La lecture de Écorces roman qui nous emporte du côté de l'Algérie commence de manière relativement agréable, d'emblée on se laisse envahir par des images de figuiers accablés de chaleur suffocante. Les quelques trois-cent pages sont bien traversées par un feu qui couve mais il s'agit avant tout d'une famille qui manque de l'oxygène que seuls les mots pourraient apporter.
Sur quatre générations, Hajar Bali décline un arbre généalogique avec des personnages féminins dévorants, insatiables, au premier rang desquels Baya la matriarche, véritable gardienne de la mémoire familiale. Mais le reflux de celle-ci, l'auteure nous transportant d'une mémoire à l'autre, d'une époque à l'autre, fait apparaître des dissonances, des souvenirs que le silence, l'intransigeance et l'histoire du pays ont dérobé. Le lyrisme d'antan tout comme la force magnétique des femmes s'écaillent rapidement pour se montrer ravageurs pour les hommes de la famille...
A travers ce roman sur les générations qui se succèdent et se réincarnent, sur le poids de la transmission et ce que l'on en fait, Hajar Bali montre qu'il n'y a rien de plus impénétrable que les secrets de famille. Les non-dits sont ici bien plus retentissants et révélateurs que les dialogues entre les différents personnages.
Si j'ai aimé cette histoire de filiation encombrante, le rythme du récit, ses ellipses, les chassés-croisés entre présent et passé déterminants pour montrer les imperfections au grand jour, j'ai mis du temps à accepter l'écriture impétueuse qui se raidit parfois dans ce remue-ménage chronologique. En même temps j'ai toujours eu du mal avec la plume des dramaturges qui me prive souvent de la sensation de savourer l'épaisseur tragique des personnages. Tout comme avec l'usage massif des parenthèses, signe que le roman est pour moi très écrit, trop écrit.
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Voici un premier roman prometteur à la narration ambitieuse , construit et dé- construit à dessein, non linéaire, qui nous entraine de 2016 à 1935, de 1955 à 1985 , de 2006 au 5 juillet 1962 dans la baie d’Alger…. .
Un contexte historique vraiment intéressant , pesant , L’HISTOIRE DE L’ALGÉRIE liée aux destinées flamboyantes , romanesques de ces quatre héroïnes : des femmes fortes, mères aimantes , sûres d’elles , possessives qui incarnent , chacune d’elles un pan entier de ce pays …..
Baya, l’arrière grand - mère , 95 ans en 2016, première gardienne de la mémoire, née pendant la colonisation, bravant les interdits et les mœurs de son temps , qui a beaucoup souffert, Fatima sa fille, veuve de Haroun le poète incompris, Meriem, épouse de Kamel, le menuisier taciturne , incarcéré injustement , pris au piège des islamistes ,
La Mystérieuse Mouna , qui est - elle ? …..
Enfin Nour , fils de Meriem , étudiant en mathématiques, âgé de vingt - trois ans, élevé au sein de ce gynécée étouffant, choyé , épris de liberté , écoutant quand même avec passion les récits de sa Baya…..
Et qui va découvrir un lourd secret de famille au moment où débarque dans la jeune vie de Nour , l’énigmatique Mouna ?
Saga familiale captivante , personnages hésitants entre amour et traditions , l’auteure parcourt avec adresse l’histoire de l’Algérie de la colonisation jusqu’à la montée de l’islamisme mêlée aux souvenirs dissonants de ces femmes , une histoire tragique, fractionnée à travers des questionnements essentiels : colonisation, massacres de Sétif, guerre d’Algérie , indépendance , modernité de ces femmes façonnées à la foi dans la tradition, la soumission et la douleur .
L’atmosphère est entêtante , l’auteure nous emmène loin , très loin dans l’intimité de ces femmes fortes mais derrière les façades se cachent peine , amour, passion, regrets amers , détresse..
Le symbole du figuier , cet arbre à l’écorce douce qui ne meurt jamais, irrigue le roman, en fait la famille subit au mieux tous les événements historiques sans en faire partie , ils se battent comme ils le peuvent dans une société traditionnelle , où les regrets , la colère , les liens du sang , la liberté , l’engagement affleurent …
Un ouvrage très fort , un peu gâché par des considérations et questionnements philosophico- mathématiques et semi - poétiques …l’usage massif des parenthèses ….
