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Citations de Heinrich Gerlach (27)


Le courrier de Noël tant attendu n'était pas venu. On n'avait reçu ni lettres ni paquets. Aucun signe visible de la patrie. Mais l'un après l'autre, les hommes sortirent des petits cadeaux qu'ils avaient préparés en cachette pour leurs camarades. Ce n'était pas grand chose : quelques cigarettes proprement emballées dans du papier, une pipe sculptée, un cadre collé. Fröhlich avait réalisé pour chacun un petit dessin du bunker avec une légende : "En souvenir du Noël 1942 dans le Kessel". Breuer tendit à Geibel, qui fumait volontiers des cigarettes, quelques cigarillos datant des temps meilleurs. Il apparut alors que Geibel avait eu la même idée. Lakosch était sorti. Une fois de retour, il posa quelque chose sur la table. C'était sa ration de survie une boîte de Sho-Ka-Kola et un paquet de biscuits de campagne.
"Heureusement, y en a au moins un qu'a pas bouffé la sienne" grommela-t-il. (...)
Seul le léger crépitement des bougies se fit entendre dans l'écho de ses paroles. Breuer serra la main à chacun, retenant un peu plus longtemps celle de Lakosch. "Courage, Lakosch ! dit-il avec chaleur. La paix reviendra sur terre !"
Deux grosses larmes roulèrent sur les joues du gamin. "Pas toute seule ! hurla une voix en lui. Pas sans nous !" Mais il fut incapable de dire quoi que ce soit. Les bougies se consumèrent lentement. L'une après l'autre, elles lancèrent une dernière flamme claire, puis elles s'éteignirent. Les gouttes de cire lumineuses se figèrent sur les girandoles en stalactites jaunâtres. Mais au-dehors, aucun ange ne fit son apparition, seule la mort traversait les étendues hivernales de son aile noire.

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Il sent ses membres se vider de leur force. Mais derrière cette défaillance soudaine se cache le pressentiment encore vague que "Stalingrad" s'est déjà déployé au-delà du temps et de l'espace, qu'on ne peut plus lui échapper, même en fuyant jusqu'aux confins de la terre; que les centaines de milliers d'hommes qui sont là -les vivants, les souffrants, les abusés et les trahis-, et aussi les morts, que tous sont retenus par des liens qui ne seront plus jamais rompus. Ceux qui ont survécu aux atrocités qui se sont déroulées sur les champs de neige au bord de la Volga ne se débarrasseront plus jamais de Stalingrad.
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Le mitraillage s'accentue. À la multitude d'orgues de Staline se joignent des pièces d'artillerie de tous calibres. Une muraille de fontaines de terre de la hauteur d'un immeuble jaillit, passe sur les barrages de champs de mines qui explosent, déchiquette les obstacles de barbelés, fond sur les tranchées et les nids de mitrailleuses, soulevant dans un tourbillon des bouts de bois, des armes et des corps humains, et roule en direction des positions d'artillerie. Ça bouillonne, mugit, hurle et craque... La terre elle-même, lacérée, mise en pièces, se recroqueville sous l'éruption infernale de la matière.
Qu'est-ce que l'homme...?
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Pour lui, une mitrailleuse était une énigme. "Qu'est-ce qui se passera quand les chars arriveront? demanda-t-il, très inquiet. Est-ce qu'on peut faire quelque chose contre eux avec ce truc?
-Bien sûr! assura Lakosh. Il faut juste tirer sur la fente de visée."
Geibel n'avait qu'une idée approximative de ce qu'était une fente de visée. "Et la nuit, on la voit? s'enquit-il d'un ton de doute.
-Si tu la vois pas, expliqua Lakosh avec la condescendance de l'expert, tu ouvres la trappe et tu balances une grenade à l'intérieur.
-Mais on n'en a pas, des grenades! répliqua Geibel, de plus en plus soucieux.
-Dans ce cas, tu flanques autre chose dedans, une brique ou un truc du même genre!"
