Citations de Hélène Le Bris (33)
Il ne faut pas faire ça à des enfants. Jamais. Même quand ils sont adultes. Rien n'est pire que de ne pas savoir. Rien n'est pire que cet abandon, soudain, injuste, inexpliqué. J'ai passé ma jeunesse à suffoquer, chaque nuit, ensevelie sous les draps blancs. A me noyer dans la neige. Pour rien au monde, je n'aurais voulu infliger ça à quelqu'un. J'avais vingt ans quand je m'étais fait ce serment : ne jamais donner la vie.
Il venait de discerner, en quelques phrases à peine, un territoire insoupçonné où l'on trouvait naturel d'ouvrir un journal ou d'aller au spectacle. Un territoire inaccessible et peuplé d'étrangers - car formaient-ils encore une nation ? Ils jouissaient là-bas d'une liberté frivole qui évoquait ici un paradis perdu. Et pourtant, ce n'était pas assez, non : il leur fallait du piment. Alors ils dépouillaient une ville à l'agonie et la frappaient au cœur comme pour l'humilier. Ils s'emparaient de ses derniers trésors, quitte à les saccager, souillant cet héritage. Ah, ils n'avaient pas tardé, les pilleurs de cadavre ! Dans leur hàte à se servir, ils oubliaient qu'ici il restait des vivants.
Pourtant le chagrin, lui, se fichait des distances.
Et la liste était longue des misères à soigner : dépressions, carences alimentaires, automutilations, séquelles de suicides manqués. Le confinement et la promiscuité, alliés à l'inaction en avaient conduit plus d'un à chercher le secours dans l'alcool ou d'autres psychotropes. Ces abus avaient entraîné de nouvelles séries de maux : complications cardio-vasculaires, blessures domestiques, violences conjugales. Bien au-delà des statistiques, les victimes de la peste se comptaient par millions.
Alors furent épargnés tous ceux qui, par miracle, avaient traversé les premiers temps de la peste sans contracter le virus. Ils souffrirent de l'ennui et de l'isolement, connurent les privations et la peur de manquer. Mais ils vécurent.
Impossible, à l'heure où j'écris, de me rappeler le numéro de mon immeuble ni même le nom de la rue. Al s'interpose
dans mon projet de balade, mais je garde l'espoir d'y parvenir malgré lui.
"Le désolant pestacle du chaos dans les facs", titra le Canard Enchainé. On recommençait à rouspéter dans les journaux, devant les comptoirs et sur les marchés : la France allait mieux.
Des deux sacs rebondis qu'elle avait eu grand-peine à traîner jusqu'au car, elle a tiré tant de merveilles qu'elle aurait pu rivaliser avec Mary Poppins.
J'avais pourtant occulté une évidence : les pensées deviennent des souvenirs à l'instant où elles s'inscrivent à l'esprit. Les idées, les prémisses d'un raisonnement sont aussi volatiles que les dates ou les numéros de téléphone.
J'ai dévoré ce roman , bien construit, bien écrit et bien ficelé.
Les souvenirs de Marthe sont aussi les nôtres.
Ses faiblesses et ses forces également.
Avec son écriture ciselée , Hélène Le Bris sait restituer les sentiments enfouis, pour le plus grand plaisir de la lecture.
Un roman qui se lit d'un trait et dont on se souvient longtemps.
Vivement le prochain, avec d'autres possibles et d'autres retrouvailles.
Philippe A. "
Cet homme des temps anciens, dans l'intimité de sa chambre, se laissait emporter par ses rêves d'infini. Et son histoire la touchait au plus profond d'elle-même. Car aujourd'hui son fils, du fond de son isolement, la guidait vers la beauté.
L'organisme qui l’employait imposait un programme aussi pointilleux que rébarbatif, qui débutait par une révision systématique des verbes irréguliers. To give, I gave, given... franchement, qui aurait envie d'apprendre une langue sur des bases aussi austères ? Mais après tout, se résigna-t-il on le payait pour pousser à bachoter, non pour donner du sens.
Seul le sommeil m'accordait une échappatoire : je m'attachais à le prolonger. A dormir, et dormir encore. Ne plus penser. Sombrer plus loin, plus profond, et glisser dans les limbes où ne subsistent ni conscience ni chagrin.