Mais j’ai réussi à m’adapter à ces contingences .
La narration pointue , ambitieuse nous donne les moments - clés de l’histoire de l’Algérie , d’une mémoire à l’autre, d’une époque à l’autre ….
J’ai apprécié cette manière originale , subtile , touchante de sauter dans le temps jusqu’à la fin qui montre la difficulté de pénétrer les secrets de famille .Je conseille ce premier roman à la construction admirable , qui peut , ne pas plaire à tout le monde , je le reconnais …
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Tout d'abord, merci à Babelio et sa masse critique, ainsi que les éditions Belfond pour l'envoi de ce livre (arrivé plus d'un mois après son expédition).
Quatre générations sous le même toit... arrière-grand-mère, grand-mère et mère maternent ensemble Nour, 23 ans, qui se laisse choyer.
Nous sommes en Algérie et l'histoire commence autour d'un figuier et se passe de 1935 à 2016, sans ordre chronologique, avec en filigrane... colonisation, massacres de Sétif, guerre d'Algérie, indépendance.
Des secrets découlent du destin de chacune de ces femmes et ces dissimulations peuvent gravement compromettre l'avenir de Nour.
Jusqu'à presque la moitié du livre, j'ai eu des difficultés à m'adapter au style d'écriture de Hajar Bali... avec ses sauts dans le temps pour divers personnages ; l'intégration d’apartés en italique de l'un ou l'autre des protagonistes (pas toujours évident d'établir rapidement à qui appartiennent ces réflexions) ; les questionnements philosophico-mathématiques et semi-poétiques. Tout cela ne rend pas la lecture très fluide.
Mais j'ai fini par m'y faire, j'ai enfin plongé totalement dans le récit et je me suis attachée à cette famille aux fortes personnalités féminines.
Vous en déduisez donc que ce fut une lecture mitigée pour moi... et vous avez raison ! Mais ne renoncez pas à lire ce roman, d'autres n'ont pas eu mes difficultés et ont eu un coup de cœur.
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Ce roman est le roman d'une famille, histoire de femmes, de mères et de ce fils à toutes les trois, le jeune Nour. Lui, il est étudiant en mathématiques, 23 ans, il vit avec ces trois femmes, son arrière grand-mère Baya, sa grand mère Fatima et sa mère Meriem depuis l'arrestation de son père Kamel.
Différentes époques, le récit de l'enfance de Baya qu'elle aime confier à Nour, 1935, âgée de 14 ans, sa demande en mariage, sa situation de seconde épouse. Son fils Haroun dont elle a dû se séparer et qu'elle a fini par kidnapper pour s'enfuir avec. Départ de Constantine pour Sétif..... 1955, son fils de 18 ans arrêté, ses années de prisons et puis son mariage avec Meriem qui a donné naissance à Kamel.
Kamel l'homme rêveur comme son père, qui peut être est passé à côté de sa vie, du moins d'un amour Mayssa, la musicienne...
L'été 2016, la rencontre entre Nour et Mouna. Mouna devient très vite son amie, il tombe en amour malgré la distance de cette jeune femme, orpheline.. en quête semble-t-il. Mais qui est-elle véritablement?
Une saga familiale captivante. L'auteure nous emmène loin dans l'intimité de chacun de ses personnages. Elle nous les dévoile petit à petit, avec des retours en arrière dans les années.. de 1935 à 2016 ....
Des thèmes forts nous retrouvons sous la plume délicate de l'auteure, la tradition, l'engagement, la liberté....les regrets, la colère...les liens du sang...
Une lecture savourée qui m'a séduite du début à sa fin, peut être avec, quelques pages de trop sur les mathématiques...oui, discussions certes passionnantes entres les jeunes mais j'avoue que j'ai été larguée complètement..
#Ecorces #NetGalleyFrance
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Le roman retrace le destin d'une famille algérienne sur quatre générations. La complexité de sa construction donne la sensation qu'il a été conçu comme une équation à résoudre. Les personnages y font office de nombres soumis à différentes variables. Leur dénominateur commun est le secret. Par le biais de cette histoire, Hajar Bali qui a enseigné les maths à l'université de Bab-Ezzouar (Alger), fait la démonstration qu'il n'existe pas de vérité pure mais différentes réalités, comme autant de couches d'écorces recouvrant l'essentiel, le coeur, pour le cacher et ainsi le protéger.