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D'un pas mécanique, tels des spectres, ils frôlent la frontière de la mort glacée. Ça et là, l'un d'eux la franchit d'un pas chancelant et tombe sans un bruit. Une dernière fois, le torse essaie de se redresser puis s'affaisse , la main qui soutient mollement la tête pesante glisse. Le corps ne bouge plus. Les autres l'enjambent en trébuchant.
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Et l'on aurait dit que le jeu cruel de la nature encourageait l'illusion, la croyance mystique au miracle auxquelles ils s'abandonnaient avec de moins en moins de retenue à mesure que leur situation s'aggravait jusqu'à devenir désespérée. Le commandement, valet servile de l'optimisme prôné par la hiérarchie, alimentait cette croyance jusqu'à se prendre insensiblement au jeu. On ne voulait plus voir la réalité -et on ne la voyait plus.
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Herbert pris la mouche. "Tu ne vas pas me dire que c'est par conviction que tu t'emmerdes à bosser pour la SA tous les dimanches !"
Lakosch rangea ses papiers et leva les yeux d'un air indigné.
"Bien sûr que si ! T'arrives pas à croire qu'on puisse avoir envie que les ouvriers eux aussi, ils vivent mieux ?
-De quoi tu te plains ? Tu devais plutôt bien gagner ta vie à faire le chauffeur !
-C'est pas de moi que je parle. Mais regarde un peu les mineurs de Haute-Silésie ! Mon père, c'était une gueule noire, hein... Y a pas de quoi rire !
-Ah ! Et depuis 33 il va mieux, c'est ça ?
-Non, répondit Lakosch, déconcerté. Lui non... Il est mort... Mais les autres..., poursuivit-il, retrouvant sa vivacité. Il y a plein de trucs qui ont changé, ça je peux te le dire ! Et s'ils nous avaient pas déjà fourgué la guerre, on aurait déjà le socialisme !
-Si...Si...! Railla Herbert. Et si t'avais pas apporté cette boîte de conserve, on n'aurait rien à manger ! Allez, le socialo, prends-toi de la saucisse !"
[...]
"C'est ça le problème avec cette guerre, reprit-il en mastiquant énergiquement. Pourquoi est-ce qu'ils ont commencé, les autres ? Parce qu'ils nous enviaient notre socialisme, mon vieux ! Y a pas d'autre raison ! Mais attends un peu, quand on aura gagné, tu vas voir ce que tu vas voir ! Adolf, y larguera les banques, les trusts, tout le grand capital ! Et tout sera socialisé.
-Tout ? demanda Geibel, effrayé. Même les commerces et ce genre de trucs ?
-Mais non andouille, pas les petites entreprises, rétorqua Lakosch avec dédain. On est pas des communistes, quand même !
-Et les grandes entreprises non plus ! intervint Herbert. Tu veux dire qu'Hitler, il les laisse s'enrichir avec la guerre pour pouvoir tout reprendre ensuite ?
-Mais qu'est-ce que vous en savez ? s'emporta Lakosch. Vous croyez peut-être que "national-socialisme" et "parti ouvrier", c'est que des mots ? Adolf aussi, il a été ouvrier. Moi, je vous dis qu'il laissera pas les ouvriers dans la merde !"
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Il parla de tout ce qu'il avait vécu -au téléphone- au cours de ses trois semaines de séjour sur place: de la faim, du vain combat mené sans armes lourdes, sans munitions, sans installations défensives, sans équipements d'hiver; du pitoyable échec de la Luftwaffe qui, pour l'heure, ne convoyait plus qu'une quarantaine de tonnes par jour (tout juste un septième des besoins); des phénomènes de déliquescence, du nombre croissant de blessés et de malades qu'on ne pouvait plus soigner. Il parla habilement, trop habilement peut-être.
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"L'OKH a fait les comptes, poursuivit tranquillement le général Schmidt. Nous avons plus de 300 000 hommes, il en faut 270 000 en première ligne. D'après mes calculs, il y a encore au moins 50 000 hommes qui sont là à se tourner les pouces dans le Kessel. Ça fait 50 000 soldats d'infanterie!"
