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Citations de Gustave Le Bon (167)


Gustave Le Bon
«Déguiser, sous des mots bien choisis, les théories les plus absurdes suffit souvent à les faire accepter».
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Si nous envisageons dans leurs grandes lignes la genèse de la grandeur et de la décadence des civilisations qui ont précédé la nôtre, que voyons-nous ?

À l’aurore de ces civilisations, une poussière d’hommes, d’origines variées, réunie par les hasards des migrations, des invasions et des conquêtes. De sangs divers, de langues et de croyances également diverses, ces hommes n’ont de lien commun que la loi à demi reconnue d’un chef. Dans leurs agglomérations confuses se retrouvent au plus haut degré les caractères psychologiques des foules. Elles en ont la cohésion momentanée, les héroïsmes, les faiblesses, les impulsions et les violences. Rien de stable en elles. Ce sont des barbares.

Puis le temps accomplit son œuvre. L’identité de milieux, la répétition des croisements, les nécessités d’une vie commune agissent lentement. L’agglomération d’unités dissemblables commence à se fusionner et à former une race, c’est-à-dire un agrégat possédant des caractères et des sentiments communs, que l’hérédité fixera progressivement. La foule est devenue un peuple, et ce peuple va pouvoir sortir de la barbarie.

Il n’en sortira tout à fait pourtant que lorsque, après de longs efforts, des luttes sans cesse répétées et d’innombrables recommencements, il aura acquis un idéal. Peu importe la nature de cet idéal. Que ce soit le culte de Rome, la puissance d’Athènes ou le triomphe d’Allah, il suffira pour doter tous les individus de la race en voie de formation d’une parfaite unité de sentiments et de pensées.

C’est alors que peut naître une civilisation nouvelle avec ses institutions, ses croyances et ses arts. Entraînée par son rêve, la race acquerra successivement tout ce qui donne l’éclat, la force et la grandeur. Elle sera foule encore sans doute à certaines heures, mais, derrière les caractères mobiles et changeants des foules, se trouvera ce substratum solide, l’âme de la race, qui limite étroitement les oscillations d’un peuple et règle le hasard.

Mais, après avoir exercé son action créatrice, le temps commence son œuvre de destruction à laquelle n’échappent ni les dieux ni les hommes. Arrivée à un certain niveau de puissance et de complexité, la civilisation cesse de grandir, et, dès qu’elle ne grandit plus, elle est condamnée à décliner rapidement. L’heure de la vieillesse va sonner bientôt.

Cette heure inévitable est toujours marquée par l’affaiblissement de l’idéal qui soutenait l’âme de la race. À mesure que cet idéal pâlit, tous les édifices religieux, politiques ou sociaux dont il était l’inspirateur commencent à s’ébranler.

Avec l’évanouissement progressif de son idéal, la race perd de plus en plus ce qui faisait sa cohésion, son unité et sa force. L’individu peut croître en personnalité et en intelligence, mais en même temps aussi l’égoïsme collectif de la race est remplacé par un développement excessif de l’égoïsme individuel accompagné de l’affaissement du caractère et de l’amoindrissement des aptitudes à l’action. Ce qui formait un peuple, une unité, un bloc, finit par devenir une agglomération d’individus sans cohésion et que maintiennent artificiellement pour quelque temps encore les traditions et les institutions. C’est alors que, divisés par leurs intérêts et leurs aspirations, ne sachant plus se gouverner, les hommes demandent à être dirigés dans leurs moindres actes, et que l’État exerce son influence absorbante.

Avec la perte définitive de l’idéal ancien, la race finit par perdre aussi son âme. Elle n’est plus qu’une poussière d’individus isolés et redevient ce qu’elle était à son point de départ - une foule. Elle en présente tous les caractères transitoires sans consistance et sans lendemain. La civilisation n’a plus aucune fixité et tombe à la merci de tous les hasards. La plèbe est reine et les barbares avancent. La civilisation peut sembler brillante encore parce qu’elle conserve la façade extérieure créée par un long passé, mais c’est en réalité un édifice vermoulu que rien ne soutient plus et qui s’effondrera au premier orage.