En début de lecture j'ai parfois eu des difficultés à me mettre au diapason pour bien tout comprendre. La collision entre énoncés de registres différents et le rapport particulier au réel m'ont déboussolée. Je me suis de temps en temps égarée en confondant les époques et les personnages. Malgré tout j'ai réussi à tenir jusqu'au bout mais avec le même plaisir que celui de suivre un cours de maths. C'est à dire plus que mitigé car si l'intrigue est captivante, son côté étouffant, tortueux et sombre, finit par devenir encore plus pesant quand il se fait hermétique. J'ai été drôlement soulagée d'arriver aux derniers mots ! de plus, je ne me suis jamais sentie réellement en Algérie, peut-être par manque de couleurs et de saveurs qui ne sont pas censés être les attributs premiers des équations. Mais bon... le but de ce roman n'est pas de nous emmener en balade touristique.
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Ecorces est un roman du secret: chaque femme qui entoure Nour a dans son coeur des drames et des bonheurs indicibles. Elles sont fortes, elles sont sûres d'elles, elles ont des jugements affirmés (hâtifs?), mais derrière la façade se cachent la détresse et la peine. Et elles sont liées par leur amour infini pour Nour, fruit de toutes leurs histoires, héritier mâle et centre d'intérêt absolu, prisonnier finalement de tant d'attentions. Je me suis baladée dans ce roman comme si je visitais différents étages d'un immeuble: même si on parle toujours de la même famille, le contexte historique et les cadres imposés par la société influent sur les histoires d'amour, sur les engagements et affectent les liens entre les personnages.
Peut-être quelques longueurs dans la deuxième partie du livre, une fois qu'on a compris l'enjeu de la rencontre entre Nour et Mouna, mais une belle lecture qui prend le temps de s'intéresser à chaque personnage.
Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour cette découverte.
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Elle a déjà publié un recueil de pièces théâtrales, en 2009. Elle nous revient, sans calculs (elle est prof' de maths à l'Université), cinq années plus tard, avec ce recueil de huit (8) nouvelles
Le théâtre de la vie, dans un mélange assez curieux (mais prenant, car on n'arrête pas d'" avaler " les récits) de réalité, de rêves, de vérités, d'étrangetés, de folies (douces). Huit récits, certains assez travaillés, d'autres l'étant bien moins, mais tout aussi " épais". La plus vraie, à notre avis, est, peut-être, celle des " Chiens errants " (Il me semble en avoir déjà lu des phrases sans que je ne m'en souvienne où et quand. C'est sûr, trop de lecture peut être " nuisible ", car ça peut se mélanger dans la tête: un bon sujet de nouvelle!): Une jeune fille qui découvre, brutalement, au sortir de l'adolescence, mais dans l'amour, la vie autour d'elle.
Un beau gosse qui, parce que pauvre, utilise tous les moyens pour survivre dans la nouvelle jungle de la cité. Le copain sympa, voleur à la tire. L'arnaqueur gros et gras qui exploite les envies de vite réussir des jeunes gens
Heureusement, tout cela finit sans trop de dégâts, mais avec des blessures et des souffrances et, pour le lecteur, bien des leçons à tirer
Si la vie et ses envies ne le dominent pas trop.
Avis : A lire mais, surtout, attention au réveil des angoisses cachées et à la déprime à l'affût.
Peut, cependant, servir de thérapie, l'auteure ayant su " décrire " la profondeur des âmes et l'intimité des vies.
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Voici une lecture où l'auteur m'a laissée complètement hermétique à son roman. Il y a plusieurs causes au fait que je n'ai pas apprécié ce texte.
La première des raisons est qu'au bout de 60 pages, Hajar Bali avait déjà amorcé plusieurs thèmes : le FLN, les mariages arrangés, la guerre d'Algérie en toile de fond, les arrestations arbitraires (contemporaines), l'évocation du terrorisme. Je me suis donc demandé laquelle de ces ficelles elle choisirait de développer.
Après avoir planté le décor en 2016, nous avons survolé 1935 puis 2006 pour revenir à 2016, ceci toujours en 60 pages seulement.
Un tourbillon d'idées et d'années qui déjà dispersent mon attention.