Des fantassins? Ces chauffeurs, ces convoyeurs de munitions, ces boulangers et ces pelleteurs malades et à moitié morts de faim, tous tant qu'ils étaient -des fantassins? C'était à mourir de rire! Le commandement de l'armée était-il vraiment stupide ou faisait t-il juste semblant?
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S’était-il donc produit quelque chose qui justifiait le pessimisme des spécialistes ? Ainsi s’interrogeait Unold, et son regard retrouva de l’éclat et de la couleur. Non, absolument pas ! Brauchitsch et Rundstedt ne sont plus là, disparus de la circulation, des sceptiques dépourvus de foi. D’autres, à la foi plus affirmée, les ont remplacés. Hitler en personne a pris le haut commandement de l’Armée. Un an a passé, et nous voici aujourd’hui à Stalingrad. Un génie, incompréhensible dans sa singularité, a balayé toute la théorie et tout le savoir livresque. Un génie qui puise sa force et sa capacité d’accomplir des miracles dans la foi de millions de gens, cette foi qui déplace des montagnes. Qui aurait pu croire qu’une seule division pouvait tenir un secteur de cinquante kilomètres de large ? Si un élève officier avait osé dire une chose pareille dans une école militaire, il se serait fait renvoyer pour incompétence irrémédiable. Or voici qu’à l’Est, c’était devenu une réalité quotidienne, rendue possible par la foi inébranlable de tous, tel était le garant de la victoire. Douter, c’était déserter.
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« Qu’est-ce qui se passera quand les chars arriveront ? demanda-t-il, très inquiet. Est-ce qu’on peut faire quelque chose contre eux avec ce truc ?
– Bien sûr ! assura Lakosch. Il faut juste tirer sur la fente de visée.
Geibel n’avait qu’une idée approximative de ce qu’était une fente de visée. « Et la nuit, on la voit ? s’enquit-il d’un ton de doute.
– Si tu la vois pas, expliqua Lakosch avec la condescendance de l’expert, t’ouvres la trappe et tu balances une grenade à l’intérieur.
– Mais on n’en a pas, des grenades ! répliqua Geibel, de plus en plus soucieux.
– Dans ce cas, tu flanques autre chose dedans, une brique ou un truc du même genre ! Les types, ils comprennent pas ce qui se passe, alors ils sortent. Tu peux aussi enfoncer ta baïonnette dans les chenilles ; le char, il se met à tourner en rond jusqu’à ce qu’il ait plus d’essence. »
Geibel détourna le regard en clignant des yeux d’un air perplexe. Il ne savait jamais si Lakosch parlait sérieusement ou pas.
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Dans la pièce contiguë, le sergent Herbert s’activait devant le grand four à l’intérieur duquel un feu de bois crépitait déjà. Ses doigts effilés sortirent des pommes de terre d’une bassine d’eau, les pelèrent et les coupèrent prestement, avant de laisser tomber les rondelles couleur miel dans une énorme poêle en fer. Herbert, le secrétaire du « Ic », un blond aux yeux bleus, était la ménagère de l’état-major. C’était une de ces plantes délicates qui, à l’armée, ne s’épanouissent que dans l’ambiance de serre d’un bureau.
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Mais c’était de la rébellion, c’était la révolution ! Cette idée le faisait frémir. La révolution, c’était pour les types en casquette. C’était le caniveau qui faisait la révolution. Lui, un homme issu d’une vieille famille de soldats, un aristocrate, faire la révolution ? Impensable ! Cela aurait signifié déclarer la guerre au monde auquel il appartenait du fait de sa naissance et de son éducation, arracher ses propres racines, scier la branche sur laquelle il était assis. Cela aurait été renoncer à soi-même, se détruire moralement…
Cela ne l’empêchait pas de voir que l’univers de l’aristocratie militaire dans lequel il était enraciné se délitait. {…} Il se mourrait de la médiocrité de ses représentants, déclinait comme autrefois la fière époque des chevaliers cédant la place aux chevaliers pillards, sombrait dans l’opprobre.