Passer de la barbarie à la civilisation en poursuivant un rêve, puis décliner et mourir dès que ce rêve a perdu sa force, tel est le cycle de la vie d’un peuple.
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Le second des dangers mentionnés plus haut, la restriction des libertés par les assemblées parlementaires, moins visible en apparence, est cependant fort réel. Il résulte des innombrables lois, toujours restrictives, dont les parlements, avec leur esprit simpliste, voient mal les conséquences, et qu’ils se croient obligés de voter.

[…]

Cette réduction progressive des libertés se manifeste pour tous les pays sous une forme spéciale, que Herbert Spencer n’a pas indiquée : la création d’innombrables mesures législatives, toutes généralement d’ordre restrictif, conduit nécessairement à augmenter le nombre, le pouvoir et l’influence des fonctionnaires chargés de les appliquer. Ils tendent ainsi à devenir les véritables maîtres des pays civilisés. Leur puissance est d’autant plus grande que, dans les incessants changements de gouvernement, la caste administrative échappant à ces changements, possède seule l’irresponsabilité, l’impersonnalité et la perpétuité. Or, de tous les despotismes, il n’en est pas de plus lourds que ceux qui se présentent sous cette triple forme.

La création incessante de lois et de règlements restrictifs entourant des formalités les plus byzantines les moindres actes de la vie, a pour résultat fatal de rétrécir progressivement la sphère dans laquelle les citoyens peuvent se mouvoir librement. Victimes de cette illusion qu’en multipliant les lois, l’égalité et la liberté se trouvent mieux assurées, les peuples acceptent chaque jour les plus pesantes entraves.

Ce n’est pas impunément qu’ils les acceptent. Habitués à supporter tous les jougs, ils finissent bientôt par les rechercher, et perdre toute spontanéité et toute énergie. Ce ne sont plus que des ombres vaines, des automates passifs, sans volonté, sans résistance et sans force.

Mais les ressorts qu’il ne trouve plus en lui-même, l’homme est alors bien forcé de les chercher ailleurs. Avec l’indifférence et l’impuissance croissantes des citoyens, le rôle des gouvernements est obligé de grandir encore. Ces derniers doivent avoir forcément l’esprit d’initiative, d’entreprise et de conduite que les particuliers ont perdu. Il leur faut tout entreprendre, tout diriger, tout protéger. L’État devient alors un dieu tout-puissant. Mais l’expérience enseigne que le pouvoir de telles divinités ne fut jamais ni bien durable ni bien fort.

