A l'occasion de la parution de son nouveau roman 'Starling' (éditions Eyrolles), Mélanie Taquet s'est prêtée au jeu de notre interview A la croisée des mots. Ou quand le choix entre deux propositions permet de présenter son dernier livre, et mieux connaître l'autrice qui se cache derrière.
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Une fois j'étais avec Max, à la cafétéria du campus. Il trouvait ça bizarre qu'elle ait autant de bracelets, il disait que c'était rien qu'une hippie. Et puis il a vu les bandages, et il l'a interpelée.
- Hé la hippie! T'as essayé de te tuer? C'est con que t'aies raté quand même!
Je m'attendais à ce qu'elle ait les larmes aux yeux, qu'elle crie ou qu'elle se rebiffe, comme ce soir-là dans le RER B. Mais non, elle nous a juste regardé sans rien dire, et son regard a glissé sur moi comme si j'étais invisible. Ça m'a donné l'impression d'un coup de poignard. Elle a commencé à s'éloigner, elle était tellement belle. Max semblait déçu qu'elle ne réagisse pas, alors il a continué de lui crier des trucs. J'ai fini par lui dire :
- Laisse tomber, Max, je crois qu'elle est morte en dedans.
Il n'a pas compris que c'était vrai, alors il a rigolé. Puis il m'a regardé bizarrement et il m'a dit :
- Pourquoi tu chiales?
J'ai essuyé mes joues inondées.
- Je chiale pas. C'est juste un courant d'air.
Une demi-heure plus tard, Karen traînait son amie dans un salon de coiffure hors de prix. Elle colla une bise sonore à un certain Stefano, et lui expliqua qu’il s’agissait d’une urgence. Hannah s'installa au bac. Les doigts agiles de Stefano accomplirent des miracles, et la jeune femme semblait plus que satisfaite en admirant le résultat dans les immenses miroirs du salon. Ses cheveux avaient retrouvé brillance et vitalité, et la coupe était simple mais lui allait bien.
— Dix ans de moins ! s'exclama Karen. Comme je dis toujours, il y a trois hommes que tu dois choisir avec beaucoup de soin dans ta vie : ton mari, ton amant et ton coiffeur. Tu es splendide, darling.
Hannah remercia chaleureusement Karen, qui régla la note.
Je l'ai encore croisée ce matin. J'ai changé de trottoir dès que j'ai reconnu sa démarche éthérée, mais ça n'a pas suffi. Sa longue jupe flottait derrière elle comme un petit nuage blanc, je trouvais ça tellement joli que j'ai eu du mal à détacher le regard.
... parce qu'il y avait cette petite voix, tu sais ? Celle qui te murmure ce que tu ne veux pas entendre, celle qui perce les bulles et change la face du monde.
Nous étions vendredi, et il était environ seize heures trente quand, dans les allées du cimetière de Neuilly-sur-Seine, devant le caveau familial, je me tins face à mon enfance.
Là, tout de suite, j'ai l'impression que je préfèrerais leurs reproches à mes regrets.
Le mercato centrale, marché couvert non loin du de la basilique Sans Lorenzo, était un ravissement des sens. La lumière se déposait amoureusement sur chaque étal, et mettait en valeur les formes et les couleurs des fruits, légumes, fromages, charcuteries et produits locaux. Lieu de restauration bien connu des Florentins comme des touristes, il s'était imposé comme un point de départ évident pour son aventure gastronomique en Toscane.
Pendant des semaines après l’avoir envoyé, j’étais mal à l’aise rien que d’y penser, puis je me suis rendue compte qu’il n’y avait rien de honteux à être attirée par quelqu’un. Que ça arrivait à tout le monde, tous les jours. Je ne lui demandais rien, j’avais juste besoin de mettre des mots sur ce que je ressentais. J’ai appris à assumer mes désirs, mes émotions. Grâce à lui, mais surtout grâce à moi, j’ai repris ma vie en main, et j’ai travaillé ma high functioning depression. La dysthymie, comme on dit en français. Mais j’ai lutté avec moi-même pendant des mois, parce qu’il habitait mes pensées alors que je savais pertinemment que je ne le reverrais jamais. Quand quelqu’un touche ton âme ainsi, il laisse une empreinte qui met du temps à s’effacer. C’est difficile d’accepter que c’est tout ce que tu auras jamais de lui.
Une évidence la frappa : personne ne devait savoir, car personne ne pourrait jamais comprendre. Son secret, qui la hantait depuis son arrivée à Florence, elle devrait l’enfouir en elle. Profondément. Le recouvrir de jolies choses sans importance comme cette promenade avec Marco. De manière à ce que personne ne puisse le découvrir, le lui voler. De manière à ce qu’elle puisse continuer, et vivre. Libre, pour un temps du moins, ici, à Florence.
Ce bonheur simple, comme tu dis, n'est pas la vraie vie.
Bien entendu, cette semaine était magique, parce que nous avions tous la conscience qu'elle était éphémère.