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Mais il y avait plus lancinant, à savoir ce qui se passait ici, sur les bords de la Volga, cette hécatombe dont seule une part infime était causée par l’ennemi et qui résultait essentiellement de la faim et du froid. Un mot, un ordre bref aurait pu à tout moment y mettre fin… Mais cet ordre ne venait pas. Ce qu’on ordonnait à toute une armée, c’était de mourir de faim et de froid ! Cela sortait complètement du cadre militaire et n’avait plus rien à voir avec le devoir et l’honneur.{…} Pourquoi ? 300 000 soldats étaient-il en train de mourir pour la simple et unique raison qu’un homme, un seul, refusait d’admettre… Stop, on arrête là ! Des abîmes s’ouvraient devant lui.
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On ordonnait à des bataillons d’artillerie, dont les mitrailleuses avaient été dynamitées ou étaient tombées aux mains de l’ennemi d’opérer des tirs de barrage ; On envoyait du combustible ayant déjà servi à des états-majors ayant déjà quitté leur QG par le truchement de colonnes n’ayant plus de véhicules à leur disposition ; on expédiait des unités qui n’existaient plus colmater les brèches devenu entre-temps de gigantesques trous.
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Bon sang de bonsoir ! pesta Breuer à part lui. Je finis par penser que la bureaucratie prussienne continuera de sévir quand tous ses employés auront crevé. Vous savez ce que je vais leur écrire, Wiese ? Je vais…
- Écrivez : « le chauffeur est mort. Tout porte à croire que la perspective de devoir répondre aux requêtes de l’armée l’a incité à attenter à sa vie », répliqua Wiese.
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Hommes fiers devant le trône des rois ! Les officiers de Frédéric le Grand jetaient leur épée au pied de leur souverain… Comment se fait-il qu’aujourd’hui, ils aient des âmes de valets ? Comment cela se fait-il ?
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Et là-bas ? Bon dieu, mais qu’est-ce que c’est ? Oui, c’est bien un homme, un mort, russe ou à en juger par sa tenue brunâtre. Tel un soldat de plomb, le cadavre raide de froid a la tête plantée dans le sol et les jambes dressées en l’air. Une fine couche de neige recouvre la plante de ses pieds nus, gris de crasse. La route des ossements ! explique le chauffeur au capitaine Eichert. Il fallait qu’on la signale, Elle n’arrête pas de s’effacer. Or il n’y a pas de bois. De toute façon, il se ferait immédiatement piquer.
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Le national socialiste ne s’est jamais contenté d’être un parti politique. Il veut peut-être un mouvement, une vision du monde qui s’introduit jusqu’au tréfonds de l’existence humaine. Ne me dites pas que vous ne l’aviez pas remarqué ! N’est-on jamais venu chez vous contrôler où se trouvait le portrait d’Hitler ? On ne vous a jamais suggéré de vous abonner au journal du parti ? On ne vous a jamais expliqué que Dieu, c’était le principe de causalité, et est recommandé avec insistance de quitter l’église ? N’est-on jamais intervenu dans la substance de votre famille, dans l’éducation de vos enfants ? N’a-t-on jamais essayé de vous insuffler la haine des autres peuples, la morgue et le sentiment de la supériorité de votre race, ne vous a-t-on jamais prêché l’évangile de la violence brute ?¬ Peut-être que vous n’en avez rien remarqué et que vous avez pu vous croire libre de vos pensées. Nombreux sont ceux qui ont jugé pouvoir s’acquitter de leur dû en sacrifiant de leur dimanche à la SA sans se rendre compte que le poison se répandait irrésistiblement en eux, qu’ils se transformaient insensiblement en quelqu’un d’autre.
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Pourquoi nous ? Mais c’est très simple ! Conquête des terres à l’est, espace vital ! Tout était déjà dans le livre d’Hitler !… Vous ne croyez tout de même pas que la haute finance aurait subventionné Hitler pour créer son parti et faire de la propagande pendant des années sans rien attendre en échange ? Le profit escompté, ce sont les usines du sud de la Russie, les champs de blé de l’Ukraine et du Kouban
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