La restriction progressive de toutes les libertés chez certains peuples, malgré une licence qui leur donne l’illusion de les posséder, semble résulter de leur vieillesse tout autant que d’un régime quelconque. Elle constitue un des symptômes précurseurs de cette phase de décadence à laquelle aucune civilisation n’a pu échapper jusqu’ici.
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Passer de la barbarie à la civilisation en poursuivant un rêve, puis decliner et mourir dès que le rêve a perdu sa force, tel est le cycle de la vie d'un peuple.
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Les révolutions servent alors à balayer finalement ce qui était à peu près abandonner déjà, mais ce que le joug de la coutume empêchait d'abandonner entièrement. Les révolutions qui commencent sont en réalité des croyances qui finissent.
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La puissance des mots est liée aux images qu'ils évoquent et tout à fait indépendante de leur signification réelle. Ce sont parfois ceux dont le sens est le plus mal défini qui possède le plus d'action. Tels par exemple, les termes : démocratie, socialisme, égalité, liberté, etc., dont le sens est si vague que de gros volumes ne suffisent pas à le préciser. Et pourtant il est certain qu'une puissance vraiment magique s'attache à leurs brèves syllabes, comme si elles contenaient la solution de tous les problèmes. Ils synthétisent les aspirations inconscientes les plus diverses et l'espoir de leur réalisation.
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La foule veut encore la même exagération dans les sentiments de ses héros. Leurs qualités et leurs vertus apparentes doivent toujours être amplifiées. On a très justement remarqué qu'au théâtre la foule exige du héros de la pièce des qualités de courage, de moralité, de vertu qui ne sont jamais pratiquées dans la vie.
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Les vrais conducteurs des peuples sont ses traditions ; et, comme je l’ai répété bien des fois, ils n’en changent facilement que les formes extérieures. Sans traditions, c’est-à-dire sans âme nationale, aucune civilisation n’est possible.
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Un peuple est un organisme créé par le passé. Comme tout organisme, il ne peut se modifier que par de lentes accumulations héréditaires.
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Aujourd’hui la plupart des grands conquérants d’âmes ne possèdent plus d’autels, mais ils ont des statues ou des images, et le culte qu’on leur rend n’est pas notablement différent de celui de jadis. On n’arrive à comprendre un peu la philosophie de l’histoire qu’après avoir bien pénétré ce point fondamental de la psychologie des foules : il faut être dieu pour elles ou ne rien être.
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Les fondateurs de croyances religieuses ou politiques ne les ont fondées qu’en sachant imposer aux foules ces sentiments de fanatisme religieux qui font trouver à l’homme son bonheur dans l’adoration et le poussent à sacrifier sa vie pour son idole. Il en a été ainsi à toutes les époques.
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Les convictions des foules revêtent ces caractères de sou-mission aveugle, d’intolérance farouche, de besoin de propagande violente inhérents au sentiment religieux ; on peut donc dire que toutes leurs croyances ont une forme religieuse. Le héros que la foule acclame est véritablement un dieu pour elle. Napoléon le fut pendant quinze ans, et jamais divinité ne compta de plus parfaits adorateurs. Aucune n’envoya plus facilement les hommes à la mort. Les dieux du paganisme et du christianisme n’exercèrent jamais un empire plus absolu sur les âmes.
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Gustave Le Bon
Un délit généralisé devient bientôt un droit .
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Gustave Le Bon
– La mentalité bolcheviste est aussi vieille que l'histoire. Le Caïn de la bible avait déjà une âme bolcheviste.

(Psychologie des temps nouveaux, 1920).
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Gustave Le Bon
Peu d'êtres savent voir les choses comme elles sont. Les uns aperçoivent seulement ce qu'ils veulent voir, les autres ce qu'on leur fait voir.
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À dire vrai pourtant, tous les maîtres du monde, tous les fondateurs de religions ou d'empires, les apôtres de toutes les croyances, les hommes d'État éminents, et, dans une sphère plus modeste, les simples chefs de petites collectivités humaines, ont toujours été des psychologues inconscients, ayant de l'âme des foules une connaissance instinctive, souvent très sûre; et c'est parce qu'ils la connaissaient bien qu'ils sont si facilement devenus les maîtres. Napoléon pénétrait merveilleusement la psychologie des foules du pays où il a régné, mais il méconnut complètement parfois celle des foules appartenant à des races différentes; et c'est parce qu'il la méconnut qu'il entreprit, en Espagne et en Russie notamment, des guerres où sa puissance reçut des chocs qui devaient bientôt l'abattre.
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Les révolutions qui commencent sont en réalité des croyances qui finissent.
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Au lieu de préparer des hommes pour la vie, l'école ne les prépare qu'à des fonctions publiques où la réussite n'exige aucune lueur d'initiative.
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L'acquisition de connaissances inutilisables est un moyen sûr de transformer l'homme en révolté.
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D'après tous les enseignements de l'histoire des révolutions, l'extrémisme en politique a comme terminaison nécessaire soit la destruction de la civilisation où il sévit, soit l'anarchie et la dictature.
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