Puis arrive enfin le moment où un personnage masculin sort du lot et avec ce qui lui arrive, je me dis qu'il va être le fil rouge de l'histoire et que l'on va en savoir plus sur un rôle qu'il a pu jouer, sur sa personnalité, sur son passé. Belle idée.
Manque de chance, 70 pages plus loin, le sujet que je pensais comme étant la thématique du livre est balayé d'un revers de main et très rapidement. Décevant non seulement parce qu'il y aurait eu sûrement beaucoup à développer à partir de cela mais surtout parce qu'au terme de 140 pages je ne sais toujours pas quel est le sujet du livre....
Il y aura d'autres années évoquées : notamment 1984, 1985, 1962, d'autres thèmes (l'adultère, l'amour, la place des jeunes dans la société algérienne). L'auteur s'attardera finalement sur un thème qui sera développé mais trop tardivement et noyé parmi d'autres sujets.
Avec cette amoncellement de thématiques, de navigations incessantes entre ces différentes années, il était impossible que je puisse être captivée et tenue par le récit. Par ailleurs je n'ai trouvé aucun caractère romanesque à ce roman.
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Dans l’Algérie d’aujourd’hui, Nour, vingt-trois ans, vit avec sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère, trois femmes avec leur propre histoire, leur vécu et surtout leurs trau-matismes difficilement évoqués. Au sein de ce cocon familial pour le moins pesant, le jeune étudiant essaie de s’émanciper et tombe amoureux d’une jeune femme dont les intentions ne sont pas vraiment claires. Enrichie de l’histoire de la colonisation, puis de l’indépendance, cette saga d’une simple famille algérienne prisonnière de ses secrets brille surtout par la force de ses personnages indéfectiblement liés les uns aux autres...
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C'est une saga familiale: on y retrouve Baya qui vit avec sa belle fille Fatima, sa petite fille Meriem et son arrière petit fils Nour.
Baya raconte souvent son histoire à son arrière petit fils. Le récit est poétique, Nour sait qu'il ne faut pas se fier à tout ce qu'il entend, son arrière grand mère étant très âgée et ses versions de l'histoire changent par moment.
Beaucoup de choses sont embellis.
Nour rencontre une jeune fille, ce qui creerera beaucoup de tensions dans sa famille. Pourquoi? Est une vengeance ?
Trop poétique et traînant en longueur selon moi, ce livre reste quand même une très belle histoire de famille que l'on suit sur presque un siècle dans une Algérie mouvementée.
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Quel roman ! Quelle histoire ! Ce livre en contient plusieurs : l'histoire de l'arrière Grand mère, l'histoire de la mère et du père ainsi que celle du fils Nour. Ce dernier, du haut de ses 23 ans, est étudiant en mathématiques qui sera intrigué par la belle et mystérieuse Mouna. A son insu, Nour va se retrouver au coeur d'une vengeance familiale incroyable.
Un roman qui parle de famille, de secrets avec des personnages forts attachants, j'ai vraiment adoré et je le recommande vivement.
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Je découvre, grâce à @reslane.lou qu'il en soit ici remercié, Hajar Bali, professeur de mathématiques à l'université d'Alger, dramaturge, écrivaine à travers ce recueil de 8 nouvelles.
Hajar Bali dresse le portrait, raconte huit histoires ou l'intime folie qu'on porte chacun/e en soi côtoie de façon très fine la réalité brutale qui entoure chacun des personnages.
J'ai aimé la plume lorsqu'elle est à la première personne du singulier pour exprimer un tourment, une pensée. Cette plume, je l'ai trouvé précise à certains endroits, poétique à d'autres.
Il y a bien deux nouvelles qui mériteraient un roman tant l'empathie avec les personnages est totale.
Très touchée par cette femme qui ouvre le recueil qui raconte sa peine à un cafard, j'ai souri à ce vieil homme inconsolable d'avoir perdu sa femme 5 ans plus tôt et qui croit retrouver goût à la vie auprès d'une jeune fille de 20 ans, j'ai été triste pour ce jeune garçon de 10 ans qui voit ses rêves de footballeur s'envoler...
Même s'il y a eu une nouvelle, voire deux sur lesquelles je n'ai pas goûté mon plaisir de lecture, l'ensemble de cet ouvrage m'a plu, l'écriture de Bali est intéressante et évocatrice !
Une jolie découverte donc !
Merci Reslane !
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