifiantes, celles qu'on n'a pas vues se lever, celles qu'on a trouvé apaisantes sans pressentir le danger qu'elles portaient ; ils glissent sur les sols détrempés par la pluie, les enfants, ils se brisent les os dans la chute, ils se jettent des toits, accrochent des nœuds coulants à leur cou, s'ébattent dans l'eau qui les emporte, ils s'élancent dans leur vie comme on se laisse tomber sur un lit, ils gardent le sourire alors qu'on les dévaste, ils vous font confiance, ils vous croient - croient qu'avec vous ils ne risquent rien. Et voilà qu'ils gisent dans vos bras. Ce n'est pas l'amour qui sauve, Angie. L'amour ne sauve rien.
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Quand Eva et lui ont su le sexe du bébé,il explique avoir été soulagé, pensant qu'il serait incapable d'élever un garçon pour en faire un homme...

Ce soulagement n'a pas duré. Il s'est mis à lister l'ensemble des périls que courait sa fille en naissant ici, et au fond n'importe où, prenant brusquement conscience de tout ce qui menace une femme au fil de sa vie.
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Quand les enfants crèvent les écrans, quand ils arrachent le plastique et fractionnent les écorces de cette forêt véreuse, quand ils posent les doigts sur les fils conducteurs, les dénudant de leur enveloppe isolante pour atteindre l'âme dont ils jaugent la souplesse, le courant pourrait surgir, s'accrocher à leurs phalanges, les mordre – et puis les avaler.
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La vie est implacable, elle n'appelle aucune consolation, aucune justice, aucune revanche. c'est comme ça.
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J'ai pris des trains des bus et ce soir je vais marcher. On m'a donné un sac à dos. Une couverture, de l'eau, à manger. Toujours les mêmes dons. J'attends la nuit. Je ne regarde personne. Je ne parle plus. Les mots restent coincés. Trois kilomètres, ce n'est rien. Fatigue. Fatigue.
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J'ai vingt-cinq ans, je suis mère, célibataire - et clandestine. Ce n'est pas exactement comme ça que je rêvais mon existence. Cela fait maintenant sept ans que j'habite ici, je me suis habituée au mode de vie qu'entraîne mon statut, statut de rien, grand vide à l'estomac, statut provisoire, qui grave pourtant dans un marbre dont je sais qu'il ne recouvrira jamais le sol de ma salle de bains ses caractéristiques précaires : raser les murs, baisser le regard, ne pas attirer l'attention, ne relâcher que rarement, et inconsciemment, la pression, sursauter quand j'entends une sirène, être docile et obstinée au travail, prier pour ne jamais subir un contrôle de routine sur une autoroute ou en ville, traquer le compteur, traquer mon pied droit, traquer la pression qu'il exerce sur la pédale d'accélérateur, être maladivement prudente, ne pas savoir quelle mine prendre quand je croise une patrouille, un flic sur le bord de la route ou dans un mall, sourire ou ne pas sourire, me trahir quoi que je fasse, y penser constamment dès que je sors, comprendre que je ne peux plus paraître neutre, que je suis du côté des coupables, des criminelles, me dire que ça se voit, que c'est évident, qu'on ne remarque que ça, que mon visage me dénonce, que la couleur de ma peau m'expose, que mon corps me précipite dans la gueule du loup, que ma langue, mon accent me perdront, ne faire jamais aucune réclamation à aucun sujet, garder mes colère, mes désaccords, mes indignations pour mes heures d'insomnies, tout ça gentiment ravalé, accomplir ma tâche avec rigueur et professionnalisme, ne pas parler, ne pas discuter, ne pas contredire ou nier, faire comme si tout était normal et naturel dans ce monde, dans cette société, dans ce paysage, faire comme les autres, en étant toutefois transparente - s'effacer pour exister, pour durer, pour tenir. (pp.22-23)
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J'ai essayé de parler avec lui, de comprendre. J'ai essayé de débattre, de lui dire qu'il voit les choses de manière partiale, qu'il ne se fie pas aux bons chiffres, qu'il est manipulé par des mensonges, j'ai essayé de lui dire tout ça, ça n'a servi qu'à l'éloigner encore plus.
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La maison que je loue est petite, il y a une pièce à vivre et deux chambres, ce qui permet à Eva et Luis d'avoir un peu d'intimité, mais les murs sont minces et les pleurs d'Angela emplissent tout l'espace, on ne peut pas vraiment les isoler.
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En m'attaquant aux vitres, je me perds sur l'un des étangs du golf. La vue est splendide. Le paysage se reflète dans les nappes irisées de l'eau stagnante, calme, épaisse. Ils ne sont pas sécurisés, ces étangs,n'importe quel enfant peut approcher. Plonger, nager.
Couler.
Zach sait nager, je me répète, calme-toi, Zach sait nager, il ne lui arrivera rien, Dieu se souviendra de lui.
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Rien n'était plus déprimant, estimait-elle, que d'en avoir fini avec l'œuvre de quelqu'un qu'on admire. Il faut toujours laisser une place vide, comme sur les rayonnages d'une bibliothèque, et s'efforcer, malgré la tentation, de ne pas la combler trop vite.
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"Chaque étape de leur croissance m'a semblé la plus belle, la plus émouvante et ça continue, indéfinement. Je retrouve tout un temps qui a passé. Comme si on me donnait une deuxième vie.C'est grisant. Peut-être que Fabio aussi est père - chasser la pensée de Fabio, contempler Alexandra gigotant et bavant sur Cendrillon, écouter son doux babil."
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